La dissertation comparative

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1
Il
existe
plusieurs
types
de
textes
qui
ont
pour
but
de
répondre
à
des
questions
controversées.
Le
texte
d’argumentation,
la
dissertation
comparative
et
la
dissertation
critique
suivent
la
progression
des
épreuves
finales
des
trois
cours
de
philosophie
au
collégial.
Le
texte
d’argumentation
ayant
déjà
été
examiné
dans
le
chapitre
5
de
L’art
du
dialogue
et
de
l’argumentation,
nous
examinerons
ici
les
deux
autres.
Quel
que
soit
le
type
de
texte
que
nous
avons
à
écrire,
rappelons
que
la
méthode
de
l’argumentation
rationnelle
s’applique
toujours.
Nous
devons
analyser
et
évaluer,
en
suivant
les
critères
de
la
rationalité,
les
positions
des
philosophes
présentées
dans
notre
texte.
De
la
même
manière,
lorsque
nous
avons
à
développer
notre
position
personnelle,
il
faut
prendre
soin
de
respecter
les
critères
de
la
rationalité
et
d’éviter
les
sophismes.
La
maîtrise
de
l’art
de
l’argumentation
est
donc
très
utile
dans
les
deux
autres
cours
de
philosophie
au
collégial
et
même
à
chaque
occasion
de
votre
vie
où
vous
avez
à
présenter
des
idées.
La
dissertation
comparative
ous
voilà
rendus
au
deuxième
cours
de
philosophie.
Selon
le
devis
ministériel,
nous
aurons
à
comparer
des
conceptions
philosophiques
modernes
et
contemporaines
de
l’être
humain
et
à
nous
prononcer
à
leur
sujet.
Heureusement,
les
habiletés
que
nous
avons
développées
dans
le
cours
Philosophie
et
rationalité
nous
seront
d’un
grand
secours.
Elles
contribueront
à
la
réalisation
des
activités
de
ce
deuxième
cours
et,
ce
faisant,
nous
mettront
dans
une
meilleure
disposition
pour
recevoir
de
nouvelles
connaissances
théoriques
et
pousser
plus
loin
notre
réflexion.
Pour
réaliser
une
dissertation
comparative,
nous
devrons,
dans
un
premier
temps,
faire
un
commentaire
critique
des
conceptions
étudiées
sur
un
thème
touchant
l’être
humain;
par
exemple
sur
l’opposition
entre
la
nature
et
la
culture
ou
entre
la
liberté
et
le
déterminisme.
Et,
dans
un
second
temps,
il
s’agira
de
prendre
position;
ce
sera
l’occasion
d’élaborer
notre
conception
personnelle
de
l’être
humain
et
de
la
situer
par
rapport
aux
conceptions
des
philosophes.
Examinons
donc,
pour
chacune
des
étapes
de
la
dissertation
comparative,
de
quelle
façon
il
convient
d’user
de
notre
savoir
en
argumentation.
Le
commentaire
critique
Le
commentaire
critique
se
subdivise
lui‐même
en
quelques
opérations
qui,
partant
du
compte
rendu,
peuvent
suivre
un
ordre
distinct
selon
les
auteurs
et
les
thèmes
que
nous
comparons.
L’ordre
qui
suit
nous
servira
de
modèle.
Toutefois,
dans
la
mesure
où
nous
recevrions
des
directives
différentes,
nous
n’aurions
qu’à
intervertir
ou
à
combiner
les
opérations.
L’art du dialogue et de l’argumentation
S’initier à la pensée critique pour le cours Philosophie et rationalité
© 2009 Chenelière Éducation inc.
2
Le
compte
rendu
de
la
pensée
des
auteurs
Faire
un
commentaire
critique
nécessite
que
nous
débutions
par
rendre
compte
le
plus
fidèlement
possible
des
positions
théoriques
des
différents
auteurs,
quel
que
soit,
au
départ,
notre
sentiment
à
leur
égard.
Il
s’agit
donc
de
transposer
dans
nos
propres
mots
la
pensée
des
auteurs,
sans
en
trahir
le
sens
et
tout
en
respectant
l’utilisation
qu’ils
font
de
concepts.
La
méthode
d’analyse
(au
moyen
de
légendes)
et
de
synthèse
(au
moyen
de
schémas)
que
nous
avons
étudiée
au
chapitre
3
est
tout
désignée
comme
étape
préalable
en
vue
de
réaliser
avec
réussite,
soigneusement
et
sans
rien
oublier
d’essentiel,
un
compte
rendu.
Voyons
comment
il
faut
s’y
prendre
à
partir
d’un
article
paru
dans
le
journal
Le
Devoir
où
sont
opposées
deux
conceptions
de
la
vie
réussie.
Évidemment,
les
textes
d’auteurs
que
nous
aurons
à
lire
dans
nos
cours
seront
plus
longs;
il
se
peut
aussi
que
nous
ayons
à
utiliser
nos
notes
de
cours.
Cela
laisse
supposer
que
les
prémisses
des
argumentations
seront
plus
difficiles
à
trouver
et
les
liens
établis
entre
elles
plus
difficiles
à
discerner.
Toutefois,
l’exercice
reste
le
même,
et
il
nous
serait
d’autant
moins
utile,
dans
des
textes
plus
complexes,
de
nous
y
soustraire
si
l’on
veut
en
présenter
les
principales
caractéristiques
de
la
façon
la
plus
juste
et
complète.
Un
salaud
peut­il
avoir
une
vie
réussie
?
Québec
­­
En
notre
époque
où
«tout
est
relatif»,
où
«c'est
ton
opinion
et
je
la
respecte»,
définir
avec
précision
les
critères
d'une
«vie
réussie»
se
révèle
être
une
mission
impossible.
Auparavant,
on
s'entendait
peut­être
plus
facilement,
la
vie
réussie
étant
celle
qui
avait
respecté
des
règles
transcendantes:
l'harmonie
du
cosmos
chez
les
Anciens;
la
volonté
de
Dieu
chez
les
chrétiens;
le
sacrifice
pour
la
nation
chez
les
premiers
modernes.
