Introduction A l`heure où les stratégies de gestion des

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Groupe d’appui Politiques Jeunesse
Introduction
A l'heure où les stratégies de gestion des finances publiques ainsi que les conséquences
de la crise économique pèsent sur la société française, le rôle de l'Etat en tant qu'acteur
central de la régulation entre les générations tend à s'effacer.
Ce déclin de l’« Etat-providence » est fortement ressenti par les générations les plus
exposées et les plus vulnérables, car les moins « productives » : les jeunes, et les plus
âgés d'entre nous.
Dans ce cadre, le Cnajep a tenté de construire, en partant des fondements de l’éducation
populaire, un autre modèle de répartition des richesses et de solidarités entre les
générations, tout en mettant en avant les principes qui fondent le modèle de société que
nous souhaitons promouvoir : autonomie, éducation, participation, mais aussi place du
travail, droits de l'Homme…
Ce travail ne vise en aucun cas à mettre en concurrence les générations. Il s’agit de
réfléchir à la manière dont les différentes générations participent à la création de la
richesse collective, et de s'interroger sur la manière dont celle-ci peut être mieux répartie
pour permettre à tous d’accéder à l’autonomie et à la citoyenneté.
Il s’agit, surtout, de proposer un modèle de société plus solidaire, dans laquelle chacun
puisse trouver sa place.
La première partie de ce séminaire vise à constituer un fonds documentaire et d'élaborer
une note de synthèse permettant au grand public de se familiariser avec les termes de la
problématique.
1
Groupe d’appui Politiques Jeunesse
Qu'est ce que la richesse ?
La définition qui prédomine aujourd'hui est quasiment exclusivement économique, et les
indicateurs privilégiés pour mesurer le progrès des nations (PIB, taux de croissance)
ignorent la plupart des dimensions du bien-être individuel et collectif : cohésion sociale,
activités non rémunérées, pression humaine sur l'environnement…
Aussi, depuis les années 1990, de nombreuses initiatives, émanant de chercheurs,
d'associations et d'ONG, d'institutions statistiques, ou d'organisations internationales,
visent à évaluer la richesse ou le progrès sur la base d'indicateurs "alternatifs".
Ces nouveaux indicateurs, visant à contrer ou du moins à compléter le PIB, incluent dans
leurs calculs des taux de bien-être.
La mise en place de ces nouveaux indicateurs est-elle suffisante pour "repenser la
richesse" ? Peut-on imaginer une nouvelle définition du terme richesse ?
La richesse comme accumulation de biens matériels
Richesse et productivité
Les travaux de Malthus (1766 – 1834) et sa définition de la richesse
Dans une période de construction et de légitimation de l’économie politique comme
science objective, Malthus a cherché à quantifier l'accroissement des richesses d’une
nation, et à démontrer ainsi sa puissance. Pour cela, il écarte de la mesure de la richesse
tous les biens immatériels. Il pose donc une séparation entre la richesse, dont les
accroissements se mesurent à travers des prix et des quantités, et les travaux
« improductifs », non mesurables, dont il reconnaît la légitimité mais qui ne seront pas
pris en compte dans sa définition de la richesse.
La comptabilité nationale (mise en place en France en 1938)
La comptabilité nationale a été conçue dans la même logique, visant à permettre
d’« exhiber » la puissance des nations. Elle entérine l’idée que la richesse d’une nation se
mesure à l’aune de l’accroissement de son PIB : ce qui compte, c’est l’augmentation des
biens et services produits, amenés sur le marché et appropriés par des individus.
Richesse et satisfaction des désirs
Les économistes du 19ème Jean-Baptiste Say et Walras (Auguste puis Léon) ont posé
comme postulat le lien entre utilité et satisfaction d’un désir individuel : un bien est utile
dès lors qu’il permet de satisfaire un désir (quelle que soit la légitimité de ce désir).
Celui-ci se transforme alors en besoin.
Cette théorie a été reprise dans la comptabilité nationale. Elle envisage la richesse du
point de vue de l’individu : il n’y a de richesse que s’il y a production d’un bien apporté
sur le marché puis approprié par un individu.
Richesse et consommation
Si cette vision des choses s’est développée au 19 ème siècle, c’est parce qu’elle soustendait l’idée qu’à travers la production, l’homme aménageait la nature, remettait de
l’humain dans le monde (cf. Hegel et Marx). De même, la consommation était vue
comme un moyen pour l’individu de se transformer, de développer ses facultés par l’acte
de consommer.
