Tout parasite vit aux
dépens de celui qu’il
habite. Ainsi, la tique
suce le sang de sa vic-
time pour se nourrir, le coucou
squatte le nid d’autres oiseaux
pour y pondre ses œufs et le gui
pompe la sève de son hôte pour
pallier son incapacité à réaliser
la photosynthèse. Pasétonnant
que ces proteurs sourent
d’une mauvaise réputation!
Surtout quand ils prennent la
forme de poux, de vers intestinaux
ou encore de puces de canard,
bref, de toutes ces petites bêtes
promptes à envahir, démanger
ou même parfois transmettre
des maladies…
Mais au-delà de cetteétiquette
de nuisibles qui leur colle à la
peau (quand ils ne s’accrochent
pas à celle des autres), les para-
sites trouvent leur utilité dans
l’environnement, ainsi que le
rappellent Olivier Glaizot et
Philippe Christe dans une expo-
sition à découvrir au Musée de
zoologie de Lausanne*. Biologiste
et conservateur au sein de cette
institution, le premier s’est asso-
cié au second, professeur au dé-
partement d’écologie et d’évolu-
tion de l’Université de Lausanne,
pour remettre l’église au milieu
du village et le parasite au cœur
de la biodiversité.
«Ces organismes vivants
jouent un rôle prépondérant
dans le processus de sélection
naturelle, soulignent les deux
hommes. Tout comme les pré-
dateurs éliminent les proies les
moins adaptées à leur environ-
nement, les parasites ont rai-
son des hôtes les plus faibles,
participant ainsi à la sélec-
tion des plus aptes à survivre.»
Mieux encore: sans eux, les pa-
rades nuptiales des oiseaux n’au-
raient peut-être pas lieu d’être.
Exit les couleurs chatoyantes
des oiseaux du paradis, les lon-
gues plumes de la queue des
veuves africaines ou celles de la
roue majestueuse du paon, ou,
plus près de chez nous, l’orange
éclatant du bec des merles!
«Ces caractères sexuels
secondaires, tels qu’on les
nomme, sont extrêmement
coûteux en énergie, explique
Philippe Christe. Un individu
parasité n’aura pas la force
de les maintenir. On peut dès
lors les considérer comme
un signal reétant la capacité
de résistance de l’oiseau, une
indication de leur bonne santé,
qui seront déterminants pour
une femelle lorsqu’il s’agira
de choisir un mâle avec qui
s’accoupler
La reproduction avant tout
En parlant d’accouplement:
même si la théorie s’avère
Environnement
La face cachée
desparasites
Au-delà de leur mauvaise réputation, ceux que nous qualions
volontiers de proteurs ou de nuisibles jouent, comme tout être vivant,
un rôle décisif dans l’environnement, notamment dans
le processus de sélection naturelle.
Texte: Ta nia Araman
Olivier
Glaizot,
biologiste et
conservateur
Philippe
Christe,
professeur
associé à l’UNIL
Photos: Getty Images, Keystone, iStock, François Biollaz
28 |MM44,31.10.2016 | SOC
dicile à démontrer, les para-
sites expliqueraient également
l’importance… du sexe dans
le monde vivant! «Certaines
espèces peuvent se reproduire
de manière sexuée ou asexuée.
Cette dernière solution s’appa-
rentant à du clonage, un indivi-
du peu résistant aux parasites
donnera donc automatiquement
naissance à une descendance
achant la même faiblesse.»
En revanche, en optant pour
la reproduction sexuée, en inté-
grant un partenaire dans l’équa-
tion, l’individu favorisera la
diversité tique et augmen-
tera les chances de survie de ses
rejetons. De là à dire que sans
parasites il n’y aurait pas de sexe,
il n’y a qu’un pas, que ne fran-
chiront toutefois pas les deux
spécialistes. «Disons plutôt que
ce mécanisme a été favorisé par
la sélection naturelle.»
Par ailleurs, Olivier Glaizot et
Philippe Christe sont convain-
cus des impacts positifs qu’aurait
l’élevage de certains de ces orga-
nismes dans un domaine comme
celui de l’agriculture. «Prenez
l’exemple de la pyrale du maïs,
ce papillon ravageur de cultures:
elle-même se trouve être l’hôte
d’une guêpe qui y pond ses larves
et à terme l’élimine. En utilisant
cette guêpe à des ns de lutte
biologique, les paysans peuvent
ecacement contrôler le rava-
geurMais attention, mettent-
ils en garde, à ne pas introduire
un parasite qui s’avérerait nale-
ment tout aussi néfaste que
le mal qu’il veut éradiquer!
Le saviez-vous?
