Le Traité Transatlantique et ses jumeaux
ALENA, CAFTA, TISA, CETA et bien sûr TAFTA :
Assauts idéologiques des firmes transnationales et des élites et scientifiques complices contre les
systèmes légaux nationaux, les normes sanitaires et phytosanitaires, l’intégrité du pouvoir judiciaire,
et pour la protection de la propriété privée et des activités des multinationales.
Cet article est le résumé vulgarisé d’un mémoire majeur de recherche écrit en toute indépendance au sein du
Cercle Géopolitique de la Fondation Dauphine. Dans ce mémoire, je mettais en évidence deux axes majeurs en
étudiant un grand nombre d’études préliminaires (ex-ante) ou d’impacts (ex-post) autour du TAFTA, mais aussi
de l’ALENA et du DR-CAFTA (accords nord-américains). D’une part les limites, erreurs, et malhonnêtetés
méthodologiques devraient invalider les résultats des études optimistes et ouvrir sur des moratoires en attendant
que la diversité des méthodes permette une estimation réaliste. D’autre part les enjeux centraux du TAFTA
étaient soulignés, ainsi que l’ensemble des raisons (économiques, politiques et méthodologiques) qui devraient
nous rendre au minimum sceptique quant à la pertinence d’un tel traité. Dans cet article, je traite essentiellement
des critiques de fond contre le TTIP, et je laisse en dernière partie de l’article les critiques techniques et
méthodologiques sur les études (cf. le point 4, Annexe technique).
1. Introduction
Les traités de libre-échange sont le nouvel outil favori des décideurs de ce monde pour faire de la politique sans
s’encombrer de l’avis des peuples. Depuis les années 80, nous sommes entrés dans une nouvelle ère de
régulation du capitalisme, le « néo-libéralisme ». La spécificité de cette forme de capitalisme est double : d’une
part les avancées politiques des capitalistes ne se font plus de concert, stratégiquement, avec « leurs » Etats-
Nation, mais à leur triment (et non à celui des élites politiques elles-mêmes qui profitent largement du
nouveau système, entre conflits d’intérêts et évasion fiscale massive). Comme nous le verrons, le néo-libéralisme
n’espère pas développer le marché par des accords multilatéraux entre les Etats, comme jadis l’ONU ou
l’Organisation Mondiale du Commerce, mais bien en affaiblissant les Etats et en les mettant seuls en balance
face aux multinationales (en témoigne la récente décision de l’Union Européenne de laisser aux Etats le choix
d’accepter les OGM, les plaçant seuls dans le rapport de force face aux géants type Monsanto...). D’autre part, le
néo-libéralisme a déconnecté la possession et la gestion de l’entreprise ; les PDG ne sont plus les actionnaires
majoritaires, et nous voici dans une nouvelle phase économique : celle de la destruction de l’industrie pour
satisfaire l’avidité actionnariale.
Le Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP ou TAFTA) est négocié dans l’ombre par les chargés
d’affaires et la Commission Européenne (non-élue) depuis 2013. Doublé par la signature en 2014 du
Transpacific Partnership entre les USA et plusieurs pays asiatiques (pour un total de 40% de la richesse
mondiale), le TTIP n’en reste pas moins d’actualité. Inscrit dans un contexte stratégique densemble tour vers
la signature d’accords de commerce régionaux (ou ACR, par opposition aux accords multilatéraux comme
l’Organisation Mondiale du Commerce ou OMC), le TTIP n’en est que la face transatlantique et industrielle. Au-
delà de ce traité gigantesque, l’Union Européenne s’implique ailleurs ; sont en ce moment négociés le TISA, un
accord de libéralisation des services entre la majorité des gros exportateurs de l’OMC qui sera un pas de plus
vers la destruction des systèmes nationaux de santé et d’éducation ; mais également le CETA, un accord de libre-
échange entre lUE et le Canada finalisé qui na plus quà être ratifié et qui est une version avant lheure du
TTIP. Jugement des Etats devant des tribunaux extra-judiciaires si leurs politiques amoindrissent la rentabilité
des investissements étrangers (les fameux tribunaux ISDS, pour Investors-to-State-Dispute-Settlements), guerre
aux fameuses « barrières non-tarifaires » ... Tout y est. Il s’agit donc de bien comprendre que les traités de libre-
échange sont un pur outil politique des lobbys capitalistes, l’ultime technique pour contourner le pouvoir
législatif démocratique, et que les chargés d’affaire en usent à outrance. Il faudra se lever et repousser ses projets
un à un pour proclamer chaque fois à nouveau notre attachement aux valeurs démocratiques et à notre
patrimoine, ainsi qu’à l’équité de sa distribution.
