Note sur la toxicité de moringa oleifera Une équipe de chercheurs

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Note sur la toxicité de moringa oleifera
Daniel Pesche –La vitalité Abordable
1-Origine des recherches
Une équipe de chercheurs de l’université du Rajasthan, à Jaipur (Inde) a publié en juin 2012
une étude sur le pouvoir antidiabétique de M. oleifera :
Rajnish GUPTA, et alter. Evaluation of antidiabetic and antioxydant activity of M.
oleifera in experimental diabetes. Journal of diabetes ; Vol 4, Issue 2 ; pages 164-171, June
2012.
L’auteur R. GUPTA a publié plus de 6400 études depuis 1959, dont 5 ont été consacrées au
moringa, la plus ancienne datée de l’année 2005.
L’étude peut être consultée à l’adresse : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22103446
Bouton < Fulltext on line Wiley
La méthodologie générale consiste à extraire et concentrer les principes actifs contenus dans des
gousses de moringa en poudre. On incorpore dans la ration alimentaire journalière d’un lot de rats une
substance réputée diabétogène + différentes doses d’un concentré de moringa. Au bout d’un certain
temps d’application de ce régime alimentaire, on procède à des analyses biologiques et des examens
histologiques du pancreas (état des îlots de Langerhans) des rats, pour déterminer l’influence du
moringa sur la protection contre le diabète.
L’expérimentation a comporté 5 phases :
1-Extraction des principes actifs solubles dans le méthanol et évaporation du solvant. Le résidu est
un concentré des principes actifs MOMtE (Moringa Methanol Extract)
2-Détermination de la toxicité du MOMtE. On introduit des doses croissantes de MOMtE dans la
ration journalière de lots de rats. On détermine le taux de mortalité (létalité) des différents
échantillons. La toxicité est exprimée en poids de substance toxique ingérée par jour par les animaux
dans l’échantillon qui présente un taux de létalité de 50% (LD50 Value).
3-Caractérisation des molécules responsables de la toxicité du moringa.
4-Administration aux rats, par injection, d’une substance diabétogène, la streptozotoxin STZ.
5-Introduction de doses variables de MOMtE dans la ration journalière des rats pendant 21 jours
(0, 150, et 300 mg/Kg/jour).
Encadré 1-Résultats
1-Avec 3 Kg de poudre de gousses de moringa, on a obtenu 25,7 g de concentrat en
poudre dénommé « MOMtE » (Moringa Methanol Extract). Le facteur de concentration
est donc de 3000/25,7=116,73 .
 2-Toxicité de l’extrait concentré MOMtE : LD50 = 1,3 g par Kg de poids corporel .
 3-Les molécules responsables de la toxicité du moringa sont la quercétine et le
kämférol.
 5-Les effets du régime alimentaire ont été déterminés par des tests biochimiques
dans le sérum sanguin (dosage de l’insuline, des protéines totales, de l’albumine),
dans le tissu pancréatique (glycogène, lipides peroxydés, diverses enzymes).
Les analyses ont été complétées par l’examen de coupes histologiques du pancreas.
On constate une réduction significative de la glycémie chez les animaux traités avec l’ extrait
concentré MOMtE et la regénération du tissu cellulaire de pancréas.

En conclusion, les auteurs estiment qu’i y a « une opportunité pour développer des
médicaments à base de moringa. »
Une analyse de cette publication peut être consultée dans le livret de « Documentation utile
pour apprécier l’opportunité de vulgariser l’utilisation du moringa dans l’alimentation
familiale en Guinée. Annexe 4 », édité par La Vitalité abordable.
2-En savoir plus sur les molécules de quercétine et de kämférol.
Le quercitron est un chêne originaire des Etats Unis (Pensylvanie, Caroline). Son nom résulte de la
fusion des mots latins quercus, chêne, citrus »,citron. On extrait en effet de son écorce et des glands
un colorant jaune utilisé pour la teinture artisanale du coton,de la laine et de la soie.
Le principe colorant fut extrait par le chimiste Chrevreul (1786-1889, qui l’appela « quercitrin » et
détermina sa formule brute C 21 H 22 O 12. Le dédoublement de la molécule sous l’action d’un acide
dilué donne un autre colorant jaune, la quercétine, C15H10 O 7.
Encadré 2
Molécule de quercétine
La figure ci-contre donne la
configuration de la molécule de
quercétine, conforme à la formule
brute de Chevreul.
Le radical R est un glucide (glucose,
galactose, ou hydrogène dans le
quercétol, ou autre).
La quercétine est donc constituée
d’une partie cyclique (les hexagones)
, et de la partie glucidique R, d’où le
nom de glucoside, ou hétéroside.
