Actes du Colloque organisé le 24 novembre 2006 par les Groupes

« L’ESTHETIQUE : COMMENT EVITER LES DERIVES ? »
Vendredi 24 novembre 2006, les Groupes parlementaires MR de la Chambre et du Sénat
organisaient un colloque ayant pour thème « L’Esthétique : comment éviter les dérives ».
L’objectif de ce colloque était de rencontrer les différents acteurs concernés par la chirurgie
et la médecine esthétique afin de nous informer sur ces disciplines médicales souvent
surmédiatisées. Nous souhaitions également sensibiliser le grand public sur les dangers qui
peuvent être liés au domaine de l’Esthétique. En effet, nous pensons qu’il est essentiel de
protéger le patient et donc d’encadrer au mieux le secteur esthétique. Dès lors, nous espérons
que des initiatives parlementaires pourront germer de cette matinée de réflexion.
De nombreux membres du secteur médical, des représentants d’associations mais aussi des
citoyens ont participé à cet événement. Le panel des intervenants était constitué de
chirurgiens plasticiens, d’un médecin esthétique et de dermatologues. Après les exposés de
ces derniers, nous avons pu assister à un débat très enrichissant.
Le présent document rassemble les actes de ce colloque, nous vous en souhaitons bonne
lecture.
Daniel Bacquelaine Christine Defraigne Dominique Tilmans
Président du Groupe MR Présidente du Groupe MR Députée
Chambre Sénat
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I. ALLOCUTION DE BIENVENUE ET INTRODUCTION
Madame Dominique Tilmans, députée
Mesdames, Messieurs,
Votre présence ce matin démontre combien les dérives de la chirurgie esthétique sont au cœur
du débat, de vos préoccupations. Nous sommes heureuses, Christine Defraigne et moi-même,
de vous accueillir ici au Parlement.
L'évolution des connaissances, de la médecine, des techniques, des implants, du matériel, de
l'hygiène, des conditions de sécurité permet à l'homme, la femme, de réaliser ce dont il a
toujours rêvé, modifier son apparence.
Depuis longtemps déjà, on corrige les oreilles, un nez… On modifie le volume des seins, de la
taille des hanches, des cuisses… On gomme les rides d'un visage ou d’un corps que le temps a
abîmé. Et c'est tant mieux, si la médecine nous permet aujourd'hui à la femme, à l’homme,
d'être mieux dans notre peau.
Mais ce n'est pas tant l'ampleur du phénomène, devenu un véritable produit de consommation,
véritable business qui nous interpelle ce matin, mais surtout, l'absence de législation, de
normes, d'encadrement qui nous amène à réfléchir, à réagir et à organiser le colloque
d’aujourd’hui.
Pas de statistiques fiables mais des estimations :
Entre 20.000 et 30.000 liposuccions seraient pratiquées chaque année en Belgique et 10.000
femmes auraient recours aux implants mammaires.
Ce phénomène ne touche pas uniquement les adultes, mais aussi les ados. Selon une enquête
menée par le magazine britannique « Sneak », si 13% des adolescents se disent satisfaits de
leur corps. A contrario, 87% sont insatisfaits et en 2003 : 331.886 ados américains auraient eu
recours à la chirurgie esthétique.
Je ne m'attarderai pas sur les dérives du tourisme esthétique pour lequel de plus en plus
d’européens se rendent en Tunisie ou au Maroc pour se faire opérer.
Ni sur la chirurgie esthétique qui va jusqu'à modifier les organes génitaux pour s'identifier aux
derniers canons des médias pornographiques.
Je ne m'attarderai pas non plus sur les différentes causes de l'engouement pour la chirurgie
esthétique qu'elles soient notre mode de vie, nos standards, la surmédiatisation par la presse
écrite et télévisée, les émissions de voyeurisme où l'on peut gagner deux ou trois interventions
esthétiques lors d'un concours!
Je m'en tiendrai aux objectifs de notre colloque en me réjouissant de la qualité du panel des
intervenants qui ont accepté avec nous (Chambre et Sénat) de consacrer cette matinée à
analyser les dérives de la chirurgie esthétique, afin de réfléchir aux avancées législatives bien
indispensables.
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Les compétences médicales sont au cœur du débat.
On estime entre 450 et 600 médecins qui pratiquent aujourd'hui la médecine esthétique.
