La crise financière asiatique: quelles leçons en tirer?

La crise financière
Quelles leçons en tirer?
Maintenant que la crise asiatique est derrière nous, quelles leçons pouvons-nous
en tirer et comment les appliquer pour éviter de nouvelles crises et limiter les
dégâts de celles qui surviendront à l’avenir?
Timothy Lane
L
A CRISE financière asiatique qui
s’est propagée de la Thaïlande aux
autres pays de la région au cours du
deuxième semestre de 1997 a plongé
ces pays dans une profonde récession, avec
son cortège de chômage, de misère et de dé-
sagrégation sociale. Son apparition, sa pro-
pagation et sa persistance ont également re-
mis en cause un certain nombre d’idées
reçues : elle a surtout frappé les «tigres asia-
tiques», qui ne souffraient guère des fai-
blesses habituelles des pays qui font appel au
FMI. Ils avaient des budgets excédentaires,
des taux d’épargne privée élevés, une infla-
tion faible et, pour la plupart, un taux de
change dans les normes.
La crise semble maintenant terminée : les
marchés se sont stabilisés et des reprises vi-
goureuses sont en cours, même s’il reste à
réaliser bon nombre des nécessaires réformes
structurelles. Cependant, les événements des
deux dernières années ont soulevé des ques-
tions importantes. Pourquoi ces pays ont-ils
connu une telle crise? Pourquoi les pro-
grammes appuyés par le FMI en Corée, en
Indonésie et en Thaïlande n’ont-ils pas per-
mis de stopper la panique des marchés et
d’empêcher une brutale récession qui a suivi?
Fragilité financière
Plusieurs facteurs ont pu contribuer au dé-
clenchement et à la propagation de la crise
asiatique, mais le principal a été, semble-t-il,
la fragilité financière. Quatre aspects inter-
dépendants retiennent particulièrement l’at-
tention : 1) beaucoup d’institutions finan-
cières et d’entreprises avaient contracté, sans
couverture adéquate, des emprunts en de-
vises qui les rendaient vulnérables à la dépré-
ciation de la monnaie nationale; 2) il s’agis-
sait pour l’essentiel de dettes à court terme
alors que les actifs étaient à plus long terme,
d’où le risque d’une crise de liquidité aux
effets semblables à ceux d’une ruée sur les
guichets des banques; 3) avant la crise, les
prix s’étaient envolés sur les marchés bour-
siers et immobiliers, et une chute brutale des
prix des actifs était donc à craindre; 4) l’al-
location du crédit était souvent déficiente,
ce qui a contribué aux problèmes de plus
en plus criants des banques et autres institu-
tions financières.
Comment les systèmes financiers de ces
pays sont-ils devenus si fragiles? La dégrada-
tion tient en partie à l’inefficacité du contrôle
et de la réglementation du système financier,
dans le contexte de sa libéralisation. La libé-
ralisation des mouvements de capitaux a été
mal planifiée, favorisant l’emprunt à court
terme alors même que la souplesse limitée
des taux de change poussait les emprunteurs
à sous-estimer le risque de change. Les poli-
tiques monétaires ont autorisé l’explosion du
crédit intérieur. L’imprudence des banques et
des entreprises emprunteuses n’a eu d’égale
que celle des prêteurs étrangers qui trahissait,
peut-être, une gestion déficiente des risques,
une perception erronée des garanties pu-
bliques implicites et l’insuffisance des infor-
mations disponibles.