Quant au travail et à sa place prépondérante dans nos sociétés, Dominique Méda analyse
le fait qu’au 18ème siècle, le choix a été fait d’instaurer pour réguler la société un ordre
économique plutôt qu’un ordre politique. Cet ordre économique, où travail et production
2
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jouent un rôle essentiel, est fondé sur des lois naturelles : la contribution à la production
et la rétribution qui y correspond.
La monnaie, entre échange et domination
Dans nos sociétés contemporaines, n’a de valeur que ce qui
possède une capacité d’échange monétaire. Ce qui n’a pas de prix
en vient à être considéré comme sans valeur.
La monnaie est "fétichisée", c'est-à-dire qu'on transfère la valeur
de l’échange entre humains sur la monnaie elle-même.
Organisée par les dominants, la rareté de la monnaie "oblige les
dominés à n’utiliser qu’une faible partie de leur potentiel
d’échange et d’activité. Cette question est d’autant plus décisive
que l’économie mondiale est aujourd’hui doublement menacée
par l’insuffisance de monnaie à un pôle et par son excès à
l’autre ".
Or, comme l'ont montré Marcel MAUSS et Karl POLANYI,
l’échange monétaire n’est qu’une des formes possibles du rapport
entre les êtres humains.
La richesse comme préservation d'un patrimoine collectif
Les indicateurs de richesse traditionnels ne prennent nullement en compte la
question du "patrimoine collectif" d'une société.
Ce patrimoine pourrait être décomposé de la manière suivante :
-
capital « naturel » ou écologique
-
capital social / humain : état de santé, d’éducation, situation face à
l’emploi, aux protections sociales, systèmes collectifs, accès à la culture et
aux loisirs …
Il s’agit donc de trouver un moyen de mesurer l’impact de certaines décisions de
production sur ces capitaux, de les considérer comme un stock de ressources auquel il
peut être porté atteinte.
Il faut s’intéresser à la croissance d’un ensemble beaucoup plus large que la seule
production, celui d’un patrimoine général qui nous échoit, que la production contribue à
augmenter mais aussi à diminuer (capital naturel, humain, social).
Travail et richesse
Les alternatives au travail doivent
l’appréhension du concept de richesse.
également
être
prises
en
compte
dans
Depuis le 18ème siècle, en France, on tend à confondre l'ensemble des activités humaines
avec le travail. Notre modèle de société, qui promeut la toute puissance du marché et un
individualisme exacerbé, prévoit que l'existant tout entier est susceptible d'être
transformé en réponse à un besoin et que la vie elle-même peut-être comprise comme la
mise en valeur d'un capital de base, le capital humain.
A l'inverse, les activités amicales, familiales, les activités culturelles (formation de soi et
mise en forme de soi à titre gratuit), et enfin les activités politiques (définition des
conditions de notre vie commune), sont ignorées par notre modèle de société.
1
D'après Dominique Méda, Qu'est-ce que la richesse, Champs-Flammarion, Février 2000, 420 pages
3
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Selon Dominique Méda, la réalisation de l’ensemble de ces activités constitue un idéal
d’enrichissement collectif, et il faut donc circonscrire le travail pour laisser du champ aux
autres formes de la richesse individuelle et collective.
L’enjeu décisif du temps2
Patrick Viveret propose d'accorder une attention particulière aux comptabilités
exprimées en temps.
Elles peuvent permettre non seulement l’échange mais aussi l’épargne et le crédit ce qui
ouvre la possibilité de transformations profondes dans la manière d’aborder des
problèmes majeurs tels que la retraite, la formation continue, la réduction du temps de
travail ou l’organisation ambitieuse d’un temps civique et social en partenariat avec les
associations.
La principale question, dans cette perspective, est d’éviter de basculer dans une
obsession de la mesure, plus large encore que celle de sa forme monétaire, et de
sauvegarder le droit au secret du temps de vie privée.
Le PIB, instrument de mesure de la richesse matérielle3
« Le PIB est la mesure de l’activité économique la plus utilisé ; c’est une mesure de la
production marchande et monétaire ».
Le PIB prend en compte tous les biens finaux, qu’ils soient consommés par les ménages,
les entreprises ou les gouvernements.
Il est composé de deux parties :
- la valeur marchande de tous les biens et services qui se vendent dans un pays
pendant une année
- le coût de production des services non marchands des administrations publiques.
