Thème 5 : Les Français et la République La République, trois républiques Introduction : Au XXe siècle, la France voit se succéder trois Républiques différentes. Cela signifie qu’à trois moments, le régime politique est démocratique, mais pour chacune de ces Républiques, l’organisation de l’Etat est différente. Une république est un régime politique démocratique où c’est le peuple qui détient le pouvoir, et où les trois pouvoirs sont séparés. Avant le XXe siècle, la France connaît déjà deux périodes démocratiques : la Ière et la IIème République. • Ie République (1792-1799) : cède sa place à l’Empire de Napoléon 1e • IIe République (1848-1852) : cède sa place à l’Empire de Napoléon III Aux XVIIIe et XIXe siècle, le système républicain n’est pas continu : on a des périodes où la France est une République, et d’autres où c’est un Empire où ce n’est pas le peuple qui détient le pouvoir, mais en empereur. Repères chronologiques pour le XXe siècle : 1870-1940 IIIe République 1940-1945 Régime de Vichy (République) 1945-1946 Gouvernement Provisoire de la République Français (GPRF) 1946-1958 IVe République 1958-aujourd’hui Ve République Plan du cours : I. La IIIe République : 1870-1940 II. La IVe République : 1946-1958 III. La Ve République : 1958-aujourd’hui Enjeu central : comment on passe d’une République Parlementaire (IIIe et IVe) à une République Semi-Présidentielle (Ve). I. La IIIe République (1870-1940) a) Contexte : • • 1 Napoléon III : En 1870, la France est en guerre contre la Prusse. Le 2 septembre 1870, Napoléon III est fait prisonnier par les Prussiens. A cette époque, le paysage politique français est divisé entre les républicains, qui veulent une République, et les monarchistes, qui souhaitent que Napoléon III reste sur le trône. Le 4 septembre, les républicains profitent de l’absence de Napoléon III pour proclamer la fin de l’Empire et l’avènement de la IIIe République. Une République faible : Mais cette république est faible dans ses débuts car les monarchistes sont nombreux. Ce n’est qu’en 1879 que les républicains réussissent véritablement à s’emparer du contrôle de l’Etat français. b) Le fonctionnement de la République Le régime parlementaire : • L’idéologie républicaine défend un modèle politique qui s’appelle la démocratie parlementaire et libérale. Elle se fonde sur le principe qui dit que c’est le peuple qui dirige. Le peuple élit des représentants, les délégués parlementaires, pour se gouverner. • La IIIe République est basée sur le principe de séparation des trois pouvoirs. (doc. 2 p. 303) : o Le pouvoir législatif est confié à un parlement, appelé l’Assemblée Nationale (~400 députés). C’est lui qui élit le Président. o Le pouvoir exécutif est confié à un gouvernement, le Conseil des Ministres. A la tête du gouvernement se trouve le Président de la République, chargé de mettre en œuvre les décisions du parlement. o Le pouvoir judiciaire juge et sanctionne le non-respect de la loi. • La IIIe République est un régime parlementaire. Cela signifie que le pouvoir exécutif (gouvernement et Président) a autant de pouvoir que le pouvoir législatif (Parlement). Le pouvoir du Président est donc faible. L’idéologie des républicains : • L’idéologie républicaine est un héritage de la Révolution Française de 1789, qui dicte une série de principes républicains : o Respect des libertés fondamentales : § 1881 : liberté de réunion, d’expression et de la presse § 1884 : droit d’association, légalisation des syndicats § 1901 : droit de créer des partis politiques o Les principes républicains s’accordent avec ceux du libéralisme économique qui affirme le droit de propriété, d’entreprendre et de travailler. • Les Républicains sont pour le progrès et la science. Ils s’opposent à la domination de l’Eglise. Ils instaurent la laïcisation de la société, c’est-à-dire la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Ils instaurent la laïcité de l’instruction publique. Le but de l’école est de former de bons citoyens, conscients de leurs droits et leurs devoirs, patriotes et républicains. Construction de l’unité nationale : • Suite à la défaite de 1870, on cherche à assurer l’unité nationale : o Loi du 26 juin 1889 : tout individu né sur le sol français a droit à la nationalité française (droit du sol). Il est interdit de renoncer à sa nationalité. Ces deux lois permettent d’assurer qu’il y ait suffisamment d’hommes qui fassent le service militaire. o Loi de 1889 sur le service militaire universel : tous les hommes doivent faire le service militaire. o La République veut que l’Etat soit présent dans toutes les régions françaises. Pour cela, elle modernise les transports afin que toutes les parties de la France soient atteignables (chemins de fer, routes). • Les républicains veulent aussi s’assurer que tous les Français soient pour le système républicain. La presse, l’école, la radio, le service militaire et toutes les institutions françaises valorisent ce système politique. Les manuels scolaires sont très important pour la propagande républicaine (doc. 5 p. 303). 