De
nos
jours,
tout
est
relatif,
certes,
mais
certains
consensus
semblent
se
dégager,
du
moins
si
l'on
se
fie
à
notre
sondage:
la
grande
majorité
des
répondants,
68
%,
estiment
que
la
vie
familiale
et
amoureuse
est
ce
qui
importe
le
plus
dans
une
vie
réussie.
C'est
sans
doute
ce
qui
pousse
les
politiciens,
ici
et
ailleurs,
à
vouloir
de
plus
en
plus
exhiber
des
rapports
familiaux
exemplaires,
«réussis».
Stephen
Harper
est
un
hockey
dad
de
banlieue,
martèlent
les
stratèges
conservateurs,
voulant
faire
oublier
la
froide
poignée
de
main
à
ses
enfants,
devant
l'école,
un
matin
de
2006.
Quant
à
Sarah
Palin,
candidate
républicaine
à
la
vice­présidence
américaine,
c'est
une
hockey
mom
à
la
fertilité
non
bridée,
qui
a
marié
son
amour
de
collège.
Redoutable
comme
un
pitbull
à
rouge
à
lèvre,
elle
se
montre
prête
à
défendre
la
nation
comme
s'il
s'agissait
de
sa
propre
maisonnée,
et
ses
concitoyens,
comme
ses
enfants.
L’art du dialogue et de l’argumentation
S’initier à la pensée critique pour le cours Philosophie et rationalité
© 2009 Chenelière Éducation inc.
3
Aux
yeux
de
Luc
Ferry,
philosophe
français
et
auteur
de
Qu'est‐ce
qu'une
vie
réussie?
(Grasset,
2002),
l'accent
actuellement
mis
sur
la
vie
amoureuse
et
familiale
n'a
rien
de
surprenant.
Le
phénomène
prend
sa
source
dans
l'individualisme
moderne
né
à
la
Renaissance,
époque
à
partir
de
laquelle
la
«vie
privée»
et
«l'amour»
deviendront
graduellement,
pour
la
plupart
des
humains,
les
principales
«sources
du
sens».
On
y
invente
la
vie
privée
et
la
cellule
familiale.
L'amour
devient
électif
et
procède
donc
d'un
choix.
Avant,
«le
bon
mariage
est
le
mariage
de
raison,
non
le
mariage
d'amour»,
note
Ferry,
évoquant
le
sociologue
Edward
Shorter,
dans
L'Homme‐dieu
ou
le
sens
de
la
vie
(Grasset,
1997).
Avant,
«l'intimité
n'existait
pas».
En
ville
comme
à
la
campagne,
l'immense
majorité
des
familles
vivaient
dans
une
seule
pièce,
«ce
qui
excluait,
de
facto,
la
possibilité
d'une
quelconque
forme
de
"privacy"».
Et
avant,
enfin,
l'amour
parental
était
loin
d'être
une
priorité.
«Montaigne,
notre
grand
humaniste,
avouait
ne
pas
se
souvenir
du
nombre
exact
de
ses
enfants
morts
en
nourrice!»,
souligne
Ferry.
Si
la
contre­culture
des
années
60
a
voulu
dédramatiser
l'éclatement
de
la
cellule
familiale,
elle
a
par
ailleurs
renforcé
l'importance
du
privé,
explique
Luc
Ferry.
«Le
privé
est
politique»,
clamaient
les
idéologues
de
68.
Ainsi
se
développe
l'idée
que
«le
centre
de
notre
vie
est
bien
davantage
dans
le
privé
que
dans
la
vie
publique».
Par
conséquent,
opine
le
philosophe,
«aujourd'hui,
ce
n'est
plus
pour
la
vérité,
peut­être
même
pas
pour
la
justice
ni
pour
la
beauté
que
l'individu
est
prêt
à
mourir.
Les
seuls
êtres
pour
lesquels
il
peut,
le
cas
échéant,
risquer
sa
vie,
ce
sont
les
êtres
aimés,
les
proches.»
Laisser
ces
derniers
ou
les
négliger
pour
aller
accomplir
son
destin,
pour
aller
réaliser
son
«potentiel»
devient
par
conséquent
un
scandale.
Et
c'est
peut­être
ce
qui
explique
les
faibles
6
%
recueillis,
dans
le
sondage
Léger­Le
Devoir,
par
le
facteur
«travail»
à
la
question
sur
ce
qu'il
y
a
de
plus
important
dans
la
vie.
Le
cas
Gauguin
Une
telle
attitude
annule
tout
certificat
de
«vie
réussie».
Prenons
Paul
Gauguin,
qui
décida
de
quitter
sa
femme
et
ses
cinq
enfants
pour
aller
à
Tahiti,
«car
il
avait
le
sentiment
que
c'est
là
que
sa
vocation
de
peintre
pourra
s'accomplir».
Le
cas
est
soulevé
par
Monique
Canto­Sperber
dans
sa
conversation
avec
Comte­Sponville.
«On
pourrait
considérer
cela,
même
s'il
a
réussi
à
devenir
un
grand
peintre,
comme
une
décision
immorale»,
dit­elle.
Moral,
le
mot
est
lâché.
Faut­il
être
moral
pour
réussir
sa
vie?
Stoïciens
et
épicuriens
s'entendaient
sur
une
chose,
souligne
André­Comte
Sponville:
«Le
bonheur
et
la
vertu
vont
forcément
ensemble,
autrement
dit,
un
salaud
ne
peut
pas
être
heureux.»
Mais
Comte­Sponville,
philosophe
moderne,
n'est
pas
d'accord:
«Je
crois
que
c'est
faux.
Je
crois
qu'un
salaud
peut
être
heureux
et
qu'un
brave
homme,
L’art du dialogue et de l’argumentation
S’initier à la pensée critique pour le cours Philosophie et rationalité
© 2009 Chenelière Éducation inc.
