Hélène Amieva est neuropsychologue, professeur de psychogérontologie et chercheur dans un centre de recherche INSERM de santé publique, épidémiologie et biostatistique de l’université de Bordeaux. Catherine Belin est neurologue dans le service de neurologie du CHU Avicenne, Bobigny. Conception graphique : Baptiste Manchon Didier Maillet est neuropsychologue dans le service de neurologie du CHU Avicenne, Bobigny. EVANEU ISBN : 978-2-35327-352-2 Publics Neuropsychologues Étudiants en neuropsychologie www.deboecksuperieur.com Neuropsychologie Neuropsychologie Les coordonnateurs L’évaluation neuropsychologique Afin de mieux comprendre la pratique neuropsychologique actuelle, les auteurs passent en revue dans cet ouvrage les problématiques fréquemment rencontrées et tentent de déterminer ce qu’est un bilan neuropsychologique normal et anormal, de montrer l’influence des données culturelles sur l’évaluation neuropsychologique, sans oublier d’étudier les relations entre évaluation neuropsychologique et expertise judiciaire. Dirigé par H. Amieva, C. Belin, D. Maillet L’activité principale de la neuropsychologie consiste à évaluer les troubles dont souffre un patient (Alzheimer, Parkinson, troubles de la mémoire suite à un traumatisme crânien, etc.). Cette pratique, malgré la panoplie d’outils dont disposent les neuropsychologues, est complexe, car de nombreuses variables peuvent influencer les résultats des tests et rendre leur interprétation difficile : âge, sexe, niveau d’études, état psycho-affectif, régime alimentaire, prise de médicaments, patrimoine génétique, conditions de passation des tests. L’évaluation neuropsychologique De la norme à l’exception Dirigé par Hélène Amieva, Catherine Belin, Didier Maillet s u p é r i e u r Collection Neuropsychologie L’évaluation neuropsychologique De la norme à l’exception Sous la direction d’Hélène Amieva Catherine Belin et Didier Maillet De Boeck Supérieur 04, rue de la Michodière 75002 Paris Tél. : 01.72.36.41.60 Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com © De Boeck Supérieur SA, 2016 7, rue du Bosquet, B1348 Louvain-la-Neuve Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme ou de quelque manière que ce soit. Imprimé en Belgique Dépôt légal : Bibliothèque nationale, Paris : mai 2016 Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2016/13647/097 ISBN : 978-2-35327-352-2 Sommaire Chapitre 1. Normal, pas normal ?....................................... 1 Chapitre 2. Quand faut-il considérer un bilan neuropsychologique comme anormal ? Importance de l’intégration des performances multiples.... 11 Chapitre 3. Influence des stéréotypes dans l’évaluation neuropsychologique............................................................... 19 Chapitre 4. Concept de réserve cognitive........................... 35 Chapitre 5. Effets de l’acquisition de l’écrit sur le traitement du langage, la mémorisation et la connaissance verbale...................................................... 55 Chapitre 6. Illettrisme et démence...................................... 69 Chapitre 7. Influence du degré de littératie ur l’évaluation neuropsychologique...................................... 77 Chapitre 8. L’évaluation neuropsychologique chez les sujets très âgés........................................................... 95 Chapitre 9. Les adultes haut potentiel (HP) ou haut potentiel intellectuel (HPI) en pratique neuropsychologique courante : savoir y penser.................... 107 Chapitre 10. Évaluation neuropsychologique en cas de troubles sensoriels................................................... 125 III Sommaire Chapitre 11. Trisomie 21 et maladie d’Alzheimer............... 137 Chapitre 12. Culture et cognition......................................... 143 Chapitre 13. Influence de la culture sur l’évaluation neuropsychologique............................................................... 151 Chapitre 14. L’évaluation neuropsychologique dans le contexte du Maghreb................................................. 165 Chapitre 15. Neuropsychologie et culture : l’exemple de la Guyane........................................................... 193 Chapitre 16. Le cadre légal de l’expertise judiciaire............. 209 Chapitre 17. Évaluation neuropsychologique dans le cadre de l’expertise..................................................... 227 IV Introduction Chapitre 1 Normal, pas normal ? Hélène Amieva Université de Bordeaux, INSERM U. 1219, équipe « Psychoépidémiologie du vieillissement et des maladies chroniques », 146, rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux Cedex 1.Introduction Avec l’avènement ces dernières années de la neuropsychologie expérimentale et des neurosciences cognitives, un grand nombre de tests sont venus compléter les batteries de tests plus « classiques » et enrichir de manière considérable la « boîte à outils » du neuropsychologue clinicien. Si élargir la panoplie d’outils auxquels il peut avoir recours est de toute évidence une force pour le neuropsychologue, confronté à des situations cliniques très variées, son travail n’en est pas rendu plus simple car, après l’administration d’un test, vient l’étape cruciale de l’interprétation du score. Or, force est de constater qu’une minorité de tests ont fait l’objet d’une validation et d’une normalisation dans les règles de l’art. Quel clinicien ne s’est pas retrouvé dans une situation où, venant d’administrer un test dont il pense le plus grand bien, car évaluant de manière très précise tel ou tel processus cognitif, il ne sait que dire d’un score ni franchement réussi ni franchement déficitaire ? Loin d’être exhaustif sur les bases méthodologiques qui sous-tendent les propriétés métrologiques d’un test (la lecture d’articles comme celui de Colombo et al. [sous presse] pourront compléter ce chapitre), ce chapitre a pour modeste ambition de rappeler quelques éléments de statistiques et de normalisation utiles à la lecture des données quantitatives en neuropsychologie, et de pointer quelques-uns des problèmes inhérents à leur interprétation. 1 Chapitre 1 – Normal, pas normal ? 2.Une norme, des métriques Le score à un test neuropsychologique est une estimation quantitative de la capacité cognitive mise en jeu dans le test en question. C’est à l’heure d’interpréter cette donnée quantitative que le neuropsychologue a recours la plupart de temps à un échantillon de normalisation. L’échantillon de normalisation fournit des paramètres statistiques comme la moyenne, la médiane, le quartile ou encore la variance, qui permettront de situer le score d’un sujet donné à un test donné par rapport à une distribution de scores observés dans une population donnée. Une précaution impérative à respecter pour guider le choix de ces indicateurs est de s’interroger sur la nature de la distribution des scores au test dont il est question. Par définition, pour qu’une distribution de scores soit considérée comme « normale », il faut que la distribution des observations soit continue. Or, il est important de rappeler que, pour la majorité des tests, ce cas de figure n’est pas observé. C’est notamment le cas du très populaire test de MMSE (mini-mental state examination) (Folstein et al., 1975), présentant une distribution particulièrement asymétrique avec un effet plafond majeur, la très grande majorité des observations se situant dans un intervalle de scores très réduit. Lorsque le degré de déviance de la distribution par rapport à une distribution normale est acceptable, il est possible d’utiliser le modèle normal comme approximation pratique des distributions de scores psychométriques. En revanche, si la distribution s’éloigne trop d’une distribution normale, appliquer un seuil de détection d’un possible déficit déterminé par la moyenne moins une valeur x d’écart-type est totalement inapproprié. Le calcul du z-score (ou score centré réduit) peut dans certains cas s’avérer intéressant. Le z-score a, en particulier, l’avantage de permettre une comparaison des performances obtenues à différents tests qui ne partagent pas la même métrique. Néanmoins, dans la mesure où son calcul est basé sur la moyenne et l’écart-type de la distribution, le z-score ne peut s’utiliser que lorsque les performances suivent une loi normale ou approximant la loi normale. La norme à un test peut également être exprimée au moyen d’une équation de régression prenant en compte certaines variables sociodémographiques (appelée équation de Baronna) dont nous savons qu’elles ont une influence notable sur le niveau de performance. Ainsi, pour connaître le score attendu pour un patient donné, de genre x, d’âge y et de niveau d’étude z, le clinicien calculera ce score en développant l’équation de régression établie par les auteurs sur la base de l’échantillon de sujets « contrôles » prenant en compte n facteurs que multiplient des coefficients de régression. C’est le cas du test de RL/RI-16 items pour lequel le GREMEM (Groupe de réflexion sur l’évaluation de la mémoire) du GRECO (Groupe de réflexion sur les évaluations cognitives) a publié en 2004 des normes exprimées sous cette forme (Van der Linden et 2 Une norme, des métriques al., 2004). Néanmoins, rappelons que pour que les conditions d’application d’une régression linéaire soient vérifiées, il faut que 1) la supposée relation entre la variable à expliquer (le score au test) et les variables explicatives (les variables sociodémographiques) soit linéaire et 2) la variable à expliquer (le score au test) se distribue de manière normale. En pratique, ces deux conditions sont loin d’être vérifiées. Dans ces nombreux cas où la distribution des scores n’est pas normale, utiliser des normes calculées en quantiles s’avère plus approprié. Les quantiles sont des valeurs numériques associées à une fréquence cumulée. Un centile (appelé parfois « percentile » selon la terminologie anglaise) est chacune des 99 valeurs seuils qui partagent les observations en 100 parts égales. Chaque centile représente donc un centième de l’échantillon. Parmi les valeurs seuils, on distingue notamment la médiane partageant la distribution en deux effectifs égaux, les trois quartiles (bornes respectives des classes des 25 %, 50 % et 75 % des scores les plus bas), ou encore les quatre quintiles (bornes respectives des classes des 20 %, 40 %, 60 % et 80 % des scores les plus bas). Le caractère « haut » ou « bas » d’une performance à un test sera dans ce cas déterminé par le degré de rareté des observations dans la population. Certains quantiles, comme le 10e centile, parfois le 5e centile, selon les usages, sont utilisés comme des valeurs seuils, en deçà desquelles un score sera considéré comme possiblement « déficitaire ». Enfin, un autre moyen d’outiller le clinicien et de l’aider à apprécier un niveau de performance à un test, consiste à chercher à identifier un seuil de performance qui permettra de classer un score dans deux catégories possibles : « normal », c’est-à-dire équivalant au niveau de performance attendu, ou bien « anormal », c’est-à-dire n’atteignant pas ce niveau de référence. Un tel score de référence est appelé score seuil (en anglais cut-off score). Pour un test donné, ce niveau de performance sera déterminé en fonction de sa sensibilité (probabilité d’avoir un test positif quand on est malade) et de sa spécificité (probabilité d’avoir un test négatif quand on n’est pas malade) dans la détection d’une pathologie ou d’un syndrome. À titre d’exemples, de tels indicateurs (scores seuils) ont été publiés pour des échelles très utilisées en clinique comme la BREF (batterie rapide d’efficience frontale ; Slachevsky et al., 2004), la SEA (social cognition and emotional assessment ; Funkiewiez et al., 2012) ou le test de RL/RI-16 (Sarazin et al., 2007). Le cas échéant, un même test peut avoir différents scores seuils selon le diagnostic visé, ou pour des catégories d’individus de caractéristiques sociodémographiques différentes. 