législatif démocratique, et que les chargés d’affaire en usent à outrance. Il faudra se lever et repousser ses projets
un à un pour proclamer chaque fois à nouveau notre attachement aux valeurs démocratiques et à notre
patrimoine, ainsi qu’à l’équité de sa distribution.
Le TTIP est un énième projet de réforme tentaculaire et bilatéral du commerce mondial, un élément de la
mosaïque des attaques stratégiques des néo-libéraux contre les systèmes légaux nationaux par ces « chevaux de
Troie commerciaux ». Mosaïque composée, au sein des pays, des projets de loi type « Loi Macron » ou « Loi El
Khomri » en France par exemple, et prenant la forme de projets de traités commerciaux entre les pays. Ces
projets sont ambitieux, ils veulent supprimer « toutes les barrières au commerce » (CDI et salaires minimums
sont dans le viseur), et ils sont nombreux. En parallèle à l’offensive des géants de l’industrie via le TAFTA, le
TISA est aussi négocié en secret et en représente le volet tertiaire ; pour n’en dire que quelques mots, c’est un
accord de libéralisation massive des services à l’échelle mondiale, engageant notamment les Etats à ne jamais
revenir à des niveaux de régulation antérieurs à 2015… Le bélier TAFTA n’est lui pas en reste comme vous le
verrez, en permettant par exemple aux multinationales de violer le contrat social en forçant les Etats, devant des
tribunaux d’experts privés du commerce, à payer pour appliquer des politiques sociales ; en outre, l’objectif
central du traité est la suppression des « NTB », ces fameuses « barrières non-tarifaires » au commerce
comme l’interdiction de laver le poulet avec du chlore en Europe, ou encore le SMIC...
Depuis les années 1990, les modes de diffusion du libre-échange ont changé ; les Etats ayant pris conscience de
la difficulté d’aboutir à des consensus et de traiter de certains sujets dans les institutions multilatérales comme
l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ils ont pour la plupart effectué un « virage stratégique »
consistant à négocier les libéralisations commerciales directement de pays à pays. Ces accords bilatéraux, ou
encore Accords de Commerce Régionaux (ACR) se substituent donc peu à peu aux tables multilatérales.
Aujourd’hui, les ACR sont un outil politique de premier plan, utilisés notamment pour définir des standards
communs entre pays signataires. Depuis le 17 juin 2013, la Commission Européenne a reçu du Conseil de
l’Union Européenne un mandat de négociations pour établir un partenariat de libre-échange transatlantique avec
les Etats-Unis (aussi appelé Transatlantic Trade and Investment Partnership ou TTIP). Cet accord est d’un enjeu
inédit, puisque les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, et les Pays-Bas comptent à eux seuls
pour plus de 25% des exportations mondiales en 2013 d’après l’OMC, et pour plus de 28% des importations
mondiales. Dès lors, au-delà des effets que cet accord aura sur plusieurs des plus grosses économies de la planète
et donc sur la conjoncture mondiale, il constituerait probablement la nouvelle base des standards internationaux
concernant le commerce et l’investissement et serait ainsi la base des accords bilatéraux futurs signés de par le
monde. La négociation de ce traité intervient dans une conjoncture macroéconomique difficile pour l’Union
Européenne, minée par les crises de dettes souveraines et les politiques d’austérité appliquées à leur suite. Le
TTIP apparaît donc comme une stratégie de croissance par les exports, dont nous tenterons de juger la
pertinence. Plus précisément, l’enjeu intrinsèque du traité est, comme nous le verrons, l’abaissement des
« Barrières non-tarifaires » (ou NTB en anglais) au commerce et à l’investissement. C’est de cette nature plus
politique du TTIP, puisque les NTB peuvent englober des normes techniques, sanitaires ou encore sociales,
qu’est née une vive opposition de la part d’acteurs de la société civile contre la signature d’un tel traité. Alors
que les études économiques officielles commandées par la Commission Européenne sont des plus optimistes,
une pièce de théâtre titrée « Traversée dangereuse à bord du TAFTA » fait le tour de la France (TAFTA est un
autre acronyme pour le TTIP) ; tandis que Cecilia Malmström assure en conférence à Dauphine que
l’uniformisation des normes se fera par le haut et n’entravera pas les marges de manœuvres des Etats pour les
politiques sociales et environnementales, Patrick Le Hyaric publie un ouvrage titré « Dracula contre les peuples,
qu’est-ce que le marché transatlantique ? » ; enfin alors que les chefs d’Etats de l’UE ont dans leur ensemble,
malgré des réserves, donné leur accord à la conclusion d’un TTIP, la Commission Européenne juge utile de
publier un document titré « The top 10 Myths about TTIP : Separating facts from fiction » répondant point par
point aux critiques les plus fréquentes émanant de la société civile par des engagements quant au contenu des
négociations.
Le point essentiel à saisir est le suivant : il est bien possible que le TAFTA ne soit pas signé, ou qu’il ne soit pas
ratifié par le Parlement Américain ou Européen... Mais nous faisons face à une stratégie globale, incessante,
qui vise à faire de la politique en évitant l’aval des peuples par des traités négociés entre lobbys. Que le
TAFTA passe ou non n’est qu’anecdotique ; il reviendra sous une autre forme, comme l’AMI est revenu,
comme le TISA remplace aujourd’hui le GATS (accord multilatéral sur les services). C’est donc face à
une logique que nous devons lutter, celle qui veut que la rentabilité fasse la politique, celle qui lutte contre
la démocratie, l’autonomie et les biens communs. Et si nous repoussons le TAFTA, cette victoire doit
avant tout nous donner la force de lutter contre la prochaine engeance néo-libérale, quel que soit son sigle.