Les limites du PIB
1- Le PIB ne prend pas en compte la notion de bien-être. Tout ce qui peut se
vendre et qui a une valeur ajoutée va "gonfler" le PIB, indépendamment de ce
que cela apporte au bien-être individuel ou collectif.
2- De nombreuses activités qui contribuent au bien-être ne sont pas prises
en compte dans le calcul du PIB parce qu’elles ne sont pas marchandes ou
qu’elles n’ont pas de coût de production monétaire direct.
Ex : activités bénévoles, travail domestique, temps libre…
3. Le PIB ne mesure que les outputs (quantité produites) et pas du tout les
outcomes (satisfaction et bien-être après la consommation de ces biens et
services).
La mesure du PIB est indifférente à la répartition des richesses comptabilisées, aux
inégalités, à la pauvreté, à la sécurité économique… On ne sait pas à qui profite la
croissance.
4. Enfin, le PIB prend en compte les activités réparatrices ou défensives,
c'est-à-dire qu'il prend en compte des activités qui diminuent le bien-être actuel
de la population ou celui des générations futures (destruction des forêts…)
2
3
Source : "Reconsidérer la richesse", Patrick Viveret, Editions de l'Aube, 2002
d'après Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice, Les nouveaux indicateurs de richesse, La Découverte, 2009.
4
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Les indicateurs élaborés par le PNUD
(Programme des nations unies pour le développement)
L’IDH
(Indice de
développement
humain)
L’ISDH
(Indicateur
sexospécifique de
développement
humain)
Il se base sur le PIB par
habitant, l’espérance de
vie et le niveau
d’instruction d’un pays.
qui permet d’évaluer les
différences entre hommes
et femmes de l’IDH.
L’IPF
Indicateur de
participation des
femmes à la vie
économique et
politique
L’IPH
Indicateur de
pauvreté
humaine
Les autres indicateurs
L’ISS (Indice de santé sociale) prend en compte :
- Le taux de mortalité infantile, de maltraitance des enfants et de pauvreté
infantile.
- Le taux de suicide des jeunes, l'usage de drogues, l'abandon d’études
universitaires et enfants nés de mères adolescentes pour les jeunes
- Le taux de chômage et le salaire moyen pour les adultes
- La pauvreté des plus de 65 ans et l'espérance de vie à 65 ans
En plus de ces données liées à l'âge, l'ISS prend en compte le nombre de délits violents,
d'accidents de la route mortels liés à l’alcool, l'accès au logement à un prix abordable et
l'inégalité de revenu familiale.
L’ISS est spécifique aux Etats-Unis. Or, les grands problèmes sociaux doivent en effet
être hiérarchisés différemment d’un pays à l’autre et les pathologies sociales mesurées
den fonction du contexte institutionnel et culturel.
Le BIP 40 (Baromètre des inégalités et de la pauvreté en France), c’est une sorte
de transposition de l’ISS en France. Il se base sur six dimensions : l’emploi et le travail,
les revenus, la santé, l’éducation, le logement et la justice.
L’ISP (Indice de sécurité personnelle) retient des dimensions peut présentes dans
les autres indicateurs. La sécurité est vue à travers trois dimensions : sécurité
économique, sécurité devant la santé et sécurité physique.
L’IBED (Indicateur de bien-être économique durable) est calculé de cette façon :
IBED= consommation marchande des ménages + services du travail domestique +
dépenses publiques non défensives – dépenses privées défensives – coût des
dégradations de l’environnement – dépréciation du capital naturel + formation de capital
productif.
Autres indicateurs : l’IPV (Indicateur de progrès véritable), l’Indicateur d’épargne
véritable.
L’empreinte écologique
C’est le seul indicateur purement environnemental. La notion d’empreinte écologique ne
s’intéresse qu’aux ressources renouvelables, parce que ce sont elles qui vont poser le
plus de problèmes à long terme. Elles fournissent les inputs (matières premières) et
absorbent les déchets (dont le CO2).
L’empreinte écologique se mesure en surface, avec l’hectare globale comme unité de
mesure.
5
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Aujourd’hui, l’empreinte écologique montre que la planète a une dette envers la nature
de 25% chaque année. Mais celle-ci est invisible, notamment parce qu'elle n’a pas de
répercussion sur les prix.