4
un
homme
de
coeur,
un
homme
vertueux
peut
être
atrocement
malheureux.
Une
fois
qu'on
a
compris
cela,
qu'il
n'y
a
pas
de
"souverain
bien",
qu'on
a
compris
que
le
bonheur
et
la
vertu
ne
sont
pas
nécessairement
en
harmonie,
il
reste
à
chercher
l'un
et
l'autre
dans
leurs
différences
et
dans
la
tension
qu'ils
supposent.
C'est
vrai
que,
parfois,
un
peu
plus
de
vertu
se
paiera
d'un
peu
de
bonheur.
Ou
qu'un
peu
plus
de
bonheur
se
paiera
d'un
peu
de
vertu.
Ça
fait
partie
du
tragique
de
notre
condition.»
Vie
réussie
ou
sensée
?
Du
reste,
pour
plusieurs,
l'expression
même
de
«vie
réussie»
pose
de
grands
problèmes.
Le
philosophe
Jean
Grondin,
de
l'Université
de
Montréal,
dit
ne
pas
l'aimer.
«Elle
est
trop
mercantile,
comme
si
la
vie
était
une
transaction
que
l'on
pouvait
passer
par
profits
et
pertes»,
note
celui
qui
a
publié
Du
sens
de
la
vie,
chez
Bellarmin,
en
2003.
Il
rappelle
que
Schopenhauer
se
plaisait
à
dire
que
la
vie
était
«une
affaire
qui
ne
couvrait
pas
ses
frais».
Elle
comporte
trop
de
dimensions
pour
qu'on
la
réduise
à
un
tel
verdict.
La
«réussite»,
si
l'on
veut
envisager
la
vie
sous
cet
angle,
a
un
caractère
inévitablement
relatif:
«Elle
dépend
des
ambitions
et
des
priorités
de
chacun:
certains
veulent
être
des
écrivains
reconnus
ou
des
inventeurs
de
génie,
d'autres
veulent
simplement
être
de
bons
pères
de
famille.»
Une
autre
chose
agace
Jean
Grondin
dans
cette
formule:
«Elle
ne
peut
s'appliquer
aux
vies
qui
ont
été
tragiquement
interrompues
ou
brisées,
comme
il
y
en
a
tant,
ni
à
celles
qui
sont
en
proie
à
la
misère
extrême
et
qui
n'ont
pas
le
temps,
ni
le
loisir
de
se
poser
cette
question
et
qui
doivent
se
contenter
de
survivre»,
ce
qui
est
le
cas
de
la
majorité
des
habitants
de
la
planète,
ajoute­t­il.
En
somme,
Jean
Grondin
préfère
plutôt
parler
d'une
«vie
sensée,
d'une
vie
qui
a
eu
la
clairvoyance
de
reconnaître
un
sens
à
sa
vie
et,
à
mon
sens,
ce
sens
est
toujours
celui
d'une
vie
qui
n'est
pas
centrée
sur
elle­même
et
qui
se
soucie
peu
de
sa
"réussite".
Pour
le
dire
le
plus
simplement
du
monde:
il
faut
faire
le
plus
grand
bien
possible
et
bien
faire
ce
que
l'on
a
à
faire.
L'important
n'est
pas
ici
d'avoir
réussi,
mais
d'avoir
fait
son
possible»,
plaide­t­il.
La
confusion
Aux
yeux
de
Grondin,
on
confond
trop
souvent
«bonheur»
et
«vie
réussie».
La
quête
du
bonheur
est
universelle,
estime­t­il,
puisque
nous
voulons
tous
être
heureux.
En
revanche,
l'obsession
de
la
vie
réussie
n'est
pas
le
fait
de
tous.
«La
recherche
du
bonheur
sait
que
notre
bonheur
ne
peut
être
qu'imparfait
ou
approximatif,
compte
tenu
du
caractère
tragique
de
l'existence,
qui
tient
à
l'incompréhensibilité
de
la
mort
et
du
mal.
Comme
le
disait
Umberto
Eco
(comme
d'autres
avant
lui,
d'ailleurs)
dans
un
entretien
récent,
celui
qui
se
dit
parfaitement
heureux
est
un
crétin.
Quant
à
la
vie
réussie,
j'ai
un
peu
le
sentiment
L’art du dialogue et de l’argumentation
S’initier à la pensée critique pour le cours Philosophie et rationalité
© 2009 Chenelière Éducation inc.
5
qu'il
s'agit
d'un
"ou
bien,
ou
bien":
on
réussit
ou
on
ne
réussit
pas.
Cela
est
trop
tranché.»
Au
fond,
«réussir
dans
la
vie»
a
le
mérite
d'être
plus
clair,
note
Jean
Grondin.
Car
l'expression
renvoie
directement
à
des
personnes
qui
ont
«accompli
quelque
chose,
qui
se
sont
fixé
des
objectifs
et
qui
les
ont
atteints
ou
surpassés,
et
dont
l'oeuvre
suscite
l'admiration».
La
formule
convient
d'ailleurs
particulièrement
bien
au
monde
des
affaires.
«Je
ne
m'en
offusque
aucunement,
car
ses
critères
sont
clairs:
Bill
Gates,
Ted
Turner,
Donald
Trump
[...]
ont
réussi
dans
la
vie,
ça
oui.
Mais
ont­ils
réussi
leur
vie?
Aucune
idée.»
Source
:
Antoine
Robitaille.
«
Un
salaud
peut‐il
avoir
une
vie
réussie
?
»,
Le
Devoir,
13‐14
septembre
2008.
Établissons
d’abord
la
légende
et
le
schéma
d’André
Compte‐Sponville.
Légende
Schéma
(C)
:
Une
vie
est
réussie
dans
la
mesure
où
l’on
se
considère
heureux.
(1)
:
Un
salaud
peut
être
heureux
et
un
homme
vertueux
atrocement
malheureux.
(2)
:
Il
n’y
a
pas
de
souverain
bien.