2 • L’unité nationale et la propagande républicaine passent aussi par l’adoption de rituels et symboles, qui glorifient la Révolution Française : o 1879 : La Marseillaise est adoptée comme hymne national o 1880 : le 14 juillet devient la fête nationale o Le Panthéon devient un monument laïque qui accueille les grands hommes de la République : 1885 Victor Hugo, 1908 Emile Zola. c) Crises et contestations pendant la IIIe République : L’antiparlementarisme : • Antiparlementarisme : Grâce à la propagande républicaine, dès 1880, les monarchistes sont minoritaires. La supériorité du modèle républicain n’est presque plus remise en question. Les divisions se concentrent alors sur la forme que doit prendre la République. Certains républicains commencent à critiquer le régime parlementaire. On les appelle des antiparlementaristes. • Les boulangistes : Vers 1888-1889, les antiparlementaristes se renforcent autour du Général Boulanger. Comme le parlement abrite de nombreux députés de toutes les idéologies, il est très instable et facilement corruptible. pour eux, il ne faudrait donc pas lui confier autant de pouvoir qu’au gouvernement… Une crise importante : l’affaire Dreyfuss • En 1894, l’officier Dreyfus, juif alsacien, est accusé d’espionnage au profit de l’Allemagne. Il est pourtant innocent. En 1896, le vrai coupable, le commandant Esterhazy est démasqué. Mais la justice militaire veut garder la face et n’admet pas son erreur. Du coup, elle laisse Dreyfus en prison et acquitte Esterhazy. La famille de Dreyfus, supportée par des intellectuels comme Emile Zola, dénonce la machination à la presse (doc. 2 p. 306). La France se divise en deux camps : o les dreyfusards, qui veulent réhabiliter Dreyfus au nom des valeurs républicaines comme les droits et l’homme o les antidreyfusards, souvent antisémites, qui pensent que la préservation de l’honneur de l’armée est plus importante • Finalement, ce sont les dreyfusards républicains qui sortent vainqueurs de cette crise. En 1899 Dreyfus est gracié et en 1906 il peut réintégrer l’armée. Les valeurs républicaines (justice, égalité) triomphent donc sur celles de l’Ancien Régime (l’autorité de l’armée, l’antisémitisme…) La crise des années 1930 • Après le krach de Wall Street en 1929, la France subit la crise économique qui provoque une montée de l’extrême-droite. De plus en plus de Français souhaitent abandonner le modèle républicain pour un régime du type nazi ou fasciste. • Le 6 février 1934 a lieu une nouvelle crise. Après une série de scandales de corruption impliquant des parlementaires, la droite nationaliste organise une grande manifestation le 6 février. La manifestation est réprimée par la police et tourne en émeute. Elle fait 16 morts et 1500 blessés. • La gauche est décrédibilisée. Alors les différents partis de gauche s’allient pour créer le Front populaire, qui remporte les élections de 1936. Gouverné par le socialiste Léon Blum, il lance de nombreuses avancées sociales. • La France entre en guerre contre l’Allemagne en 1939 et la défaite de juin 1940 entraine la disparition de la IIIe République. 3 II. La IVe République a) Contexte : Le régime de Vichy • En juin 1940, les Français subissent une série de défaites face à l’Allemagne. Le Maréchal Pétain, grand héro de la Première Guerre mondiale, est rappelé au pouvoir. Le 17 juin il annonce aux Français qu’ « il faut cesser le combat ». L’armistice est signé le 22 juin. La France doit démobiliser ses troupes, livrer l’essentiel de son armement à l’Allemagne et accepter l’occupation allemande d’une grande partie du territoire (doc. 1 p. 312). • Le 10 juillet 1940, le Maréchal Pétain rédige une nouvelle Constitution non républicaine. Il installe son gouvernement à Vichy. La IIIe République est remplacée par un Etat français. Pétain détient les pouvoirs exécutifs et législatifs. En effet, Pétain attribue la défaite de la France à l’instabilité créée par le régime parlementaire. Il supprime donc le parlement (doc. 2 p. 316). • Pétain met en place un régime conservateur, anticommuniste, antisémite basé sur les valeurs de l’Ancien Régime (doc. 5 p. 317). La devise nationale « liberté, égalité, fraternité » est remplacée par « Travail, famille, patrie ». L’idéologie de Pétain s’appelle la Révolution nationale. • Le gouvernement de Vichy collabore activement avec l’Allemagne. Pétain estime qu’en aidant les nazis, il obtiendra de meilleures conditions de vie pour les Français. Il organise l’arrestation et la déportation des Résistants et Juifs français vers les camps d’extermination. Les civils doivent travailler pour les allemands dans le cadre du Service