tout le monde est occupe - L`Entre-Pont

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TOUT LE MONDE EST OCCUPE
De Christian Bobin,
Mise en scène Maia Jarville
« Il y a des fous tellement fous que rien ne pourra jamais leur enlever des yeux la jolie fièvre d’amour.
Qu’ils soient bénis. C’est grâce à eux que la terre est ronde et que l’aube chaque fois se lève, se lève,
se lève. » Christian Bobin.
1
Sommaire
SYNOPSIS ............................................................................................. 3
NOTE D’INTENTION ............................................................................. 4
PRESENTATIONS .................................................................................. 6
UN ROMAN AU THEATRE, POURQUOI ? .............................................. 8
UN ROMAN AU THEATRE, POUR QUI ? ............................................. 10
UN ROMAN AU THEATRE, COMMENT ? ............................................ 11
PROPOSTITIONS DE MEDIATION ET D’ACTION CULTURELLE ............. 14
QUELQUES EXTRAITS DU TEXTE ........................................................ 18
ARTICLES DE PRESSE .......................................................................... 20
2
TOUT LE MONDE EST OCCUPE,
(ou la sublimation d’une quotidienne catastrophe)
SYNOPSIS
Ariane tombe amoureuse. Le jour de son mariage elle s’arrache le cœur de la poitrine et
l’offre, chaud et palpitant, à son époux, qui par maladresse le laisse tomber. Il se brise en
trois morceaux en touchant le sol ; elle aura trois enfants.
On bascule alors de l’autre coté du conte, après « ils vécurent heureux et eurent beaucoup
d’enfants ». Et là, c’est comme la vie ; une succession d’imprévus fantaisistes. Ariane quitte
son mari la nuit même de son mariage, enceinte. Elle continue de faire le ménage chez les
riches, et accouche dans un train fantôme ; sa fille s’appellera Manège.
Manège ne ferme jamais les yeux. Le jour où elle se met à parler, c’est pour prédire l’avenir.
Vient alors un autre mari, un plombier moustachu qui siffle Mozart, et un deuxième enfant :
Tambour.
Dehors, une révolution.
Puis encore un autre homme, un troisième enfant, et tous ceux qui traversent l’histoire ; les
amis, les amis des amis, les amis des enfants, le chat et le canari.
Tous, même réunis, continuent de n’être habités que de leurs propres obsessions. C’est
l’histoire d’une tribu joyeuse, d’une maison pleine de monde et de rires d’enfants où
s’installe peu à peu, discrètement, la solitude. Une solitude profonde et dangereuse, qui les
mènera d’un pas dansant, certes, mais inéluctable, vers leur tragédie.
L’ avis de Jean-Rémi Barland ( Revue Lire)
Résumer le dernier roman de Christian Bobin, c'est forcément en affadir son propos, tant
il est évident que tout ici, de l'intrigue à la forme, relève de la fantasmagorie et du miracle
littéraire. Cent vingt-cinq pages oniriques qui, feignant de raconter le quotidien banal
d'une jeune femme employée de maison se prénommant Ariane, parle d'innocence, de
ruse, de jalousie, de tristesse, d'orgueil, d'amour fou, de lendemains sans espoir et
d'illuminations sans retour.
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TOUT LE MONDE EST OCCUPE
NOTE D’INTENTION
Christian Bobin apporte un regard étonnant dans la littérature contemporaine, et
absolument unique dans le paysage du théâtre contemporain. Un regard plein d’une joie
profonde, à la recherche de la grâce. Un regard qui s’empare des choses les plus simples du
quotidien et les élève, les sublime.
Dans Tout le monde est occupé son écriture poétique –poésie vivante, incarnée- amène le
récit vers le conte. C‘est léger et cruel, comme le sont les contes.
L’histoire en elle-même est simple, c’est une succession de scènes quotidiennes, presque banales –
et c’est de ce banal que sans cesse nait la magie, l’extraordinaire, comme une incapacité à tolérer le
réel.
C’est une écriture que je qualifierai d’anti-événementielle : pas de héros, pas d’acte
historique, beaucoup de vide et de silence. Mais c’est justement dans ce vide que s’opèrent
les glissements oniriques, à partir de cette apparente quotidienneté que naissent les rêves
et les fantasmes.