(3)
:
Le
bonheur
et
la
vertu
ne
sont
pas
nécessairement
en
harmonie.
(4)
:
Il
existe
une
tension
entre
le
bonheur
et
la
vertu.
(5)
:
Un
peu
plus
de
vertu
se
paie
parfois
d’un
peu
de
bonheur.
(6)
:
Un
peu
plus
de
bonheur
se
paie
d’un
peu
de
vertu.
(7)
:
La
condition
humaine
est
tragique.
Ensuite,
établissons
la
légende
et
le
schéma
de
l’argumentation
de
Jean
Grondin.
Légende
(C)
:
Il
ne
faut
pas
confondre
bonheur
et
vie
réussie.
(1)
:
L’expression
«
vie
réussie
»
pose
de
grands
problèmes.
(2)
:
L’expression
est
trop
mercantile.
L’art du dialogue et de l’argumentation
S’initier à la pensée critique pour le cours Philosophie et rationalité
© 2009 Chenelière Éducation inc.
6
(3)
:
La
réussite
dépend
des
ambitions
et
des
priorités
de
chacun.
(4)
:
La
réussite
ne
peut
s’appliquer
aux
vies
qui
ont
été
tragiquement
interrompues
ou
à
celles
qui
sont
en
proie
à
la
misère
extrême.
(5)
:
Il
faut
préférer
l’expression
«
vie
sensée
»,
l’important
n’étant
pas
d’avoir
réussi.
(6)
:
La
quête
du
bonheur
est
universelle.
(7)
:
L’obsession
de
la
vie
réussie
n’est
pas
le
fait
de
tous.
(8)
:
Le
bonheur
ne
peut
être
qu’imparfait.
(9)
:
L’existence
a
un
caractère
tragique
qui
tient
à
l’incompréhensibilité
de
la
mort
et
du
mal.
(10)
:
Soit
on
réussit
sa
vie,
soit
on
ne
la
réussit
pas.
(11)
:
Réussir
dans
la
vie
n’est
pas
réussir
sa
vie.
Schéma
:
Enfin,
écrivons
un
compte
rendu
des
deux
argumentations,
lequel
constituera
la
première
partie
du
travail
à
remettre.
Compte
rendu
de
l’argumentation
d’André
Compte­Sponville
Compte­Sponville
soutient
qu’une
vie
est
réussie
dans
la
mesure
où
l’on
se
considère
heureux.
Il
postule
que
le
souverain
bien
n’existe
pas
et
que
le
bonheur
et
la
vertu
ne
sont
pas
nécessairement
en
harmonie.
En
effet,
un
salaud
peut
être
heureux
alors
qu’un
homme
vertueux
peut
être
atrocement
malheureux.
De
là
découle
qu’il
existe
une
tension
entre
le
bonheur
et
la
vertu
:
un
peu
plus
de
vertu
se
paie
d’un
peu
de
bonheur
et
un
peu
plus
de
bonheur
se
paie
d’un
peu
de
vertu.
C’est
là,
selon
lui,
ce
qui
fait
le
caractère
tragique
de
la
condition
humaine.
L’art du dialogue et de l’argumentation
S’initier à la pensée critique pour le cours Philosophie et rationalité
© 2009 Chenelière Éducation inc.
7
Compte
rendu
de
l’argumentation
de
Jean
Grondin
Selon
Jean
Grondin,
il
ne
faut
pas
confondre
bonheur
et
vie
réussie.
L’expression
«
vie
réussie
»
pose
en
effet
de
grands
problèmes.
L’expression
est,
avant
tout,
trop
mercantile.
La
réussite
d’une
vie
dépend
aussi
des
ambitions
et
des
priorités
de
chacun
et
ne
peut
s’appliquer
aux
vies
qui
ont
été
tragiquement
interrompues
ou
à
celles
qui
sont
en
proie
à
la
misère
extrême.
En
second
lieu,
l’important
n’étant
pas
d’avoir
réussi,
l’expression
«
vie
sensée
»
est
préférable.
En
effet,
alors
que
la
quête
du
bonheur
est
universelle,
l’obsession
de
la
vie
réussie
n’est
pas
le
fait
de
tous.
De
plus,
alors
que
le
bonheur
ne
peut
être
qu’imparfait
en
raison
du
caractère
tragique
de
l’existence
humaine
qui
tient
à
l’incompréhensibilité
de
la
mort
et
du
mal,
on
peut
dire
que
soit
on
réussit
sa
vie,
soit
on
ne
la
réussit
pas.
Il
ne
faut
pas
oublier,
ajoute
Grondin,
que
réussir
dans
la
vie
n’est
pas
réussir
sa
vie.
La
comparaison
des
idées
À
la
suite
de
la
présentation
des
conceptions
étudiées,
il
faut
procéder
à
une
comparaison
des
idées
concernant
le
thème
donné.
Plus
précisément,
il
faut
faire
ressortir
leurs
ressemblances
et
leurs
différences.
Lorsque
la
limite
imposée
à
la
longueur
du
texte
ne
permet
pas
l’exhaustivité,
il
faut
aller
à
l’essentiel
et
s’en
tenir
aux
idées
les
plus
générales.
Reprenons
notre
exemple
et
discernons
les
similitudes
et
les
oppositions
qui
s’y
trouvent.
Les
similitudes
Selon
toute
vraisemblance,
les
positions
s’opposent
presque
point
par
point.
Les
seules
similitudes
que
nous
pouvons
relever
étant
que,
pour
les
deux
philosophes,
avoir
une
vie
réussie
dépend
des
aspirations
de
chacun
et
que
l’existence
humaine
a
un
caractère
tragique.
Les
oppositions
Mais
Compte­Sponville
fait
de
la
vie
réussie
une
fin
en
soi
qu’il
relie
à
la
recherche
du
bonheur.
De
son
côté,
Grondin
dissocie
vie
réussie
et
bonheur.