Le Happy planet index prend en compte trois variables : le degré de satisfaction de vie,
l’espérance de vie et l’empreinte écologique.
L’Indice de bien-être économique
Il comporte quatre axes : les flux de consommation courante, l’accumulation nette de
stocks de ressources productives (bien, logements, capitaux..), la répartition des
revenus, la pauvreté et les inégalités, et le degré de sécurité économique.
Selon Louis Chauvel, le terme "générations" peut se rapporter à plusieurs acceptions
distinctes :
-
La génération au sens démographique définit un groupe d'individus nés la même
année, ou "cohorte de naissance"
-
La génération historique se réfère à des individus partageant la conscience forte
d'une position dans l'histoire (ex : "génération 68").
-
La "génération sociale" définit une cohorte en partie structurée, dont les membres
peuvent partager des caractéristiques données sans en avoir nécessairement la
conscience.
-
La "génération familiale" correspond à un rapport direct de parenté ou de filiation.
Quelle que soit la profusion de sens du mot génération, le fondement du raisonnement
générationnel relève toujours de l'hypothèse suivante : la période qui s'étend de la fin de
l'enfance à l'installation dans la vie adulte (la socialisation primaire) implique des
expériences cruciales et irréversibles, marquant définitivement des individus.
Des "parcours de vie" transformés
Toutes les sociétés divisent la vie en plusieurs âges. Dans les sociétés développées, cette
division se résume en général à trois séquences : la jeunesse, la vie adulte et la
vieillesse, auxquelles correspondent trois situations sociales spécifiques : l'école, le
travail et la retraite. Cette organisation est centrée pour l'essentiel sur l'âge productif, la
jeunesse étant pensée comme une préparation à la vie active.
Aujourd'hui, cette situation est en train de changer. Le passage de la jeunesse à la vie
adulte, qui supposait le franchissement, en un temps relativement bref, de quatre seuils
(la sortie du logement familial, l'insertion dans l'emploi, la mise en couple et l'arrivée du
premier enfant), est aujourd'hui retardé. Comme l'explique Cécile Van de Welde 4, la
jeunesse n'est ainsi plus un état, mais un devenir, et l'âge adulte une perspective plutôt
qu'un achèvement.
De même, à l'autre extrémité de la vie, la frontière qui sépare activité et retraite devient
elle aussi plus floue. Si, grâce aux progrès de la médecine, les handicaps de la vieillesse
arrivent souvent plus tard, la discontinuité croissante des carrières couplée aux réformes
successives des retraites entame le niveau des pensions. Apparaissent ainsi deux
nouvelles séquences de vie : l'âge des "jeunes adultes" (les 20-30 ans) et l'âge des "âgés
sans être vieux" (les 55-70 ans).
4
"Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe", Cécile Van de Velde, Paris, PUF, 2008.
6
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L'âge adulte connaît lui aussi des transformations : les exigences du marché du travail
imposent de plus en plus de retours périodiques à la "case formation", le recul de la
durée du travail sur le temps de vie et la diffusion des RTT ont introduit plus de
souplesse dans la gestion des temps sociaux.
Fracture générationnelle et génération sacrifiée
Louis Chauvel, dans son ouvrage "Le destin de générations"5, formule le constat qu'il
existe une "génération sacrifiée". Selon le sociologue, plusieurs méthodes permettent de
formuler un tel constat.
Que ce soit l’évolution du revenu disponible médian par classe d’âge, le taux de chômage
après la sortie des études, ou encore l’évolution de la courbe des taux de suicide, tous les
indicateurs montrent qu’une véritable "fracture intergénérationnelle" s’est creusée.
Cette "fracture générationnelle" sépare les générations pour lesquelles l’entrée dans la
vie adulte s’est faite dans des conditions favorables voire exceptionnelles (les babyboomers) de celles pour qui la première recherche d’emploi a eu lieu dans un contexte de
crise.
Des écarts de rémunération selon l'âge
Les jeunes d'aujourd'hui qui sont en emploi perçoivent un salaire relatif moindre que
celui de leurs ainés. En 1975, un homme âge de 41 à 50 ans travaillant à temps plein
toute l'année dans le secteur privé ou semi-public touchait 31% de plus qu'un jeune
homme âgé de 26 à 30 ans, tandis que la différence était de 9 % chez les femmes. En
2007, les écarts respectifs étaient de 37% pour les hommes et 20 % pour les femmes.