Ici plusieurs réalités coexistent sans jamais se choquer. Christian Bobin met en lumière ce
que l’ordinaire contient d’extraordinaire. Comme s’il voyait le monde en étant de l’autre
coté du miroir.
Et il nous y amène avec lui.
Et l’on entre dans ce monde où tout est possible, où les morts se relèvent, où les amoureux
volent et où les animaux parlent comme l’on entrerait en soi même, pour redécouvrir cette
capacité de s’émerveiller que nous avons tous.
C’est, je crois, ce qui a été si fort dans ma rencontre avec ce texte.
J’y ai reconnu cette chose directe, crue et foudroyante : cette lucidité cruelle qu’ont les
enfants ; un trouble où se côtoient bonheur et tristesse, angoisse et plaisir, où l’on passe
dans la même seconde du rire aux larmes. Cette sensation de saisir le monde entier d’un
regard, de le transpercer, et d’être soi même transpercé par lui.
« Blessure et lumière vous arrivent en même temps, on ne peut faire le tri, on ne peut
demander un temps de réflexion, une pause, un répit. » C. Bobin
J’y ai reconnu aussi la force que l’on peut déployer pour s’accrocher à cet état d’enfance,
cette certitude que dans l’enfance se trouve le cœur battant du monde.
C’est à partir de cette sensation que je veux travailler, et avec la conviction que le regard que
l’on porte sur le monde peut le modifier.
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La poésie peut-elle agir comme une résistance ?
Peut être pas engagée comme on l’entend en politique, mais une résistance, oui.
A l’air du temps.
Je crois profondément que chaque fois que l’on décide de montrer quelque chose au
théâtre, je veux bien dire juste de le montrer, d’en parler, il s’agit d’un petit acte politique.
Un choix.
A mes yeux , la poésie devient résistance quand elle s’installe sur la place publique pour
s’adresser à chacun dans ce qu’il a de plus intime, de plus secret, c'est-à-dire d’unique et de
sublime, et non pas a ce que nous avons de commun et d’ordinaire.
En adaptant le texte je conserverai la trame de l’histoire, son squelette, et au plateau nous
axerons le travail autour des sensations provoquées par la lecture, par les évocations, par les
images qu’elle contient. Il ne s’agit pas de « faire le roman sur scène » mais de faire vivre
cette poésie qui concerne autant les objets, les ambiances et les non dits que les
personnages et leurs répliques.
Notre travail est celui de la mise en chair autour du squelette. La mise en chair, le délicat
passage à l’incarnation de ces personnages, de ces situations, des forces qui les soutiennent
et des aspirations qui les élèvent.
La vie, le mouvement, la parole.
Travailler avec les contrastes donnés par le roman.
Travailler avec les zones d’ombre, profondes et puissantes, pour laisser apparaitre la
lumière.
Travailler avec humour et légèreté pour laisser surgir le tragique.
Et surtout, surtout, faire du quotidien, du plus banal, une source inépuisable
d’émerveillement.
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PRESENTATIONS
MAIA JARVILLE, metteure en scène
Formée au CNR de Montpellier, puis à l’ERAC (Ecole Nationale
Supérieure) comme comédienne, je travaille depuis bientôt 5 ans,
avec des metteurs en scène expérimentés (Ludovic Lagarde, Youri
Pogrebnitchko, Mario Bucciarelli) mais aussi avec des plus jeunes,
sortis en même temps que moi des écoles, comme avec des collectifs.
(Cie les excitants à Paris, Collectif Moebius à Montpellier).
Ces rencontres me permettent de naviguer à différents postes, de
diriger des acteurs, et mon envie de mettre en scène se précise. Elle se cristallise autour d’un
texte qui m’obsède depuis longtemps : Tout le monde est occupé. C’est un roman, presque
de la poésie, et la recherche d’un langage scénique capable de porter au plateau la
délicatesse de cette écriture est mon moteur premier.
SOUTENUE PAR LE THEATRE DU TREFLE.
C’est en rencontrant le projet de « compagnonnage de jeunes artistes »
du Théâtre du Trèfle que je trouve enfin l’opportunité d’ancrer ce projet
dans le réel.
Le théâtre du Trèfle est une compagnie professionnelle créée en 1979
par Marie Claude Morland, directrice artistique.