Finances & Développement / Septembre 1999
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Finances & Développement / Septembre 1999 45
Dans ces conditions, la crise financière, une fois déclen-
chée, a été difficile à arrêter. La débandade des investisseurs
nationaux et étrangers a créé un cercle vicieux : la dépré-
ciation des monnaies nationales a rendu un nombre croissant
d’institutions insolvables, réduisant encore les chances de
remboursement des créanciers et accélérant l’hémorragie de
capitaux. En outre, de nombreux facteurs défavorables sont
venus aggraver la situation après la mise en place des pro-
grammes appuyés par le FMI : les événements politiques et le
peu d’empressement des autorités à appliquer les mesures
convenues ont semé le doute quant à leur volonté de réforme;
des chiffres inquiétants (à propos surtout du bas niveau des
réserves internationales), jusque-là occultés, ont été dévoilés
au plus fort de la crise; en Indonésie, les indispensables ferme-
tures des banques insolvables n’ont été assorties que de ga-
ranties limitées pour les déposants sans assurance claire quant
à leur protection dans l’éventualité d’autres fermetures; en
outre, l’incertitude régnait quant au montant des concours
financiers qui serait effectivement disponible.
Gestion de la crise
La riposte, au travers des programmes appuyés par le FMI,
s’est organisée sur trois fronts : de vastes plans officiels de fi-
nancement, assortis de mesures visant à contenir l’exode des
capitaux privés; un ensemble sans précédent de réformes
structurelles; et des politiques macroéconomiques visant à
lutter directement contre la crise. La substance des pro-
grammes est étudiée de façon plus approfondie dans d’autres
articles (voir, par exemple, Lane et al., 1999), mais nous en dé-
crivons ci-dessous certains des aspects principaux.
Financement. Impressionnants à première vue, les montages
financiers élaborés pour venir en aide aux pays asiatiques
frappés par la crise (36 milliards de dollars pour l’Indonésie,
58 milliards pour la Corée et 17 milliards pour la Thaïlande)
ne l’étaient plus autant en comparaison des flux potentiels de
capitaux privés. De plus, ces sommes n’étaient pas entièrement
disponibles — du moins au départ — pour contrer les ten-
sions du marché. D’abord, les concours du FMI étaient dé-
caissables par tranches réparties sur la durée prévue des pro-
grammes, selon une formule habituelle qui doit inciter les
autorités des pays bénéficiaires à ne pas dévier des politiques
d’ajustement convenues, mais qui les a en fait empêchées de
contrer immédiatement les pressions du marché. En outre, une
partie de l’aide bilatérale promise à la Corée et à l’Indonésie —
la «seconde ligne de défense» — n’a jamais été décaissée.
Par ailleurs, les programmes ne pouvaient se déployer
comme prévu que si un montant substantiel de capitaux
privés demeurait sur place. L’objectif initial était de rassurer
les marchés pour que les investisseurs décident d’eux-mêmes
de ne pas retirer leurs capitaux. Seule la Thaïlande a cherché
d’entrée de jeu à conclure un accord implicite avec ses créan-
ciers. La Corée, qui a subi une sortie massive de capitaux
privés au cours des trois premières semaines de l’application
de son programme de réforme, n’a évité le défaut de
paiement que grâce à une entente de dernière minute con-
clue avec ses principaux créanciers bancaires en vue de la
reconduction de ses lignes de crédit, suivie d’un accord de
rééchelonnement de sa dette à court terme. En Indonésie, un
moratoire de fait a été imposé, et les discussions avec les
créanciers ont été entamées en février 1998. La restructura-
tion a été compliquée par le fait que près de la moitié de la
dette extérieure totale avait été contractée par des entre-
prises, et non des banques.
Il y a lieu de se demander s’il n’y aurait pas eu moyen
d’agir plus tôt et plus vigoureusement pour associer les
créanciers privés aux opérations de sauvetage, c’est-à-dire
de les obliger à maintenir leur niveau de financement net
dans les pays débiteurs — par la restructuration de la dette
et la régulation des sorties de capitaux. Cette idée est inté-
ressante : elle permet de briser le cercle vicieux sorties de
capitaux–dépréciation–insolvabilité, et de faire comprendre
aux créanciers privés que les concours financiers officiels ne
suffiront pas nécessairement à leur sauver la mise. Cepen-
dant, il n’est pas aisé, en pleine crise, de convaincre les inves-
tisseurs privés de prendre part au tour de table. Une inter-
vention musclée aurait presque certainement exacerbé la
contagion et risqué au total de causer un exode, et non un
afflux, des capitaux privés dans les pays touchés. La réflexion
de fond qui a suivi la crise a donc principalement porté sur
la mise en place de dispositifs préventifs pour maintenir
l’exposition du secteur privé, plutôt que sur l’adoption de
mesures radicales après coup.