Le TTIP est un énième projet de réforme tentaculaire et bilatéral du commerce mondial, un élément de la
mosaïque des attaques stratégiques des néo-libéraux contre les systèmes légaux nationaux par ces « chevaux de
Troie commerciaux ». Mosaïque composée, au sein des pays, des projets de loi type « Loi Macron » ou « Loi El
Khomri » en France par exemple, et prenant la forme de projets de traités commerciaux entre les pays. Ces
projets sont ambitieux, ils veulent supprimer « toutes les barrières au commerce » (CDI et salaires minimums
sont dans le viseur), et ils sont nombreux. En parallèle à l’offensive des géants de lindustrie via le TAFTA, le
TISA est aussi négocié en secret et en représente le volet tertiaire ; pour n’en dire que quelques mots, c’est un
accord de libéralisation massive des services à l’échelle mondiale, engageant notamment les Etats à ne jamais
revenir à des niveaux de régulation antérieurs à 2015… Le bélier TAFTA nest lui pas en reste comme vous le
verrez, en permettant par exemple aux multinationales de violer le contrat social en forçant les Etats, devant des
tribunaux d’experts privés du commerce, à payer pour appliquer des politiques sociales ; en outre, l’objectif
central du traité est la suppression des « NTB », ces fameuses « barrières non-tarifaires » au commerce
comme l’interdiction de laver le poulet avec du chlore en Europe, ou encore le SMIC...
Depuis les années 1990, les modes de diffusion du libre-échange ont changé ; les Etats ayant pris conscience de
la difficulté d’aboutir à des consensus et de traiter de certains sujets dans les institutions multilatérales comme
l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ils ont pour la plupart effectué un « virage stratégique »
consistant à négocier les libéralisations commerciales directement de pays à pays. Ces accords bilatéraux, ou
encore Accords de Commerce Régionaux (ACR) se substituent donc peu à peu aux tables multilatérales.
Aujourd’hui, les ACR sont un outil politique de premier plan, utilisés notamment pour définir des standards
communs entre pays signataires. Depuis le 17 juin 2013, la Commission Européenne a reçu du Conseil de
l’Union Européenne un mandat de négociations pour établir un partenariat de libre-échange transatlantique avec
les Etats-Unis (aussi appelé Transatlantic Trade and Investment Partnership ou TTIP). Cet accord est d’un enjeu
inédit, puisque les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, et les Pays-Bas comptent à eux seuls
pour plus de 25% des exportations mondiales en 2013 d’après l’OMC, et pour plus de 28% des importations
mondiales. Dès lors, au-delà des effets que cet accord aura sur plusieurs des plus grosses économies de la planète
et donc sur la conjoncture mondiale, il constituerait probablement la nouvelle base des standards internationaux
concernant le commerce et l’investissement et serait ainsi la base des accords bilatéraux futurs signés de par le
monde. La négociation de ce traité intervient dans une conjoncture macroéconomique difficile pour l’Union
Européenne, minée par les crises de dettes souveraines et les politiques d’austérité appliquées à leur suite. Le
TTIP apparaît donc comme une stratégie de croissance par les exports, dont nous tenterons de juger la
pertinence. Plus précisément, l’enjeu intrinsèque du traité est, comme nous le verrons, l’abaissement des
« Barrières non-tarifaires » (ou NTB en anglais) au commerce et à l’investissement. C’est de cette nature plus
politique du TTIP, puisque les NTB peuvent englober des normes techniques, sanitaires ou encore sociales,
qu’est née une vive opposition de la part d’acteurs de la société civile contre la signature d’un tel traité. Alors
que les études économiques officielles commandées par la Commission Européenne sont des plus optimistes,
une pièce de théâtre titrée « Traversée dangereuse à bord du TAFTA » fait le tour de la France (TAFTA est un
autre acronyme pour le TTIP) ; tandis que Cecilia Malmström assure en conférence à Dauphine que
l’uniformisation des normes se fera par le haut et n’entravera pas les marges de manœuvres des Etats pour les
politiques sociales et environnementales, Patrick Le Hyaric publie un ouvrage tit « Dracula contre les peuples,
qu’est-ce que le marché transatlantique ? » ; enfin alors que les chefs d’Etats de l’UE ont dans leur ensemble,
malgré des réserves, donné leur accord à la conclusion d’un TTIP, la Commission Européenne juge utile de
publier un document titré « The top 10 Myths about TTIP : Separating facts from fiction » répondant point par
point aux critiques les plus fréquentes émanant de la société civile par des engagements quant au contenu des
négociations.