3 Chapitre 1 – Normal, pas normal ? 3.Facteurs influençant les performances intrinsèques à l’individu ou notions de normes comparatives et normes diagnostiques Si la tâche du neuropsychologue est si épineuse, c’est précisément parce que, par définition, les performances cognitives sont l’objet d’une grande variabilité inter- et intra-individuelle. Bien au-delà de variables sociodémographiques telles que l’âge, le sexe et le niveau d’étude que le neuropsychologue a l’habitude de « manipuler », les études montrent que de nombreux facteurs contribuent à cette variabilité. Pour n’en citer que quelques-uns, l’activité dans laquelle nous étions engagés juste avant la réalisation du test, l’humeur et les variables psychoaffectives en général, le réseau social dans lequel nous évoluons, nos activités de loisir, notre régime alimentaire, la prise de certains médicaments, les activités physiques que nous pratiquons habituellement, sans oublier notre patrimoine génétique contribuent à moduler le niveau de nos performances cognitives. Même si la contribution de chacun de ces facteurs pris séparément est modeste, la multiplicité de ces facteurs aboutit, en fin de compte, à une variabilité inter- et intra-individuelle importante. À la question de savoir s’il est possible pour le clinicien de prendre en compte l’ensemble de ces facteurs lorsqu’il interprète un score donné, la réponse est simplement négative. À la question de savoir s’il doit prendre en compte le maximum de facteurs possibles, à commencer par les variables sociodémographiques dont on sait qu’elles ont un poids important, la réponse pourrait être tout aussi simplement positive. Pourtant, cette question mérite qu’on s’y attarde quelque peu. En effet, la très grande majorité des tests étant influencée par l’âge, le niveau d’étude et, dans certains cas, le sexe, la plupart des normes publiées sont exprimées pour une catégorie d’âge et/ou par niveau d’étude, et/ou en fonction du sexe. Pourtant, dans la situation où le neuropsychologue cherche à détecter des pathologies comme les pathologies démentielles telles que la maladie d’Alzheimer, pathologies dont les facteurs de risque principaux sont précisément l’âge et le niveau d’étude, n’y a-t-il pas une contradiction ? En d’autres termes, en utilisant des normes pondérées sur l’âge et le niveau d’étude, n’est-il pas contreproductif de chercher à contrôler l’effet de ces variables qui, à elles seules, expliquent une part du risque d’avoir une de ces pathologies ? Cette question de savoir si des scores standardisés permettent de mieux détecter la présence d’une démence que des scores non standardisés a fait l’objet de l’étude de O’Connell et al. (2011). Cette étude a consisté à comparer, au sein d’une cohorte de 1 252 personnes – parmi lesquelles 213 sujets déments – ayant complété de nombreuses épreuves neuropsychologiques (échelle de mémoire de Wechsler, empan de chiffres, épreuve des 15 mots de Rey, test de Benton, 4 Facteurs influençant les performances épreuves de similitudes et de compréhension de la WAIS [Wechsler adult intelligence scale] et test des codes de Wechsler), les performances de classement des sujets déments versus non déments au moyen des scores bruts et des scores corrigés pour l’âge à ces différents tests. Les résultats ont ainsi montré que des scores corrigés pour l’âge classent les déments avec une meilleure spécificité, mais que les scores non corrigés pour l’âge classent les déments avec une meilleure sensibilité. De la même manière, Sliwinski et al. (1997) avaient montré quelques années auparavant que des scores corrigés pour l’âge classaient des sujets déments avec une sensibilité inférieure de 28 %. Ces résultats avaient conduit ces auteurs à proposer de distinguer deux types de normes : d’une part, les « normes comparatives » établies sur la base de scores corrigés (pour l’âge et/ou le niveau d’étude), d’autre part, les « normes diagnostiques », établies sur la base de scores non corrigés. L’intérêt des premières sera d’apporter au psychologue des éléments statistiques pour l’aider à situer la performance d’un sujet par rapport à son groupe de référence, tandis que l’intérêt des normes diagnostiques sera de contribuer à établir une probabilité de présenter ou de développer une démence. Idéalement, un travail de normalisation d’un test donné devrait être assorti de ces deux types de normes, fournissant aux neuropsychologues des informations tout à fait complémentaires sur la performance d’un sujet par rapport à la performance attendue, compte tenu de ses caractéristiques sociodémographiques, mais aussi sur sa probabilité de présenter ou de développer une démence. Si les premières figurent souvent dans les articles rapportant des normes, les secondes sont à tort, trop souvent négligées dans les publications. 4.Facteurs influençant les performances, intrinsèques à l’échantillon, ou importance de l’échantillon de normalisation À ce stade, il est nécessaire de rappeler que pour que la comparaison du score d’un individu à ceux observés dans l’échantillon de référence soit informative, il faut que ces normes aient été obtenues à partir d’un échantillon de référence constitué de sujets le plus représentatifs possible du (ou des) sujet(s) à qui s’adresse le test en question. La « représentativité » de l’échantillon de référence, loin d’être un purisme méthodologique, va déterminer en grande partie la qualité de la mesure et sa capacité à nous renseigner sur le degré de déviance du score d’un individu. Pourtant, par commodité de recrutement, force est de constater que les échantillons de référence à partir desquels les normes des tests sont établies sont très souvent constitués de sujets volontaires fortement sélectionnés, présentant un profil psycho-socio-démographique très particulier, les 5 Chapitre 1 – Normal, pas normal ? rendant peu représentatifs de la population à laquelle le test s’adressera. La principale conséquence sera une surestimation du niveau de performance attendu. Prenons l’exemple du test de RL/RI-16 items, un des tests les plus utilisés par les neuropsychologues à l’heure actuelle pour objectiver les troubles de la mémoire épisodique chez des personnes suspectées de présenter une maladie neurodégénérative. Comparons les scores obtenus à ce test dans deux échantillons : l’échantillon de l’étude épidémiologique des Trois cités, une étude réalisée en population générale dans trois villes françaises et leur banlieue (Bordeaux, Dijon, Montpellier) dans laquelle le large spectre de performances qui existe dans la population est représenté (Amieva et al., 2007) et l’échantillon de l’étude du GREMEM, de plus petite taille, constitué de personnes âgées saines volontaires (Van der Linden et al., 2004). On constate alors que ces derniers sont systématiquement supérieurs au score correspondant à la médiane de la distribution en population générale, et ce quelles que soient les catégories d’âge et de niveau d’étude considérées. Prenons l’exemple d’une femme âgée de 78 ans ayant arrêté sa scolarité en fin d’enseignement secondaire. En développant l’équation de régression du GREMEM, les scores attendus aux trois premiers rappels libres et au rappel libre différé seront respectivement : 7,9 ; 9,3 ; 10,5 et 10,7. En population générale, ces scores se situent entre la médiane et le 75e percentile de la distribution. Cet exemple illustre combien il est important de s’interroger sur les caractéristiques de l’échantillon de référence à partir duquel les normes qui feront office de point de comparaison ont été calculées, et ce afin d’éviter de considérer pathologique un score du fait de scores supposés « normatifs » qui, en réalité, sont probablement surestimés. Restons sur l’exemple du RL/RI-16 et intéressons-nous aux capacités de prédiction de la maladie d’Alzheimer de ce test puisque, en pratique, il est souvent utilisé à cette fin. L’étude Pré-Al (pré-Alzheimer) avait pour objectif d’identifier les outils neuropsychologiques les plus prédicteurs d’une conversion vers la maladie d’Alzheimer chez des sujets présentant un mild cognitive impairment (MCI) de type amnésique (Sarazin et al., 2007). L’échantillon d’étude était constitué de 251 personnes recrutées en consultation mémoire, répondant aux critères de MCI amnésique et suivies pendant trois ans. Cette étude a montré que, parmi les nombreux outils utilisés, le RL/RI-16 était celui qui permettait de prédire l’évolution vers une maladie d’Alzheimer avec le plus de précision. En fixant le score seuil du rappel total à 40/48, il permettait de prédire la maladie d’Alzheimer avec une sensibilité de près de 80 %, une spécificité frôlant 90 %, une valeur prédictive positive (probabilité d’avoir la maladie quand le test est positif) de 90 % et une valeur prédictive négative (probabilité de ne pas avoir la maladie quand le test est négatif) de 95 %. L’aptitude de ce test à prédire la maladie d’Alzheimer, à partir de ce même score seuil, a 6 Conclusion été testée dans l’étude épidémiologique des Trois cités, qui, comme vu plus haut, est une étude réalisée en population générale. À chaque suivi, ayant lieu au domicile, à intervalles de deux à trois ans, les sujets sont évalués au moyen de différents tests et échelles cliniques par un psychologue. En cas de suspicion de troubles cognitifs par le psychologue, un médecin gériatre ou neurologue effectue une visite au domicile, formule une hypothèse diagnostique, laquelle est validée par un panel d’experts indépendants. Dans l’échantillon bordelais, le RL/RI-16 a été administré aux participants à tous les suivis. Ainsi, une étude a consisté à évaluer la capacité de prédiction de la maladie d’Alzheimer par le RL/RI-16 à partir du même score seuil que celui utilisé dans l’étude Pré-Al (Auriacombe et al., 2010). L’échantillon était composé de 1 464 sujets ayant complété le test et revus à deux ans, puis à cinq ans. Les résultats ont montré que ce test, appliqué à un sujet âgé « tout venant », garde une bonne sensibilité (environ 80 % des sujets qui ont développé une maladie d’Alzheimer avaient des scores inférieurs aux scores seuils), garde une bonne spécificité (environ 80 % des sujets qui n’ont pas développé la maladie d’Alzheimer avaient des scores supérieurs aux scores seuils), garde également une bonne valeur prédictive négative (environ 90 % des sujets qui avaient des scores supérieurs aux scores seuils n’ont pas développé de maladie d’Alzheimer dans les trois ou cinq ans qui suivent), mais présente une très faible valeur prédictive positive : plus de 90 % des sujets qui avaient des scores inférieurs aux scores seuil étaient toujours « normaux » trois ou cinq ans plus tard. En d’autres termes, dans une population clinique « sélectionnée » ayant un haut risque de développer une maladie d’Alzheimer, le RL/RI-16 a une bonne sensibilité, une bonne spécificité et de bonnes valeurs prédictives positive et négative. Pour autant, si demain un vaccin efficace contre la maladie d’Alzheimer voyait le jour, et qu’une politique de dépistage actif en population générale des personnes susceptibles de développer la maladie dans les cinq ans était mise en œuvre, le RL/RI-16 serait un piètre test de dépistage. 