Unité mémoire 16 Alzheimer: le vieillissement de la population en cause En suisse, ce sont 85'000 personnes qui seraient touchées par la maladie d’Alzheimer ou une autre forme d’atteinte dégénérative du cerveau, un chiffre qui augmente avec l’augmentation de l’espérance de vie. Perte de mémoire et modification de la personnalité, ces symptômes qui engendrent panique et souffrance pour le patient peuvent aujourd’hui être freinés pour un temps par les médicaments. Unité mémoire Redonner du rythme au quotidien Un petit groupe est penché sur un texte que l’un des participants lit à haute voix. Le texte sera ensuite commenté au gré du vécu de chacun. Ces lecteurs attentifs sont pourtant loin de toute salle de classe. Le coin canapé et la kitchenette qu’abrite cette pièce de l’hôpital d’Aubonne en témoigneraient si nécessaire. Le soleil qui entre à flot par une baie à la vue imprenable sur les vignes de la Côte et le lac illumine des patients réunis autour du même diagnostic: Alzheimer débutant. Ce sont les premiers à bénéficier de l’Unité Mémoire de l’EHC, ouverte début juin à leur intention. Sous la houlette de Chantal Menzel et Florence Chappuis, les deux animatrices, leur journée sera rythmée par un programme dûment affiché. La lecture et les autres exercices de stimulation intellectuelle seront suivis de gestes de la vie quotidienne, comme la préparation du repas et de la table. Une sortie est prévue l’après-midi, le temps restant étant consacré à la confection par chacun du livre de sa vie. Chaque participant retrouvera son foyer le soir. «Ces activités simples mais dont chaque phase du déroulement est contrôlée par le personnel et adaptée aux possibilités des participants, doivent leur permettre de retrouver un rythme de vie, des liens sociaux et des sources de plaisir» explique Françoise Machado, la neuropsychologue responsable thérapeutique de l’Unité, ajoutant «souvent, à ce stade de la maladie, les proches ont tendance à réaliser les gestes quotidiens pour les malades parce que l’encadrement devient trop lourd. L’Unité Mémoire devrait leur permettre d’entretenir des capacités existantes et de récupérer des automatismes mais toujours avec le souci de les gratifier dans l’activité». Tout est fait pour que les repères soient facilement accessibles: ainsi le programme du jour ou la répartition des responsabilités (telle que le service du café) de chacun pour la journée sontils clairement affichés dans ce lieu chaleureux et lumineux. C’est là qu’intervient un relais comme l’Unité Mémoire 18 TRAVAILLER EN GROUPE: UNE ACTIVITÉ GRATIFIANTE La formule fera-t-elle des émules? Directement issue des Centres Mémoire existant dans les hôpitaux universitaires de l’arc lémanique, l’Unité mémoire de l’hôpital d’Aubonne innove dans sa formule. Des groupes réduits, de trois à six patients, permettent un encadrement maximal. Françoise Machado prévoit que la prise en charge dure tant que l’état du patient lui permet de bénéficier de ce type de stimulation. Un examen préalable à l’admission doit mettre en évidence que le malade est encore relativement autonome et ne présente pas de troubles du comportement. Le patient doit en outre pouvoir se déplacer une ou deux fois par semaine à Aubonne et montrer le désir de participer. A l’origine de l’aventure, le constat que les malades atteints d’Alzheimer peinent à s’intégrer dans les structures existantes de l’Unité d’Accueil Temporaire (UAT). Pour la neuropsychologue Françoise Machado et Raymond Carrard, responsable de l’animation pour les structures de réadaptation et d’hébergement de l’EHC, une petite structure, capable d’offrir un travail thérapeutique bien au-delà Unité mémoire Unité mémoire du gardiennage destiné à soulager les famille est indispensable. Car la maladie, quoique à son stade débutant, pèse déjà lourd sur le quotidien des familles. Preuve en est que l’Unité accueille dès son premier mois d’existence 7 personnes, sur les 18 places disponibles. Devant ce besoin avéré, la neuropsychologue souhaite faire des émules. C’est que le nombre de cas d’atteintes dégénératives du cerveau, maladie d’Alzheimer en tête, suit très nettement la hausse de l’espérance de vie. 15'000 nouveaux cas sont déclarés annuellement dans notre pays, qui comptait 85'000 personnes touchées en 2002. Quand l’oubli devient un symptôme Corollaire positif de cette courbe ascendante, l’industrie pharmaceutique se penche activement sur la question et produit régulièrement de nouveaux produits destinés à freiner l’évolution des symptômes. Ces traitements permettent de prolonger la phase où un soutien thérapeutique du type de l’Unité Mémoire est opportun. La maladie est dès les premiers stades marquée par une perte progressive de la mémoire, totalement différente de l’oubli bénin propre à tout un chacun. Des éléments essentiels comme les prénoms de ses proches ou sa propre adresse finissent par échapper au malade. En parallèle, sa personnalité est atteinte. Qu’il s’agisse de perte d’intérêt ou d’indifférence affective, les modifications font quelquefois confondre les débuts de la maladie avec une dépression. C’est là qu’intervient le neuropsychologue. Une profession centrée sur l’étude du cerveau Ce spécialiste doit évaluer en particulier si les symptômes sont dus à un trouble purement psychique ou ont, comme c’est le cas lors de maladie d’Alzheimer, une origine organique. L’examen, basé sur divers tests et sur l’observation, doit toujours permettre de comparer le patient à une population témoin d’âge, de sexe et de niveau scolaire équivalents. C’est le cumul de ces aspects organiques, psychologiques et humains qui motive Françoise Machado dans son activité de thérapeute. «Je ne m’ennuie jamais quand je teste quelqu’un. C’est l’occasion de rencontres continuelles et le commencement de relations de confiance qui s’établissent à long terme.» Fascinée par le fonctionnement du cerveau, la neuropsychologue a étudié la psychologie dans les universités de Lausanne et Genève, puis s’est spécialisée dans la division de neuropsychologie du CHUV. Cette passionnée du langage aime particulièrement travailler avec les aphasiques: «c’est merveilleux de pouvoir aider quelqu’un à récupérer sa faculté de communiquer.» Depuis 1990, son bureau à l’hôpital de Gilly voit défiler les patients de l’EHC ainsi que ceux adressés par les médecins extérieurs. Dans ce domaine, où la relation de thérapeute à patient est partie prenante dans le traitement, certains se déplacent même de loin (depuis La Tour-dePeilz par exemple) pour suivre leur traitement à Gilly ■ F RANÇOISE MACHADO CONSIDÈRE LA LECTURE COMME UNE STIMULATION INTELLECTUELLE 19