Le point essentiel à saisir est le suivant : il est bien possible que le TAFTA ne soit pas signé, ou qu’il ne soit pas
ratifié par le Parlement Américain ou Européen... Mais nous faisons face à une stratégie globale, incessante,
qui vise à faire de la politique en évitant laval des peuples par des traités négociés entre lobbys. Que le
TAFTA passe ou non n’est qu’anecdotique ; il reviendra sous une autre forme, comme l’AMI est revenu,
comme le TISA remplace aujourd’hui le GATS (accord multilatéral sur les services). C’est donc face à
une logique que nous devons lutter, celle qui veut que la rentabilité fasse la politique, celle qui lutte contre
la démocratie, l’autonomie et les biens communs. Et si nous repoussons le TAFTA, cette victoire doit
avant tout nous donner la force de lutter contre la prochaine engeance néo-libérale, quel que soit son sigle.
2. TAFTA : un classique des traités au service des multinationales
La lecture du mandat donné à la Commission Européenne, et en particulier des points soulignés et retranscris
dans le mémoire, permet de bien comprendre les controverses nombreuses au sein de la sociécivile (des partis
politiques contestataires aux ONG comme Attac en passant par les médias d’opposition). En effet, le mandat
semble indiquer clairement les priorités du Traité Transatlantique (TTIP) :
- L’objectif de cet accord n’est pas la baisse des tarifs douaniers, déjà relativement faibles entre l’Europe
et les Etats-Unis (entre 5 et 7% d’après l’European Center for International Political Economy, ou
ECIPE), mais bien l’harmonisation des normes et le retrait des barrières techniques au commerce et des
barrières non-tarifaires.
- Les deux paragraphes les plus longs et précis (23 et 25) ne concernent en effet pas les réductions
tarifaires, mais la protection des investissements (notamment par la mise en place des ISDS) et la
suppression des BNT (notamment par redéfinition du cadre sanitaire et phytosanitaire des parties). A la
lecture du mandat, il semble que les trois priorités des négociations soient la convergence des
limitations techniques et non-tarifaires au commerce (entendez harmonisation vers le bas des
systèmes sociaux), la protection et la promotion maximale des investissements étrangers
notamment contre toute forme d’expropriation (renforcer la protection des patrimoines), et enfin
la mise en place de procédures de règlement des différends ambitieuses (violer le contrat social
pour motif de rentabilité).
- Il s’agira d’un accord « profond » s’il est signé, puisqu’il devra « être contraignant à tous les niveaux de
gouvernance » et laisse les parties libres de discuter de clauses relatives à tout secteur relié au
commerce selon leurs désirs. Seuls le secteur audiovisuel et les sanctions pénales sont exclues des
négociations a priori.
- Semblent exclues également toutes ambitions de compenser les effets sociaux du traité ; plus largement
rien de contraignant ne semble au programme en termes de mobilités des personnes, de réductions des
inégalités, d’exigences écologiques ou en termes de respect des normes du travail...