du Travail Obligatoire. • La plupart des Français collaborent « passivement », c’est-à-dire qu’ils se plient aux nouvelles règles sans résister activement. On les appelle les attentistes, ils attendent que « ça aille mieux, que ça passe tout seul ». La Résistance • Lors de la défaite française, le Général de Gaulle s’est réfugié à Londres. Le 18 juin 1940, le lendemain de l’armistice, il appelle les Français à résister à l’occupation allemande à travers la radio londonienne BBC, dans un fameux discours connu comme l’appel du 18 juin. Il organise la France Libre. Il nie la légitimité de Vichy et affirme que le véritable gouvernement de la France, la République, est simplement réfugié à Londres. Il se proclame « chef des Français libres » (doc. 2 p. 315). • En novembre 1942, les troupes Alliées débarquent en Algérie. Une autorité française résistance y est instaurée, appelée le Comité Français de Libération Nationale (CFLN). Alger devient la capitale de la France Libre. Le CFLN fonctionne sur le modèle républicain. • La résistance s’organise aussi sur le sol français. Au départ elle est divisée (de l’extrême droite aux communistes, des religieux aux gaullistes etc.) Jean Moulin est chargé par de Gaulle en 1943 d’unifier la résistance interne. Il crée le Conseil National de la Résistance (CNR) à Paris. Ce conseil rassemble les principaux mouvements de la Résistance, quelle que soit leur idéologie, et a donc un fonctionnement républicain. • Une fois la France libérée par les Alliés, De Gaulle transforme le CFLN en Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF) dont il assure la présidence. 4 Du GPFR à la IVe République • Le premier objectif du GPRF est de rétablir l’ordre et l’unité nationale. En effet, les résistants se livrent alors à une épuration sauvage contre les collaborateurs qui fait près de 10'000 victimes : exécutions sommaires, tonte de femmes… Le GPRF organise une épuration légale chargée de juger 125'000 français accusés d’avoir collaboré avec l’Allemagne : 380'000 peines de prison et environ 800 peines de mort. Pétain est condamné à mort mais en raison de son grand âge, on la remplace par la prison à perpétuité. • Le GPRF entend aussi restaurer l’unité nationale à travers le redressement économique et des politiques sociales. Il met en place un Etat-providence. • Le GPRF se charge aussi de préparer la nouvelle République. La tache est délicate car la Résistance est composée de mouvements politiques très différents les uns des autres et qui envisagent un avenir différent pour la France. • En octobre 1945, un référendum propose aux Français de reprendre la Constitution de la IIIe République. Il est rejeté. o Les communistes et les socialistes proposent un régime d’assemblée, c’est-à-dire un régime dans lequel le pouvoir législatif est plus important que l’exécutif. Il est rejeté par le peuple. o De Gaulle, lui veut un régime semi-présidentiel, dans lequel l’exécutif est plus fort que le législatif. Son but est que le chef de l’Etat se place audessus des divisions des partis pour assurer la stabilité (doc. 3 p. 321). Ce projet est également rejeté par le peuple. o Finalement on retourne à un régime parlementariste en mai 1946. b) Le fonctionnement de la IVe République • • • • 5 Nouvelle constitution : la nouvelle constitution est basée sur les principes de la Révolution Française. Elle va plus loin que celle de la IIIe République car elle inclut l’égalité des sexes et l’existence de droits sociaux (doc. 4 p. 321). Fonctionnement (doc. 5 p. 321) : o Le Parlement élit toujours le président. Il peut dissoudre le gouvernement s’il le souhaite. Le gouvernement doit donc disposer en permanence de la majorité parlementaire. o Le président du Conseil des ministres, ou chef du gouvernement, dirige l’exécutif. Il peut dissoudre le Parlement en cas de crise. o Le Président de la République a un pouvoir effacé, voire symbolique. Faiblesse : o La principale faiblesse de ce système, est qu’il est basé sur un système de représentation proportionnelle. Les partis obtiennent un nombre d’élus proportionnel au nombre de voix obtenues. Cela provoque un parlement très fragmenté. Les sujets de désaccords sont nombreux et les décisions difficiles à prendre. o Le gouvernement est élu par le Parlement. Du coup, les partis s’allient, forment des coalitions, etc. en fonction des enjeux du moment. Le résultat est appelé une « valse des ministères ». Entre 1947 et 1958, 24 gouvernements différents se succèdent. Certains gouvernements ne durent que quelques jours. Avancées : La IVe République reconstruit et modernise la France : o Avancées économiques : La IVe République est un Etat-Providence qui contrôle l’économie. Les grandes banques, usines Renault, Air France, compagnies d’électricité et de gaz sont nationalisées pour que l’Etat gagne de l’argent. Des