Cet écart tend à se réduire, mais seulement pour les salariés travaillant à temps complet.
Or la part des salariés travaillant à temps partiel est de plus en plus élevée, en particulier
chez les jeunes.
Des inégalités face à l'emploi
En effet, selon le Centre d'Etudes et de recherches sur les qualifications (Cereq), 13%
des jeunes en emploi sortis de l'école en 2004 occupaient, trois ans plus tard, un emploi
à temps partiel, alors que les deux tiers de ces jeunes auraient préféré occuper un emploi
à taux plein. En 1975, seuls 4% des jeunes travaillaient à temps partiel. Quant aux
emplois temporaires, ils semblent devenir une règle puisque 1 jeune en emploi sur deux
occupe ce type ce poste en 2008.
Pourtant, les jeunes d'aujourd'hui sont plus diplômés que ceux d'il y a 20 ou 30 ans, et
ils devraient de fait trouver un emploi plus facilement. Or, c'est l'inverse qui se produit.
En 1975, on comptait 428 000 jeunes de moins de 30 ans au chômage. En 2008, ils sont
823 000.
Des inégalités dans l'accès au logement
L'accès à un logement décent est une manifestation particulièrement brutale de la
"fracture générationnelle". Alors que les moins de 30 ans dépensent en moyenne 18,7 %
de leurs revenus pour leur logement, ce taux décline ensuite régulièrement pour les
catégories les plus âgées : 16,7 % chez les trentenaires 12,2 % chez les quadragénaires
et 6,8% chez les 50-64 ans. Les jeunes assument ainsi un taux d'effort jusqu'à 4 fois
supérieur à celui de leurs ainés, alors qu'ils disposent pour vivre d'une moindre superficie
(1,9 pièce pour les 18-24 ans, contre 3 pour les plus de 60 ans).
Cette
situation des jeunes s'explique par des raisons structurelles : ils sont
surreprésentés au sein des catégories touchés par la hausse des prix des logements, à
l'achat et à la location : les précaires, les bas revenus, les étudiants, les personnes
seules…
5
Paris, PUF, 1998
7
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La bulle immobilière des années 2000 a abouti à un immense transfert de richesses, dont
les gagnants sont ceux qui étaient déjà propriétaires avant son gonflement et ont vu la
valeur de leur patrimoine doubler.
Une représentation politique inégale
La dynamique politique des différentes classes d'âges et des différentes générations
sociales reflète, elle aussi, une inégalité entre les générations.
En 1981, pour un député de plus de 60 ans, on comptait un député de moins de 40 ans.
En 2007, le rapport est passé de 1 à 9 en faveur des seniors. Les moins de 45 ans
représentaient en effet 53 % des députés en 1981 et 26 % en 2007.
Une inégalité d’accès à la culture
Si les moins de 30 ans ont des pratiques culturelles et de loisirs plus intenses que le
reste de la population, ces pratiques demeurent insuffisamment prises en compte, ou ne
le sont qu’à travers leur dimension sociale, c’est-à-dire au titre de la cohésion sociale ou
comme relevant d’un parcours d’insertion, mais rarement comme pratique artistique
autonome ou comme expérience esthétique.
Par ailleurs, les institutions culturelles et les hauts lieux du patrimoine culturel et
artistique demeurent encore peu fréquentés par les jeunes. Cette situation est liée tout
autant à l’existence de freins matériels (manque d’argent, éloignement géographique,
difficultés de transports, etc.) qu’au poids d’obstacles symboliques qui perdurent.
Des inégalités exacerbées par la crise
Les interdépendances entre les générations subissent les multiples conséquences de la
crise.

Les déficits publics des pays de l'OCDE atteignent 5 à 10 % du PIB. Ils se justifient
pour compenser le désendettement du secteur privé. Or le désendettement du
secteur privé sera à priori durable, et la reprise de la croissance s'annonce modeste.
Il faut donc s'attendre à une hausse continue et forte des taux d'endettement publics.
Si les revenus de l'Etat n'augmentent pas suffisamment sous l'effet de la croissance,
il sera nécessaire d'augmenter les impôts et/ou de réduire le train de vie de l'Etat, ce
qui pénalise les jeunes qui auront à subir la diminution du nombre d'emplois publics
et des transferts dont ils pourront bénéficier.