On ne rencontre la quercétine que dans les milieux végétaux. Dans la sève sa concentration est
limitée par sa faible solubilité dans l’eau (60 mg/litre à 16°C (source : United States National Library
of Medicine, référence RN 117-39-5). Par contre elle s’accumule sous forme de pigments dans les
tissus cellulaires.
Lors de la digestion des aliments par l’homme ou les herbivores, la quercétine se dédouble sous
l’action des enzymes de l’intestin grêle et passe dans le sang. La forme cyclique, dite aglycone, se
recombine aussitôt avec d’autres molécules du sang qui sont stockées dans le foie. C’est pourquoi il
n’y a pas de quercétine dans les substances animales.
Quant au kämférol, il ne diffère de la quercétine que par la substitution d’un H à la place du radical
OH de l’hexagone, en haut de la figure encadré 2. Les propriétés chimiques et physiques de ces
molécules sont très voisines . Elles appartiennent à la catégorie des flavonoïdes, du latin flavus, jaune.
Ces pigments sont inégalement répartis dans le règne végétal. La banque de données National
Agricultural Librairy met à la disposition du public les teneurs en flavonoïdes de 225 fruits et
légumes. Les légumes tropicaux sont peu représentés, à part l’oignon et la tomate, deux légumes très
consommés en Guinée.
Le tableau encadré 3 attire l’attention sur les variations importantes des concentrations en
flavonoïdes, suivant les variétés. L’expression « la teneur en quercétine de l’oignon est de … » ne
veut rien dire. Il faut préciser de quelle variété d’oignon il s’agit.
L’attention est aussi attirée sur la relation entre la fiabilité de la valeur moyenne M des résultats
d’analyses et le nombre N d’échantillons analysés. Les valeurs des résultats d’analyse sont comprises
dans une plage définie par l’intervalle (Min-Max) et pour être significative, la valeur moyenne M doit
être basée sur un grand nombre d’échantillons analysés.
Ainsi la teneur en quercétine de la purée de tomate n’est pas significative par rapport à celle des fruits
mûrs, à cause du trop petit nombre d’analyses de purée.
Encadré 3
Concentrations de l’oignon et de la tomate en quercétine et kämférol
Source : USDA Database for the Flavonoïd Content of Selected Foods Version 2003
http://www.nal.usda.gov/fnic/foodcom/Data/Flav/flav.pdf
3-Utilisation du tableau pour déterminer la toxicité d’une ration alimentaire
Encadré 4
La toxicité d’une substance dépend de la dose ingérée
La toxicité d’une substance dépend de la dose ingérée
La toxicité d’une substance dépend de la dose ingérée
La toxicité d’une substance dépend de la dose ingérée
La toxicité d’une substance dépend de la dose ingérée
Encadré 4
Il y a un seuil pour lequel il n’y a
aucun effet toxique décelable
(partie inférieure de la courbe).
Pour les fortes doses, il y a un
palier au-delà duquel la quantité
de substance ingérée n’a plus
d’influence sur les effets
néfastes.
La dose létale médiane LD50
caractérise la toxicité d’une
substance.
La dose létale médiane LD50 mesure la dose de substance causant la mort de 50% d’une population
animale, le plus souvent des rats ou des souris, dans des conditions expérimentales standardisées. Elle
s’exprime en unités de masse de substance ingérée par Kg de masse corporelle (g/Kg).
Exemples
LD50 rats par voie orale
Sel de table
3,000 g/Kg
Quercétine
0,161 g/Kg
Kämférol
2,100 g/Kg
Rutine 0,950 g/Kg
Plus la DL50 est élevée, moins la toxicité est élevée, et inversement. On a tenté de définir une échelle
absolue des toxicités classées de très peu toxiques à très toxiques, mais cela reste un concept arbitraire.
Par contre il est intéressant de croiser les données LD50 et concentration en principe toxique, afin de
déterminer la toxicité d’un menu, ou d’un régime alimentaire chez l’homme, ou l’animal.
Exemple
Un adulte pesant 60 Kg consomme 10 g d’oignons dans une sauce. Quelle est la toxicité de la dose
ingérée, due à la présence de quercétine dans l’oignon ?
Données : Teneur en quercétine de l’oignon cuit non salé : 19,35 mg/100 g (tableau encadré 3)
LD50 quercétine : 0,161 g/Kg
Quercétine ingérée : (19,35/1000)*(10/100) = 0,001935 g
Quercétine ingérée par Kg de poids : 0,001935/60= 0,00003225 g
% Toxicité ingérée par rapport à la dose létale médiane : (0,00003225/0,161)*100 = 0,0200 %
Quercétine ingérée par Kg de poids : 0,001648/60= 0,00002746 g
% Toxicité ingérée par rapport à la dose létale médiane : (0,00002746/0,161)*100 = 0,0170 %
Il faudrait ajouter le % Toxicité provenant du sel, mais le cumul reste très faible.