Après plus de trente ans de créations, et d’engagement dans ce travail militant qu’est le
Théâtre-éducation, la Compagnie essaye de mettre en place une structure
d’accompagnement de jeunes porteurs de projets. Cette structure, dont je suis la première
bénéficiaire, a pour but de permettre une vraie démarche de création, dans un cadre
professionnel, tout en évitant les lourdeurs administratives que représente la création d’une
compagnie. Se concentrer sur l’acte de création sans être coupée des réalités.
Le cadre idéal pour une première création.
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UN CHEMIN COHERENT VERS LA MISE EN SCENE.
Ce compagnonnage m’a d’ores et déjà permis de suivre un parcours de « formation »
auprès de la compagnie :
 J’ai été assistante à la mise en scène de la dernière création : La confession d’un
enfant du siècle, adapté de Musset par Frédéric Vossier.
 J’ai été intervenante sur un stage de direction d’acteur pour le Master Art du
Spectacle de Poitiers
 J’ai eu l’occasion de travailler sur des projets que la compagnie mène en matière
d’action culturelle, de rédiger ces projets, et de participer à certaines des réunions
avec les institutions et les programmateurs.
 Je suis également comédienne sur le spectacle Les Caprices de Marianne (création
2010 et sur la prochaine création Prairie, texte contemporain de Frédéric Vossier
(compagnonnage d’auteur du ministère de la culture).
Tout ce parcours renforce les liens que j’ai avec la compagnie mais surtout il m’aide à
avancer dans mon parcours d’artiste, à définir plus précisément et plus certainement mon
geste artistique.
UNE EQUIPE AYANT UN PARCOURS COMMUN
La distribution (non définitive) est composée de comédiens et comédiennes issus de la
même formation, et avec qui j’ai eu l’occasion de travailler souvent :
Fanny Fezans, Ludovic Perez, Marie Debasquiat, et Maxime Mikolajczack.
C’est une évidence de continuer avec ces complices ; nos références et nos méthodologies
communes nous permettent de concilier des univers très différents. Nous partageons une
même exigence, une même recherche de qualité, et je sais chacun d’entre eux fort de
grandes qualités artistiques personnelles.
Nous serons accompagnés par une jeune scénographe issue de l’ENSATT, Elsa Belenguier,
qui a réalisé la scénographie de La confession d’un enfant du siècle.
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UN ROMAN AU THEATRE, POURQUOI ?
Parce que j’ai trouvé dans ces mots une matière qui entre en résonnance avec ma propre
recherche au théâtre.
L’écriture de Tout le monde est occupé procède, comme la pensée, par glissements,
associations d’idées, et superpositions d’instantanés. Elle est instinctive et sensuelle, et fait
appel aux sensations (du lecteur ou spectateur) bien plus qu’à sa pensée.
Dans ce texte la lumière, les sons et les objets, ainsi que leurs jumeaux obscurité, silence et
vide sont des acteurs à part entière, et c’est comme ca que j’envisage le plateau.
Christian Bobin nous propose un univers où toutes ces choses ont une importance égale à
celle de la parole.
C’est donc cette adaptation là qui me passionne ; il nous faut nous distancier de la matière
textuelle, pour recentrer le travail sur la matière scénique.
Et c’est, il me semble, un des enjeux du théâtre contemporain.
Parce que c’est le roman de Christian Bobin le plus proche d’une écriture dramatique.
Les textes de Christian Bobin sont toujours au croisement du journal, de l’essai, et de la
poésie en prose ; ils fonctionnent tous par fragments. C’est encore le cas pour celui-ci, mais
c’est aussi le plus incarné : Il y a dans Tout le monde est occupé une trame narrative, des
personnages de fiction, que l’on suit tout au long du roman, et ces « conflits » qui sont si
nécessaires au théâtre. Christian Bobin s’amuse ici avec différents registres, et certains
chapitres sont même complètement dialogués, comme du théâtre.
Une autre particularité de ce texte est la présence forte de la voix de l’auteur, que l’on
entend derrière chaque mot. Il écrit comme il pense, et les « difficultés » liées au roman
(description, narration, etc.) sont désamorcées par la continuité de cette parole.
« Quand j’écris, les mots me viennent dans la bouche, avant de venir sur la page. Même en
écrivant je me tiens au bord de l’oral » dit Christian Bobin dans une interview de 1994.
