Lupus et troubles psychiatriques Dr Donata Marra Service de Psychiatrie Adultes du Pr Allilaire Service de Médecine Interne du Pr Piette CHU Pitié-Salpêtrière Lupus et troubles psychiatriques Introduction Chiffres Étiologies lupus neuro-psychiatrique: LNP iatrogénie des corticoïdes troubles psychiatriques non LNP lupus induit Conclusions Lupus et troubles psychiatriques Les questions Les troubles psychiatriques présentés par le patient sont-ils d’origine somatique ou d’origine psychiatrique ? Faut-il suspecter un neurolupus ? Faut-il évoquer un effet iatrogène des corticoïdes et si oui diminuer les corticoïdes ? …. Diagnostic étiologique Le problème majeur: Poser un diagnostic positif de trouble psychiatrique chez un patient ayant une maladie organique: le lupus érythémateux systémique Car Symptômes communs entre maladie somatique et dépression Définition d’un Episode dépressif caractérisé DSM IV 1/3 A. Au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir été présents pendant une même période d’une durée de deux semaines et avoir présenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur; au moins un des symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d’intérêt ou de plaisir. NB. Ne pas inclure des symptômes qui sont manifestement imputables à une affection médicale générale, à des idées délirantes ou à des hallucinations non congruentes à l’humeur. (1) Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours, signalée par le sujet (p.ex. se sent triste ou vide) ou observée par les autres (p.ex. pleure). NB. Éventuellement irritabilité chez l’enfant et l’adolescent. (2) Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres). DSM IV 2/3 (3) Perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime (p.ex. modification du poids corporel en un mois excédant 5 %), ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours. NB. Chez l’enfant, prendre en compte l’absence de l’augmentation de poids attendue. (4) Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours. (5) Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jous (constaté par les autres, non limité à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur) (6) Fatigue ou perte d’énergie tous les jours (7) Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d’être malade) (8) Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres). (9) Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider DSM IV 3/3 • B. Les symptômes ne répondent pas aux critères d’Episode mixte • C. Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. • D. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques directs d’une substance (p.ex. une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou d’une affection médicale générale (p.ex. hypothyroïde). • E. Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un Deuil, cad après la mort d’un être cher, les symptômes persistent pendant plus de deux mois ou s’accompagne d’une altération marquée du fonctionnement, de préoccupation morbides de dévalorisation, d’idées suicidaires, de symptômes psychotiques ou d’un ralentissement psychomoteur.. Chiffres Hebra et Kaposi: 1875 lupus systémique (sd délirant) Lupus: 10 à 75 % troubles psychiatriques fonction de la méthodologie 16 à 52 % d’Episode dépressif 5 à 11 % troubles psychotiques Polyarthrite Rhumatoïde : 17 à 42 % troubles psychiatriques Coronaropathies: 15 à 30 % d’EDM (30 à 40 % subsyndromes) Patients dialysés Troubles anxieux: 38% (12% à 52%) Troubles dépressifs 27% (5% à 58%) attaques de panique en pré-dialyse phobies des piqûres Encéphalopathies, hyperparathyroïdes, etc … Neuropsychiatric lupus American College Rheumatology 1999 Système Nerveux Central méningite aseptique AVC sd de démyélinisation Céphalée Chorée Myélopathie Convulsions Sd confusionnel Trouble anxieux Trouble cognitif Trouble de l’humeur Trouble psychotique Système Nerveux Périphérique Forme clinique évocatrice d’un neurolupus Sujet jeune, sexe féminin Lupus non connu ou en début de maladie Symptômes neurologiques associés ou à rechercher, mais parfois absents Tous les diagnostics psychiatriques possibles: dépression, BDA, etc … Arguments évocateurs concernant les symptômes: ceux évocateurs de pathologies somatiques (absence d’ATCD, survenue brutale, confusion etc ..) Etiologies des troubles psychiatriques dans le lupus A. « Neurolupus » B. Atteinte neurologique secondaire Infarctus cérébral (sd. des antiphospholipides associé) Insuffisance rénale grave Hypertension artérielle sévère Microangiopathie thrombotique Hémorragie cérébrale (thrombopénie) Surinfection méningo-encéphalique Infection d'une valve cardiaque C. Autres Surdosage médicamenteux (insuffisance rénale) Effets indésirables des corticoïdes Hypothyroïdie associée Maladie psychiatrique comorbide, réactionnelle ou non Piette et coll 2003 Neuropsychiatric lupus ACR Examens complémentaires