Le monde
merveilleux
desparasites
Longtemps, on pensait
que les rayures du zèbre
lui permettaient de
se confondre avec les
herbes de la savane et
d’échapper ainsi aux
prédateurs. Selon
une nouvelle hypothèse,
cette robe particulière
le rendrait surtout
invisible pour lamouche
tsé-tsé,vecteurdu
parasiteporteur de la
maladie du sommeil:
Elle aurait plus de mal
à distinguer les surfaces
raes que celles unies.
Le coucou n’est pas le
seul oiseau considéré
comme un parasite. Le
labbe est passé maître
dans le vol de nourriture
d’autres oiseaux marins,
en les poursuivant
inlassablement,
leshouspillant jusqu’à
ce qu’ils abandonnent
lapitance qu’ils
transportaient.
A noter que le labbe
étant aussi capable de
trouver sa nourriture
tout seul, il est qualié
de parasite facultatif.
Le gui dépendant d’un
support végétal pour
survivre, il peut compter
sur l’aide des oiseaux
comme la grive draine
pour disséminer
ecacement ses
graines. Ayant in
le fruitduguidont
ilssont friands, ces
derniers déposeront
ensuite leur ente sur
d’autres arbres où la
graine du parasite,
demeurée intacte,
pourra germer.
1
Le gui aaiblit les arbres qu’il
colonise de son étreinte étouante.
2
Les moustiques sont heureusement
des parasites temporaires…
3
L’absence de parasites permet aux
oiseaux de rehausser leur parure
de tons éclatants, comme
c’est le cas pour le bec orange
du merle.
4
Une tique se prépare à son festin.
5
La chenille de la pyrale du maïs n’est
pas à l’abri d’autres parasites, même
cachée dans la cavité centrale des épis.
1 3
4
5
2
SOC|MM44,31.10.2016 | 29
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Le parasite et son hôte
Une relationlongue durée
Lesparasitespeuvent prendre
desaspectstrèsdiérentsles
unsdesautres.Leur point com-
mun? «Ils dépendent physiologi-
quement de leur hôte et ont une
inuence négative sur ce dernier»,
expliquent Philippe Christe et
Olivier Glaizot. Qui le recon-
naissent volontiers: la dénition
exacte de ces proteurs reste
parfois oue. Ainsi, un moustique
peut-il être qualié de parasite?
«Pas vraiment. S’il ne peut pas
vivre sans le sang de sa victime,
l’interaction est assez courte. Or,
un parasite établit une relation
durable avec son hôte. Il s’y ins-
talle, s’y nourrit et l’utilise même
comme moyen de transport. Il a
donc intérêt à ce que ce dernier
vive le plus longtemps possible.»
Et de préciser toutefois que
certains parasites entraînent
la mort de leur hôte, comme c’est
le cas des parasitoïdes. Les deux
spécialistes insistent également
sur la notion de coévolution,
l’hôte développant des parades
pour lutter contre son parasite,
et celui-ci s’empressant de
trouver des nouvelles stratégies
pour arriver à ses ns.
«Par exemple, le coucou pond ses
œufs dans les nids d’autres oi-
seaux. Une fois éclos, l’oisillon
éjecte les œufs de l’hôte. L’oiseau
parasité peut apprendre à recon-
naître l’œuf de coucou et l’exclure
àtemps de son nid: on l’observe
notamment chez certaines pies
bavardes espagnoles. Mais le
coucou est capable de pondre
des œufs qui ressemblent à ceux
de son hôte, qui n’y verra que du
feu…» Olivier Glaizot évoque
aussi le comportement «maeux»
du coucou geai, qui n’hésite pas
à espionner le nid de son hôte.
Si d’aventure une pie espagnole
en venait à éjecter son œuf, le
brigand se vengerait en cassant
à son tour les œufs de la pie…
Enn, Olivier Glaizot met éga-
lement en lumière l’utilisation
de certains de ces proteurs en
médecine, notamment pour
lutter contre les maladies
auto-immunes. «En ingérant
un œuf de ver intestinal, le
patient détourne l’attention
de son système immunitaire,
qui jusque-là s’attaquait à ses
propres cellules. La méthode
est assez nouvelle, mais les
premiers tests ont été plutôt
concluants. Encore faut-il
dépasser notre dégoût à l’idée
d’avaler un ver…» Et Philippe
Christe de renchérir: «Etant
donné que plus de 30% des
organismes vivants sont des
parasites, on peut imaginer
qu’il nous reste encore de
nombreuses découvertes
à faire quant à leur utilité,
en médecine et ailleurs!» MM
* A voir jusqu’au 20 août 2017: «Parasites!
L’exposition qui démange», Musée de
zoologie, Palais de Rumine, Lausanne.
Plus d’infos: www.zoologie.vd.ch
Un accenteur mouchet (à dr.) et un coucou se disputent le nid.
Photo: Getty
SOC|MM44,31.10.2016 | 31
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