I. Introduction
L'usage non-thérapeutique de toxiques est attesté aussi bien dans toutes les sociétés
humaines que dans certaines sociétés animales.
Dans les premières, les pratiques les plus constantes semblent adossées à certaines
formes de pratiques religieuses, par lesquelles il s’agirait de dépasser les limites de
l’expérience humaine et se rapprocher de divinités (par exemple l’usage de l’ayahuasca
à des fins de rituels religieux dans les populations indiennes de la partie nord de
l’Amérique du Sud).
Il existe également un peu partout des pratiques non religieuses,dont beaucoup sont
considérées comme « socialement acceptables », qui ne sont pas exemptes de danger :
elles peuvent être
–récréatives (cas de l’extasy),
–festives (usages habituels de l’alcool de France lors de rencontres familiales ou
amicales),
–initiatiques (« binge drinking » lors de cérémonies de bizuthage, en particulier dans les
universités nord-américaines),
–voire franchement symptomatiques et auto-destructrices, par exemple dans
l’alcoolisation solitaire massive.
En outre, il faut se rappeler que toute drogue a été ou sera, à un moment ou à un autre,
un médicament (tout médicament est également un toxique, les différences essentielles
portant notamment sur le dosage et la fréquence des prises, en fonction des buts
thérapeutiques et des effets secondaires du produit), et il n’est pas rare de voir un usage
thérapeutique devenir plus ou moins insensiblement un usage addictif : ainsi, à partir
des années 1950, l’usage des benzodiazépines comme anxiolytiques a été très
longtemps considéré comme licite, alors même que ces substances provoquaient une
forte accoutumance et un bénéfice thérapeutique qui n’était pas sans inconvénients
(somnolence); au XIXe siècle, l’usage de l’opium était considéré comme relativement
bénin, récemment dans plusieurs pays, l'usage des antidouleurs s'est avéré induire
parfois des addictions etc.
Le terme français drogue semble dériver du hollandais droog, qui veut dire sec (cf
allemand trocken), au sens d’un résidu sec pouvant être mis en poudre à des fins
d’usage pharmaceutique. Le même terme a donné l’anglais drug, qui veut dire à la fois
drogue et médicament (on peut dire également, dans ce dernier sens, medicine). En
français, le terme drogue est presque toujours péjoratif (ce que n’est pas
nécessairement le terme anglais). En grec ancien, le terme pharmakon (d’origine