discriminant pour l’étiologie? Imagerie cérébrale IRM gadolinium: faux positifs, faux négatifs, évolution PET-scan, SPECT, ...imagerie fonctionnelle: arguments mais stade de la recherche LCR: VDRL, électrophorèse protéines ? Biologie: C3,C4,CH50, AC antiDNA, CRP, AC anti-phospholipides (anticoagulant, anti-cardiolipines, ..), schizocytes: pas de spécificité Anti-ribosome P: Méta-analyse (Karassa et coll. 2006) 1537 patients lupiques sur 14 centres de recherche: utilité négligeable ! EEG: non spécifique Neuropsychiatric lupus Etiopathogénie Mécanismes multiples vasculopathies – vascularite – thrombose Rôle des auto-anticorps – – – AC-antiribosome P AC-antineuronaux AC-antiphospholipides Rôle des médiateurs de l’inflammation – IL-2, IL-6, IL-8, IL-10 – Interféron-alpha etc … Psycho-neuro-immunologie: liens troubles psychiatriques/lupus/physiopathologie Il existent des hypothèses immunologiques pour plusieurs troubles psychiatriques: troubles psychotiques, autisme, troubles affectifs Arguments épidémiologiques mais sans virus identifiés Schizophrénie: taux de cytokines pro-inflammatoires élevés Dépression: rôle des antidépresseurs ? Mécanisme ? Compréhension des mécanismes en cause n’est pas évidente Neuropsychiatric lupus traitements Corticothérapie: bolus puis relais par os Cyclophosphamide Immunosuppresseurs : azathioprine, .. Immunoglobulines Échanges plasmatiques Etc … Anti-malariques, antihypertenseurs, anticoagulants, … Place des psychotropes = traitement d’un syndrome et non d’une maladie psychiatrique Iatrogénie des corticoïdes Arguments pour imputabilité des corticoïdes Délai: instauration des corticoïdes, augmentation des doses compris inhalation …) Dose: « seuil » 40 mg/jour (Hall 1979) 30 à 57 % trbles psychotiques doses supérieures à 60 mg Boston collaborative drug surveillance program 1972 Etude prospective de 1966-72 avec prednisone moins de 40 mg: 1,3 % (n=463) 41 à 80 mg: 4,6 % (n=175) Plus de 80 mg 18,4 % (n=38) Symptômes les plus fréquent: anxiété, insomnie, irritabilité Ne pas oublier le sevrage …. ou hypocortisolisme (y Iatrogénie des corticoides Les symptômes les plus fréquents: Agitation, anxiété, distractibilité, hypomanie, insomnie, apathie, léthargie, labilité de l’humeur Les troubles psychiatriques les plus fréquents: manie, dépression, états mixtes moins souvent: delirium, psychose avec délire, hallucination Iatrogénie des corticoïdes Délai d’apparition des troubles psychiques sous corticoïdes Précoce comparée aux autres effets indésirables des corticoïdes: Quelques jours à quelques semaines après l’introduction des corticoïdes Smyllie et Connolly 1968 – 1049 patients avec une RCH, 3 ans de suivi – 43 % 1ere semaine – 93 % à 6 semaines Lewis 1983 – médiane 11,5 jours – 39% 1ere semaine, 62 % la seconde semaine, 83 % dans les 6 semaines Iatrogénie des corticoïdes: les traitements Premier traitement: arrêt/diminution des corticoïdes Si POSSIBLE Si besoin: Anxiolytiques, thymorégulateurs, neuroleptiques atypiques Antidépresseurs: éviter les tricycliques , confusion, agitation, hallucination, manies Les antécédents personnels ne sont pas une contre-indication à la reprise Préventif: éducation du patient et de l’entourage sur les effets des corticoïdes Troubles dépressifs « réactionnels » Les troubles psychiatriques les plus fréquents: troubles anxiodépressifs comme dans les autres maladies chroniques Annonce / Maladie chronique (handicap) mais aussi Corticoïdes: image corporelle/esthétique (profession) diabète (facteurs déclenchants de TS) régime (jeunes) Épée de Damoclès: avenir? poussées ? grossesse, études, profession, conjoint… SSPT (syndrome de stress post-traumatique) passé inaperçu à distance d’un séjour en réanimation Traitement de la dépression « réactionnelle » dans le lupus: l’antidépresseur Aucune étude comparative d’efficacité ou de tolérance Critères de prescription « de terrain »: - désirs du patient: en l’absence de dépression mélancolique la non–prescription avec un soutien psychothérapique peut avoir autant d’efficacité - simplicité (nombre de comprimés) - interactions à anticiper (SSRI et anticoagulant, antiarythmiques, antihypertenseurs …) - utilité des dosages (observance, insuffisance rénale, ..;) - tricycliques possibles en prévenant et surveillant les effets indésirables: cognitif, poids, tr. rythme etc .. - etc …. Conclusions Troubles psychiatriques et lupus - La majorité des patients lupiques auront/ont des troubles psychiatriques - Ces troubles sont à anticiper (observance au traitement etc ..) - Complexité du diagnostique (maladie somatique), étiologique (neurolupus, corticoïdes ..) et des traitements - Pas de troubles psychiatriques ou de personnalités particulières décrites - Psychiatres: ne pas hésiter à rechercher un lupus devant un 1er épisode psychotique ou une dépression atypique surtout si syndrome inflammatoire