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Le Sāṃkhya d’après Tara Michaël Le préfixe Sam = complètement, totalement, parfaitement, union Le verbe Khyā = l’action de connaître Sāṃkhya = dénombrement, système d’énumération Le Sāṃkhya commence par ces mots : « Il n’y avait ni jour ni nuit, ni espace, ni terre, ni ténèbres, ni lumière en ce temps-­‐là. C’est le monde de Asat. Il n’y avait que l’Un, insaisissable par l’ouïe et les autres facultés de connaissance, l’Absolu (Brahman), l’Etre Principiel, le Puruṣa reposant en sa nature primordiale ». Puruṣa est l’être parfait, l’Homme à la conscience pure. Le Sāṃkhya raconte : « Le désir est arrivé avec la prakṛti. La prakṛti allume le Puruṣa et la belle prakṛti danse devant le Puruṣa et le Puruṣa active la prakṛti qui déroule, à travers les guna, le monde devant lui. Puis le Puruṣa après avoir bien jouit s’en va. Jouissance et détachement. » Par la manifestation, la rencontre de ces 2 dualités, d’un côté la conscience pure et de l’autre la matière, le petit homme (ou “petit puruṣa”) est né. Sa naissance est due à la séparation avec le Puruṣa. Et toute la souffrance humaine exprimée dans le Sāṃkhya va venir de cette séparation initiale avec le Puruṣa. En théorie, le Sāṃkhya représente un système expliquant, pas à pas, dimension par dimension, la façon dont l'univers a été créé, non seulement à son commencement, mais à chaque instant de notre existence. C'est la raison pour laquelle il est appelé « système d'énumération ». L'une des idées fondamentales du Sāṃkhya réside dans le fait que tout l'univers est interdépendant à tous les niveaux. Il existe une logique infaillible dans ce système. Lorsque l'on affirme que quelque chose agit à un niveau cosmique, il doit également agir à un niveau microscopique. L'inverse est également vrai. Dans le Sāṃkhya nous trouvons un autre aspect fondamental, celui de l'intelligence. Le Sāṃkhya affirme que la création entière est le fruit d'une manifestation de l'intelligence consciente. Même un rocher a un niveau de conscience, étend donné qu'il est irrévocablement relié à l'intelligence cosmique se trouvant à l'origine de la création. Par conséquent, tout système de santé, de psychologie provenant ou fondé sur le Sāṃkhya doit avant tout honorer le principe d'intelligence et fonctionner de pair avec ce principe. L’Ayurveda, le système médical fondé sur le Sāṃkhya, s'efforce de travailler avec l'intelligence du corps et rééquilibre l'état de santé à travers les différents systèmes du corps. I -­‐ Généralité Ne pas confondre Saṃkhya, avec un a court, qui veut dire « nombre ». Et pourtant, Sāṃkhya est une énumération de principes constituant l’univers, mais cette parenté n’est pas donnée par la tradition sanskrite. L’origine du Sāṃkhya remonte à plusieurs siècles av. JC et elle est attribuée à un demi-­‐dieu du nom de Kapila. Iśvarakṛṣṇa, auteur des Aphorismes, l’a mis sous forme littéraire. Parmi les commentaires de Sāṃkhya Kārīkā, le plus utile est Sāṃkhya tattva kaumudī de Vācapati Miśra (IX siècle). ENPY – Ecoles Nationales de Professeurs de Yoga – Bordeaux – Toulouse – Bayonne 1 Le Sāṃkhya n’est pas une philosophie : rattacher le mot philosophie au Sāṃkhya est une erreur grave et sérieuse. La philosophie est décrite comme étant l’utilisation de la raison et de la discussion afin de rechercher la vérité ou la connaissance de la réalité concrète ou abstraite. Le système du Sāṃkhya est fondé sur l’observation et l’expérience tandis que la philosophie est fondée sur la raison et la logique et est décrite comme étant « l'utilisation de la raison et de la discussion afin de rechercher la vérité ou la connaissance de la réalité (concrète ou abstraite) ». Le Sāṃkhya décrit clairement la façon dont la création se manifeste à travers l’âme humaine individuelle, jivâtman. Il analyse en détail la façon dont l'esprit prend naissance et comment il finit par être déséquilibré et souvent malade. Il donne un sens différent à notre vie sur terre et nous procure un véritable objectif. Le but principal du Sāṃkhya est d’affranchir l’être humain de la souffrance. Le Sāṃkhya affirme que cette souffrance vient aussi de la confusion erronée, de la rencontre de deux principes diamétralement opposés dans leur nature et dans leur fonction : le Puruṣa et la prakṛti. Le but principal de ce système est de dissocier l'esprit, la conscience, de la matière. La seule façon d'appréhender véritablement le système du Sāṃkhya consiste à l'aborder de façon empirique. La seule raison qui, pour le Sāṃkhya, puisse expliquer pourquoi les âmes (Puruṣa) essentiellement libres, sont entraînées et enchaînées dans l’univers de la prakṛti, est l’ignorance, avidyā. Il ne cherche pas à savoir ce qui a causé cette ignorance, mais comment y mettre fin. Patanjali chapitre 2 verset 17 : la souffrance vient de l’ignorance du réel, c’est à dire de considérer le couple Puruṣa/ prakṛti comme indissociable. Et cette confusion crée un mal-­‐être existentiel, la nostalgie d’un bonheur non duel. Seule cette capacité discriminative assurera à l’être humain la possibilité de briser le voile de l’illusion et de l’ignorance qui faisait prendre à Puruṣa l’apparence d’un être engagé dans l’action, alors que, témoin silencieux, il demeure toujours inaltérable au sein même du changement. Briser le lien illusoire