Le narrateur apparait comme un personnage à part entière, une sorte de conteur, qui garde
toujours du recul sur sa propre histoire, et donc une capacité de s’en extraire et de la
regarder avec humour.
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Parce que cela m’intéresse d’amener au théâtre des thèmes et des valeurs qui n’y ont que
rarement leur place.
On trouve en effet dans l’écriture de Bobin ces thèmes pour ainsi dire désuets, qui me
semblent pourtant fondamentaux : la bienveillance, la recherche du beau, ainsi qu’une
forme de spiritualité débarrassée du dogme religieux et du carcan social.
On trouve dans ce roman un monde où les vieux, les moches, les pauvres et tous les
déshérités ont leur place.
On y croise ces « petits personnages » qui me bouleversent tant :
Ils ne sont les héros que de leur propre quotidien, mais en étant libres à leur façon, fous à
leur façon, ils nous ouvrent les portes d’un monde où tout peut être source de joie, où les
détails de l’existence en sont les fondements.
Parce que c’est un appel à vivre plus proche de soi-même.
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UN ROMAN AU THEATRE, POUR QUI ?
Grâce aux thèmes du roman comme au traitement que je veux en faire, j’espère …
Pour tous.
C’est une histoire « familiale », qui interroge des thèmes à partager à tous les âges :
 Les notions de normalité et de marginalité,
 La frontière -ou le lien- entre la folie et le génie,
 La confrontation entre l’ordinaire, le familier, et l’extraordinaire ou le bizarre.
Un théâtre contemporain bien sûr, mais qui se veut accessible autant qu’exigeant.
C’est une des grandes forces de ce texte ; mêlant une écriture limpide et joyeuse à des zones
plus troubles, plus inquiètes ; il est compréhensible sur plusieurs plans, et à plusieurs
niveaux.
A la question « où êtes vous né, quel est votre lieu d’enfance ? »,
Christian Bobin répond « Le lieu d’enfance, c’est maintenant. »
Et quand on lui demande quand est ce qu’il a commencé à écrire il dit « Le commencement,
c’est dès le début. J’ai tendance à penser que c’est l’enfant de trois ans qui écrit. Je suis
toujours arc-bouté et refusant d’entrer dans les choses qui ne me conviennent pas. Je ne
dispose pas de langue pour dire pourquoi je ne veux pas telle chose. Je ne dispose des mots
que pour l’écrit. »
Des mots venus de l’enfance donc, tout à fait recevables par des oreilles d’enfants, et qui,
dans le meilleur de cas, pourraient aller réveiller les enfants endormis dans les oreilles des
adultes…
J’aimerai aussi dans l’avenir (mais cela interviendra plus tard dans la création) que l’on
puisse travailler avec un traducteur en langue des signes, et ouvrir ce spectacle au public
sourd. Je pense en effet qu’il s’agira d’un spectacle assez visuel, et le signeur, qui pourrait
être sur scène avec les comédiens trouverai tout à fait sa place dans cet univers.
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UN ROMAN AU THEATRE, COMMENT
?
QUELQUES UNS DES AXES DE TRAVAIL
Voilà quelques unes des passionnantes questions que nous propose cette adaptation :
 Comment retrouver cette intimité que l’on partage à la lecture ?
 Comment naissent les sensations ? Quelle en est la plus juste expression au plateau ?
 Quels outils mettre en œuvre pour retrouver ce chemin de l’intime ?
 Quel nouveau langage ?
« La transposition à partir d’un récit non théâtral oblige à questionner la spécificité de chaque art »
Dorian Rossel, pour Quartier lointain
Les quelques pistes que je propose ici sont toutes venues de l’analyse du texte ; elles m’ont
toutes été amenées par l’imaginaire du roman. Il est fondamental pour moi de ne pas
plaquer sur le texte une forme esthétique dénuée de sens.
La pluridisciplinarité me semble d’ailleurs nécessaire pour rendre compte de la forme
littéraire ; Christian Bobin joue perpétuellement avec des registres très variés, et il nous
projette dans des mondes tous différents, et tous régis par des lois différentes.
UNE SCENOGRAPHIE SCULPTEE PAR LE SON ET LA LUMIERE.
Au départ, un plateau nu. Le théâtre dans son plus simple appareil.