Les craintes exprimées par la société civile :
Les craintes de la société civile l’instar du dossier du Monde Diplomatique de Juin 2014 : « Tafta : Les
puissants redessinent le monde »), ou du moins ses appréhensions peuvent sembler justifiées. En effet, les
objectifs du mandat touchent à des points très sensibles :
- La légitimité de l’Accord est censée être fondée sur le partage de valeurs communes, or le
comportement politique et géopolitique des Etats-Unis s’oppose régulièrement aux valeurs
européennes : maintien du camp de Guantanamo, non-ratification des conventions fondamentales de
l’OIT, non-ratification du protocole de Kyoto, exploitation des gaz de schistes, espionnage politique de
grande ampleur, vétos concernant l’application des droits de l’Homme à l’ONU… On peut donc
comprendre les craintes de la société civile face à un accord visant à faire converger les réglementations
non-tarifaires sur la base de valeurs communes, puisqu’une harmonisation qui tendrait plus vers les
standards américains (notamment en termes de produits chimiques autorisés dans l’alimentation, de
réglementation du travail, de conception de la sanpublique et de l’éducation ou encore d’exploitation
des gaz de schistes, de remise en cause des marchés d’émissions carbonées que refusent les Etats-
Unis…) pourrait s’opposer aux valeurs proclamées en Europe ou aux standards actuels. Plus
globalement, l’appréhension de la société civile vient aussi de l’amplitude de la gamme de domaines
potentiellement couverts par le traité, mais également du fait que la Commission Européenne qui
négocie ce traité n’est pas une institution démocratiquement élue. Enfin, les performances de
l’économie américaine sont également un facteur de crainte pour l’Europe en cas douverture accrue à
la concurrence. La diversité culturelle, dont l’importance est proclamée dans le mandat, pourrait être
menacée par une concurrence accrue notamment dans le domaine alimentaire : une pénétration plus
profonde des firmes américaines sur le marché européen signifiant également une diffusion accrue des
modes de consommation américains.
- Dans une période d’augmentation continue des inégalités, notamment en termes de patrimoine, la
priorité du traité donnée à la protection contre les expropriations peut sembler s’opposer à des objectifs
légitimes de redistribution. De plus, la promotion et la protection ambitieuse de la liberté des capitaux
semblent s’opposer à des réclamations populaires et politiques légitimes quant à la régulation et la
taxation des marchés financiers. Plus globalement, englués dans un endettement massif et une
conjoncture économique plutôt médiocre depuis 2008, les européens se posent légitimement la question
de savoir si la priorité politique doit être une nouvelle libéralisation commerciale, alors que les produits
américains sont déjà très largement présents dans le paysage européen, plutôt qu’une refonte
structurelle de l’Europe (comme en atteste la relative progression des partis eurosceptiques qui font de
l’opposition à la signature du TTIP un de leurs principaux arguments).
- Le point qui cristallise peut-être le plus de craintes est la volonté plusieurs fois réitérée dans le mandat
de mettre en place un mécanisme de règlement des différends ambitieux. Les tribunaux d’arbitrage
investisseurs/états, qui ont par exemple par le passé permis à Philip Morris de s’attaquer à la législation
anti-tabac australienne, constituent une insertion d’une tierce partie dans le contrat social : les
investisseurs. Le contrat social qui lie lEtat et les citoyens, la protection en échange de limpôt, est
redéfini par la mise en place des ISDS : en effet, les décisions politiques souveraines engageant les
gouvernements envers les peuples pourront être freinées et pénalisées dans l’intérêt de la rentabili des
investissements étrangers. Il est légitime de s’interroger sur la pertinence de l’insertion de la protection
des investisseurs comme troisième base du contrat social après la raison d’Etat et l’intérêt souverain des
peuples.
Au-delà l’opportunité économique que représenterait le TTIP d’après la Commission, comme nous le verrons, il
semble donc la signature du TTIP ne soit pas acquise, d’une part au vu de l’exigence du Sénat américain quant à
la ratification des accords (cf. Protocole de Kyoto) et dautre part au vu des réticences et craintes européennes,
en particulier sur l’adéquation des valeurs entre les deux blocs. On note par exemple que le paragraphe 31 exige
un engagement significatif des parties dans l’adoption des standards internationaux, or le Sénat américain est
depuis longtemps réticent à la ratification de certaines normes fondamentales de l’Organisation Internationale du
Travail.
