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Redonner du rythme au quotidien
Un petit groupe est penché sur un texte que l’un des participants lit à
haute voix. Le texte sera ensuite commenté au gré du vécu de cha-
cun. Ces lecteurs attentifs sont pourtant loin de toute salle de classe.
Le coin canapé et la kitchenette qu’abrite cette pièce de l’hôpital
d’Aubonne en témoigneraient si nécessaire. Le soleil qui entre à flot
par une baie à la vue imprenable sur les vignes de la Côte et le lac
illumine des patients réunis autour du même diagnostic: Alzheimer
débutant. Ce sont les premiers à bénéficier de l’Unité Mémoire de
l’EHC, ouverte début juin à leur intention.
Sous la houlette de Chantal Menzel et Florence Chappuis, les deux
animatrices, leur journée sera rythmée par un programme dûment
affiché. La lecture et les autres exercices de stimulation intellectuelle
seront suivis de gestes de la vie quotidienne, comme la préparation
du repas et de la table. Une sortie est prévue l’après-midi, le temps
restant étant consacré à la confection par chacun du livre de sa vie.
Chaque participant retrouvera son foyer le soir. «Ces activités simples
mais dont chaque phase du déroulement est contrôlée par le person-
nel et adaptée aux possibilités des participants, doivent leur permettre
de retrouver un rythme de vie, des liens sociaux et des sources de
plaisir» explique Françoise Machado, la neuropsychologue responsable
thérapeutique de l’Unité, ajoutant «souvent, à ce stade de la maladie,
les proches ont tendance à réaliser les gestes quotidiens pour les
malades parce que l’encadrement devient trop lourd. L’Unité Mémoire
devrait leur permettre d’entretenir des capacités existantes et de récu-
pérer des automatismes mais toujours avec le souci de les gratifier
dans l’activité». Tout est fait pour que les repères soient facilement
accessibles: ainsi le programme du jour ou la répartition des respon-
sabilités (telle que le service du café) de chacun pour la journée sont-
ils clairement affichés dans ce lieu chaleureux et lumineux.
La formule fera-t-elle des émules?
Directement issue des Centres Mémoire existant dans les hôpitaux
universitaires de l’arc lémanique, l’Unité mémoire de l’hôpital
d’Aubonne innove dans sa formule. Des groupes réduits, de trois à six
patients, permettent un encadrement maximal. Françoise Machado
prévoit que la prise en charge dure tant que l’état du patient lui per-
met de bénéficier de ce type de stimulation. Un examen préalable à
l’admission doit mettre en évidence que le malade est encore relati-
vement autonome et ne présente pas de troubles du comportement.
Le patient doit en outre pouvoir se déplacer une ou deux fois par
semaine à Aubonne et montrer le désir de participer.
A l’origine de l’aventure, le constat que les malades atteints
d’Alzheimer peinent à s’intégrer dans les structures existantes de
l’Unité d’Accueil Temporaire (UAT). Pour la neuropsychologue
Françoise Machado et Raymond Carrard, responsable de l’animation
pour les structures de réadaptation et d’hébergement de l’EHC, une
petite structure, capable d’offrir un travail thérapeutique bien au-delà
Alzheimer: le
vieillissement
de la population
en cause
En suisse, ce sont
85'000 personnes qui
seraient touchées par
la maladie d’Alzheimer
ou une autre forme
d’atteinte dégénérati-
ve du cerveau, un
chiffre qui augmente
avec l’augmentation
de l’espérance de vie.
Perte de mémoire et
modification de la per-
sonnalité, ces symp-
tômes qui engendrent
panique et souffrance
pour le patient peu-
vent aujourd’hui être
freinés pour un temps
par les médicaments.
C’est là qu’intervient
un relais comme
l’Unité Mémoire
TRAVAILLER EN GROUPE: UNE ACTIVITÉ GRATIFIANTE
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Unité mémoire Unité mémoire
du gardiennage destiné à soulager les famille est indispensable. Car la
maladie, quoique à son stade débutant, pèse déjà lourd sur le quoti-
dien des familles. Preuve en est que l’Unité accueille dès son premier
mois d’existence 7 personnes, sur les 18 places disponibles.
Devant ce besoin avéré, la neuropsychologue souhaite faire des
émules. C’est que le nombre de cas d’atteintes dégénératives du cer-
veau, maladie d’Alzheimer en tête, suit très nettement la hausse de
l’espérance de vie. 15'000 nouveaux cas sont déclarés annuellement
dans notre pays, qui comptait 85'000 personnes touchées en 2002.
Quand l’oubli devient un symptôme
Corollaire positif de cette courbe ascendante, l’industrie pharmaceu-
tique se penche activement sur la question et produit régulièrement
de nouveaux produits destinés à freiner l’évolution des symptômes.
Ces traitements permettent de prolonger la phase où un soutien thé-
rapeutique du type de l’Unité Mémoire est opportun.
La maladie est dès les premiers stades marquée par une perte pro-
gressive de la mémoire, totalement différente de l’oubli bénin propre
à tout un chacun. Des éléments essentiels comme les prénoms de
ses proches ou sa propre adresse finissent par échapper au malade.
En parallèle, sa personnalité est atteinte. Qu’il s’agisse de perte d’inté-
rêt ou d’indifférence affective, les modifications font quelquefois
confondre les débuts de la maladie avec une dépression. C’est là
qu’intervient le neuropsychologue.
Une profession centrée sur l’étude du cerveau
Ce spécialiste doit évaluer en particulier si les symptômes sont dus à
un trouble purement psychique ou ont, comme c’est le cas lors de
maladie d’Alzheimer, une origine organique. L’examen, basé sur divers
tests et sur l’observation, doit toujours permettre de comparer le
patient à une population témoin d’âge, de sexe et de niveau scolaire
équivalents.
C’est le cumul de ces aspects organiques, psychologiques et humains
qui motive Françoise Machado dans son activité de thérapeute. «Je ne
m’ennuie jamais quand je teste quelqu’un. C’est l’occasion de ren-
contres continuelles et le commencement de relations de confiance
qui s’établissent à long terme.» Fascinée par le fonctionnement du
cerveau, la neuropsychologue a étudié la psychologie dans les univer-
sités de Lausanne et Genève, puis s’est spécialisée dans la division de
neuropsychologie du CHUV. Cette passionnée du langage aime parti-
culièrement travailler avec les aphasiques: «c’est merveilleux de pou-
voir aider quelqu’un à récupérer sa faculté de communiquer.» Depuis
1990, son bureau à l’hôpital de Gilly voit défiler les patients de l’EHC
ainsi que ceux adressés par les médecins extérieurs. Dans ce domai-
ne, où la relation de thérapeute à patient est partie prenante dans le
traitement, certains se déplacent même de loin (depuis La Tour-de-
Peilz par exemple) pour suivre leur traitement à Gilly
FRANÇOISE MACHADO CONSIDÈRE LA LECTURE
COMME UNE STIMULATION INTELLECTUELLE
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