qui maintient enlacés les « amants » est pour le Sāṃkhya synonyme de délivrance, c’est à dire le seul moyen de mettre définitivement fin à la souffrance. Une fois que Puruṣa a joui de la prakṛti, une fois que celle-­‐ci lui a fourni un champ d’expériences dans lequel il peut atteindre sa propre libération, Puruṣa retire son regard et de ce fait, tout changement dans la prakṛti cesse définitivement. Ce qui explique que prakṛti soit comparée à une danseuse, et le monde à sa représentation. La délivrance a lieu quand le sujet, Puruṣa, se rend compte de sa liberté inhérente par rapport à l’objet, prakṛti. Mais, indirectement, le Sāṃkhya nous apprend aussi que Puruṣa a besoin de vivre cette attache illusoire qui le relie à prakṛti pour atteindre sa libération définitive. Cette relation essentielle, complémentaire, parfaite, des opposés, illustre la tendance toute indienne à intégrer, abolir les contraires, réunir les fragments, totaliser, en un mot unifier. Voici, pour l’Inde, la voie royale de l’Esprit. Le dualisme du Sāṃkhya ENPY – Ecoles Nationales de Professeurs de Yoga – Bordeaux – Toulouse – Bayonne 2 On considère que le Sāṃkhya est dualiste parce que dans son exposé cosmologique il ne remonte pas au-­‐delà de la dualité originelle du Puruṣa / Prakṛti. Pour toutes les écoles de Sāṃkhya, anciennes et classiques, la dualité est initiale, mais non finale, puisque l’homme, délivré des limitations du monde manifesté, aboutit à un état où la Prakṛti disparaît, et est pour lui comme n’existant pas. Les concepts fondamentaux du Sāṃkhya : 1 -­‐ Le point de départ est la prise de conscience du caractère insatisfait de la condition humaine telle qu’elle est ordinairement vécue. L’homme peut se rendre compte que, même quand tous ses besoins et ses troubles physiques, mentaux, moraux et financiers ont été éliminés, il demeure toujours en lui une sorte d’inquiétude et d’agitation intérieure, une instabilité, une insatisfaction, un manque, quelle que soit l’ampleur de ses succès extérieurs. Cette souffrance humaine vient de la séparation initiale avec le Puruṣa et ensuite de la confusion dans ce monde irréel ? Il existe une « triple misère existentielle » duhkha traya : • Celle qui provient de soi-­‐même, souffrance mentale, ne pas obtenir ce que l’on désire, ce que l’on aime, etc. ; • Celle causée par les autres êtres, depuis les humains jusqu’aux bêtes sauvages, reptiles insectes etc. • Celle d’origine céleste imputable aux éléments atmosphériques, chaleur, sécheresse, froid, tempêtes, cyclones etc. et aux influences planétaires. 2 -­‐ Le point d’arrivée est le dégoût du monde et amène au détachement. • La première naît du dégoût qu’on éprouve quand on considère les fatigues qu’il faut endurer pour acquérir tous les objets des sens, l’inquiétude pour les conserver, la souffrance de les perdre. • La deuxième naît d’une ardente soif de délivrance, d’une nostalgie intense de l’état inconditionné. Elle est comme un pressentiment d’une réalité plus haute qui fait perdre tout intérêt à tout ce qui est autre. Elle fait apparaître l’Univers entier comme l’illusion d’un rêve. 3-­‐ Le salut : ne peut advenir qu’en dehors du monde par une connaissance parfaite. Alors qu’elle est la solution du Sāṃkhya ? Pour venir à bout de chacun de ces maux, ce n’est pas la médecine, la recherche des sensations agréables, les moyens de salut fournis par la religion officielle, rituels et sacrifices, qui en seront les remèdes, car ils sont aléatoires, incertains, temporels et ne font que masquer provisoirement la précarité de la condition humaine. Même ce bonheur authentique, si rare, devra inévitablement prendre fin, étant impermanent et fondé sur des choses impermanentes. ENPY – Ecoles Nationales de Professeurs de Yoga – Bordeaux – Toulouse – Bayonne 3 Toutes conditions élémentaires telle que la santé, la nourriture etc., tout enrichissement de la condition extérieure sont vus comme une diversion par rapport à l’essentiel. D’où la volonté de réduire autant que possible les besoins vitaux, volonté qui se traduit dans la non possessivité, la continence, et les autres règles de conduite. Il s’agit de se délester au maximum de tout ce qui n’est pas absolument indispensable à la vie. Le Sāṃkhya cherche à comprendre les lois qui régissent l’univers, les secrets de l’homme-­‐Universel Paramātman. La solution est donc dans cette connaissance afin de s’arracher à la ronde des existences, samsāra. Il existe une cause première et chaque chose existe dans un état non manifesté. Exemple : « le lait caillé existe déjà potentiellement dans le lait frais. Alors le chercheur tente de cerner cette « cause première » et étudie les causes et effets ». Cela lui permet ainsi d’établir une grille des différents stades de la manifestation à partir de la Prakṛti. Pour cela, le Sāṃkhya fournit une liste de 25 essences hiérarchisées ou principes, Tattva, qui servent à comprendre le déroulement de la manifestation. (HYP page 217 Tattva = la réalité, la vérité. Ce mot est décomposé en tat = Cela, et Tvam = toi par les Vedântin qui y voient : tat tvam asi, la grande affirmation : « tu es Cela » exprimant l’identité du soi individuel et de l’éternel Brahman.) ENPY – Ecoles Nationales de Professeurs de Yoga – Bordeaux – Toulouse – Bayonne 4 
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