5.Conclusion L’utilisation de normes doit permettre au clinicien de mieux apprécier la qualité de la performance du patient. Même si les professionnels de la neuropsychologie, qu’ils soient médecins, psychologues ou orthophonistes, ne sont pas des méthodologistes à proprement parler, ignorer les rudiments méthodologiques sous-tendant la métrique d’un test peut les conduire à un mauvais usage de ces normes, et finalement à un risque d’erreur d’interprétation élevé. Pour commencer, et comme évoqué dans ce chapitre, il est tout d’abord important de choisir l’indicateur (moyenne, z-score, centile, score seuil, etc.) le plus adapté compte tenu de la distribution du score dans la population 7 Chapitre 1 – Normal, pas normal ? « mère » ; mais aussi les objectifs visés, comparatifs ou diagnostiques. À cet égard, nous avons vu que deux types de normes peuvent apporter des informations complémentaires. Les normes dites « comparatives » permettent de situer la performance du sujet par rapport à son groupe de référence, c’est-àdire un groupe d’individus ayant les mêmes caractéristiques sociodémographiques. Les normes dites « diagnostiques », dans le cadre d’une suspicion de démence notamment, ne sont pas corrigées pour l’âge ou le niveau d’étude de l’individu et contribuent quant à elles à établir une probabilité de présenter ou développer une démence. Le clinicien doit également garder à l’esprit le fait que les performances mesurées à un test sont dépendantes de nombreuses variables qui « échappent » aux normes. Les performances mesurées, et par conséquent le calcul de normes, dépendent également des caractéristiques de l’échantillon à partir duquel elles sont établies. De même, les propriétés de détection d’une maladie par un test sont éminemment dépendantes des caractéristiques de l’échantillon d’étude, et notamment de la prévalence de la maladie dans cet échantillon. Aussi, les qualités d’un test établies dans une population donnée ne sont pas transposables systématiquement à toutes les populations. Pour finir, rappelons aux neuropsychologues cliniciens que le score à un test doit toujours être vu comme venant en renfort d’une impression clinique ayant besoin d’être objectivée et quantifiée, ou au contraire venant nuancer cette impression, mais en aucun cas il ne se suffit à lui-même. L’anamnèse, la plainte ainsi que le comportement du patient pendant l’examen neuropsychologique sont tout aussi importants que les données chiffrées. Pour que ces données chiffrées soient informatives, elles doivent être analysées à la lumière de normes susceptibles d’éclairer la qualité de la performance du patient, et non d’ajouter un peu plus de confusion à des évaluations parfois bien difficiles à démêler. Références Amieva H., Carcaillon L., Rouze L’Alzit-Schuermans P., Millet X. et al. Cued and uncued memory tests: norms in elderly adults from the 3C epidemiological study. Revue de Neurologie (Paris) 2007;163(2):205-21. Auriacombe S., Helmer C., Amieva H., Berr C., Dubois B., Dartigues J.F. Validity of the free and cued selective reminding test in predicting dementia: the 3C study. Neurology. 2010 Jun 1;74(22):1760-7. Colombo F., Amieva H., Lecerf T., Verdon V. La norme en neuropsychologie, un concept à facettes multiples. Revue de Neuropsychologie, in press. Folstein M., Folstein S., McHugh P. “Mini-Mental State”. A practical method for grading the cognitive state of patients for the clinician. Journal of Psychiatric Research, 1975;12:189-98. 8 Références Funkiewiez A., Bertoux M., de Souza L.C., Lévy R., Dubois B. The SEA (Social cognition and Emotional Assessment): a clinical neuropsychological tool for early diagnosis of frontal variant of frontotemporal lobar degeneration. Neuropsychology. 2012 Jan;26(1):81-90. O’Connell M.E., Tuokko H., Kadlec H. Demographic corrections appear to compromise classification accuracy for severely skewed cognitive tests. Journal of Clinical and Experimental Neuropsychology, 2011;33(4):422-31. Sarazin M., Berr C., De Rotrou J., Fabrigoule C., Pasquier F., Legrain S., Michel B., Puel M., Volteau M., Touchon J., Verny M., Dubois B. Amnestic syndrome of the medial temporal type identifies prodromal AD: a longitudinal study. Neurology. 2007 nov 6;69(19):1859-67. Slachevsky A., Villalpando J.M., Sarazin M., Hahn-Barma V., Pillon B., Dubois B. Frontal assessment battery and differential diagnosis of frontotemporal dementia and Alzheimer disease. Archives of Neurology. 2004 Jul;61(7):1104-7. Sliwinski M., Buschke H., Stewart W.F. et al. The effect of dementia risk factors on comparative and diagnostic selective reminding norms. Journal of the International Neuropsychological Society, 1997;3(4):317-26. Van der Linden M., Adam S., Agniel A. et al. L’évaluation des troubles de la mémoire. Marseille : Éditions Solal, 2004. 9 Références Chapitre 2 Quand faut-il considérer un bilan neuropsychologique comme anormal ? Importance de l’intégration des performances multiples Martine Roussel (PhD) et Olivier Godefroy (MD, PhD) Services de neurologie et Laboratoire de neurosciences fonctionnelles, CHU d’Amiens-Picardie et université Picardie-Jules Verne, Amiens, France Depuis ces dernières décennies, l’objectif de l’évaluation neuropsychologique a évolué vers le diagnostic des troubles d’intensité légère, et éventuellement sélectif d’un seul domaine cognitif (par exemple les troubles neurocognitifs légers amnésiques). Cet objectif souligne l’importance de la précision de l’évaluation cognitive quantifiée (la seule ayant montré une précision suffisante pour un diagnostic précis de troubles sélectifs d’intensité légère), de son interprétation (notamment la catégorisation « normal versus déficitaire » de chaque score cognitif selon les normes) et de la correspondance entre cette interprétation et les critères diagnostiques. En pratique, l’objectivation d’un déficit cognitif dépend de quatre facteurs clés : (1) le choix des tests et de leurs scores qui doit être adapté à la situation clinique (par exemple en renforçant les épreuves et questionnaires qui évaluent la fonction susceptible d’être affectée par la situation clinique) et aux critères diagnostiques utilisés, (2) le seuil utilisé (souvent exprimé en déviation standard sous la norme ou en percentile) pour déterminer les scores limites 11 Chapitre 2 – Quand faut-il considérer un bilan neuropsychologique comme anormal ? (c’est-à-dire le score au-delà duquel une performance est considérée comme anormale), (3) l’ajustement éventuel du seuil aux facteurs démographiques et (4) la présence éventuelle d’une procédure combinant plusieurs scores (quand plusieurs scores sont utilisés pour évaluer une fonction, ce qui est habituellement le cas). Alors que la sélection de tests et les critères diagnostiques sont maintenant relativement standardisés, le seuil des scores limites, l’ajustement aux facteurs démographiques et la combinaison de scores multiples, le plus souvent peu ou pas spécifiés, sont détaillés dans ce chapitre. Ces facteurs sont essentiels puisqu’une étude récente a montré que leur méconnaissance est usuelle et que cela résulte en une inflation du taux de faux positifs (c’est-à-dire conduit l’examinateur à interpréter par excès un bilan comme déficitaire alors que cela n’est pas le cas) (Godefroy et al., 2014b). Ce chapitre ne traite donc pas d’autres facteurs intervenant dans la mesure de performance comme les facteurs extrinsèques (fatigabilité, motivation, acceptation de l’évaluation, anxiété et trouble de l’humeur, troubles sensorimoteurs, effet « retest », etc.), ni des facteurs démographiques (niveaux scolaires extrêmes, langue maternelle), ni de l’analyse qualitative du profil de perturbations, ni de l’intégration des troubles cognitifs dans le contexte clinique et des répercussions dans les activités de la vie quotidienne. Ces facteurs sont bien sûr essentiels mais ils sont soit déjà largement connus, soit détaillés dans d’autres chapitres. 1.Seuil des scores limites Le seuil utilisé pour déterminer qu’une performance est perturbée varie selon les tests, les habitudes et les jeux de critères diagnostiques. Ainsi, les définitions des troubles cognitifs légers utilisées pour les principales pathologies cérébrales (tableau 1) utilisent typiquement un critère fixe exprimé en termes de déviation standard sous la norme (Petersen, 2004 ; Seshadri et al., 2011 ; Pendlebury et al., 2012 ; Murkin et al., 1995 ; Moller et al., 1998 ; Rao et al., 1991). Le déficit est objectivé par une performance à 1,5 déviation standard sous la norme d’au moins une mesure de la batterie neuropsychologique (Petersen, 2004). Le seuil du score limite détermine le taux de faux positifs (c’est-à-dire la proportion de sujets normaux classés comme déficitaires). Une étude a montré que l’utilisation d’un score limite à moins de 1,5 déviation standard résultait en un taux moyen de faux positifs de 7,9 % (fourchette de 6,9 à 10,7 %) alors qu’un seuil à moins 1,65 déviation standard entraînait un taux moyen de faux positifs de 7,1 % (fourchette de 5,4 à 10,3 %) (Godefroy et al., 2014b). Ce résultat peut paraître surprenant mais s’explique par le simple fait que la plupart des performances cognitives dévient de la loi normale (selon laquelle le 5e percentile correspond à un score ⩽ 1,65 déviation standard sous la moyenne des témoins). 