DR SÉBASTIEN BONNET
Faculté de médecine
Rencontre annuelle IRSC - ULAVAL
LES ORIGINES MOLÉCULAIRES DE L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE PULMONAIRE
L’hypertension artérielle pulmonaire en bref
Sur la paroi des artères pulmonaires, il arrive que des cellules
musculaires deviennent immortelles et se mettent à proliférer. On
ignore encore le mécanisme responsable de cette hyperproliféra-
tion, mais les conséquences, elles, sont bien connues. À la suite
d’une prolifération de cellules, le diamètre intérieur de l’artère se
rétrécit, la perfusion du sang dans les poumons diminue, faisant
monter la pression dans l’artère : c’est l’hypertension artérielle
pulmonaire ou HTAP. Sous sa forme primaire, de cause inconnue,
elle touche 20 personnes sur un million. Les formes secondaires
de la maladie, qui sont associées à une autre pathologie, touchent
de 1500 à 4500 personnes sur un million. Malheureusement,
la maladie n’est cliniquement décelable que dans ses formes
tardives. Elle est donc sous-diagnostiquée. Et le diagnostic n’est
pas une bonne nouvelle. Les traitements sont limités, chers et
améliorent la qualité de vie des patients sans pour autant les
guérir. La mortalité survient dans 50 % des cas après 5 ans.
Résumé du projet de recherche
Ces trois dernières années, nous avons déployé nos efforts
de recherche pour déterminer les mécanismes cellulaires du
développement de la HTAP. Ces connaissances mèneraient à de
nouveaux marqueurs biologiques de la maladie, à un diagnostic
plus rapide et à de nouvelles cibles thérapeutiques.
Nos recherches ont mis au jour un axe de trois protéines, STAT3,
Pim1 et NFAT. Dans le sang des malades, ces trois protéines
sont activées par l’augmentation de la circulation de composés
vasoactifs comme l’endothéline. D’ailleurs, les traitements de la
maladie qui visent à bloquer l’endothéline ont une certaine efficacité.
Malheureusement, les effets thérapeutiques de ces bloqueurs
sont limités dans le temps. Il y a donc d’autres mécanismes de
régulation, comme si un importun venait s’immiscer. Cet importun,
c’est miR-204, une petite molécule d’ARN qui maintient l’axe
STAT3/Pim1/NFAT continuellement actif. Ainsi, une fois activé
par les composés vasoactifs, l’axe STAT3/Pim1/NFAT régule son
activation par l’intermédiaire de miR-204. Il n’a plus besoin des
composés vasoactifs. Voilà pourquoi les médicaments bloquant
les composés vasoactifs deviennent inefficaces.
Pour aller plus loin, nous avons
comparé l’axe STAT3/Pim1/
NFAT chez les malades et les
personnes saines. Or, Pim1
est présent uniquement chez
les malades; il s’agit donc d’un
excellent marqueur de l’HTAP
que nous avons vérifié chez
50 patients.
Pim1 et mirR-204 jouant un rôle majeur dans l’activation de l’axe
STAT3/Pim1/NFAT, ils deviennent des cibles pour de nouveaux
traitements. Nos essais sur des animaux ont montré que l’inhibition
de Pim1 est efficace dans le cas des HTAP légères et modérées.
Dans les stades avancés de la maladie, c’est l’augmentation de
miR-204 qui se révèle plus efficace. Des études précliniques
sont en cours afin de mettre en place rapidement des études
cliniques chez l’humain.
Retombées
Notre projet de recherche aura des retombées importantes pour
les malades souffrant d’HTAP, tant au point vue diagnostique que
thérapeutique. Actuellement, les signes visibles de la maladie
(essoufflement, intolérance à l’effort, fatigue extrême…) peu-
vent être confondus avec beaucoup d’autres maladies et ne se
manifestent qu’à un stade avancé de la maladie. Le diagnostic
de l’HTAP est donc tardif. En fait, la confirmation de l’hyperten-
sion pulmonaire se fait seulement par une mesure invasive des
pressions pulmonaires. L’intervention est risquée pour le malade
et coûteuse pour les instances publiques. Nos découvertes
ouvrent de nouvelles perspectives. Aussi bien chez l’homme que
chez l’animal, nous avons établi que le taux sanguin de Pim1 est
positivement corrélé à la sévérité de l’HTAP. Nous avons donc
mis en place une étude clinique sur 2000 à 3000 patients afin
de valider Pim1 comme nouveau biomarqueur précoce de HTAP
détectable par un simple test sanguin. Enfin, nous avons établi
des partenariats avec l’industrie pour développer les inhibiteurs
propres à Pim1 et des activateurs de miR-204. Nous avons en-
tamé les tests précliniques sur sept molécules et espérons faire
les premiers tests sur des humains d’ici deux ans.