Il
ne
croit
pas
qu’avoir
une
vie
réussie
soit
un
projet
valable
pour
tous
alors
que,
selon
lui,
la
recherche
du
bonheur
est
universelle.
Pour
Comte­Sponville,
ce
qui
est
tragique
dans
la
condition
humaine,
c’est
que
le
bonheur
ne
dépend
aucunement
de
la
vertu
et
qu’il
est
loisible
à
chacun
de
définir
son
propre
bien.
Pour
Grondin,
ce
qui
est
tragique
dans
la
condition
humaine,
c’est
que
notre
incompréhension
de
la
mort
et
du
mal
fait
obstacle
au
bonheur
parfait.
Enfin,
alors
que
pour
Comte­Sponville
il
n’y
a
pas
de
souverain
bien
et
que,
par
conséquent,
il
est
légitime
de
laisser
tomber
la
vertu
pour
obtenir
le
bonheur,
Grondin
pense
que,
si
l’on
veut
être
heureux
et
réussir
sa
vie,
l’essentiel
est
d’avoir
une
vie
sensée
plutôt
que
de
chercher
à
réussir
dans
la
vie.
L’art du dialogue et de l’argumentation
S’initier à la pensée critique pour le cours Philosophie et rationalité
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8
La
comparaison
de
la
valeur
des
argumentations
La
réussite
du
travail
accompli
jusqu’ici
dépend
en
grande
partie
de
l’attention
que
nous
avons
mise
dans
l’analyse
des
argumentations.
L’opération
qui
suit
relève
davantage
de
l’aspect
critique
de
la
dissertation.
Nous
devons
ici
peser
le
pour
et
le
contre,
c’est‐à‐dire
évaluer
de
façon
rationnelle
les
contenus
et
les
raisonnements
de
chacune
des
argumentations,
voir
s’il
y
a
complémentarité
ou
antagonisme,
décider
de
quel
côté
sont
les
meilleures
solutions.
Cela,
en
prenant
en
compte
l’époque
à
laquelle
écrivent
les
auteurs
(surtout
s’ils
écrivent
à
des
époques
éloignées
l’une
de
l’autre),
la
perspective
qu’ils
prennent
pour
aborder
le
problème
(scientifique,
politique,
psychologique…)
et,
selon
cette
perspective,
le
but
qu’ils
visent.
Il
serait
malheureux
que,
pour
réaliser
cette
étape
du
travail
on
contrevienne
aux
critères
de
la
rationalité
et
qu’on
juge
de
la
valeur
des
argumentations
un
peu
comme
le
ferait
celui
qui
n’a
reçu
aucune
formation
à
cet
égard
et
qui
ne
peut
se
référer
qu’à
ses
sentiments
et
aux
opinions
communes.
En
fait,
tout
se
joue
ici.
Notre
texte
sera
d’un
niveau
supérieur
et
nous
ferons
preuve
d’autonomie
intellectuelle
dans
la
mesure
où
nous
dépasserons
le
combat
d’opinions
pour
participer
au
débat
rationnel.
Pour
cela,
nous
n’avons
d’autre
choix
que
de
nous
rapporter
aux
critères
d’acceptabilité,
de
pertinence
et
de
suffisance1
qu’il
convient
de
considérer
comme
les
instruments
de
la
raison
dans
sa
recherche
de
vérité.
Poursuivons
notre
exemple
en
comparant
la
valeur
des
argumentations.
Ce
qui
pour
Comte­Sponville
justifie
qu’une
vie
est
réussie
si
l’on
se
considère
heureux
est
le
principe
relativiste
qu’il
n’existe
pas
de
souverain
bien.
Mais
la
première
prémisse
de
son
argumentation
constitue­t­elle
une
raison
suffisante
pour
dire
qu’il
n’y
a
pas
d’harmonie
entre
bonheur
et
vertu
?
Et
d’ailleurs,
est­il
vrai
qu’un
salaud
peut
être
heureux
et
un
homme
vertueux
malheureux
?
Un
homme
vertueux,
s’il
est
vraiment
vertueux,
ne
devrait­il
pas
trouver
son
bonheur
dans
la
vertu
?
À
tout
le
moins,
Comte­Sponville
aurait
pu
nous
dire
ce
qu’il
entend
par
bonheur.
Il
nous
semble
néanmoins
que
les
recherches
des
psychologues
vont
plutôt
en
sens
contraire
et
qu’à
moins
de
n’avoir
aucun
surmoi,
celui
qui
vit
sa
vie
en
salaud
ne
peut
se
sentir
complètement
bien
dans
sa
peau.
Comte­Sponville
tire
de
son
principe,
la
prémisse
(2),
et
de
son
corollaire,
la
prémisse
(3)
le
fait
qu’il
existe
une
tension
entre
le
bonheur
et
la
vertu
et
que
cela
constitue
la
tragédie
de
l’existence.
Mais
cela
nous
semble
une
preuve
insuffisante,
car
s’il
n’y
a
pas
de
souverain
bien,
pourquoi
faudrait­il
considérer
que
la
condition
humaine
est
tragique
?
D’ailleurs,
n’y
a­t­il
pas
là
contradiction
?
De
son
côté,
Jean
Grondin
justifie
la
séparation
entre
bonheur
et
vie
réussie
en
montrant
qu’il
serait
plus
juste
de
lier
au
bonheur
la
recherche
d’une
vie
sensée.
1
Voir le chapitre 4 de L’art du dialogue et de l’argumentation.
L’art du dialogue et de l’argumentation
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9
Les
arguments
qu’il
avance
pour
montrer
que
l’expression
de
vie
réussie
est
inadéquate
et
qu’il
faille
la
remplacer
par
celle
de
vie
sensée
sont,
d’après
nous,
suffisants
pour
nous
convaincre
de
sa
thèse.