Il est important de préciser, avant de présenter quelques menaces potentielles avancées dans les médias français,
que les craintes au sujet du TTIP sont nécessairement d’ordre hypothétiques : d’une part, l’accord n’est pas
encore signé et on ne peut donc que conjecturer le contenu de l’accord. D’autre part, le mandat de la CE est clair
sur le fait que l’accord ne doit pas contraindre la souveraineté des pays à mener les politiques sociales ou
environnementales qui leur semblent appropriées, bien que cela soit en butte au fonctionnement fondamental des
ISDS, qui permettent justement aux investisseurs de s’attaquer aux réglementations souveraines. Cela fait partie
des différentes craintes avancées dans le débat public, en France notamment :
Pour Jean-Paul Carré, journaliste de Mediapart, les principales raisons de vouloir stopper le TTIP sont
de deux ordres : d’une part le mandat indique que les négociations doivent se faire sur la base des
standards internationaux, or, notamment concernant l’alimentaire, les standards européens sont souvent
plus élevés que les standards internationaux, et pourraient donc être considérés comme des barrières
non-tarifaires illégales (en France par exemple, sur les niveaux de pesticides, les additifs toxiques, les
OGM…). D’autre part, la mise en place des ISDS représente à ses yeux un risque majeur pour les
services publics et leur accessibilité pour tous : possibilité pour les assurances privées d’attaquer les
CPAM pour concurrence déloyale, pour les sociétés d’intérim d’attaquer Pôle Emploi pour concurrence
déloyale, pour la gestion publique de l’eau et de l’énergie d’être attaquées pour entrave au commerce,
pour les sociétés d’enseignement privé de contester les subventions à l’enseignement publique…
L’alliance STOP TTIP, regroupant plus de 480 organisations européennes (surtout des ONG), dénonce
elle : le fait que les gociations soient secrètes et que 92% des 590 rencontres entre la CE et des
représentants de lobbys concernent des lobbys d’entreprises privées, le fait que ce soient les impôts des
peuples qui financent les amendes infligées par les ISDS et qu’un recours ne soit pas possible ce qui
viole les principes de l’Etat de droit, affiche un certain scepticisme quant au fait que les tribunaux ISDS
n’empêchent pas les réglementations souveraines dans le champs environnemental (et donne l’exemple
des 3,7 milliards d’euros obtenus par Vattenfall contre l’Etat Allemand pour l’arrêt de deux centrales
nucléaires vétustes) ; l’alliance STOP TTIP dénonce également un viol démocratique dans le fait que
les projets de lois soient d’abord soumis à des comités d’experts plutôt qu’à des Parlements élus, pointe
la menace de destructions massives d’emplois dans l’agriculture et l’électro-industrie au vu des
performances des Américains dans ces domaines, dénonce des pressions subies par les Etats-Membres
pour tolérer des pratiques à risque comme la fracturation hydraulique pour obtenir le gaz de schiste (et
note l’engagement de Chevron dans la promotion des ISDS), et souligne enfin la nature parfois
contradictoire des règlementations européennes et américaines sur les produits alimentaires et
médicaux, qui empêchent d’avance l’élévation des standards pour les Européens, et promettent dans le
meilleur des cas une conservation des standards actuels.