Réformes structurelles. Les réformes structurelles ont été
d’emblée au coeur des programmes nationaux conçus pour
s’attaquer aux causes et aux conséquences de la crise, et créer
des conditions propices à la croissance à moyen terme. Les dé-
tails de ces réformes, qui sortaient en général du champ de
compétences du FMI, ont, dans bien des cas, été mis au point
en collaboration avec la Banque mondiale et la Banque asia-
tique de développement.
Les réformes structurelles visaient essentiellement le
secteur financier et les entreprises, avec un double objectif :
1) réparer les dégâts causés par la crise (fermeture des institu-
tions insolvables et renforcement de celles jugées viables; mise
en place de mesures visant à limiter les risques de ruée sur les
guichets des banques et l’expansion incontrôlée des liqui-
dités); 2) remettre le système sur une assise solide — no-
tamment en améliorant le contrôle et la réglementation du
secteur financier — afin de réduire les risques de nouveaux
problèmes. Ces deux volets étaient interdépendants. Il aurait
été vain de remettre sur pied des institutions faibles pour
qu’elles poursuivent leurs activités dans un système mal régle-
menté, et il y aurait eu très peu d’avantages à mettre en place
un système moderne de réglementation pour des institutions
insolvables ou au bord de la faillite.
Les réformes structurelles englobaient beaucoup d’autres
domaines. En vue d’améliorer la gestion des affaires publiques
et la concurrence, des efforts ont été engagés pour réformer les
monopoles et les cartels d’État, renforcer les lois sur la concur-
rence et accroître la transparence des données économiques et
financières. Les réformes du commerce international visaient
principalement à favoriser la poursuite de la libéralisation, afin
d’éviter un retour à la politique du chacun pour soi.
Les réformes du secteur social, destinées à consolider et à
élargir les dispositifs de protection sociale existants, ont été es-
sentielles, au vu des préoccupations suscitées par les effets de la
crise sur les populations pauvres et vulnérables. Elles visaient à
favoriser les transferts de revenus, à lutter contre le chômage au
moyen de divers programmes d’aide à
l’emploi et de formation, à limiter les ré-
percussions des hausses de prix sur les
ménages pauvres en créant ou en main-
tenant des programmes de subventions
pour l’alimentation, l’énergie et le trans-
port, et à protéger l’accès des pauvres aux
soins de santé et à l’éducation.
L’ampleur de ces programmes de ré-
formes structurelles amène à se deman-
der si on n’a pas péché par excès. Il ne
faut pas prendre cette critique à la légère :
si le bien-fondé des mesures prises pour
le secteur financier et les entreprises n’est
pas contesté, la nécessité immédiate de
bien d’autres réformes est moins évi-
dente. Des questions importantes per-
sistent quant au rythme et à l’enchaînement appropriés des ré-
formes, et quant à l’importance relative accordée aux divers
aspects alors même que les programmes étaient de plus en
plus centrés sur le secteur financier et les entreprises, ainsi que
sur la politique sociale.
Politiques macroéconomiques. Tandis que les programmes
initiaux de soutien du FMI étaient en préparation, les au-
torités des trois pays en crise ont été contraintes par la pres-
sion massive des marchés à laisser flotter leurs monnaies. On
a donc tenu cette mesure pour acquise, et les politiques ont
été formulées en conséquence. La décision de ne pas chercher
à rétablir l’arrimage du taux de change était principalement
justifiée par l’insuffisance des réserves et par la réticence des
autorités à adopter une politique monétaire rigoureuse pour
défendre la parité.