La lumière définit un cadre, donne l’idée d’intérieur ou d’extérieur.
Le son peut définir également un extérieur (la forêt, une fête foraine,…) ou un intérieur
(associé au jeu des comédiens, on peut créer tout un décor ; c’est une convention, et si les
comédiens ont fait couler de l’eau d’un robinet imaginaire tout le monde accepte que c’est
un robinet)
J’aime ce principe, car il laisse une grande place à l’imaginaire du spectateur, donc à sa
capacité d’identification. Tout le monde sait que l’évier est là, mais chacun voit un évier
différent.
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DES CHANGEMENTS D’ECHELLES.
Pour créer ces changements d’échelles nous pourrons utiliser des maquettes ; des boites
reproduisant soit le plateau tel qu’il est, soit des paysages beaucoup plus larges. Des
« modèles réduits » des comédiens évolueront dans ces décors. (cf. marionnettes ci-après)
Cela permet entre autres de jouer avec différents types de plans (plans larges, gros plans) et
de créer une sensation d’immensité.
Par exemple pendant la balade en foret d’Ariane et sa fille, on peut les voir toutes deux
gravir une immense montagne en modèle réduit, et avoir un aller retour avec des « gros
plans » sur leurs visages réels.
Cela permet également de faire cohabiter plusieurs réalités ; ou plusieurs visions de la même
réalité. Pour reprendre le même exemple on peut avoir la vision d’Ariane de cette balade en
foret, et la vision de sa fille, dans deux
espaces de jeu distincts.
Exemples de maquettes.
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DES MARIONNETTES
Comme évoqué plus tôt j’imagine des marionnettes à l’image des acteurs et représentant les
personnages qu’ils incarnent.
Cela amène une possibilité supplémentaire de jeu, d’échange des rôles et de glissements…
Un comédien manipulant son propre personnage peut en jouer à plusieurs niveaux.
Elles pourront également intervenir pour donner à certains personnages un mode
d’existence différent.
Je pense entre autre à Crevette, que tout le monde croit morte dans un incendie et qui se
relève des cendres. (Ange ? Petite fille miraculée ? Fruit de l’imagination d’une famille sous
le choc ? Le doute est permis, mais son existence est réelle, bien que différente)
UN (OU PLUSIEURS) MICRO(S) POUR DES PRISES DE PAROLES
DIFFERENCIEES
De même que l’on travaille sur l’idée de « hors champ » en lumière, on peut avoir des voix
off ; ou une parole contée différenciée de la parole directe, que le conteur soit à vue ou pas.
Ce micro étant comme tout le reste un outil théâtral dont on montre le fonctionnement, que
l’on peut échanger, poser, reprendre, faire disparaitre, en fonction des nécessités.
On peut également travailler sur des sons offs, comme sur des bruitages à vue, différenciés
de l’action au plateau. Tous ces décalages amènent du ludisme, de la surprise, et c’est une
chose très active dans l’écriture de Bobin : il donne continuellement des règles pour ne pas
les respecter.
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PROPOSTITIONS DE MEDIATION ET D’ACTION
CULTURELLE
A mettre en place pendant les résidences, en amont du spectacle…
Il est nécessaire à mes yeux -et beaucoup plus excitant pour tout le monde- que toute action
culturelle soit intimement liée au processus de création, au geste artistique qui est le notre,
et aux réalités d’une création en train de se faire.
C’est pourquoi j’ai voulu penser à des propositions qui soient en rapport avec les différentes
étapes de création. Bien sûr il est difficile de prévoir maintenant où en sera le travail, et en
fonction de l’avancement nous les adapterons, les modifierons, ou les réinventerons
complètement…
Mais c’est aussi pour moi l’occasion de vous en dire un peu plus sur ma façon de procéder.
Ces propositions ne demandent évidement qu’à être affinées, améliorées ; et mieux
orientées selon les besoins !
Globalement mes envies de médiation et d’échange se regroupent en trois catégories.
1 / On vous ouvre notre travail.
2/ Vous partagez notre démarche de l’intérieur.
3/ On vient là ou vous êtes.
OUVRIR NOTRE TRAVAIL : PARTAGER « au bord du plateau »
Montrer les répétitions, recueillir vos avis, ouvrir des débats, … cela peut se faire à
n’importe quel moment de la création, et c’est toujours très instructif, pour l’équipe comme
pour les spectateurs.