La crise incite par ailleurs les entreprises à geler les salaires et les embauches. Parmi
les salariés, ce sont les emplois définis par un contrat de travail temporaire qui
sont le plus touchés. Les jeunes occupant la majorité de ces emplois, le taux de
chômage des jeunes augmentent beaucoup plus rapidement que celui de l'ensemble
de la population.
Ces mesures d'austérité salariale ont pour objectif de préserver au maximum la
valeur actionnariale. Il y a donc divergence dans la répartition de la crise entre
salariés et actionnaires, au détriment des premiers.

Les dépenses publiques en matière de santé croissent spontanément plus vite que le
PIB en raison de l'augmentation du vieillissement de la population et du progrès de la
médicine.
Il est probable que la générosité de la protection sociale publique doive être
réduite pour éviter une détérioration trop importante des finances publiques.
La baisse des prestations sera essentiellement défavorable aux plus vieux.

La prudence des banques vis-à-vis des jeunes emprunteurs et l'excès d'endettement
de certains ménages expliquent le freinage de la distribution de crédit aux
ménages suite à la crise. Cette situation réduit la capacité des jeunes à
consommer et acquérir leur logement.
8
Groupe d’appui Politiques Jeunesse
Si le constat de différences objectives entre les générations est solidement établi, et dans
l'ensemble largement accepté, les politiques à mettre en œuvre pour y répondre sont
bien plus controversées.
Trois paradigmes pour penser les rapports entre générations, par
André Masson6
Selon André Masson, trois paradigmes structurent aujourd'hui les discours sur le
social et orientent les voies de réformes de l'Etat-Providence.
1- Pour la pensée multi-solidaire, la famille fonctionne comme métaphore des
solidarités. Cette pensée prône une division des rôles entre l'Etat qui s'occupe
d'abord des plus âgés et la famille qui se consacre d'abord aux plus jeunes.
La pensée multi-solidaire souhaite intéresser les plus vieux par des
mécanismes incitatifs, en indexant par exemple les retraites élevées sur
l'évolution du taux de salaire à l'embauche des jeunes ou du taux de chômage.
2- La pensée de l'égalité citoyenne veut instaurer une dépendance mutuelle
directe entre la société nationale et chaque individu : une "citoyenneté sociale
universelle". C'est le modèle de l'Etat Providence qui est privilégié. Les
transferts monétaires doivent être limités au profit de services collectifs à la
personne. La pensée de l'égalité citoyenne préfère une augmentation des
prélèvements qui touchent mes plus âgés.
3- La pensée du libre agent fait confiance au marché et prône la liberté. Elle
fait appel à la responsabilité de chacun. L'action publique doit être minimale et
orientée vers les plus jeunes. La pensée du libre agent promeut l'initiative
privée et le mécénat.
Les outils de mesure de la redistribution
Comment déterminer la nature et l'ampleur des investissements
entreprendre les générations actuelles au profit des générations futures ?
que
devaient
1- Le taux d'actualisation
Les économistes recommandent une approche pragmatique fondée sur l'évaluation au
cas par cas des coûts et des bénéfices des actions envisageables. Le problème crucial est
alors le taux d'actualisation, c'est-à-dire du taux permettant de rendre comparable des
bénéfices ou des coûts futurs à des bénéfices et des coûts présents.
Tout se complique lorsqu'il s'agit de mettre un chiffre exact sur ce taux, ou d'en
déterminer les modalités de calcul. Doit-il se baser sur la rentabilité du capital (évaluée à
4%) quand nous cherchons à évaluer la valeur sociale de ces investissements ? Doit-il se
baser sur le taux de croissance de l'économie ? Le taux d'actualisation fluctue selon les
scénarii potentiels de croissance future élaborés par les économistes.
2 - La comptabilité intergénérationnelle
La comptabilité générationnelle7 est une méthode visant à évaluer l'ensemble des
charges financières que les politiques publiques imposent aux générations futures. Elle
cherche à donner une mesure de la dette plus correcte que la dette publique
traditionnelle, en intégrant notamment, au-delà des dépenses et des recettes courantes,
tous les postes de la sécurité sociale et le patrimoine de l'Etat.
6
7
André Masson, des liens et des transferts entre générations, Paris, Editions de l'EHESS, 2009
Pierre Pestiau, Le Choc des générations, Ed. La Découverte, p.225
9
Groupe d’appui Politiques Jeunesse
La méthode de la comptabilité générationnelle repose sur la notion de contrainte
budgétaire inter-temporelle des administrations publiques. En d'autres termes, les
recettes des administrations publiques (taxes, impôts et cotisations des générations
présentes et futures) ainsi que leurs actifs (patrimoine public) doivent permettre de
financer l'intégralité des dépenses des générations futures.