En
effet,
si
le
caractère
tragique
de
l’existence
humaine
tient
à
des
aspects
fondamentaux
de
sa
nature
qui
font
obstacle
à
la
possession
d’un
bonheur
parfait
;
si
malgré
cela
même
les
plus
démunis
ne
peuvent
se
passer
de
rechercher
le
bonheur
;
il
est
clair
qu’entre
la
recherche
trop
égoïste
et
trop
matérielle
de
réussir
dans
la
vie
et
la
recherche
d’un
sens
à
donner
à
sa
vie
et
à
la
vie
en
général,
il
faut,
comme
humain,
choisir
la
seconde.
Compte
tenu
que
nos
deux
débatteurs
sont
nos
contemporains
et
qu’ils
considèrent
tous
les
deux
la
question
sous
l’angle
de
l’éthique,
à
notre
avis,
Jean
Grondin
apporte
de
meilleures
réponses
à
la
question
de
la
vie
réussie
et
il
soutient
sa
thèse
de
façon
beaucoup
plus
rigoureuse
et
nuancée.
La
prise
de
position
Le
moment
est
maintenant
approprié
pour
faire
valoir
nos
accords
et
désaccords
avec
les
thèses
que
nous
avons
présentées
et
évaluées.
Il
peut
parfois
être
surprenant,
lorsque
le
commentaire
critique
a
été
exécuté
avec
sérieux,
de
constater
combien
par
rapport
au
thème
abordé
nous
avons
acquis
de
nouvelles
connaissances
et
que,
sous
l’effet
de
leur
éclairage,
nos
opinions
se
sont
complexifiées
pour
le
mieux.
C’est
donc
à
notre
tour
de
nous
prononcer
en
tenant
compte
de
ce
que
nous
avons
appris
auprès
des
philosophes.
Que
nous
tranchions
en
faveur
de
l’une
ou
l’autre
des
thèses
présentées
ou
que
nous
en
élaborions
une
autre
en
empruntant
ici
et
là
les
idées
les
mieux
défendues,
nous
devons
fournir
des
arguments
personnels
qui
justifient
nos
choix.
Remarquons
qu’il
se
pourrait
que,
malgré
que
nous
ayons
reconnu
que
l’un
des
philosophes
a
beaucoup
mieux
défendu
sa
position,
nous
gardions
des
réticences
à
son
endroit
et
que
nous
restions
plus
enclins
à
donner
notre
accord
à
la
thèse
opposée.
Dans
ce
cas,
il
faudra
d’autant
plus
user
de
bons
arguments
qui
viendront
suppléer
à
la
faiblesse
de
ceux
avec
lesquels
l’auteur
à
qui
nous
donnons
notre
préférence
devait
la
soutenir.
C’est
un
défi
que
nous
nous
donnons
et
que
nous
accomplirons
avec
plus
d’assurance
si,
pour
élaborer
nos
arguments
et
ne
pas
être
facilement
réfutés,
nous
prenons
soin
de
respecter
les
critères
de
la
rationalité
;
bien
entendu,
nous
éviterons
aussi
d’employer
des
sophismes.
Pour
nous
aider
à
prendre
position
et
à
construire
de
bons
arguments,
on
peut
s’efforcer
de
réfléchir
aux
avantages
et
aux
désavantages
qu’on
voit
dans
chacune
des
positions
et
en
rendre
compte
de
notre
mieux.
Pour
cela,
on
peut
tenter
d’appliquer
les
théories
à
des
situations
réelles
(peut‐être
même
proposer
une
mise
en
situation)
et
envisager
les
conséquences
qui
en
découleraient.
Il
est
également
permis
de
faire
part
de
nos
indécisions
mais,
là
encore,
on
ne
peut
éviter
de
dire
pourquoi.
Il
faut
autant
qu’on
le
peut
tout
justifier.
L’art du dialogue et de l’argumentation
S’initier à la pensée critique pour le cours Philosophie et rationalité
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10
Évidemment,
aucun
enseignant
ne
nous
demandera
d’être
l’égal
des
grands
philosophes.
Il
s’agit
plutôt
de
faire
preuve
de
réflexion
rationnelle
et
personnelle,
et
de
montrer
que
nous
utilisons
et
tentons
de
perfectionner
nos
connaissances
acquises
en
argumentation
pour
traiter
de
problèmes
fondamentaux.
Comment
donc
pourrions‐nous
prendre
position
concernant
une
vie
réussie
?
Disons
d’abord
qu’à
la
lumière
de
l’évaluation
des
argumentations,
nous
accordons
notre
préférence
à
la
thèse
de
Jean
Grondin
même
si,
au
départ,
il
n’était
pas
clair
pour
nous
que
nous
pouvions
dissocier
bonheur
et
vie
réussie.
De
nos
jours,
trop
de
gens
identifient
leur
bonheur
à
la
réussite
de
leurs
intérêts
personnels
sans
avoir
conscience
que
c’est
un
privilège
qui
n’a
rien
à
voir
avec
le
mérite
personnel.
Comme
le
disait
une
autre
philosophe,
Simone
de
Beauvoir,
on
ne
peut
être
libre
si
notre
liberté
ne
tient
pas
compte
de
la
liberté
des
autres
et
si
les
réalisations
économiques
ne
profitent
pas
à
tous
les
humains.
Nous
trouvons
enfin
que
rechercher
à
tout
prix
de
réussir
dans
la
vie
est
signe
d’un
grand
malaise
et
que
nous
aurions
beau
être
matériellement
confortables,
cela
ne
nous
rend
aucunement
plus
dignes
dans
cette
vie,
ni
ne
nous
donne
l’éternité.
L’introduction
et
la
conclusion
de
la
dissertation
comparative
À
moins
d’indications
contraires
(on
se
réfèrera
alors
aux
pages
94
et
95
du
chapitre
5
de
L’art
du
dialogue
et
de
l’argumentation),
dans
l’introduction
de
la
dissertation
comparative,
on
peut
simplement
formuler
le
problème
qui
sera
discuté
et
décrire
les
étapes
qu’on
se
propose
de
franchir
pour
lui
apporter
des
réponses.
