Gil EMPRIN et Philippe BARRIERE
Extraits du Guide du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, Grenoble, 2001
MAQUIS ET MAQUISARDS
La Résistance a longtemps été réduite dans les mémoires au seul phénomène
maquisard, parce qu'il était la forme de résistance la plus voyante au moment de la libération.
Pourtant, les attentats et les sabotages opérés par des groupes francs "sédentaires", c'est-à-dire
continuant à mener une vie "normale" entre deux actions, est pourtant la seule forme de lutte
armée jusqu'à la mi-43, voire jusqu'au printemps 1944 dans certains secteurs. C'est elle qui sera,
de loin, la plus efficace. En effet, les maquis furent d'abord des refuges pour les "illégaux", qu'ils
soient réfractaires au STO ou résistants politiques trop menacés par la police de Vichy (ou plus
rarement par l'occupant italien).
Les premiers sont d'abord installés en Vercors par le mouvement Franc-Tireur, qui
dispose sur place, en la personne d'Eugène Samuel, le pharmacien de Villard de Lans, d'un
organisateur hors pair. A la fin de l'hiver 1942-43, neuf camps sont implantés dans ce massif, et
au printemps les autres mouvements de résistance créent à leur tour de petits camps en Oisans
et en Chartreuse, autour d'Allevard. Au cours de l'été, dans le Trièves, deux maquis, dont un qui
regroupe des étudiants en théologie protestante (le Trièves est une terre protestante) venus de
Montpellier. Mais ce ne sont en aucun cas des groupes qui pratiquent la lutte armée. Leur
nombre s'élève approximativement à 500 membres et, s'ils ont certes rompu avec l'ordre établi,
ils ne disposent d'aucun moyen sérieux de lutte, leur ravitaillement est aléatoire, leur armement
presque nul. Leur fonctionnement interne dépend en grande partie du degré de sympathie qu'ils
inspirent aux populations rurales des alentours qui les ravitaillent en échange de travaux ou
d'autres services. Parfois se met en place une véritable organisation d'intendance et seuls les
maquis qui se structurent ainsi pourront durer en Vercors et dans le balcon de Belledonne.
Ailleurs, c'est assez logiquement qu'à l'approche de l'hiver, la plupart des camps doivent être
abandonnés. Les premiers maquisards vont alors se fondre tant bien que mal dans une forme de
société semi-Iégale. Embauchés dans des entreprises du Grésivaudan, ou dans des coupes de
bois, ils poursuivent l'action dans les groupes-francs, participant notamment aux sabotages
d'usines et de voies ferrées sur les lignes Grenoble-Lyon et Grenoble-Chambéry. Les maquis,
étant donné leur faible armement et par là même leur relative passivité, n'ont jamais constitués
une réelle menace pour les Italiens, tout au plus un sujet d'inquiétude.
En revanche, dès l'arrivée des Allemands dans la région, le 9 septembre 1943, les
maquis, parfois dénoncés et trahis, ont subi, sans pouvoir se défendre, la répression de l'armée
allemande, assistée des miliciens français fraîchement armés. A Tréminis, dès le 19 octobre
1943, les Allemands arrêtent, fusillent, déportent. A Malleval, le maquis de l'ORA créé par des
militaires de l'ex-armée d'armistice est attaqué par surprise le 29 janvier 1944, et 30 maquisards
sont tués.
Ce premier âge des maquis possède donc un bilan paradoxal : témoignage de
l'engagement et du courage de cette jeunesse résistante qui réunit classes sociales, idéologies et
confessions religieuses différentes, et qui va aussi réinventer une France nouvelle, il est aussi
révélateur de la faiblesse organisationnelle et surtout militaire de la Résistance. Les énergies
étaient là, mais les moyens faisaient cruellement défaut. Les maquis se sont donc éteints fin 43
pour mieux renaître au printemps 44.
En avril-mai 1944 en effet, une sorte de deuxième génération de maquis fleurit. Certains
se reconstituent (Oisans), d'autres se créent (Chartreuse, Valbonnais, Matheysine), avec cette
fois un souci d'action que les rumeurs de débarquement et la présence dans la région d'une
mission des Alliés encouragent.
Les Franc-Tireurs et Partisans, groupes militarisés communistes, longtemps hostiles aux
maquis auxquels ils préfèrent les sabotages et la guérilla urbaine, créent aussi des embryons de
bataillons dans Belledonne et en Chartreuse. L'ensemble compose une structure maquisarde
parmi les plus fortes en France, d'autant que le Comité de la France combattante est devenu le
25 janvier 1944 le Comité de Libération de l'Isère et a décidé qu'un commandement militaire