Le flottement des monnaies et les turbulences qui se-
couaient les marchés à l’époque ont contraint la politique
monétaire à faire un arbitrage délicat entre le désir de résister
aux pressions du marché pour éviter la spirale déprécia-
tion–inflation et celui de limiter les effets néfastes de l’austérité
monétaire sur le secteur réel de l’économie. Les résultats ont
été très différents selon le pays. La Corée et la Thaïlande ont
présenté des cas d’école de stabilisation réussie : les taux d’in-
térêt nominaux, après une certaine période de flottement, ont
connu une hausse sensible, et les taux réels ont atteint des
sommets de plus de 20 % en Corée et d’environ 15 % en
Thaïlande, avant de baisser graduellement. À partir du milieu
de 1998, les taux d’intérêt nominaux et réels des deux pays
étaient égaux ou inférieurs à ceux d’avant la crise, tandis que
les tensions s’atténuaient et que les monnaies se raffermis-
saient. En Indonésie, les choses ont été très différentes : la poli-
tique monétaire a dérapé sous l’effet de l’injection massive de
liquidités dans un système bancaire en voie d’effondrement,
sur fond de graves troubles politiques et sociaux. L’expansion
monétaire a précipité la dépréciation de la roupie alors que le
taux d’inflation montait en flèche. Les taux d’intérêt nomi-
naux ont été poussés à des niveaux élevés, mais cette hausse
a été provoquée entièrement par la dépréciation et par l’aug-
mentation des primes de risque; les taux d’intérêt réels sont
demeurés négatifs à partir du début du programme appuyé
par le FMI et pendant tout l’été 1998. La masse monétaire au
sens large, en termes réels, et le crédit ont poursuivi leur ex-
pansion, avec toutefois d’importantes
fluctuations mensuelles liées aux sur-
sauts de l’inflation. Ainsi, la situation
monétaire a échappé à tout contrôle et
les perturbations du marché ont per-
sisté, créant un cercle vicieux. La situa-
tion ne s’est finalement stabilisée qu’au
cours des derniers mois de 1998.
L’expérience de ces pays donne à
penser que le resserrement de la poli-
tique monétaire a été un moyen efficace
de stabiliser la monnaie. En fait, il au-
rait peut-être été moins coûteux d’agir
plus tôt et plus énergiquement dans ce
sens. La période de taux d’intérêt élevés
a été relativement éphémère et n’a pas
provoqué l’implosion de la monnaie ni
du crédit. Les portefeuilles des banques en ont pâti, mais elles
auraient encore plus souffert si on avait laissé filer la déprécia-
tion. Toutefois, des questions subsistent quant au degré de
rigueur voulu et à l’efficacité d’une telle politique dans un
contexte d’insolvabilité généralisée. Et les conséquences né-
fastes du resserrement du crédit sur nombre d’emprunteurs
potentiels, notamment les petites entreprises, sont également
préoccupantes. Cela montre bien l’urgence de poursuivre la
restructuration du secteur financier afin d’éliminer les obs-
tacles qui nuisent à l’allocation efficace du crédit.