12 Seuil des scores limites Tableau 1. Principaux critères de troubles cognitifs légers (d’après Godefroy et al., 2014a). Contexte Seuil de déficit Nombre de tests/scores (Petersen, 2004) Appréciation du clinicien Inférieur de 1,5 DS à norme pour âge ou déclin significatif par rapport aux performances antérieuresa Non spécifié ; évaluation du langage, aptitude visuoconstructive, mémoire et attention – fonctions exécutives (Albert, 2011) Inférieur de 1 à 1,5 DS à norme pour âge et éducation Non spécifié ; évaluation du langage, aptitude visuoconstructive, mémoire, et attention – fonctions exécutives DSM-5 Inférieur de 1 à 2 DS à norme appropriéeb Non spécifié Maladie de Parkinson (Litvan, 2012) Inférieur de 1 à 2 DS à norme appropriée ou déclin significatif par rapport aux performances antérieuresc Déficit ⩾ 2 testsd 2 tests/domaine avec évaluation de 5 domaines : langage, aptitude visuo-constructives, mémoire, et attention – mémoire de travail et fonctions exécutives Trouble cognitif vasculaire (Sachdev, 2014) Inférieur de 1 à 2 DS à norme appropriée ou déclin significatif par rapport aux performances antérieuresc Non spécifié Déficit ⩾ 1/7 domaines : langage, aptitude visuo-constructives, praxies-gnosies-schéma corporel, mémoire, et attention – mémoire de travail, fonctions exécutives et cognition sociale À risque de démence DS : Déviation standard ; a : l’article initial soulignait que ces valeurs étaient indicatives et non pas des scores limites ; b : correspondant aux 16e et 7e percentiles selon la probabilité uni­ latérale de la loi normale ; c : correspondant aux 16e et 3e percentiles ; d : deux tests perturbés dans un seul domaine ou un test perturbé dans deux domaines différents. Ce résultat indique donc que ce type de score limite entraîne un taux de faux positifs (c’est-à-dire un diagnostic erroné établissant la présence de troubles cognitifs chez des personnes avec des fonctions cognitives normales) allant jusque 10 %. L’utilisation du score seuil à moins 1 déviation standard a été recommandée par plusieurs définitions récentes de troubles cognitifs légers (Albert et al., 2011 ; Litvan et al., 2012), incluant celle du DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) (2013). Cette procédure est 13 Chapitre 2 – Quand faut-il considérer un bilan neuropsychologique comme anormal ? associée à un taux de faux positifs de 16 % lorsque les scores se distribuent selon la loi normale, et au-delà lorsque la distribution ne suit pas la loi normale, ce qui est le plus souvent le cas (Godefroy, 2013). Dans le même ordre d’idée, les normes utilisables en pratique clinique sont très souvent présentées sous forme de moyenne et d’écart-type, et plus rarement sous forme de percentile (par exemple Lezak, 2004). Cependant, l’expression sous forme de moyenne et d’écart-type n’a de signification que si la distribution statistique de la performance est normale ou au moins symétrique, ce qui est rarement le cas pour les scores cognitifs et comportementaux. Pour les scores limites présentés sous forme de percentile, le percentile 10 est souvent utilisé, impliquant un taux de faux positif de 10 %, ce qui est loin d’être négligeable. 2.Ajustement du score seuil aux facteurs démographiques Les caractéristiques démographiques, notamment l’âge et le niveau d’éducation, influencent la plupart des performances cognitives des sujets indemnes de condition affectant les fonctions cognitives (pathologie cérébrale notamment), y compris pour les tests évaluant des capacités instrumentales relativement surapprises, et ce indépendamment de la rapidité de réponse (par exemple pour le langage, Mai Tran et al., 2011). En pratique clinique (à la différence des études épidémiologiques sur de larges groupes), l’évaluation neuropsychologique d’une personne a classiquement pour objectif de déterminer si elle souffre d’un déficit cognitif ou pas, c’est-à-dire de performances significativement inférieures par rapport aux performances antérieures, qui ne sont habituellement pas connues. Cela conduit donc à déterminer si les performances de cette personne sont inférieures à celles attendues, tel que l’on peut le déterminer dans une population similaire, donc de caractéristiques démographiques similaires. Cela justifie donc d’ajuster le score seuil aux caractéristiques démographiques. En pratique, les normes habituellement utilisées en neuropsychologie proposent des ajustements variables, souvent selon un seul des deux facteurs démographiques (c’est-à-dire selon l’âge seulement ou selon le niveau d’éducation seulement) et plus rarement selon les deux facteurs démographiques. Encore faut-il souligner que le nombre de témoins permettant d’ajuster les seuils doit être suffisant (Godefroy et al., 2014a) afin que cet ajustement soit fiable. Lorsque l’ajustement n’est pas effectué ou lorsqu’il n’est pas fiable, cela résulte en pratique habituellement en un excès de faux positifs puisque les populations cliniques sont souvent plus âgées et de plus faible niveau d’éducation que les populations témoins évaluées pour déterminer les normes. 14 Effet du nombre de scores de la batterie et de la combinaison éventuelle en un score global 3.Effet du nombre de scores de la batterie et de la combinaison éventuelle en un score global Le taux de faux positifs varie selon le seuil utilisé, l’ajustement des scores seuils pour les facteurs démographiques, mais également selon le nombre de scores considérés, ce qui est beaucoup moins connu. L’évaluation cognitive implique plusieurs tests et génère habituellement 20 à 50 scores (par exemple 11 scores sont couramment utilisés pour le seul RI/RL-16 : le rappel immédiat, les quatre rappels libres et quatre rappels totaux, les reconnaissances correctes et fausses). L’utilisation de plusieurs tests améliore jusqu’à un certain point la sensibilité (probabilité de trouver un déficit chez une personne malade), mais augmente aussi artificiellement le taux de faux positifs (Crawford et al., 2007 ; Brooks et al., 2010). Ainsi, une étude a montré une augmentation moyenne de 2,6 % de faux positifs à chaque score cognitif additionnel (Godefroy et al., 2014b). Le même type de résultat a été observé avec la batterie de tests GRECOG-VASC (Godefroy et al., 2012) confirmant que ce phénomène est observé avec tous les types de batteries neuropsychologiques. Ce phénomène (rappelant le théorème des inégalités de Bonferroni) n’est habituellement pas pris en compte dans les normes fournies, à de rares exceptions près comme les batteries WAIS (Wechsler, 1944), Mattis (Jurica et al., 2001), Halstead-Reitan (Reitan et al., 1993), GREFEX (Godefroy et al., 2010 ; Godefroy et GREFEX, 2008) ou dans le domaine aphasiologique, la western aphasia battery (Shewan et al., 1980). Des méthodes permettant d’estimer la probabilité d’observer une déviation donnée d’un score ont été proposées pour des tests spécifiques (Crawford et al., 2007), mais elles ne peuvent corriger l’ensemble des sources de perturbations de l’interprétation des scores et ne concernent pas l’ensemble des épreuves utilisées en pratique clinique. Cela montre que la procédure habituelle de la pratique clinique où l’examinateur note si les scores d’une batterie de tests dévient des normes score par score (plus rarement domaine par domaine) sans aucune correction pour le nombre de scores cognitifs entraîne nécessairement des faux positifs. Cela peut parfaitement expliquer que certaines personnes chez qui un diagnostic de trouble neurocognitif léger a été posé n’évoluent pas, voire s’améliorent, ou bien que des patients considérés à tort comme souffrant de séquelles cognitives après une lésion (traumatisme crânien ou accident vasculaire cérébral par exemple) retrouvent leurs activités antérieures de façon parfaitement satisfaisante. Pour contrôler le taux de faux positifs, il est donc nécessaire de disposer de procédures correctrices qui reposent le plus souvent sur la combinaison des scores en un score global, comme cela est déjà fait dans de rares batteries 15 Chapitre 2 – Quand faut-il considérer un bilan neuropsychologique comme anormal ? (Wechsler, 1944 ; Jurica et al., 2001 ; Reitan et al., 1993 ; Godefroy et GREFEX, 2008 ; Shewan et al., 1980). Les procédures utilisées pour combiner des scores multiples en un score global sont variables : dénombrement des scores déficitaires avec ajustement de seuil, somme des scores, moyenne de scores z, index de la théorie de réponse aux items, déviation standard intra-individuelle pour ne citer que les principaux. Une étude a montré que la procédure utilisée pour combiner les scores influence aussi la sensibilité et la spécificité, avec une variation de sensibilité de 29 à 44 % selon le type de score global (Godefroy et al., 2014b). Il est donc nécessaire de prédéterminer avant utilisation clinique la procédure offrant la meilleure précision diagnostique. Contrairement à une idée largement répandue, l’utilisation d’un score global combinant l’ensemble des scores cognitifs ne diminue pas la sensibilité à détecter un déficit sélectif d’un seul domaine dans une étude portant sur les fonctions exécutives (Godefroy et al., 2014b). Il reste à démontrer formellement que ce gain de sensibilité procuré par un score global est généralisable à toutes les batteries cognitives, même si cela est déjà conforté par les résultats préliminaires de l’étude GRECOG-VASC (Godefroy et al., 2012) dans les troubles cognitifs vasculaires dont on connaît pourtant la variabilité. 4.Conclusion Ces données soulignent l’impact majeur de ces facteurs à la fois sur la sensibilité et la spécificité, avec une tendance globale à une faible spécificité (c’est-àdire un taux élevé de faux positifs). Nous ne détaillerons pas ici l’optimisation de la précision diagnostique (c’est-à-dire la sensibilité et la spécificité) qui a déjà été abordée dans un article spécifique (Godefroy et al., 2014a). Ces travaux plaident pour une harmonisation tant des futures études de normalisation de batteries que de la diffusion en pratique clinique de procédures validées. Cet objectif devrait être largement facilité par la diffusion de logiciels d’aide à l’interprétation de scores intégrant ce type de fonctionnalité comme le logiciel « AmiensCog » (Roussel et al., 2014). Références Albert M.S., DeKosky S.T., Dickson D., Dubois B., Feldman H.H., Fox N.C., Gamst A., Holtzman D.M., Jagust W.J., Petersen R.C., Snyder P.J., Carrillo M.C., Thies B., Phelps C.H. The diagnosis of mild cognitive impairment due to Alzheimer’s disease: recommendations from the National Institute on AgingAlzheimer’s Association workgroups on diagnostic guidelines for Alzheimer’s disease. 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Moller J.T., Cluitmans P., Rasmussen L.S., Houx P., Rasmussen H., Canet J., Rabbitt P., Jolles J., Larsen K., Hanning C.D., Langeron O., Johnson T., Lauven P.M., Kristensen P.A., Biedler A., van Beem H., Fraidakis O., Silverstein J.H., Beneken J.E., Gravenstein J.S. Long-term postoperative cognitive dysfunction in the elderly ISPOCD1 study. ISPOCD investigators. International study of post-operative cognitive dysfunction. The Lancet, 1998;351:857-61. Murkin J.M., Newman S.P., Stump D.A., Blumenthal J.A. Statement of consensus on assessment of neurobehavioral outcomes after cardiac surgery. Ann Thorac Surg 1995;59:1289-95. Pendlebury S.T., Mariz J., Bull L., Mehta Z., Rothwell P.M. MoCA, ACE-R, and MMSE versus the National Institute of Neurological Disorders and Stroke-Canadian Stroke Network Vascular Cognitive Impairment Harmonization Standards Neuropsychological Battery after TIA and stroke. Stroke, 2012;43:464-9. Petersen R.C. Mild cognitive impairment as a diagnostic entity. 