Accès psychotique aigu révélant une poussée de neurolupus

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L’Information psychiatrique 2013 ; 89 : 333–6
CAS CLINIQUE
Rubrique dirigée par M. Reca
Accès psychotique aigu révélant
une poussée de neurolupus
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Souad Rharrabti 1 , Zineb Khammar 2 , Ouafa Bono 2 ,
Ismail Rammouz 1 , Rachid Aalouane 1
RÉSUMÉ
Le lupus érythémateux disséminé (LED) est une maladie systémique auto-immune chronique de la famille des connectivites.
Les manifestations psychiatriques dans le LED sont fréquentes. Elles sont en rapport avec une comorbidité, une iatrogénie
due au traitement ou une atteinte neurologique centrale. Le neurolupus est une complication grave de la maladie lupique,
rarement révélé par des manifestations psychiatriques sans autres signes neurologiques. Nous rapportons le cas d’une
patiente atteinte du LED, qui a présenté un accès psychotique révélant une atteinte neurologique. La patiente était traitée
par un antipsychotique atypique associé au traitement immunosuppresseur. Les symptômes psychotiques ont diminué
progressivement jusqu’à disparition au bout d’un mois.
Mots clés : pathologie psychiatrique, maladie auto-immune, maladie iatrogène, psychose, neuroleptique atypique, cas,
lupus érythémateux disséminé, neurolupus
ABSTRACT
An acute psychotic access revealing a sudden flare-up of neuropsychiatric lupusa. Systemic lupus erythematosus
(SLE) is a chronic systemic disease. Psychiatric manifestations in SLE are frequent. Neuropsychiatric manifestation
involvement may be considered of primary concern if directly related to SLE activity in the central nervous system or
secondary when related to treatment. Neuropsychiatric lupus is a serious complication of SLE, rarely revealed by psychiatric
manifestations without other neurological signs. We report the case of a patient with SLE who presented psychotic access
revealing neurological lesion. The patient was treated by an atypical antipsychotic associated with immunosuppressant
therapy. Psychotic symptoms decreased gradually until death after a one-month period.
doi:10.1684/ipe.2013.1060
Key words: psychiatric disorders, autoimmune disease, iatrogenic disease, psychosis, atypical neuroleptics, clinical case,
systemic lupus erythematosus, neurolupus
1 CHU Hassan II de Fès, hôpital Ibn Alhassan, service de psychiatrie, 30000 Fès, Maroc
<[email protected]>
2 CHU Hassan II de Fès, service de médecine interne, 30000 Fès, Maroc
Tirés à part : S. Rharrabti
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 89, N◦ 4 - AVRIL 2013
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Pour citer cet article : Rharrabti S, Khammar Z, Bono O, Rammouz I, Aalouane R. Accès psychotique aigu révélant une poussée de neurolupus. L’Information psychiatrique
2013 ; 89 : 333-6 doi:10.1684/ipe.2013.1060
S. Rharrabti, et al.
RESUMEN
Acceso psicótico agudo revelador de un brote de neurolupus. El lupus eritematoso diseminado es una enfermedad
sistémica autoinmune crónica de un tipo de conectivopatía. Las manifestaciones psiquiátricas en el LED son frecuentes.
Están relacionadas con una comorbidez, una iatrogenia debida al tratamiento o una afección neurológica central. El neurolupus es una complicación grave de la enfermedad lúpica, raras veces revelado por manifestaciones psiquiátricas sin otras
señales neurológicas. Referimos el caso de una paciente con LED que ha presentado un acceso psicótico revelador de una
afección neurológica. La paciente estaba atendida con un antipsicótico atípico asociado a un tratamiento inmunosupresor.
Los síntomas psicóticos fueron disminuyendo progresivamente hasta desaparecer al cabo de un mes.
Palabras claves : patología psiquiátrica, enfermedad autoinmune, enfermedad yatrógena, psicosis, neuroléptico atípico,
caso clínico, lupus eritematoso diseminado, neurolupus
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Cas clinique
Madame M.N., âgée de 47 ans, de haut niveau d’étude,
célibataire, benjamine d’une fratrie de cinq, sans profession
et sans antécédents psychiatriques personnels ni familiaux.
La patiente souffrait de lupus érythémateux disséminé
(LED) depuis 2003. Le diagnostic a été retenu devant un
masque lupique, une polyarthralgie inflammatoire, une alopécie et un bilan immunologique positif. La patiente a été
hospitalisée plusieurs fois en service de médecine interne
et la dernière hospitalisation remonte à février 2011 pour
des céphalées et une fièvre évoluant depuis un mois. La
patiente était traitée uniquement par des antipaludéens de
synthèse. Quatre jours après son admission, elle a présenté
un syndrome confusionnel avec une insomnie, une baisse
de la vigilance, une désorientation temporospatiale et une
agitation. Elle a fait une tentative de suicide en essayant de
se jeter de la fenêtre dans un contexte délirant. Un bilan à
la recherche d’une cause organique a été fait : la TDM était
normale, l’ionogramme normal, l’hémoculture était positive ; la patiente fut traitée par une antibiothérapie adaptée
(β-lactamines + gentamycine).
Le syndrome confusionnel avait disparu au bout de trois
jours et la patiente a commencé à se plaindre de troubles
mnésiques. Une semaine après, la patiente a présenté de
façon brutale des propos incohérents, une insomnie, une
logorrhée avec une soliloquie et une répétition des chiffres.