Avant la crise, la situation budgétaire de ces pays était rela-
tivement solide, et ils affichaient des excédents depuis plusieurs
années. La politique budgétaire expansionniste n’a contribué
au déclenchement de la crise qu’en Thaïlande. Lorsque les poli-
tiques budgétaires ont été élaborées au départ, dans le cadre des
programmes, on s’attendait à une poursuite de la croissance,
malgré un possible ralentissement, et on prévoyait que le
compte des transactions courantes aurait besoin d’être renforcé
pour faire face à un reflux des capitaux étrangers. Certaines
mesures de rééquilibrage budgétaire devaient servir à alléger le
fardeau de l’ajustement pour le secteur privé et à absorber les
coûts de la restructuration financière et la hausse des dépenses
sociales. Les mesures prévues étaient plus radicales pour la
Thaïlande, où le déficit avait augmenté l’année précédente. En
Corée et en Indonésie, par contre, même les programmes ini-
tiaux prévoyaient peu de mesures globales d’assainissement et
se limitaient à chercher ailleurs dans le budget des ressources
pour couvrir le coût prévisible de la recapitalisation des
banques. Rétrospectivement, au vu de la chute de la demande
privée, la politique budgétaire aurait dû être plus expansion-
niste, et elle a complètement changé de cap lorsque ce constat
s’est imposé. La détérioration du climat économique a conduit
directement à des hausses substantielles des déficits budgé-
taires, accompagnées, à partir de 1998, par un assouplissement
des objectifs budgétaires des programmes.
Les leçons de la crise
La crise soulève un certain nombre de questions importantes
pour le système financier international, dont beaucoup sont
liées à la mise au point d’une nouvelle architecture financière
internationale. Elle a montré en particulier combien il est dif-
ficile d’arrêter une crise, une fois qu’elle est enclenchée,
Finances & Développement / Septembre 1999
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«Les réformes du
secteur social ont été
essentielles au vu des
préoccupations
suscitées par les effets
de la crise sur les
populations pauvres
et vulnérables.»
compte tenu de la vitesse avec laquelle les flux de
capitaux à court terme peuvent réagir à l’évolu-
tion du sentiment du marché. La clé du pro-
blème réside donc dans la prévention.
Mais comment les pays peuvent-ils éviter
l’accumulation des facteurs de vulnérabilité qui
ont conduit à la crise asiatique? D’abord, cela
ne fait aucun doute, en appliquant de saines
politiques macroéconomiques. Le régime de
change est un aspect particulièrement contro-
versé, car de nombreux observateurs accusent
la flexibilité limitée du taux de change d’avoir
favorisé les entrées de capitaux au cours de la
période qui a précédé la crise. Certains en con-
cluent que les seules solutions viables consistent
soit à laisser la monnaie flotter, soit au contraire
à imposer une parité fixe (par la mise en place
d’une caisse d’émission ou par la dollarisation),
tandis que d’autres sont sceptiques quant à la
validité de cette loi du «tout ou rien». La ré-
flexion et la recherche se poursuivent activement sur ce sujet.
L’amélioration de la réglementation et du contrôle du
secteur financier, tant dans les pays débiteurs que chez leurs
créanciers, est un autre élément clé. La crise a également fait
ressortir les failles possibles de la gestion du risque par les in-
termédiaires financiers internationaux, en particulier la fai-
blesse des analyses de sensibilité du risque à une évolution des
prix qui reste possible, quoique peu vraisemblable.
La transparence est un autre élément important de la pré-
vention des crises. La diffusion de certaines informations
inquiétantes au plus fort de la crise asiatique a exacerbé la
panique sur les marchés. Ces informations auraient dû être
dévoilées plus tôt, à un moment où elles auraient plutôt con-
tribué à ralentir les entrées de capitaux. En temps normal,
l’amélioration des normes de diffusion des données et les
mesures visant à accroître la transparence des politiques
pourraient aider les marchés à mieux évaluer les risques,
empêchant ainsi l’aggravation des déséquilibres et favorisant
l’intervention en temps utile des décideurs pour corriger les
vulnérabilités. Une plus grande transparence de la part du
FMI lui-même fait partie intégrante de ce programme.
Un resserrement de la surveillance internationale avec un
contrôle plus étroit du secteur financier et le suivi de l’appli-
cation des normes internationales pourraient également
aider les décideurs à anticiper les problèmes. Un volet régio-
nal devrait également permettre d’avertir les responsables en
cas de contagion anticipée comme celle qui a caractérisé la
crise asiatique.
Il est plus difficile de déterminer comment associer les
créanciers privés à la prévention ou à la résolution des crises.