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Alzheimer Disease and Associated Disorders, 2014 Mar 13. Seshadri S., Beiser A., Au R., Wolf P.A., Evans D.A., Wilson R.S., Petersen R.C., Knopman D.S., Rocca W.A., Kawas C.H., Corrada M.M., Plassman B.L., Langa K.M., Chui H.C. Operationalizing diagnostic criteria for Alzheimer’s disease and other age-related cognitive impairment-Part 2. Alzheimers Dement, 2011;7:35-52. Shewan C.M., Kertesz A. Reliability and validity characteristics of the Western Aphasia Battery (WAB). The Journal of speech and hearing disorders, 1980;45:308-24. Wechsler D. The measurement of adult intelligence. Baltimore (USA): The Williams and Wilkins Company, 1944. 18 Introduction Chapitre 3 Influence des stéréotypes dans l’évaluation neuropsychologique Manon Marquet et Stéphane Adam Unité de psychologie de la sénescence, université de Liège, Belgique Remerciements : Manon Marquet est soutenue par le Fonds national de la recherche scientifique (FRS-FNRS, mandat aspirant), Belgique (www.frs-fnrs.be) 1.Introduction Dans les sociétés européennes contemporaines, l’âge constitue le facteur de discrimination le plus important, devant le sexe, l’origine ethnique ou la religion (Special Eurobarometer, 2012). Cette discrimination fait écho à la vision actuelle prédominante du vieillissement, à savoir une perception négative teintée des phénomènes d’âgisme (c’est-à-dire le fait de véhiculer toute sorte de stéréotypes négatifs liés au vieillissement) et de jeunisme (c’est-à-dire le fait de valoriser le culte de la jeunesse et du « zéro défaut ») (Adam et al., 2013). Cette vision négative de l’âge se manifeste dans différents contextes. Ellis et Morrison (2005) se sont par exemple intéressés aux messages véhiculés dans les cartes d’anniversaire adressées aux personnes de 40 ans et plus. Sur la base d’un échantillon de 150 cartes achetées à Red Deer (ville canadienne), les auteurs ont remarqué que 66,7 % des cartes véhiculaient des informations 19 Chapitre 3 – Influence des stéréotypes dans l’évaluation neuropsychologique négatives sur le vieillissement (par exemple : « Une fois 50 ans, des nouvelles portes s’ouvrent à vous : les centres gériatriques et les instituts de chirurgie esthétique » « Joyeux anniversaire ! Oh, tu as 50 ans ? Tu ne te souviens même pas de quoi je parle en fait ? Eh bien, bon anniversaire quand même ! »). Ces stéréotypes apparaissent également dans les réponses données par des professionnels de la santé lorsqu’ils sont interrogés à propos des cinq mots qui leur viennent à l’esprit lorsqu’ils pensent à une personne âgée. Cette question posée à 76 infirmières en oncologie montre que 74 % des mots cités sont négatifs (Schroyen et al., sous presse). Quant aux trois mots les plus fréquemment cités, ils sont, dans l’ordre, « dépendance », « perte d’autonomie » et « solitude ». De manière complémentaire à cette question, l’emploi des questions de stigmatisation portant sur l’estimation en pourcentage des personnes de plus de 65 ans qui, par exemple, vivent en institution ou souffrent de dépression illustre tout le problème de la généralisation des stéréotypes. Alors que les données réelles sont, respectivement, 8 et 11 % en Belgique (Charlot et al., 2009), la population générale belge (n = 3600) répond 25 % à la première question et 30 % à la seconde (Adam, 2014). Quant aux réponses données par le personnel (soignant ou non) en maison de repos et de soins (n = 1410) en Belgique, elles s’élèvent à 44 et 49 % (Missotten et al., 2015). Cette plus grande surestimation du personnel par rapport à la population générale peut aisément s’expliquer par le fait que les professionnels sont régulièrement en contact avec des personnes âgées malades, ce qui peut les amener à faire un amalgame entre vieillissement et maladie (Kearney et al., 2000). La stigmatisation liée à l’âge est une problématique inquiétante compte tenu de ses conséquences péjoratives avérées sur la cognition des personnes âgées. Il convient donc de s’intéresser aux situations d’examen qui peuvent nous amener à surestimer les difficultés cognitives des personnes âgées et qui s’inscrivent dans le cadre théorique de la menace du stéréotype. Même si l’ampleur des effets de la menace du stéréotype sur la cognition est petite à modérée (Lamont et al., 2015), prendre conscience de ce biais peut nous permettre d’adapter les situations cliniques de manière à ce qu’elles soient le moins possible contaminées par des stéréotypes négatifs. 2.Menace du stéréotype La menace du stéréotype (Steele et Aronson, 1995) est une situation d’évaluation (par exemple réalisation d’un test de mémoire) dans laquelle une personne (par exemple un participant âgé) est inquiète quant au risque de confirmer un stéréotype négatif (par exemple déclin de la mémoire avec l’avancée en âge) sur un groupe auquel elle appartient (par exemple les personnes âgées), ce qui conduit à la situation paradoxale de la confirmation du stéréotype (c’est-à-dire l’obtention de moins bons résultats au test de mémoire). 20 Menace du stéréotype D’une étude à l’autre, le type de menace du stéréotype appliquée varie fortement. Par conséquent, nous proposons, à l’instar de ce qui a été fait par Nguyen et Ryan (2008), de classer les paradigmes d’application de la menace sur un continuum allant d’une menace très explicite à une menace plus subtile. Par exemple, Abrams et al. (2006) ont utilisé une menace très explicite. Ces auteurs ont administré des tâches intellectuelles à deux groupes de sujets âgés. Dans la condition contrôle, le chercheur expliquait aux sujets que « le but de l’étude est de voir comment les gens se différencient les uns des autres dans une série de tâches. Différents types de personnes participeront donc à cette recherche ». Pour les sujets placés en situation de menace du stéréotype, le chercheur mentionnait qu’« il est largement supposé que les fonctions intellectuelles déclinent avec l’âge. Ainsi, le but de l’étude est de voir si les personnes âgées ont des performances plus faibles dans des tâches intellectuelles comparativement à des sujets plus jeunes. À la fois des personnes âgées et jeunes participeront donc à cette recherche ». Dans ce dernier cas, la menace est très explicite car elle insiste sur le déclin des fonctions intellectuelles avec l’âge et la comparaison des résultats des personnes âgées à ceux de jeunes reconnus comme plus performants. Au contraire, dans la condition neutre, les sujets ne sont ni informés du type de tâche administré ni de la comparaison avec un groupe particulier. Les résultats attestent de performances aux tâches intellectuelles inférieures dans le groupe menacé comparativement au groupe contrôle. À l’aide d’une menace « modérément » explicite, Hess et al. (2009) ont répliqué cet effet délétère des consignes en utilisant une tâche consistant à mémoriser 30 mots en vue d’en rappeler le plus possible. Ils ont montré que lorsque l’objectif de l’étude est décrit comme étant de comprendre pourquoi des individus jeunes et âgés ont des performances très différentes dans des tests de mémoire (groupe menacé), les performances des sujets âgés sont moins bonnes que lorsque les chercheurs informent ces mêmes participants que les jeunes et les âgés obtiennent des scores similaires dans le test administré (groupe contrôle). Dans le groupe menacé, aucune mention n’est donc faite quant au sens de la différence attendue (l’inférence étant laissée à l’appréciation des sujets, c’est-à-dire sur la base de leurs représentations stéréotypées du fonctionnement mnésique tenant compte de l’âge des sujets). D’autres études ont montré que le vocabulaire employé pour présenter la tâche ainsi que le rappel au participant de son âge peuvent constituer une menace que nous qualifions alors de « subtile ». Ainsi, des participants âgés rappellent moins bien le contenu d’une histoire lorsque la tâche est présentée comme une tâche de mémoire (versus de compréhension à la lecture), qu’elle est réalisée en présence d’un jeune adulte (versus seul) et que les participants sont invités à noter leur âge (versus leurs initiales) sur les feuilles du protocole (Kang et Chasteen, 2009). Poursuivant notre réflexion, il apparaît également que les personnes âgées se sentent plus âgées d’environ cinq ans après avoir passé un test décrit comme 21 Chapitre 3 – Influence des stéréotypes dans l’évaluation neuropsychologique évaluant leur mémoire par rapport à l’âge qu’ils se donnaient avant le test (Hughes et al., 2013). Cet effet n’est en revanche pas présent si un test de vocabulaire est utilisé au lieu du test mnésique et si les participants sont jeunes. Plus surprenant, le simple fait de s’attendre à réaliser une tâche mnésique (sans administration effective de la tâche) suffit pour augmenter l’âge subjectif des participants âgés. Selon les auteurs, il semblerait que le fait de s’attendre à réaliser un test mnésique active le stéréotype du déclin de la mémoire durant le vieillissement, cette pensée amenant alors les individus directement concernés par ce stéréotype (à savoir les aînés) à se sentir menacés, ce qui augmenterait leur âge subjectif. À côté des différents types de situations menaçantes, il existe une série de facteurs modérateurs permettant de distinguer les conditions dans lesquelles la menace du stéréotype a un effet plus ou moins marqué sur les performances cognitives des personnes âgées. En ce qui concerne le type de tâche utilisé et en particulier les exigences de celle-ci, les effets de la menace semblent plus importants pour les tâches de rappel libre comparativement à des tâches de rappel indicé ou de reconnaissance. Pour ces deux dernières modalités d’évaluation, certaines études ne montrent d’ailleurs pas toujours d’effet de la menace (par exemple Kang et Chasteen, 2009). Cela pourrait être lié au fait que les tâches de rappel libre sont plus exigeantes en termes de mécanismes mnésiques à mettre en place pour récupérer l’information et donc plus sensibles aux pensées interférentes générées par la menace du stéréotype. Néanmoins, certaines études suggèrent que, lorsque les exigences d’une tâche de reconnaissance sont augmentées, l’impact de la menace sur la performance des personnes âgées apparaît alors comme plus évident (Hess et al., 2009). Plus précisément, Hess et al. (2009) ont utilisé une menace très explicite consistant à expliquer aux sujets âgés qu’ils allaient réaliser un test de mémoire dans lequel les jeunes obtiennent généralement de meilleurs scores. Dans la condition contrôle, les chercheurs présentaient le test comme une tâche de traitement de l’information verbale dans laquelle les personnes âgées ont habituellement