Il
faut
bien
entendu
nommer
les
philosophes
dont
nous
présenterons
les
thèses
et
donner
de
brèves
informations
à
leur
sujet,
par
exemple
l’année
et
le
lieu
de
leur
naissance,
l’année
de
leur
décès
(s’il
y
a
lieu),
leurs
préoccupations
intellectuelles
(cela
peut
se
faire
à
partir
de
leurs
œuvres),
les
événements
exceptionnels
qui
ont
eu
cours
dans
leur
vie
(si
c’est
le
cas).
Il
faut
éviter
de
faire
une
introduction
trop
longue.
Le
développement
des
arguments
intéresse
davantage
vos
lecteurs.
Comme
il
se
doit,
il
faut
conclure
en
rappelant
le
problème
qui
a
été
discuté
et
les
thèses
des
philosophes
que
nous
avons
confrontées,
accompagnées
très
brièvement
de
leurs
arguments
principaux.
Mais,
ce
qui
est
au
cœur
de
la
conclusion,
c’est
la
position
que
nous
avons
défendue
avec
un
résumé
des
raisons
de
notre
choix.
L’art du dialogue et de l’argumentation
S’initier à la pensée critique pour le cours Philosophie et rationalité
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11
La
dissertation
critique
ans
le
dernier
cours
de
philosophie,
nous
aurons
à
rédiger
une
dissertation
critique
dans
laquelle
nous
devrons
porter
un
jugement
sur
des
problèmes
éthiques
et
politiques
contemporains.
Les
exigences
seront
portées
à
un
niveau
supérieur
tant
sur
le
plan
de
notre
réflexion
théorique,
la
tradition
ayant
toujours
considéré
la
philosophie
pratique
comme
la
plus
complexe
des
disciplines
philosophiques,
que
sur
le
plan
de
l’argumentation,
la
dissertation
critique
étant
celle
qui
demande
à
la
fois
une
plus
grande
appropriation
personnelle
des
idées
des
philosophes
et
un
jugement
plus
aiguisé
à
leur
égard.
Jusqu’ici,
nous
avons
appris
les
rudiments
du
texte
d’argumentation
et
de
la
dissertation
comparative.
Nous
verrons
maintenant
que
ces
rudiments
sont
tous
des
habiletés
préliminaires
au
jugement
autonome
et
critique
nécessaire
à
la
réalisation
d’une
dissertation
critique.
De
manière
générale,
deux
façons
d’atteindre
l’objectif
visé
par
le
cours
Éthique
et
politique
peuvent
être
exigées.
À
des
fins
essentiellement
de
clarté,
nous
les
nommerons
la
dissertation
dirigée
et
la
dissertation
personnelle.
Il
est
à
noter
que,
dans
l’un
et
l’autre
cas,
l’introduction
nécessite
l’établissement
d’une
problématique
en
bonne
et
due
forme.
À
ce
sujet,
il
faut
consulter
les
pages
94
et
95
du
chapitre
5
de
L’art
du
dialogue
et
de
l’argumentation.
La
dissertation
dirigée
Nous
appelons
ici
«dissertation
dirigée»
une
dissertation
pour
laquelle
il
est
demandé
de
présenter
des
théories
éthiques
et
politiques
étudiées
en
classe
et
de
les
appliquer
à
un
problème
contemporain
qui
peut
relever
d’un
champ
d’études
particulier.
Évidemment,
comme
il
s’agit
d’une
dissertation
critique
dans
laquelle
il
faut
faire
preuve
d’autonomie
intellectuelle,
l’application
des
théories
à
un
dilemme
éthique
devra
être
suivie
d’une
prise
de
position
personnelle
justifiée
rationnellement.
Par
exemple,
il
est
fréquemment
demandé
de
prendre
position
à
l’égard
d’un
problème
éthique
en
prenant
d’abord
appui
sur
les
réponses
qu’apporteraient
un
point
de
vue
utilitariste
et
le
point
de
vue
de
la
morale
du
devoir
kantienne.
Dans
ce
cas,
pour
réaliser
notre
dissertation,
il
faut
suivre
les
étapes
de
la
dissertation
comparative,
tout
en
tenant
compte
d’une
nouvelle
exigence,
c’est‐à‐dire
l’application
de
ces
théories
au
dilemme
porté
à
notre
examen.
On
commencera
donc
par
faire
un
compte
rendu
des
éléments
de
la
théorie
utilitariste
et
des
éléments
de
la
morale
du
devoir
qui
sont
pertinents
dans
la
résolution
du
dilemme,
puis
par
dire
comment,
de
part
et
d’autre,
on
résoudrait
le
problème.
L’art du dialogue et de l’argumentation
S’initier à la pensée critique pour le cours Philosophie et rationalité
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12
Ensuite,
après
avoir
comparé
les
idées
et
leurs
conséquences,
on
doit
procéder
à
l’aspect
critique
de
la
dissertation;
premièrement
en
évaluant
de
façon
comparative
les
argumentations
et,
deuxièmement,
en
développant
notre
prise
de
position
personnelle.
Comme
on
peut
le
remarquer,
il
s’agit
toujours
de
faire
valoir
notre
habileté
à
analyser,
à
évaluer
et
à
argumenter
selon
les
règles
de
l’argumentation
rationnelle.
Toutefois,
une
importance
plus
grande
est
accordée
ici
au
jugement
critique
et
à
l’élaboration
d’arguments
personnels.
Pour
ce
faire
et,
dans
la
mesure
où
le
dilemme
à
régler
touche
un
problème
actuel
qui
nous
concerne
en
tant
que
citoyen
ou
peut‐être
même
en
tant
que
futur
professionnel,
il
faut
se
considérer
dès
maintenant
comme
la
personne
ressource
qui
doit
trancher
la
question.
Notre
évaluation
des
argumentations
et
notre
prise
de
position
seront
beaucoup
plus
nuancées
et
réfléchies
si
nous
nous
sentons
directement
concernés
et
acceptons
de
jouer
le
rôle
de
celui
ou
celle
qui
est
moralement
ou
politiquement
responsable
de
la
résolution
du
dilemme
qui
est
porté
à
notre
examen.