Tout le problème est de maintenir l’exposition des créanciers
privés — et de faire supporter leurs pertes aux créanciers à
court terme, le cas échéant — sans trop exacerber la contagion.
Depuis peu, les instances internationales s’attachent à évaluer
les mérites des mesures préparatoires qui peuvent être prises en
temps normal — par exemple modification des contrats obli-
gataires types pour en faciliter la restructuration en cas de crise
et établissement de lignes de crédit préventives auprès d’insti-
tutions financières privées. La question de la révision de la poli-
tique du FMI concernant les prêts aux pays ayant
des arriérés de paiements envers des créanciers
privés vient se greffer sur ce problème.
La régulation des mouvements de capitaux
présente un autre problème épineux dont on
distingue trois aspects principaux : 1) l’ordre
dans lequel il convient de libéraliser les mouve-
ments de capitaux, la crise ayant en effet montré
qu’il est dangereux de libéraliser les flux à court
terme tout en continuant à restreindre les flux à
long terme et que la libéralisation doit aller de
pair avec le renforcement du système financier;
2) les avantages possibles d’un impôt visant à
décourager les entrées de capitaux à court terme
(formule adoptée au Chili); 3) l’efficacité de la
régulation des mouvements de capitaux en si-
tuation de crise. Le problème principal pour le
système international n’est pas tant de savoir si
le contrôle des changes aurait limité la gravité
de telle ou telle crise, mais de déterminer si un
régime où l’on tend à imposer des contrôles en cas de crise
permet de réduire ou d’augmenter le nombre et l’intensité de
ces crises — compte tenu du fait que la perspective du con-
trôle des changes incite les investisseurs à retirer leurs capitaux
aux premiers signes d’un problème. Il faut aussi prendre en
compte les répercussions à plus long terme : la restriction de
l’accès aux marchés internationaux des capitaux.
La gestion des crises présente une autre série de problèmes
distincts. S’agissant de la politique monétaire, l’expérience de
la crise asiatique incite à conclure que la rigueur a en général
porté ses fruits. Après une période de taux d’intérêt élevés, les
tensions se sont atténuées et les taux ont été ramenés à un ni-
veau inférieur à celui d’avant la crise. En fait, un raffermisse-
ment plus précoce de la politique monétaire aurait peut-être
permis de lutter encore plus efficacement contre la crise.
Néanmoins, de nombreuses questions importantes concer-
nant l’efficacité d’une hausse des taux d’intérêt en cas de crise
caractérisée par une insolvabilité généralisée restent sans
réponse. En ce qui a trait à la politique budgétaire, la crise a
mis en lumière la nécessité pour les pays d’adapter leur ri-
poste à l’évolution des conditions macroéconomiques. S’agis-
sant des politiques structurelles, la crise a non seulement
montré l’importance d’une riposte énergique, mais aussi
soulevé des questions importantes — dont la plupart restent
toujours sans réponse — quant au rythme et à l’enchaîne-
ment optimaux des réformes.
Finalement, la crise nous a amenés à revoir le mode de dé-
ploiement des financements officiels face aux crises, en nous
interrogeant notamment sur le montant et l’échelonnement
appropriés de l’assistance du FMI aux pays exposés aux pres-
sions du marché. La mise en place récente de la ligne de crédit
préventive, qui permettrait d’offrir des financements à grande
échelle aux pays risquant de souffrir de la contagion finan-
cière, représente un progrès important à cet égard.
Références :
Timothy D. Lane et al., IMF-Supported Programs in Indonesia,
Korea, and Thailand: A Preliminary Assessment, Étude spéciale nº 178
du FMI (Washington, Fonds monétaire international, 1999).
Finances & Développement / Septembre 1999 47
M. Timothy Lane est
Chef de la Division de
l’examen des politiques,
Département de l’élabo-
ration et de l’examen
des politiques du FMI.
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