Il y a cependant des moments où c’est particulièrement passionnant ; entre autre dans la
première phase dite d’ « expérimentation ».
C’est un temps de laboratoire, ou nous cherchons à créer des images et à élargir notre
vocabulaire scénique. A partir d’une idée, d’un thème, d’un des sujet du roman, ou à partir
d’une matière, d’une musique, d’un espace, nous prenons le temps de rêver, d’imaginer, de
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divaguer, pour trouver les résonnances intimes du texte avec les univers artistiques de
chacun.
Dans cette première phase nous ne cherchons pas à donner du sens, mais au contraire à
ouvrir le champ des possibles, et à laisser libre cours aux associations d’idées.
Il est donc absolument nécessaire de confronter de temps en temps ces rêveries à un
regard neuf, extérieur, pour découvrir la lecture qu’en fait le spectateur et ce que cela lui
inspire à son tour.
C’est aussi très intéressant pour nous à bien d’autres moments de la création, et je pense
même que ça devrait être possible à n’importe quel moment, si c’est suivi d’échanges, de
discussions, etc. Nous pouvons même imaginer une sorte de « suivi » si nous retrouvons les
mêmes spectateurs pour la sortie de résidence.
DONNER A PRATIQUER, DES ATELIERS POUR TOUS.
VOUS FAIRE MONTER SUR SCENE.
Nous travaillons avec Tout le monde est occupé sur un roman, et une part de l’adaptation se
fait nécessairement au plateau, entre autre en ce qui concerne les personnages. Si certains
traits de caractère nous sont donnés par le roman, nous devons souvent inventer tout le
reste. Nous travaillons pour leur donner de la chair, une histoire, une façon de se déplacer,
de parler, c’est-à-dire une existence; de la vie.
Ce travail est avant tout ludique, et c’est un excellent moyen de monter sur les planches
avec plaisir et légèreté.
Nous pouvons proposer cette démarche sous forme d’ateliers pour tous : adultes, ados ou
plus jeunes.
Ces ateliers peuvent se faire :
 à partir des personnages du texte –sur lesquels les comédiens ont déjà travaillé à partir de personnages inventés de toutes pièces. Ces improvisations, seul ou à
plusieurs, peuvent évoluer selon le niveau du groupe vers des rencontres, petites
scène improvisées.
Encore une fois cela peut être fait à partir des situations du texte ou des rencontres nées du
plateau.
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VOUS FAIRE ECRIRE.
Nous ne sommes pas des écrivains, mais c’est une chose que nous avons dû aborder pour
l’adaptation de ce texte. Nous avons donc mis en place des processus que nous pouvons
faire partager.
MARIONETTES, FABRICATION ET MANIPULATION
Selon l’évolution de notre propre travail avec nos marionnettes, nous pouvons proposer :
 des ateliers de manipulation de nos marionnettes :
Découverte de la marionnette comme objet sensible, positionnement de son corps et de sa
voix, chercher les différentes possibilités de l’objet, apprendre à traduire les sentiments en
mouvements, etc.
 des ateliers de fabrication
o soit à partir d’un matériau unique
o soit de matériaux quotidiens et de récupération
Comment chercher un corps, une apparence humaine ou animale à partir de peu de choses,
signifier ou représenter, puis donner de la vie à ces objets, faire exister des bouts de papier
sculptés, de cartons découpés, etc…
Tous ces ateliers peuvent se faire -séparément bien sûr- avec des adultes, des ados, ou des
plus jeunes.
NOUS INTERVENONS DE FACON INOPINEE PARTOUT OU ON NE NOUS
ATTEND PAS.
Nous travaillerons régulièrement en improvisation, et il est intéressant pour nous de faire
sortir nos personnages ou nos marionnettes en dehors de la salle de théâtre…
Qu’ils aillent se balader en ville, dans les villages, et rencontrer les populations. Se fondre au
milieu d’eux, mais aussi se faire repérer (toujours par leur bienveillance).
J’ ai eu l’occasion de travailler de cette manière avec des marionnettes à taille humaine (les
Padox, cie Houdart heuclin) et c’est une expérience que j’ai trouvé passionnante, parce
qu’elle pousse chacun à modifier ses habitudes ; ces rencontres donnent aux habitants un
nouveau regard sur leur lieu de vie, et poussent les comédiens à réinventer sans cesse.