Ce genre de calcul pose de nombreux problèmes, parmi lesquels la question du taux
d'actualisation à utiliser, de la composante du budget qu'il convient d'intégrer et de la
stabilité ou non des politiques mises en œuvre.
Une illustration des politiques de transferts entre les générations :
la question des retraites
Le débat sur les retraites illustre de façon emblématique le défi des politiques publiques à
mettre en œuvre en vue de favoriser l'équité intergénérationnelle.
Le système de retraite français a vu sa part croître régulièrement dans le produit
national. Au cours des années soixante, il ne représentait que 5 % du PIB et il servait des
retraites modiques à partir d'un âge d'environ 65 ans. Les retraites aujourd'hui
représentent entre 12 et 13 % du PIB. La pauvreté relative des plus de 65 ans est
passée dans les années 1970 en dessous de celle des moins de 65 ans. Ceci s'est
accompagné d'un allongement de la durée des retraites par ses deux extrémités.
Toutes ces évolutions ont été rendues possibles par un contexte démographique
favorable et par une croissance économique rapide jusqu'au milieu des années 70.
Mais aujourd'hui, la croissance a fléchi pour atteindre entre 1 à 2 % par an, et on assiste
au basculement à la retraite des générations nées à partir de 1976. La conséquence est
un quasi doublement du nombre de retraités. Pour répondre à une telle contrainte, il
existe différentes solutions :
-
Jouer sur l'âge du départ à la retraite uniquement, auquel cas la hausse requise
est considérable (8 à 9 ans).
-
Ne jouer que sur le niveau de vie relatif des retraités. Là aussi, l'effet est
considérable: il faudrait diviser par deux leur niveau de vie relatif.
-
Jouer sur l'effort contributif en le multipliant par 1,5 ou 1,6 à l'horizon 2050
pour préserver l'acquis. Ces hausses de taux d'effort n'impliquent pas de baisse
tendancielle du niveau de vie des actifs ou des retraités si le progrès de la
productivité est suffisant (avec une croissance de 1,8 % par an, on obtient un
doublement du revenu brut sur 40 ans).
-
Développer la capitalisation, auquel cas le choc démographique doit être anticipé.
C'est dans les années 1980 qu'il aurait été bon de commencer à accroître le
financement.
Comment trancher pour une réforme plutôt qu'une autre ?
Comme le rappelle Antoine Bozio8, il est difficile de trancher dans la mesure où l'équité
intergénérationnelle n'est pas le seul objectif que cherche à atteindre les systèmes de
retraite. Ceux-ci remplissent une fonction d'assurance : ils visent à transférer des
ressources dans le temps et à financer ces transferts, mais aussi à financer de la
redistribution entre les générations. La multiplicité des objectifs risquant d'obscurcir le
débat, il faut opter pour un système le plus transparent possible.
Même si l'équité intergénérationnelle constituait l'objectif principal du système des
retraites, on ne pourrait pas trancher de façon univoque pour une piste ou une autre.
L'équité intergénérationnelle se révèle être un critère multiforme. Il n'existe pas
d'acception unique de ce en quoi elle consiste. Passer les réformes au crible des
différentes conceptions ne suffit pas à caractériser la bonne politique de retraites.
8
Le Choc des générations, Editions de la Découverte, p. 115
10
Groupe d’appui Politiques Jeunesse
11
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Bibliographie
1- Richesses
Manifestes / Rapports
-
Joseph STIGLITZ, Amartya SEN, Jean-Paul FITOUSSI, Richesse des nations et bienêtre des individus : vers de nouveaux systèmes de mesure, éditions Odile Jacob,
2009 (Voir synthèse)
-
Indicateurs sociaux, état des lieux et perspectives. Rapport pour le Conseil de
l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion sociale (CERC), Janvier 2002.
-
Manifeste du Forum pour d'autres indicateurs de richesse (FAIR), De la société du
"beaucoup avoir" pour quelques unes à une société de bien-être durable pour tous"
Articles / revues
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Revue Interdépendances, juillet 2009 - Rédacteur en chef invité : Patrick Viveret
“Le PIB ne fait pas le bonheur !” .