Cet exemple permet de situer la toxicité des quantités ingérées de produits de grande
consommation réputés non toxiques.
4-Peut-on appliquer ce type de calculs au moringa ?
Les recherches poursuivies par l’équipe de l’université de Jaipur, en Inde, ont utilisé comme matière
première la gousse de moringa. Il y a certainement des différences de composition entre les gousses
et les feuilles de ce végétal. Cependant les molécules toxiques sont les mêmes. Ce sont des composés
organiques connus depuis très longtemps et décrits dans les traités de chimie organiques anciens parmi
des dérivés du phénol, les « flavonoïdes », qui sont des colorants naturels jaunes présents dans les
feuilles, les fleurs, les graines, les racines et les bois.
Les deux molécules, quercétine et kämférol, peuvent être dosées par des méthodes analytiques
simples et peu coûteuses, qui permettront de comparer les teneurs des gousses et des feuilles de
moringa en substances toxiques.
La toxicité de l’extrait concentré MOMtE , LD50 = 1,3 g par Kg de poids corporel (résultat 2, encadré
1) peut être extrapolée à la poudre de gousses de moringa en appliquant le facteur de concentration
116,73 (résultat 1, encadré 1) :
Poudre de gousses de moringa LD50 = 1,3 * 116,73 = 151,749 g/ Kg de poids corporel. Cette dose
est largement supérieure au seuil de non toxicité, soit 15 g/Kg, dans l’échelle de Gosselin (encadré 5).
Encadré 5
Classes de toxicité des substances dans l’échelle de Gosselin
(Référence : R. Gosselin, R.P. Smith, H.C. Hodge. Clinical toxicology of commercial products. 1984,
Williams & Wilkins)
1-Substance pratiquement non toxique
2"
légèrement toxique
3"
modérément toxique
4"
très toxique
5"
extrêmement toxique
6"
super toxique
LD50 >15 g/Kg
LD50 5 à 15 g/Kg
LD50 0,5 à 5 g/Kg
LD50 50 à 500 mg/Kg
LD50 5 à 50 mg/Kg
LD50 <5 mg/Kg
Des analyses de la teneur des feuilles de moringa en composés flavonoïdes permettront de déterminer
avec précision la toxicité des produits fabriqués et les quantités qui peuvent être ingérées sans effets
indésirables.
Le même problème se pose pour toutes les sources de protéines foliaires , feuilles de manioc,
feuilles de patates, et autres, couramment consommées en Afrique, et pour lesquelles on n’a pas
ou peu de données toxicologiques.
5-Toxicité selon le modèle de Lorke
« Le concept de dose létale médiane DL50 a été inventé par J.W. Trevan en 1927 et permet de
classifier tous les produits par dangerosité à court et moyen termes.
L'OCDE a fait de la DL50 un test officiel (ligne directrice pour les essais 401) en 1981. En 1987, elle a
réduit à 20 au lieu de 30 le nombre minimal d'animaux que doit contenir l'échantillon testé. En 2001,
elle a validé trois nouvelles méthodes destinées à remplacer la DL50 et à occasionner une moindre
souffrance animale. La ligne directrice 401 a finalement été abrogée par l'OCDE, le 17
décembre 2002 ». (in Wikipedia>Dose létale médiane>historique>interprétation).
Parmi les nouvelles méthodes agréées, le modèle de LORKE, publié en 1983, est un des plus utilisé,
adapté et modifié selon les besoins. L’innovation a consisté à limiter les tests à l’apparition des
symptômes de toxicité sans aller jusqu’à la mort des animaux (encadré 6). Cela présente 3 avantages :
le respect du bien-être des animaux, une diminution du coût des tests, et surtout une meilleure
sécurité dans extrapolation des résultats à l’espèce humaine.
Encadré 6
Détermination de la dose moyenne létale selon le modèle de Lorke
(référence : Deora Paramveer S. et alter. Effective alternative methods of LD50 help to save number of
experimental animals. J. Chem. Pharm. Res., 2010, 2(6) : 450-453 )
Dans une première série de tests, on détermine la plus forte dose a pour laquelle il n’y a aucune
létalité, et la plus petite dose b pour laquelle la létalité est de 100%. On divise l’intervalle ab en 6
parties égeles correspondant aux doses ab1….ab5 dont on détermine la létalité, ce qui a pour effet de
déplacer la valeur DL50 vers la gauche, ou vers la droite, modifiant ainsi l’intervalle de sécurité entre la
zone sans danger (en vert sur la figure) et la zone toxique (en rouge sur la figure).