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ET ENFIN, DANS L’AVENIR….
Et pour finir, j’ ai dans l’idée que nous pourrions, une fois la création « salle » bien avancée,
travailler à en extraire des petits modules (nous fonctionnerons beaucoup par modules,
correspondant aux chapitres) indépendants les uns des autres, que nous pourrions jouer
dans la rue, ou dans d’autres lieux (bibliothèques, hopitaux, parcs, etc…) de manière isolée.
Ces modules pourraient aussi prendre des formes plus proches de la performance, avec des
installations.
Mais cela n’est encore qu’au stade d’idée….
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QUELQUES EXTRAITS DU TEXTE
Pour aller plus loin.
Extrait 1. Le mariage d’Ariane.
Mariage classique. D'abord la mairie, ensuite l'église. A la mairie, rien à redire, tout est parfait.
Calme, froid, républicain. Le maire est en vacances. L'adjoint à la culture le remplace. Il a un ulcère à
l'estomac, une grande fille qui va bientôt quitter la maison pour suivre des études en Australie, une
épouse qui le trompe tous les mardis soir avec le même amant, depuis douze ans. L'adjoint à la
culture ne croit pas aux vertus du mariage. Cela tombe bien, on ne lui demande pas de croire, on lui
demande seulement de réciter quelques articles de loi, sans mettre le ton, surtout sans mettre le
ton. Il s'acquitte très bien de sa tâche. Une heure plus tard, c'est l'église. Après la loi, la grâce. Deux
nœuds valent mieux qu'un. J'ignore combien dans cette assemblée croient en Dieu - prêtre compris
(pensée d'Ariane). J'ai mal aux pieds, je n'aurais pas dû choisir ces chaussures (pensée du mari
d'Ariane). Ma fille n'a jamais été aussi radieuse qu'aujourd'hui. Chaque fois qu'elle s'apprête à faire
une bêtise, elle rayonne (pensée de la mère d'Ariane). J'ai soif (pensée du père d'Ariane). Elle est
vraiment belle, cette fille, et en plus elle est drôle. Elle me trouble et elle le sait. Seigneur Jésus, je
veux bien croire que vous ayez traversé toutes les épreuves, mais le mariage, qu'est ce que vous en
faites du mariage, vous l'avez
soigneusement évité, non? (pensée du prêtre).
Qu'est-ce qu'elle lui
trouve, mais qu'est-ce qu'elle lui trouve? (pensée des soupirants d'Ariane, assis sur les bancs du
fond). Autant de pensées, autant de personnes présentes, lavées, parfumées, endimanchées. Le
prêtre oublie son émotion, rattrape sa croyance in extremis, redevient prêtre et accomplit son travail
qui n'est pas mince: parler avec assez d'énergie pour que les mots de Dieu (oui, excusez du peu : les
mots de Dieu, les grands rayonnements du soleil) renversent cette muraille de parfums, de pensées
et de costumes pour atteindre, sans perdre de leur puissance au passage, quelques âmes. Au moins
quelques âmes. Au moins une. Une seule et ce serait gagné. Évidemment, c'est impossible à savoir.
.
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Extrait 2. Manège fait un bilan du monde.
La première fois que Manège voit sa mère s'envoler, elle a neuf mois. Elle fait connaissance avec les
tomates naines pendant qu'Ariane lit un journal, sur le banc devant la fenêtre. Elle est dans la
jungle, Manège. Elle est plus petite que les piquets de tomate ou les rames de haricots. Elle ne
craint rien de la jungle. il y a dans le monde des choses qui piquent, qui coupent et qui pincent.