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Vive la sobriété heureuse !, Article publié le 14 Juin 2009, Par Patrick Viveret
Source : Le Monde
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Indicateurs sociaux et théorie sociale, Bernard Perret, in L’alter-économie, Quelle
« autre mondialisation » La Découverte, Revue du MAUSS, Premier semestre 2003
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Les inégalités en France, Hors Série d'Alternatives Economiques, mars 2010
Article intitulé "Comment redistribuer la richesse", par Denis Clerc.
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Bien-être de tous et implication des citoyens, Gilda Farrell, Tendance de la cohésion
sociale, n° 20, Conseil de l’Europe, nov. 2008.
http://www.coe.int/t/dg3/socialpolicies/socialcohesiondev/source/Trends/Trends20_fr.pdf
La croissance ne fait pas le bonheur : les économistes le savent-ils ?, I. Cassiers et C.
Delhain, Regard économique, n° 38, mars 2006.
http://www.econospheres.be/spip.php?article42
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Le social et l’environnement : des indicateurs alternatifs au PIB, par Philippe DEFEYT,
économiste, octobre 2004 http://users.skynet.be/idd/documents/divers/indicalt.pdf
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La Richesse autrement, Hors-série d’Alternative Economiques, mars 2001
Ouvrages
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Patrick Viveret, Reconsidérer la Richesse (éditions de l'Aube), 2002
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Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice, Les Nouveaux Indicateurs de richesse,
Découverte, coll. « Repères », 2005, 128 p., 7,95 €.
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Dominique Meda, 1999, Qu’est-ce que la richesse ?, “ Alto ”, Aubier, rééd. ChampsFlammarion, 2000.
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Dominique Meda, Au-delà du PIB, pour une autre mesure de la richesse, Flammarion,
2008
La
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Groupe d’appui Politiques Jeunesse
2- Générations
Articles / revues
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Le débat sur les retraites occulte celui sur l'horizon bouché de la jeunesse, Tribune de
Louis Chauvel parue dans le Monde, édition du 27 mai 2010
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La responsabilité des générations, article de Louis Chauvel publié dans la revue
"Projet" n° 266, 2001
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Quelle autonomie pour les jeunes?, article de Laurent Jeanneau paru dans
Alternatives Economiques, septembre 2009
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Lien entre générations et médiation, ou de quelques paradoxes dans l’analyse de
l’autonomie des jeunes, Vincenzo Cicchelli
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Les générations à la peine, Thierry Pech, Alternatives Economiques, Hors-Série n°
085, avril 2010
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Pourquoi l'âge est-il en France le premier facteur de discrimination dans l'emploi?
Anne-Marie Guillemard, Retraite et société, n° 51, juin 2007
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Relations intergénérationnelles : de nouvelles dépendances, par Marc-Olivier Padis,
rédacteur de la Revue Esprit, la Tribune Fonda n° 193, octobre 2008
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De génération à génération, Informations sociales n° 134, 2006/6, 148 pages
Ouvrages
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"Le destin des générations. Structure sociale et cohortes en France au XXe siècle",
Louis Chauvel, éd. PUF, 1998.
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"Le problème des générations", Karl Mannheim (1926), éd. Armand Colin, 2005.
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"Le Choc des générations". Regards croisés sur l'économie n°7, La Découverte, 248
pages.
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"France, Europe: quels regards sur la jeunesse?" - 166 p. – Les cahiers de profession
banlieue
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"Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe", Cécile Van de Velde,
Paris, PUF, 2008.
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"Des liens et des transferts entre générations", André Masson, éd. de l'EHESS, 2009.
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"Les comportements de transferts intergénérationnels en Europe", Claudine AttiasDonfut, Economie et Statistique n° 403-404, 2007.
Enquêtes et rapports
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Enquête "Génération 2004", Centre d'études et de recherches sur les qualifications
(Céreq). Disponible sur: www.cereq.fr/enquete generation2004.htm
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La répartition des prélèvements obligatoires entre générations et la question de
l'équité générationnelle, Conseil des prélèvements obligatoires, novembre 2008,
disponible
sur
www.ccomptes.fr/fr/CPO/docu
ments/divers/RapportDF
PourEdition.pdf
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Retraites: perspectives 2020 et 2050, Conseil d'orientation des retraites, troisième
rapport, mars 2006. Disponible sur: www.cor-retraites.fr/article289.html
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