6-Application à la toxicité des graines de moringa oleifera
Référence : Ajibade TO, Arowolo R, Olayemi FO. Phytochemical screening and toxicity studies on
the methanol extract of the seeds of moringa oleifera. J Complement Integr Med. 2013 May
7;10(1):1-6.
PMID: 23652639
Un concentré de graines de moringa a été préparé par extraction au méthanol, puis évaporation du
solvant à basse pression. Avec 345 g de poudre de graines, on a obtenu 15,4 g d’extrait, ce qui
détermine un facteur de concentration égal à 22,4 . Les principaux composants toxiques présents
dans l’extrait sont des saponines, des tanins, des terpènes, des alcaloïdes, des flavonoïdes, des
glucosides.
En dessous d’une ingestion de 3 g d’extrait concentré par Kg de poids corporel, il n’y a aucun effet
indésirable. Les premiers symptômes de toxicité aigüe apparaissent lors d’une ingestion de 4 g/Kg de
poids, à savoir : stress respiratoire, immobilité, et lenteur des réponses à des stimulations externes. La
mortalité survient à partir d’une dose de 5 g/Kg.
La dose médiane létale DL50 chez le rat est de 4,4721 g d’extrait méthanolique concentré ingéré par
Kg de poids de l’animal. La toxicité se manifeste sous forme d’une perte de poids de l’animal à partir
de 1,6 g/Kg, et par une augmentation significative des concentrations sanguines en alanine et aspartate
transférases (deux enzymes protéolytiques).
Encadré 6
Toxicité de l’extrait concentré de graines de moribga oleifera
En multipliant la DL50 de l’extrait méthanolique de poudre de graines par le facteur de concentration
22,4 , on a une estimation de la toxicité de la poudre de moringa :
Poudre de graines de moringa DL50 = 4,4721 * 22,4 = 100,17 g/ Kg de poids corporel. Cette valeur
situe les graines de moringa parmi les denrées non toxiques dans l’échelle de Gosselin, comme c’est
le cas pour les gousses (paragraphe 4, encadré 5).
Ceci permet de conclure avec les auteurs de l’étude à "l’inocuité de l’extrait de graines de moringa
oleifera utilisable à des fins médicinales, nutritionnelles, ou pour l’épuration des eaux brutes".
7-Application à la toxicité des extraits aqueux (tisanes) de feuilles de moringa oleifera
Référence : Awodele O, Oreagba, IA, Odoma S, da Silva JA, Osunkalu VO. Toxicological
evaluation of the aqueous leaf extract of moringa oleifera oleifera. J. Ethnopharmacol. 2012 Jan
31;139(2):330-6.
PubMedID : 22138517
La consommation mondiale de plantes medicinales augmente. La médecine traditionnelle prescrit de
nombreuses plantes dont les vertus sont reconnues par des groupes ethniques, mais le plus souvent on
a peu ou pas d’information sur les effets indésirables résultant d’une certaine toxicité. Moringa
oleiforma entre dans cette analyse. La présente étude cherche à remédier à cette lacune.
Il faut distinguer :
 La toxicité aigüe, résultant de l’ingestion d’une dose massive de la substance, par voie orale ou
par injection péritonéale ; dans le cas présent, on a administré par voie orale 6,4 g/Kg et par
voie péritonéale 2,0 g/Kg d’un extrait aqueux, des doses supérieures à la dose létale médiane
de l’extrait DL50 = 585 g/Kg.
 La toxicité chronique résultant d’une consommation du produit dans la durée, par exemple 60
jours. Des doses croissantes d’extrait aqueux ont été testées par voie orale (250, 500, 1500
mg/Kg/jour).
Des paramètres biologiques ont été mesurés (enzymes du foie, urée, créatinine) et des biopsies rénales
ont été effectuées (microphotographies 1 et 2).
Il n’y a pas de différences significatives entre les rats traités (ingestion de moringa) et non traités. Pas
de différence non plus au niveau de la prise de poids. On note cependant une moindre consommation
d’aliments par les rats qui consomment du moringa.
L’étude conclut à une relative sécurité de la consommation d’extrait aqueux de moringa par voie
orale.
Microphotographies 1
Coupes de reins
A : rats non traités
B : rats ayant ingéré 250 mg/Kg d’extrait aqueux de feuilles
C : ingestion de 500 mg/Kg d’extrait
D : ingestion de 1 500 mg/Kg d’extrait
Pas de différences significatives entre les vues A,B,C,D.
Microphotographies 2
Coupes de foies
A : rats non traités
B : rats ayant ingéré 250 mg/Kg d’extrait aqueux de feuilles
C : ingestion de 500 mg/Kg d’extrait
D : ingestion de 1 500 mg/Kg d’extrait
Aucune différence entre les vues A,B,C,D.
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