de bons résultats. Ils ont montré que la performance des personnes âgées dans la tâche de reconnaissance utilisée (reconnaissance de type oui/non avec 50 mots cibles présentés parmi 50 distracteurs sémantiques) se détériore dans la condition menaçante (comparativement à la condition contrôle) uniquement lorsqu’une contrainte temporelle est imposée aux sujets lors de la reconnaissance de chaque item (la réponse pour chaque item devait être donnée endéans un délai de 2 500 ms). Les auteurs notent également que cette diminution des performances s’accompagne d’un nombre moins élevé de réponses remember (récupération épisodique), mais pas de réponses know (réponse sur la base d’un sentiment de familiarité, mais sans récupération de l’épisode d’apprentissage) lors de la reconnaissance. Cela pourrait refléter une altération des processus de recollection de l’information, 22 Menace du stéréotype l’individu allouant une partie importante de son contrôle exécutif à la gestion de la situation menaçante. Une explication alternative suggère que la menace combinée avec de fortes contraintes sur la performance pourrait altérer la confiance personnelle des individus dans leur jugement de reconnaissance et les inciter à se montrer plus prudents dans leurs réponses. Pour ce qui est des variables propres à chaque individu, l’effet négatif de la menace sur la mémoire est plus marqué chez les personnes qui considèrent avoir de moins bonnes capacités mnésiques pour réaliser différents tests cognitifs (par exemple le rappel d’une liste de chiffres) et tâches de la vie quotidienne (rappeler la localisation de différents objets dans une pièce) (Desrichard et Köpetz, 2005) ainsi que chez celles qui accordent de l’importance à leur mémoire (Hess et al., 2003) (voir par exemple l’étude de Hess et Hinson en 2006 pour une absence de résultats). D’autres études ont montré que la qualité et la fréquence des contacts intergénérationnels jouent un rôle atténuateur crucial par rapport aux effets de la menace sur la performance cognitive générale : plus les personnes âgées ont des contacts fréquents et positifs avec leur(s) petit(s)-enfant(s), moins leur performance est affectée par une menace du stéréotype (Abrams et al., 2006). Surtout, le simple fait de s’imaginer mentalement avoir une conversation agréable avec un jeune permet d’atténuer l’impact négatif d’une consigne stéréotypée négative (Abrams et al., 2008). Ces données suggèrent que les contacts intergénérationnels réels ou imaginés diminuent chez les personnes âgées l’inquiétude d’être comparées à des jeunes (et donc l’effet de menace). La vision qu’une personne a de son propre vieillissement détermine aussi la manière dont elle réagit face à une situation menaçante. Plus précisément, une vision positive du vieillissement permettrait à une personne de ne pas voir ses scores mnésiques diminuer en situation de menace comparativement à une personne placée dans la même situation menaçante, mais ayant une vision davantage négative (Fernández-Ballesteros et al., 2015). Le contexte de l’évaluation peut également être un facteur considéré comme modulant les effets de la menace selon que ce contexte active (ou non) des stéréotypes négatifs associés au vieillissement (Sindi et al., 2013). Par exemple, si le rendez-vous pour l’évaluation a lieu à l’université (contexte inconnu), que le chercheur est jeune et que la tâche est présentée comme un test de mémoire, les personnes âgées auront de moins bonnes performances comparativement à une situation où le chercheur est une personne âgée, où le test n’est pas décrit comme évaluant la mémoire et où l’examen a lieu dans un institut de santé mentale (endroit où les personnes âgées se sont déjà rendues). En conséquence, le contexte plus global que celui du testing neuropsychologique proprement dit nécessite d’être pris en considération. À côté des variables modérant les effets de menace, nous pouvons nous intéresser aux processus psychologiques et cognitifs qui sous-tendent les 23 Chapitre 3 – Influence des stéréotypes dans l’évaluation neuropsychologique conséquences de la menace sur les performances cognitives (c’est-à-dire les médiateurs). Une première explication suggère que la menace du stéréotype a des effets délétères sur la performance cognitive des personnes âgées parce qu’elle serait source d’anxiété (c’est-à-dire de sentiments de tension, de nervosité, d’inconfort, etc.) durant la réalisation des tests (Abrams et al., 2006). À côté de l’hypothèse anxieuse, deux études (Desrichard et Köpetz, 2005 ; Hess et al., 2009) ont montré que les personnes âgées menacées s’attendent à avoir une moins bonne performance dans une tâche mnésique comparativement aux participants non menacés, ce qui explique la diminution de leur performance en mémoire. Ces attentes peuvent être évaluées en demandant par exemple aux participants âgés d’inscrire sur une échelle de Likert en neuf points allant de « très mauvaise » à « très bonne » la performance qu’ils s’attendent à obtenir dans une tâche mnésique (Desrichard et Köpetz, 2005). Une troisième explication suggère qu’en situation menaçante, le contrôle exécutif de l’individu, plutôt que d’être entièrement alloué à la tâche à réaliser, serait en partie utilisé pour gérer les pensées interférentes liées à la situation menaçante. Ces interférences diminueraient les capacités de traitement de l’information en mémoire de travail et, a fortiori, la performance en mémoire épisodique (Mazerolle et al., 2012). Cependant, la mémoire de travail des personnes âgées n’est pas toujours affectée face à la menace (Hess et al., 2009 ; Popham et Hess, 2015). En conséquence, l’hypothèse de la diminution du contrôle exécutif ne nous semble pas être l’hypothèse la plus appropriée pour expliquer la diminution des performances en mémoire chez les personnes âgées menacées. La dernière hypothèse (Barber et Mather, 2013a), motivationnelle, suggère que les performances des participants se détériorent en situation de menace lorsqu’il y a une discordance entre la stratégie qu’il adopte et la contextualisation de la tâche. Ainsi, nous savons qu’en situation de menace du stéréotype, la personne âgée va être plus vigilante et se fixer comme objectif principal d’éviter de produire des erreurs (c’est-à-dire de limiter ses pertes = résultats négatifs). Concrètement, on remarque par exemple que si les personnes âgées menacées rappellent moins de mots dans une tâche de mémoire épisodique, elles font également moins d’intrusions (c’est-à-dire moins de résultats négatifs) comparativement à un groupe contrôle (Barber et Mather, 2013b). Deuxièmement, outre la considération de la stratégie utilisée par les sujets, Barber et Mather (2013a) ont montré que la contextualisation de la tâche détermine si la menace, qui a induit une stratégie préventive, va diminuer les résultats des personnes âgées. Dans leur étude, ils ont testé les performances en mémoire de travail chez des personnes âgées avec application (ou non) d’une menace. Le groupe menacé lisait un texte qui décrivait différentes recherches démontrant le déclin mnésique avec l’âge alors que les recherches présentées dans le groupe 24 Table des matières Table des matières Sommaire........................................................................................................ III Chapitre 1. Normal, pas normal ?.................................................... 1. Introduction.......................................................................................... 2. Une norme, des métriques.................................................................. 3. Facteurs influençant les performances intrinsèques à l’individu ou notions de normes comparatives et normes diagnostiques..... 4. Facteurs influençant les performances, intrinsèques à l’échantillon, ou importance de l’échantillon de normalisation................................................................................... 5. Conclusion............................................................................................. Références..................................................................................................... 1 1 2 4 5 7 8 Chapitre 2. Quand faut-il considérer un bilan neuropsychologique comme anormal ? Importance de l’intégration des performances multiples. ................................ 11 1. Seuil des scores limites......................................................................... 2. Ajustement du score seuil aux facteurs démographiques.............. 3. Effet du nombre de scores de la batterie et de la combinaison éventuelle en un score global.............................................................. 4. Conclusion............................................................................................. Références..................................................................................................... 12 14 15 16 16 Chapitre 3. Influence des stéréotypes dans l’évaluation neuropsychologique................................................................................... 19 1. Introduction.......................................................................................... 19 2. Menace du stéréotype.......................................................................... 20 245 Table des matières 3. Stéréotypes et interlocuteurs.............................................................. 25 4. Enjeux cliniques et éthiques................................................................ 27 5. Conclusion............................................................................................. 31 Références..................................................................................................... 31 Chapitre 4. Concept de réserve cognitive..................................... 35 1. Plasticité cérébrale................................................................................ 35 2. Réserve cognitive.................................................................................. 2.1. Concept et définitions.................................................................. 2.2. Modèles passifs et actifs de la réserve cognitive....................... 2.3. Relation entre activité et cognition au-delà de 60 ans............. 37 37 39 41 3. Causalité entre activité et cognition.................................................. 42 4. Quelles implications générales de ces données ?............................. 45 5. Importance de l’évaluation de la réserve cognitive en clinique..... 46 6. En conclusion........................................................................................ 50 Références..................................................................................................... 51 Chapitre 5. Effets de l’acquisition de l’écrit sur le traitement du langage, la mémorisation et la connaissance verbale. ...................................................................... 