31/07/08 16:26 Page 27 DR Le cœur d’athlète Que devient-il à l’arrêt de l’entraînement ? Baldesberger S, Bauersfeld U, Candinas R et al. Sinus node disease and arrhythmias in the long-term follow-up of former professional cyclists. Eur Heart J 2008 ; 29 : 71-8. Le risque d’arythmie après l’arrêt de l’entraînement chez les athlètes endurants reste controversé. Pr François Carré (Hôpital Pontchaillou, Rennes) L a pratique intense et prolongée d’un sport s’accompagne d’adaptations cliniques, électriques, morphologiques et fonctionnelles du système cardiovasculaire, d’importance variable, et réunies sous le terme de cœur d’athlète. Le devenir de ces adaptations à l’arrêt de l’entraînement est encore discuté. Il dépend manifestement du type d’adaptation et des susceptibilités individuelles. Sur le plan morphologique, une régression de l’hypertrophie pariétale, plus nette que celle de la dilatation cavitaire, est classique. Sur le plan électrique, une normalisation de l’ECG est le plus souvent observée. Le devenir des arythmies, en particulier supraventriculaires, est plus débattu. Comment faut-il surveiller le cœur des athlètes à l’arrêt de l’entraînement? en particulier les arythmies et les signes de dysfonction sinusale. Les AP avaient arrêté le cyclisme de haut niveau depuis 30 à 50 ans. La pratique sportive contemporaine de l’étude, rapportée en équivalent énergétique hebdomadaire, était un peu supérieure chez les AP (4,6 ± 4,4 vs 3,3 ± 1,7 h ; p = 0,03) sans différence, cependant, pour le nombre de sujets pratiquants plus de 4 heures par semaine. La pratique du cyclisme était plus importante chez les AP et celle du jogging et de l’aviron chez les C. La majorité (44 ; 71 %) des AP a reconnu la prise de produits censés améliorer la performance (stimulants de type amphétamines ou assimilés (72 %) et stéroïdes anabolisants (9 %), essentiellement). fréquence cardiaque moyenne diurne < 50 bpm ; ● fréquence cardiaque moyenne nocturne < 40 bpm ; ● pause sinusale 2,5 secondes ; ● fibrillation ou flutter atrial, ou port d’un stimulateur cardiaque. Les tachycardies sont définies comme une succession d’au moins 3 battements ectopiques à une fréquence supérieure à 120 bpm. La fréquence d’extrasystoles est la suivante : -1 ; ● aucune < 1 h ● rare > 1 et < 248 /24 h ; ● occasionnelle > 248 et < 1 439 / 24 h ; ● élevée > 1 440 / 24 h. ● > Résultats Clinique > Méthodologie > Objectif de l’étude Dans cette étude suisse, un groupe d’anciens (1955-1975) cyclistes professionnels masculins (AP ; n = 62 ; 66 ± 7 ans) a été comparé avec un groupe contrôle (C ; n = 62 ; 66 ± 6 ans) n’ayant jamais pratiqué de sport d’endurance. L’objectif principal était de comparer les différences électrocardiographiques, Tous les participants ont bénéficié d’un ECG de repos, d’un Holter rythmique de 24 heures (3 dérivations) sur une période incluant leur activité physique habituelle, et d’un échocardiogramme transthoracique de repos. Le diagnostic de maladie du sinus était retenu en cas d’au moins l’un des critères suivants : 27 En dehors d’une fréquence plus élevée des vertiges chez les AP (n = 17 ; 27 %), les deux groupes ne présentaient pas de différence clinique significative. En particulier, les facteurs de risque cardiovasculaire (tabac plus fréquent chez C) et les traitements à visée cardiovasculaire étaient similaires (73 % AP vs 76 % C) dans les deux populations. Parmi les pathologies cardiovasculaires connues, les fibrillations et flut- Cardio&Sport • n°16 n°15 Analyse d’article cets16-27a28 analyse.qxp Analyse d’article cets16-27a28 analyse.qxp 30/07/08 10:35 Page 28 ter atriaux étaient plus fréquents chez les AP (n = 6, 10 % avec 4 flutter dont 3 chroniques et 2 fibrillations chroniques) que chez les C (2 %) (p = 0,004). A noter, par ailleurs, que la courbe de survie des AP n’était pas différente de celle de la population générale. ECG de repos Chez les AP, la fréquence cardiaque était plus faible (58 ± 10 vs 63 ± 9 bpm; p = 0,01), les durées de QRS (102 ± 20 ms vs 95 ± 13 ms ; p = 0,027) et de QTc (416 ± 27 vs 404 ± 18 ; p = 0,004) plus longues. Holter rythmique Les signes de dysfonction sinusale étaient plus fréquents chez les AP (p = 0,004). La fréquence cardiaque moyenne était plus élevée et les épisodes marqués de bradycardie plus fréquents chez les AP, qui restaient cependant tous asymptomatiques. Des pauses sinusales plus marquées et plus fréquentes ont été observées chez les AP. La fréquence des extrasystoles ventriculaires et extrasystoles et tachycardies supraventriculaires n’était pas différente dans les deux groupes. Les tachycardies ventriculaires étaient plus souvent (p = 0,05) observées chez les AP (de 3 à 14 complexes) que chez les C (3-8 complexes). Par contre, les ESV polymorphes, bi et trigéminées, étaient plus fréquentes dans le groupe C. Echocardiographie Chez les AP, le ventricule gauche était plus dilaté (51 ± 4 mm vs 49 ± 5 mm ; p = 0,04), mais pas plus épais, et la fraction d’éjection, bien que normale, était légèrement inférieure (62 ± 8 % vs 64 ± 6 % ; p = 0,049) à celle des C. Les cavités atriales étaient dilatées dans le groupe AP (oreillette gauche 30 ± 13 ml/m2 vs 24 ± 8 ml/m2; p = 0,02) et oreillette droite (29 ± 12 ml/m2 vs 23 ± 8 ml/m 2 ; p = 0,002). > En conclusion Cette étude retrouve une fréquence accrue des dysfonctions sinusales et des fibrillations et des flutters atriaux chez des anciens cyclistes professionnels. Ces résultats, qui complètent des données antérieures, confirment donc que la pratique intense et prolongée d’un sport d’endurance peut favoriser, chez certains sujets prédisposés, la survenue de troubles du rythme supraventriculaires parfois sévères. La question d’un suivi au moins électrocardiographique régulier de cette population de sportifs peut donc être posée. ❚ MOTS CLÉS Arythmie, Cœur d’athlète, Extrasystole, Sports d’endurance, Suivi électrocardiographique, Tachycardie www.msport.net 1er site francophone entièrement consacré à la médecine du sport Cardio&Sport • n°15 n°16 28