Mais :
- Seuls 200 chirurgiens plasticiens sont reconnus par la Société Royale belge de
Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ;
- Sans oublier les spécialistes : dermatologues, ORL, ophtalmologues…
praticiens qui réalisent également des actes esthétiques ;
- Mais également les médecins esthétiques qui comptent 60 membres et qu'une
charte éthique rassemble ;
- Ensuite, il y a les autres non reconnus, peu ou pas expérimentés, peu ou pas
formés, peu ou mal équipés et souvent mal encadrés qui procèdent à des actes
qui échappent à des compétences réelles et légales et qui sont la cause de bon
nombre de dérives et de dangers. Dans ce cas, la sécurité des patients n'est plus
assurée.
Dès lors, beaucoup de questions se posent :
Que faire pour assurer les conditions maximales de sécurité aux patients?
Quelles sont les limites de la chirurgie esthétique? Quels sont les actes qui relèvent de cette
discipline?
Les médecins spécialistes doivent-ils suivre une formation complémentaire? Quels actes
peuvent-ils réaliser?
Quel statut réserver aux médecins esthétiques? Sont-ils complémentaires aux chirurgiens
esthétiques?
Ne devrait-on pas créer une spécialisation en médecine esthétique dans nos universités?
Ne devrait-on pas mettre en place une commission d'agréation?
Quant à la liposuccion réalisée aujourd'hui par de nombreux praticiens, devons-nous la
réserver aux seuls chirurgiens plasticiens?
Voilà une batterie de questions sur lesquelles nous souhaiterions vous entendre.
Mais il y en a d'autres, notamment celle relative à la publicité des praticiens esthétiques.
En 2005, j'ai interrogé le Ministre de la Santé sur la dérive mercantile de cette discipline en la
faisant suivre d'une proposition de loi où je propose d'encadrer la publicité relative à la
chirurgie esthétique. En effet, toute publicité devra mentionner dorénavant différents éléments
pour être autorisée dont : le prix, les complications et effets secondaires possibles, la
qualification du praticien et les résultats qui peuvent être attendus.
Notre texte prévoit d'ailleurs des sanctions pénales en cas de non-respect de cette obligation.
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Ici aussi je lance le débat, faut-il encadrer la publicité ou l'interdire comme en France, mais
alors avec quel contrôle et par qui?
N'est-il pas préférable de proposer une publicité bien encadrée qui répondra aux attentes et à
la sécurité des patients?
Autre sujet de débat qui fait suite à une seconde question que j'ai posée en ce début d'année au
Ministre de la Santé et sur laquelle travaille également Christine Defraigne au Sénat.
Elle est relative à la « prolifération » de centres privés de médecine/chirurgie esthétique, non
hospitaliers aujourd'hui hors contrôle.
En effet, sommes-nous conscients qu’il est possible - hypothèse extrême – qu’un médecin
sans formation particulière ouvre un centre privé de chirurgie esthétique grâce à des capitaux
étrangers dans un but essentiellement commercial et ce, sans contrôle en termes
d’encadrement, d’établissement, de formation et d’hygiène ?
Face à la multiplication de ces « cliniques business », il est urgent de réfléchir ensemble à une
législation adaptée qui garantisse la sécurité des patients.
Comme vous pouvez le constater, nos questions sont nombreuses mais je voudrais remercier
la Chambre des représentants et en particulier son Président, Monsieur Herman De Croo ainsi
que mon chef de Groupe, Monsieur Daniel Bacquelaine, d’avoir permis l’organisation de cet
évènement.
En outre, je me réjouis de l’association des deux groupes parlementaires MR de la Chambre et
du Sénat réunis autour de cette problématique.
Notre matinée va se dérouler en deux temps :
Dans un premier temps, nous allons entendre le point de vue des chirurgiens plasticiens.
Dans un deuxième temps, après une pause-café, le point de vue des médecins esthétiques et
des dermatologues que Christine Defraigne introduira.
Laissez-moi vous présenter les trois premiers intervenants.
Le Docteur Denis Goldschmidt, chirurgien plasticien et chef de service de chirurgie
plastique au CHIREC à Bruxelles. Il est, par ailleurs, « President Elect » de la Société
royale belge de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique.
Le Professeur Albert de Mey qui est professeur de chirurgie plastique à l’ULB et ancien
Président de la Société royale belge de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique.
Le Docteur Jean-Luc Nizet qui est chirurgien plasticien à Liège et Président de la
Commission d’Agrément francophone.
Je vous souhaite d'ores et déjà un excellent colloque, qui je l’espère, va nous permettre grâce à
votre expertise et vos conseils d’aboutir à une législation efficace et indispensable afin de
combler le vide juridique qui laisse aujourd’hui la porte ouverte à toutes les dérives.
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