55 1. Introduction.......................................................................................... 55 2. Effets de la littératie sur le traitement du langage parlé : quand l’être de paroles devient l’être abécédé.................................. 56 3. Effets de la littératie sur la mémoire à court terme et de travail : quand le nombre magique sept, plus ou moins deux, est amputé.............................................................................................. 59 4. Effets de la littératie sur la mémoire sémantique : lorsque les alligators sont des insectes et les bouilloires voyagent en bus....... 61 5. Conclusions........................................................................................... 64 Références..................................................................................................... 65 Chapitre 6. Illettrisme et démence. ................................................. 69 1. Faible niveau d’éducation et risque plus élevé de démence........... 69 2. Études « contre »................................................................................... 71 3. Illettrisme et biomarqueurs de la MA............................................... 72 4. Conclusion............................................................................................. 73 Références..................................................................................................... 74 246 Table des matières Chapitre 7. Influence du degré de littératie sur l’évaluation neuropsychologique................................................. 77 1. Introduction.......................................................................................... 77 2. Concept de littératie : définition et prévalence................................ 78 3. Comment différencier l’impact de la littératie et du niveau d’éducation formelle sur le fonctionnement cognitif ?................... 80 4. Influence de la littératie et du niveau d’études sur les tests neuropsychologiques........................................................................... 4.1. Fonctionnement cognitif global................................................. 4.2. Mémoire......................................................................................... 4.3. Langage.......................................................................................... 4.4. Capacités visuospatiales............................................................... 4.5. Praxies............................................................................................ 82 82 83 85 86 86 5. Conclusion............................................................................................. 87 Références..................................................................................................... 88 Chapitre 8. L’évaluation neuropsychologique chez les sujets très âgés. ............................................................................ 95 1. Introduction.......................................................................................... 95 2. Quelles sont les spécificités des oldest old ?...................................... 96 3. Quid des normes ?................................................................................ 97 4. Quid des outils ?................................................................................... 99 5. Démence à début très tardif................................................................ 99 6. Conclusion............................................................................................. 101 Références..................................................................................................... 101 Chapitre 9. Les adultes haut potentiel (HP) ou haut potentiel intellectuel (HPI) en pratique neuropsychologique courante : savoir y penser........................................................................ 107 1. Introduction.......................................................................................... 107 2. Mais de quoi parle-t-on : les zones d’ombre.................................... 108 3. Mesure de l’intelligence intellectuelle............................................... 109 3.1. Historique...................................................................................... 109 3.2. Quotient intellectuel : de Binet et Simon à Weschler.............. 110 4. Mais de quoi parle-t-on : une performance intellectuelle ou un profilage ?................................................................................... 111 247 Table des matières 5. La performance intellectuelle est-elle une condition nécessaire et suffisante ?......................................................................................... 112 5.1. Compétences et réussite............................................................... 112 5.2. Modèles théoriques du don et du talent.................................... 112 6. Un questionnaire concernant les pratiques des cliniciens dans le cadre des consultations à visée cognitive ou comportementale............................................................................ 114 6.1. Dans votre pratique d’une consultation à visée cognitive et/ou d’un bilan (orthophonique ou neuropsychologique), vous posez-vous la question parfois d’être en face d’un sujet haut potentiel ?............................................................ 115 6.1.1. Se poser la question........................................................... 115 6.1.2. Orienter le choix des outils et l’interprétation du bilan............................................................................... 115 6.2. Pour vous, qu’est-ce qu’un un haut potentiel ? Un score au QI supérieur à 130 ? Autre chose ?....................... 116 6.2.1. Score au QI......................................................................... 116 6.2.2. Des questions sur les parcours et les centres d’intérêt.. 116 6.2.3. Des outils qui renseignent sur le niveau intellectuel supposé........................................................... 119 6.3. Question des réserves cognitives et des ressources de compensation........................................................................... 119 6.3.1. Haut niveau de performance dans les tests et HPI ?..... 119 6.3.2. HPI et compensation........................................................ 119 7. Vignettes cliniques............................................................................... 120 7.1. Situations d’indication de réalisation de QI de sujets adultes............................................................................ 120 7.1.1. Conclusion négative.......................................................... 120 7.1.2. Conclusion positive........................................................... 121 7.2. Situations cliniques dans lesquelles le fait d’avoir un HP se pose (mais n’est pas vérifié).................................................... 122 7.2.1. Situation d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer atypique........................................................ 122 7.2.2. Situation postencéphalite infectieuse............................. 123 8. Conclusion............................................................................................. 123 Références..................................................................................................... 124 Chapitre 10. Évaluation neuropsychologique en cas de troubles sensoriels. ................................................................. 125 1. Évaluation neuropsychologique en cas de troubles sensoriels visuels..................................................................................................... 126 248 Table des matières 2. Évaluation neuropsychologique en cas de troubles sensoriels auditifs.................................................................................................... 131 3. Conclusion............................................................................................. 134 Références..................................................................................................... 135 Chapitre 11. Trisomie 21 et maladie d’Alzheimer. .................... 137 1. 2. 3. 4. 5. Introduction.......................................................................................... 137 Déclin cognitif....................................................................................... 138 Déclin fonctionnel et troubles psychocomportementaux.............. 138 Examens complémentaires................................................................. 139 Expérience au Centre mémoire de ressource et de recherche (CMRR) de Bordeaux.......................................................................... 139 6. Conclusion............................................................................................. 141 Références..................................................................................................... 141 Chapitre 12. Culture et cognition....................................................... 143 1. Rôle de la culture dans le développement de la cognition ou comment la culture façonne‑t-elle les processus mentaux cognitifs et comportementaux ?......................................................... 144 2. Culture et neuropsychologie............................................................... 147 Références..................................................................................................... 149 Chapitre 13. Influence de la culture sur l’évaluation neuropsychologique................................................................................... 151 1. Introduction.......................................................................................... 151 2. Sources possibles de biais lors d’une évaluation neuropsychologique en situation transculturelle............................ 152 2.1. Biais de population....................................................................... 153 2.2. Biais liés à la représentativité des normes................................. 154 2.3. Biais de familiarité du matériel................................................... 154 2.4. Biais liés aux consignes des tests................................................. 155 2.5. Biais culturels de perception spatiale......................................... 155 2.6. Biais liés au mode de passation des épreuves............................ 156 2.7. Biais liés au contexte de la situation d’évaluation neuropsychologique..................................................................... 156 2.8. Rôle de la variabilité multiculturelle des stéréotypes............... 157 3. Tests adaptés......................................................................................... 158 3.1. Préambules méthodologiques..................................................... 158 3.2. Quelques exemples d’outils d’évaluation adaptés.................... 