Rien qui puisse faire peur à deux yeux perpétuellement ouverts, jour et nuit. Elle avance dans la
jungle, suivie par Rembrandt, docile, résigné. Elle mâche un brin de persil, avale une coccinelle. Une
heure passe. Une heure pour un bébé, c'est comme dix ans pour un adulte. À peu près. Manège
s'est frottée à des ronces qui poussaient au fond du jardin, près du mur. Les ronces, ça fait un petit
peu mal et ça vexe beaucoup. Vexée, Manège fait demi-tour. Elle revient vers la maison et
découvre Ariane endormie, flottant au-dessus du toit. Elle en déduit aussitôt quelque chose sur les
mères en général. Je m'appelle Manège, j'ai neuf mois et je pense quelque chose que je ne sais pas
encore dire. Entrez dans ma tête. Mon cerveau est plié en huit comme une nappe de coton. En
huit ou en seize. Dépliez la nappe, voilà ma pensée de neuf mois: d'une part, les coccinelles n'ont
pas bon goût. D'autre part, les ronces brûlent. Enfin, les mères volent. Bref, rien que d'ordinaire. Il
n'y a que du naturel dans ce monde. Ou si vous voulez, et c'est pareil il n'y a que des miracles dans
ce monde.
Extrait 3. les discussions du chat et du canari
REMBRANDT :Je ne suis pas d'accord.
VAN GOGH: Tu n'es pas d'accord avec quoi? REMBRANDT : Avec le titre de ce livre: Tout le monde est occupé. D'ailleurs, ce n'est pas un très bon
titre. J’aurais préféré : Ariane, ou mieux encore : Rembrandt.
VAN GOGH: De quoi parles-tu?
REMBRANDT : D'un livre où il y a beaucoup de personnes très intéressantes - à .part un canari.
VAN GOGH: Merci pour l'allusion. Je n'ai pas lu ce livre mais je suis d'accord avec cette phrase: «
Tout le monde est occupé. »
REMBRANDT : Et on peut savoir à quoi tu es occupé présentement?
VAN Gogh : Je prends la lumière et je la transforme en chanson.
REMBRANDT : Je vois. C'est une occupation à plein temps. Je suppose que tu n'as pas une minute à
toi.
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ARTICLE DE PRESSE
Un article sur le travail d’Elsa Belenguier pour La confession d’un enfant du siècle .
(spectacle sur lequel j’ ai été assistante à la mise en scène)
24 mars 2012
Quelle scénographie pour le
Trèfle !
On ne félicite que trop rarement le travail des scénographes. Et pour
cause, il n'y en a quasiment plus dans les spectacles,
malheureusement plus par souci économique qu'artistique.
Pour la nouvelle création du Trèfle, La Confession d'un enfant du
siècle*, l'accent a été mis sur une scénographie très travaillée.
Quelle excellente idée d'avoir pris en compagnonnage Elsa
Belanguier au sortir de son école de théâtre, l'Ensatt. Une chance
pour les deux parties : la jeune femme pour avoir pu trouver une
troupe prête à tester son talent, et la troupe pour avoir pu ainsi
bénéficier d'une vraie belle scénographie à la hauteur de la mise en
scène. De grandes tentures délimitent l'intérieur et l'extérieur d'une
vieille demeure bourgeoise, de vrais arbres gigantesques, un lustre
de cristal dans lequel se cachent des verres à vin, en complément de
tous les autres verres et carafes répartis ça et là, sur scène comme
dans la salle, des tapis, des bougies, etc.
Quel plaisir de se laisser prendre au jeu d'un romantique.
Ô temps, suspends ton vol
Mis en valeur par des jeux de lumière impeccables, ce cadre, qui préserve ainsi tous les codes du
romantisme et soutient habilement le texte (au même titre que la création musicale, remarquable
également), est tout simplement magnifique, et réserve même des surprises. Un tableau de maître
qu'on n'a de cesse d'admirer tout au long de la pièce, comme un « personnage » à part entière qui
accompagne le comédien seul en scène… mais dont on ne montrera pas d'image qui risquerait de
casser la surprise.
Et que dire de celui-ci, Bertrand Farge (et de sa voix !), totalement habité, dans sa remarquable
incarnation d'un « Musset » dont la jalousie maladive fait tourner la tête. Quel plaisir de se laisser
prendre au jeu d'un amoureux romantique ! On se prend même à rêver, dans l'antre de ce charmeur, où
le temps semble suspendu… aux mots de cet amoureux blessé. Dans ce confessionnal chaleureux, on
en oublie la médiocrité qui nous entoure au quotidien : pas facile de s'extirper de notre siège pour
replonger dans notre monde actuel, tellement dénué de romantisme. Et rien de tel qu'une bonne soirée
théâtrale pour nous rappeler le plaisir du verbe. Quelle fraîcheur !
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