fonctionnaires sont engagés pour planifier l’économie à l’échelle nationale. On crée l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) pour former ces fonctionnaires. o Avancées sociales : mise en place d’une Sécurité Sociale. o Avancées diplomatiques : rapprochement avec la RFA (Allemagne de l’Ouest) et début de la construction européenne avec la création de la Communauté Economique Européenne (CEE, 1957). III. La Ve République a) Le passage de la IVe à la Ve République L’instabilité de la IVe République : § Malgré ses réalisations, la IVe République devient rapidement impopulaire. Les divisions au sein du parlement la rendent très instable. L’antiparlementarisme, soutenu par De Gaulle gagne la population. § La valse des ministères affaiblit l’Etat, ce qui est problématique à cause de la situation de crise provoquée par la guerre d’Algérie (1954-1962). Cette guerre oppose l’armée française au Front de Libération Nationale (FLN), qui lutte pour l’indépendance de l’Algérie. § Pendant cette guerre, les partis politiques sont très divisés sur la question de l’indépendance. Chaque fois qu’un Président du Conseil des Ministres essaie de négocier avec les Algériens, il se fait renverser par le Parlement. La crise du 13 mai 1958 § Le 13 mai 1958, un nouveau chef du gouvernement, Pierre Pfimlin est élu. Il annonce qu’il va négocier avec le FLN. En réponse, les partisans de l’Algérie Française organisent une gigantesque manifestation à Alger. Ce sont principalement les Français et Européens habitant en Algérie, ainsi que les soldats de l’armée française qui protestent contre les négociations. Ils envahissent le siège du gouvernement d’Alger (doc. 3 p. 323). § Les manifestants antiparlementaristes réclament le retour de De Gaulle au pouvoir. Ils veulent qu’un homme puissant prenne les choses en main et crée un régime semi-présidentiel. § Le président de la République, René Coty, nomme De Gaulle chef du gouvernement le 1e juin. De Gaulle accepte de revenir, à condition que le régime parlementaire soit remplacé par une république semi-présidentielle. § De Gaulle rédige une nouvelle Constitution, approuvée par le peuple français à près de 80% en septembre 1958 (doc. 4 p. 323). C’est la naissance de la Ve République. Le 21 décembre 1958, De Gaule devient le 1e président de la Ve République, élu par 78,5% des voix. b) Le fonctionnement de la Ve République La nouvelle constitution : (doc. 4, p. 325) § La Ve République est un régime semi-présidentiel. L’exécutif a plus de pouvoir que le parlement. Le pouvoir exécutif est partagé entre le gouvernement et le président de la République, qui dispose de larges pouvoirs (doc. 5 p. 325). 6 § § § Le Parlement voit son pouvoir réduit. L’ordre du jour est fixé par le gouvernement. Le parlement n’élit plus le Président. Président de la République : o Il est considéré comme la « clé de voûte » de l’Etat, placé au-dessus des divisions des partis politiques. o Il nomme le gouvernement. Il peut dissoudre l’Assemblée nationale. il peut consulter directement les Français par la voie du référendum. Il s’accorde des pouvoirs exceptionnels (pleins pouvoirs) si le pays est menacé. o Le Président n’est plus élu par l’Assemblée mais par un collège électoral (députés, conseillers régionaux, généraux et municipaux) de 82'000 grands électeurs. Dès 1962, De Gaulle parvient à changer la Constitution pour que le Président de la République soit élu au suffrage universel (doc. 4 p. 327). Le gouvernement a aussi une marge de manœuvre importante. Il peut faire adopter une loi sans qu’elle ne soit discutée à l’Assemblée, en faisant des ordonnances. Une monarchie républicaine ? § De Gaulle impose une conception présidentialiste du régime républicain fondée sur la figure du chef de l’Etat, « au-dessus des partis ». Il s’appuie sur sa réputation d’ « homme providentiel » (appel du 18 juin, chef de la France Libre, président du GPRF, sauveur de la crise du 13 mai 1958). § Le pouvoir du Président est accru par le système des référendums. Il peut ainsi contourner le Parlement s’il s’oppose à une décision du Président. Par exemple, en 1962, le Parlement refuse l’élection du Président au suffrage universel. Du coup, De Gaulle décide de dissoudre l’Assemblée nationale et appelle le peuple à trancher par référendum (61,7% de oui). § De Gaulle multiplie les bains de foule, fait de nombreuses conférences de presse et multiplie les apparitions à la télévision, contribuant ainsi à la personnification du pouvoir autour de la figure du Président. Les médias lui permettent d’être présent partout. § Cette pratique est encore commune aujourd’hui et de nombreux critiques du régime semi-présidentiel évoquent un « monarque républicain » ou un « hyperprésident ». Ainsi, de nombreux parlementaristes critiquent le renforcement de l’exécutif et le présidentialisme. 7