Enfin, dans un dossier titré « Grand MarcTransatlantique : Les puissants redessinent le Monde », le
Monde Diplomatique de Juin 2014 rappelle par l’intermédiaire de Lori Wallach (directrice de Public
Citizen’s Global Trade Watch) et Wolf Jäcklein (Confédération Générale du Travail) les principales
menaces pesant sur les peuples de chaque côté de l’atlantique :
Côté américain : Lori Wallach indique dix menaces. 1) le démantèlement des réglementations
financières américaines, avec l’exigence des négociateurs européens de rediscuter la règle Volcker qui
limite les activités spéculatives ainsi que la régulation publique aricaine des assurances. 2) le risque
de commercialisation de lait contaminé quand 28 des 29 cas d’encéphalopathie spongiforme bovine
relevés en 2011 par l’OMS provenaient de l’UE. 3) Aggravation de la dépendance au pétrole car le
lobby BusinessEurope (dont fait partie British Petroleum) veut interdire les crédits d’impôts pour les
carburants de substitution. 4) des médicaments moins contrôlés, car les lobbys pharmaceutiques
européens veulent que l’US Food and Drugs Administration considère comme reconnu tout
médicament préalablement reconnu par une autorité européenne. 5) Le renchérissement des
médicaments des deux côtés, car la Pharmaceutical Research and Manufacturers of America (PHRMA)
milite pour l’impossibili gouvernementale de négocier des baisses de prix des soins pour les
programmes de santé publique. 6) Vie privée : diverses entreprises américaines réclameraient la
facilitation de l’accès aux données personnelles. 7) Pertes d’emplois liées aux disparitions des règles de
préférence nationale pour les commandes publiques. 8) Monsanto fait pression pour supprimer
globalement l’obligation d’étiquetage des produits à base d’OGM (Organismes Génétiquement
Modifiés). 9) Toys Industries of Europe a reconnu une exigence supérieure règles sanitaires américaines
sur les jouets pour enfants, et entend uniformiser ces exigences autour du modèle européen. 10)
Démantèlement du pouvoir souverain, notamment par la mise en place des ISDS qui contraindront les
politiques sociales. Fanny Rey, dans l’article « Veolia assigne l’Egypte en Justice » paru le 11 juin 2012
dans Jeune Afrique, rappelle que l’une des seules victoires du peuple égyptien durant les printemps
arabes avait été l’augmentation du salaire minimum de 41 à 72 euros par mois ; une augmentation
suffisante pour que le groupe français Veolia attaque l’Egypte le 25 juin 2012 devant le Cirdi, centre
international pour le règlement des différends relatifs à l’investissement, sorte de tribunal ISDS intégré
à la Banque Mondiale.
Côté européen : Wolf Jäcklein indique neuf menaces. 1) Le risque dérosion des droits des travailleurs
en cas d’harmonisation du droit du travail sur la base de la législation américaine, qui n’a ratifié que
deux des huit conventions fondamentales du travail de l’OIT. 2) Dégradation de la représentation et de
l’information des salariés : le traité visant à faciliter l’établissement de filiales de l’autre côté de l’océan,
et les législations sur l’information et la consultation des salariés restant elles limitées aux frontières, un
nombre accru de travailleurs échappera à ces dispositifs. 3) Un allègement des standards techniques : en
effet, aux Etats-Unis, c’est essentiellement le consommateur qui est protégé. En Europe, le principe de
précaution prévaut encore, et les normes européennes couvrent également de la santé jusqu’aux
conditions de travail. Le risque vient donc d’une harmonisation des normes sur les bases américaines,
ou même simplement sur les standards internationaux. 4) Restriction maintenue de la mobilité des
hommes : alors que la promotion de liberté du capital apparaît plusieurs fois dans le mandat, aucune
mention n’est faite du droit fondamental à la liberté de circulation des personnes. 5) Une absence de
sanction contre les abus sociaux : alors que les sanctions sont précisément prévues concernant les viols
du droit des investisseurs, les sanctions concernant les violations des droits sociaux sont soit floues soit
inexistantes, en particulier concernant le respect des engagements environnementaux. 6) La définition
des services publics à conserver sous forme de liste négative (la norme est le service privé) indique la
volonté primordiale de privatiser tout ce qui peut l’être, de mettre le maximum de services publiques
sous l’empire de la concurrence ; ceci allié à la création des tribunaux ISDS qui viendront condamner
les politiques sociales coûteuses pour les investisseurs fait ressembler le TTIP à un cheval de Troie
contre l’Etat-Providence. L’article évoque « la soumission des Etats à un droit taillé pour les
multinationales ». 7) Risque d’accroissement du chômage : d’une part en cas de crise de secteurs
confrontés à une concurrence américaine trop efficace (e.g le secteur des boissons), d’autre part car les
règles exigeant un « contenu local » dans les réponses aux appels d’offres publiques sont nombreuses
aux Etats-Unis et quasi-inexistantes en Europe. Il risque donc d’y avoir un accès accru des firmes
américaines aux marchés publiques européens non-compensé par un tel accès accru des firmes
européennes aux marchés américains. 8) Données personnelles : dans un contexte de données stockées
en « cloud », une libéralisation des services maximale pourrait-elle permettre de définir le droit
applicable à ces données ? 9) Le renforcement de la protection de la propriété intellectuelle, au cœur du
mandat de la Commission, pourrait menacer les libertés sur internet, les libertés des auteurs dans le
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