La
dissertation
personnelle
Dans
ce
type
de
dissertation,
nous
avons
l’occasion
d’explorer
librement
toutes
les
avenues
d’une
question
morale
ou
politique
en
tentant
de
la
résoudre
de
façon
originale.
Il
faut
donc
faire
preuve
d’autonomie
et
de
créativité
intellectuelles.
Toutefois,
pour
dépasser
la
banalité
des
opinions
communes,
la
résolution
d’une
telle
question
nécessite
que
nous
nous
soyons
d’abord
instruits
de
théories
déjà
existantes
la
concernant.
Même
lorsqu’il
est
demandé
explicitement
d’aborder
la
question
à
partir
de
théories
déterminées,
au
fil
du
développement
de
notre
thèse
personnelle,
il
faut
faire
référence
à
autant
d’auteurs
que
nous
le
jugeons
bon
soit
pour
approfondir
et
enrichir
nos
arguments,
soit
pour
comparer
ou
opposer
leurs
idées
tout
en
adoptant
certaines
de
ces
idées
et
en
réfutant
certaines
autres.
Évidemment,
il
ne
s’agit
pas
seulement
de
faire
étalage
de
notre
érudition.
Notre
dissertation
ne
pourra
être
qualifiée
de
critique
si,
lorsque
nous
utilisons
les
idées
des
philosophes
qui
ont
déjà
traité
la
question,
nous
nous
contentons
simplement
de
les
citer
au
passage.
Il
faut,
au
contraire,
accompagner
ces
idées
d’au
moins
quelques
justifications
qu’elles
ont
reçues
et
montrer
pourquoi
elles
méritent
l’approbation
ou
la
désapprobation.
Autrement
dit,
on
ne
peut
éviter
d’en
faire
une
évaluation
rationnelle,
ce
qui
nécessite,
par
ailleurs,
que
nous
les
ayons
d’abord
bien
comprises
au
moyen
d’une
analyse
rationnelle.
Finalement,
que
ce
soit
pour
la
formulation
de
nos
arguments
ou
pour
l’évaluation
des
théories
de
philosophes,
et
parfois
leur
réfutation,
les
critères
de
la
rationalité
restent
toujours
les
mêmes
que
ceux
que
nous
avons
étudiés
quand
nous
apprenions
à
faire
un
texte
d’argumentation.
Néanmoins,
comme
nous
avons
maintenant
une
expertise
plus
grande,
l’originalité
de
notre
démarche
se
fera
sentir
dans
notre
façon
d’agencer
les
idées
des
philosophes,
dans
la
façon
de
les
citer
et
dans
celle
de
diviser
notre
texte
selon
l’importance
que
nous
accordons
à
chacun
de
nos
arguments;
nous
pourrions,
par
exemple,
L’art du dialogue et de l’argumentation
S’initier à la pensée critique pour le cours Philosophie et rationalité
© 2009 Chenelière Éducation inc.
13
diviser
en
paragraphes
différents
un
argument
qui
contient
une
ou
plusieurs
conclusions
intermédiaires.
La
conclusion
de
la
dissertation
critique
La
conclusion
de
la
dissertation
critique
sert
à
résumer
les
étapes
qui
ont
été
parcourues,
les
difficultés
qui
ont
été
surmontées
et
les
arguments
qui
ont
été
avancés.
La
thèse
défendue
doit
être
rappelée
et
parfois
reformulée
d’une
façon
plus
nuancée
qui
tient
compte
de
la
réflexion
où
nous
ont
conduits
les
problèmes
qui
composent
la
question
principale.
De
même,
on
pourra
présenter
une
ou
d’autres
questions
qui
sont
apparues
tout
au
long
de
notre
démarche
et
dont
la
résolution
éclairerait
davantage
le
domaine
de
recherche
dans
lequel
s’insère
l’objet
de
notre
argumentation.
À retenir....
………………………………………………
… … . .... .....
La
dissertation
comparative.
La
dissertation
comparative
est
composée
d’un
commentaire
critique
des
conceptions
étudiées
et
d’une
prise
de
position.
Le
commentaire
critique
se
compose
d’un
compte
rendu
fidèle
des
positions
théoriques
des
auteurs.
La
méthode
d’analyse
(légendes)
et
de
synthèse
(schémas)
est
l’étape
préalable
à
la
réalisation
de
ce
compte
rendu.
Ensuite,
il
faut
comparer
les
idées
concernant
le
thème
donné
en
faisant
ressortir
leurs
ressemblances
et
leurs
différences.
Enfin,
on
doit
évaluer
les
raisonnements
de
chacune
des
argumentations.
Une
fois
le
commentaire
critique
terminé,
il
s’agit
d’effectuer
notre
prise
de
position
en
fournissant
des
arguments
rationnels
qui
justifient
nos
choix.
La
dissertation
critique.
Dans
la
dissertation
dirigée,
il
est
demandé
de
présenter
des
théories
éthiques
et
politiques
et
de
les
appliquer
à
un
dilemme
moral
contemporain.
On
entamera
cette
dissertation
par
un
compte
rendu
des
éléments
théoriques
pertinents
pour
la
résolution
du
dilemme.
On
procède
ensuite
à
l’aspect
critique
de
la
dissertation
en
évaluant
de
façon
comparative
les
argumentations
présentées
et
en
développant
notre
position
personnelle.
La
dissertation
personnelle
nous
donne
l’occasion
d’explorer
librement
une
question
morale
ou
politique
plus
générale
en
tentant
de
la
résoudre
de
façon
autonome.
L’établissement
de
la
problématique,
qui
sert
d’introduction
à
la
dissertation
dirigée
et
à
la
dissertation
personnelle,
soulève
les
problèmes
inhérents
à
la
question
à
débattre.
L’art du dialogue et de l’argumentation
S’initier à la pensée critique pour le cours Philosophie et rationalité
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