L’examen psychiatrique a trouvé une patiente instable,
attentive et vigilante. L’humeur était labile avec un affect
inadapté. L’exploration de la pensée a révélé un cours
continu dont le contenu était marqué par un délire de
persécution (« Les gens me veulent du mal, je suis suivie par la police, on me surveille ici à l’hôpital par des
caméras ») et un délire hypochondriaque (la patiente était
convaincue d’être infectée par le sida et avait peur d’être
contaminée par des microbes). Parfois, on a noté un relâchement des associations idéiques avec des réponses à côté
et une soliloquie au cours de l’entretien. Par ailleurs, on a
noté la présence des hallucinations auditives et visuelles en
dehors de toute période confusionnelle. La patiente présentait une insomnie et se plaignait de trouble de la mémoire
antérograde.
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Le diagnostic d’un trouble psychotique bref selon la
DSM-IV a été retenu.
L’examen neurologique ne présentait aucune particularité. À l’examen général, la patiente était maigre avec
déformations au niveau des deux mains, un pouce en Z
avec notion de xérostomie et xérophtalmie.
L’IRM cérébrale a objectivé la présence de multiples
lésions infracentimétriques de la substance blanche souscorticale et profonde hémisphérique bilatérales, en discret
hyposignal T1 en hypersignal T2 non rehaussées (figures
1 et 2). Ce qui est en faveur de lésions démyélinisantes
sus-tentorielles.
Le dosage des anticorps antiphospholipides était positif
et spécifiquement les anticorps anticardiolipines avec un
titre de 1/1 280.
La patiente a bénéficié d’un traitement immunosuppresseur à base d’un bolus de corticoïdes pendant trois jours,
relayé ensuite par voie orale avec, au quatrième jour, du
cyclophosphamide avec des cures mensuelles.
Figure 1. IRM en coupe coronal en T1.
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Figure 2. IRM en coupe horizontal en T2.
Sur le plan psychiatrique, la patiente fut traitée par
olanzapine à la dose de 5 mg/j, le soir associé à un anxiolytique. L’évolution fut favorable, marquée par la disparition
progressive des symptômes psychotiques au bout d’un
mois.
Discussion
L’atteinte neurologique lupique peut être à l’origine d’un
retard diagnostique dans les formes psychiatriques pures.
Chez notre patiente, la démyélinisation n’était pas accompagnée de signes neurologiques et c’est l’apparition des
signes psychotiques qui a suscité la demande d’une IRM
cérébrale qui a objectivé la démyélinisation, ce qui fait la
particularité de notre cas clinique. On n’a pas trouvé des
cas similaires dans la littérature.
Les atteintes neuropsychiatriques constituent avec les
atteintes rénales, les complications qui conditionnent le
pronostic du LED [5].
L’Association des rhumatologues américains en 1999 a
proposé une description des atteintes du système nerveux
observées dans le LED en 19 syndromes neuropsychiatriques. Les troubles psychotiques en font partie [1].
Les désordres psychiatriques communs du LED neuropsychiatrique et leurs incidences peuvent varier dans la
littérature en fonction de la méthodologie (10 à 75 %) avec
16 à 52 % de troubles dépressifs, 5 à 11 % de troubles
psychotiques. Ces chiffres ne distinguent pas les troubles
psychiatriques comorbides, réactionnels, iatrogènes ou dus
à un neurolupus [4].
La psychose lupique est généralement attribuée au dommage immunologique de la maladie bien qu’elle puisse plus
rarement être secondaire à des altérations métaboliques ou
à des médicaments, surtout les corticoïdes (1, 3-5 % des cas
de patients sous fortes doses) [8, 9]. La chronologie de survenue par rapport à la maladie lupique et aux variations des
doses des corticoïdes fait la distinction entre troubles psychiatriques dus au traitement, ou dus au lupus. Soixante et
onze pour cent des troubles psychiatriques dus au lupus surviennent la première année contre 57 % dans les 15 premiers
jours du traitement par les corticoïdes. Les troubles psychotiques sont plus fréquemment dus au neurolupus qu’aux
corticoïdes et la diminution des doses de corticoïdes suffit
à faire disparaître les symptômes [4, 6].
Selon la littérature, l’expression psychiatrique la plus
typique, mais non exclusive, du neurolupus est souvent
précoce au début de la maladie, parfois révélatrice, associant un syndrome hallucinatoire, un syndrome délirant et
un syndrome confusionnel [3, 4, 7].
Le diagnostic de neurolupus est orienté le plus souvent
par les données de l’IRM cérébrale.
Selon des auteurs, l’IRM cérébrale chez des patients
lupiques avec des manifestations neuropsychiatriques a
objectivé des lésions d’hypersignal au niveau de la substance blanche ou grise du cervelet ou du cerveau, la plupart
des lésions évidentes sur l’IRM n’étaient pas apparentes sur
TDM cérébrale [2, 10].
Le traitement des troubles psychiatriques liés à un neurolupus est celui de la maladie lupique, et les psychotropes
sont prescrits transitoirement et de manière symptomatique.
Les neuroleptiques atypiques sont à privilégier. La durée de
traitement nécessaire lors de troubles psychiatriques liés à
un neurolupus reste empirique avec diminution progressive
des psychotropes une fois que les paramètres biologiques
du lupus régressent avec retour à la quiescence clinique [4].
Dans notre observation, la poussée du neurolupus est
apparue huit ans après le diagnostic de la maladie. Le
diagnostic est retenu par l’apparition d’un trouble psychotique chez une patiente présentant des céphalées depuis
deux mois avec un épisode de confusion mentale, une
démyélinisation cérébrale dans l’IRM cérébrale. L’examen
neurologique est strictement normal.
Conclusion
L’atteinte neuropsychiatrique au cours du lupus systémique constitue un tournant évolutif de la maladie
lupique et constitue une complication grave. Elle doit
être recherchée systématiquement même en absence de
signes neurologiques afin de pouvoir instaurer un traitement
précoce.
Conflits d’intérêts : aucun.
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S. Rharrabti, et al.
Références
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