159 249 Table des matières 4. Conclusion............................................................................................. 161 Références..................................................................................................... 162 Chapitre 14. L’évaluation neuropsychologique dans le contexte du Maghreb................................................................. 165 1. Introduction.......................................................................................... 165 2. Le contexte maghrébin........................................................................ 166 3. Évaluation neuropsychologique et culture....................................... 170 3.1. Aspects sociocognitifs de l’évaluation........................................ 171 3.2. Aspects matériels de l’évaluation................................................ 173 3.2.1. Ne rien faire et intervenir................................................. 174 3.2.2. Gestion des normes........................................................... 174 3.2.3. Modification du matériel d’origine................................. 176 Traduction.......................................................................... 176 Adaptation.......................................................................... 177 3.2.4. Construire de nouveaux tests.......................................... 178 Exemple du CPAI............................................................... 179 Exemple du DSB-100......................................................... 179 4. Conclusion............................................................................................. 185 Références..................................................................................................... 187 Chapitre 15. Neuropsychologie et culture : l’exemple de la Guyane............................................................................. 193 1. Introduction.......................................................................................... 193 2. L’évaluation neuropsychologique en Guyane française................. 195 2.1. L’évaluation des troubles cognitifs dans la population créole............................................................. 197 2.1.1. RL/RI 16.............................................................................. 197 2.1.2. RI 36.................................................................................... 198 2.1.3. TEGG.................................................................................. 199 2.2. L’évaluation des troubles cognitifs dans les populations amérindiennes............................................................................... 200 2.2.1. Test de mémoire épisodique visuelle.............................. 201 2.2.2. Test de fluence verbale catégorielle................................. 202 2.2.3. Test d’orientation spatiale................................................ 202 2.2.4. Aspects éthiques et déontologiques de la recherche chez les Amérindiens........................................................ 203 3. Conclusion............................................................................................. 204 Références..................................................................................................... 204 250 Table des matières Chapitre 16. Le cadre légal de l’expertise judiciaire. ................. 209 1. La désignation de l’expert judiciaire par l’autorité judiciaire........ 211 1.1. Le choix de l’expert judiciaire par le juge.................................. 211 1.1.1. Le caractère facultatif de la désignation......................... 211 Textes fondateurs de l’expertise judiciaire....................... 211 Un principe......................................................................... 212 Des limites........................................................................... 212 1.1.2. Le pouvoir du juge dans la désignation de l’expert...... 212 Textes applicables............................................................... 212 Un principe......................................................................... 213 Des exceptions..................................................................... 214 1.2. Le contrôle de l’expert judiciaire par le juge............................. 214 1.2.1. La définition de la mission............................................... 214 Textes applicables............................................................... 214 Le contenu de la mission................................................... 215 L’étendue de la mission...................................................... 215 Le délai de la mission......................................................... 215 1.2.2. Le contrôle de l’expertise.................................................. 215 Le juge compétent............................................................... 216 Le pouvoir du juge.............................................................. 216 2. Les devoirs et les obligations de l’expert judiciaire......................... 217 2.1. Les devoirs de l’expert : un cadre éthique.................................. 217 2.1.1. La prestation d’un serment.............................................. 217 L’exigence d’un serment.................................................... 217 Les modalités du serment.................................................. 217 2.1.2. Les devoirs de l’expert....................................................... 218 Les devoirs de l’article 237................................................. 218 Le respect de la vie privée et le secret professionnel........ 218 2.2. Les obligations de l’expert : un cadre légal................................ 219 2.2.1. Les obligations liées à l’exercice de la mission............... 219 L’exercice personnel de la mission.................................... 219 Un avis limité à la mission et de caractère technique.... 220 L’exercice de la mission en un temps imparti.................. 220 2.2.2. Les obligations vis-à-vis des parties................................ 221 Interdiction de la conciliation et de la rémunération.... 221 Le respect du principe du contradictoire......................... 222 2.3. Les avis de l’expert........................................................................ 223 2.3.1. Les formes de l’avis en cours d’expertise........................ 224 Les notes aux parties.......................................................... 224 Le pré-rapport..................................................................... 224 251 Table des matières 2.3.2. Le rapport d’expertise....................................................... 224 Forme et contenu du rapport d’expertise......................... 224 Les effets du rapport d’expertise........................................ 225 Chapitre 17. Évaluation neuropsychologique dans le cadre de l’expertise. .................................................................... 227 1. Fondements juridiques........................................................................ 228 1.1. Trois temps forts de la réparation juridique française............ 228 1.2. Dossiers dits lourds...................................................................... 229 2. Contextes d’exercice, partenaires et mission.................................... 230 2.1. Contextes d’exercice : amiable/judiciaire et moments d’intervention.......................................................... 230 2.1.1. Contextes............................................................................ 230 2.1.2. Moments d’intervention................................................... 230 2.2. Partenaires..................................................................................... 231 2.3. Missions......................................................................................... 234 2.3.1. Acteur de l’évaluation....................................................... 234 2.3.2. Contradictoire (amiable).................................................. 235 2.3.3. Assistance (judiciaire ou amiable).................................. 235 3. Imputabilité........................................................................................... 237 4. Une évaluation impartiale................................................................... 239 5. Spécificités techniques......................................................................... 240 5.1. Procédurales.................................................................................. 240 5.1.1. Analyse de dossier............................................................. 240 5.1.2. Accueil................................................................................. 240 5.1.3. Anamnèse........................................................................... 241 5.1.4. Psychométrie...................................................................... 241 5.2. Rédactionnelles............................................................................. 242 6. Conclusion............................................................................................. 242 Références..................................................................................................... 243 252 Hélène Amieva est neuropsychologue, professeur de psychogérontologie et chercheur dans un centre de recherche INSERM de santé publique, épidémiologie et biostatistique de l’université de Bordeaux. Catherine Belin est neurologue dans le service de neurologie du CHU Avicenne, Bobigny. Conception graphique : Baptiste Manchon Didier Maillet est neuropsychologue dans le service de neurologie du CHU Avicenne, Bobigny. EVANEU ISBN : 978-2-35327-352-2 Publics Neuropsychologues Étudiants en neuropsychologie www.deboecksuperieur.com Neuropsychologie Neuropsychologie Les coordonnateurs L’évaluation neuropsychologique Afin de mieux comprendre la pratique neuropsychologique actuelle, les auteurs passent en revue dans cet ouvrage les problématiques fréquemment rencontrées et tentent de déterminer ce qu’est un bilan neuropsychologique normal et anormal, de montrer l’influence des données culturelles sur l’évaluation neuropsychologique, sans oublier d’étudier les relations entre évaluation neuropsychologique et expertise judiciaire. Dirigé par H. Amieva, C. Belin, D. Maillet L’activité principale de la neuropsychologie consiste à évaluer les troubles dont souffre un patient (Alzheimer, Parkinson, troubles de la mémoire suite à un traumatisme crânien, etc.). Cette pratique, malgré la panoplie d’outils dont disposent les neuropsychologues, est complexe, car de nombreuses variables peuvent influencer les résultats des tests et rendre leur interprétation difficile : âge, sexe, niveau d’études, état psycho-affectif, régime alimentaire, prise de médicaments, patrimoine génétique, conditions de passation des tests. L’évaluation neuropsychologique De la norme à l’exception Dirigé par Hélène Amieva, Catherine Belin, Didier Maillet s u p é r i e u r