Konrad-Adenauer-Stiftung e.V.
FRANC E
MATHILDE DURAND
17 mars 2011
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C O M P T E - R E N D U
Le couple franco-allemand
face aux défis européens :
réalités et perspectives
COMPTE-RENDU DE LA CONFÉRENCE-DÉBAT ORGANI SÉE PAR LA CHAMBRE
FRANCO-ALLEMANDE DE COMMERCE ET DINDUSTRIE ET LE CL UB ÉCONOM IQUE
FRANCO-ALLEMAND, AUTOUR DE LAURENT WAUQUIEZ, MIN ISTRE CHARGÉ DES
AFFA IRES EUROPÉENNES, LE 16 MARS 2011.
La Chambre franco-allemande de
commerce et d’industrie et le Club
économique franco-allemand ont
organisé le 16 mars 2011 une soirée
franco-allemande autour de Laurent
Wauquiez, ministre chargé des affaires
européennes, sur le thème « Le couple
franco-allemand face aux défis
européens : réalités et perspectives ».
Son intervention a été suivie d’un débat
avec les quelque 200 participants
présents lors de cette soirée.
Pour Laurent Wauquiez, la relation franco-
allemande constitue « l’un des miracles
des relations internationales ». Malgré
les grandes différences culturelles des deux
pays, la France et l’Allemagne ont toujours
joué un rôle fondamental dans la
construction européenne, comme le montre
le dernier conseil informel de la zone euro le
14 mars, dont les décisions doivent être
formellement entérinées lors du prochain
Conseil européen des 24-25 mars 2011.
Laurent Wauquiez est convaincu de
l’importance et de la pertinence de cette
relation franco-allemande.
Cette relation ne se limite toutefois pas à
des personnalités, qu’il s’agisse des couples
« Nicolas Sarkozy / Angela Merkel » ou
« Werner Hoyer / Laurent Wauquiez » : elle
repose sur de solides assises
économiques comme en témoignent la
présence des entreprises françaises en
Allemagne et allemandes en France, mais
aussi les coopérations exemplaires de
Siemens et Atos, de Veolia Environnement,
du Crédit mutuel ou encore de PSA et BMW.
Cette profondeur de la relation tient
notamment au rôle du Mittelstand et des
PME, dans lesquels le ministre recommande
d’investir ; les grands groupes y contribuent
également fortement. Si des a priori de
principe existent souvent au départ de la
coopération, ils disparaissent rapidement
pour laisser place à un partenariat de long
terme. Il est nécessaire de développer la
complémentarité des entreprises franco-
allemandes afin de développer des
partenariats de branche. Ainsi, dans le
domaine ferroviaire, Laurent Wauquiez
appelle de ses vœux une coopération entre
Siemens et Alstom, qui permettrait aux
deux entreprises d’atteindre une taille
critique pour pouvoir faire face à la Chine et
maintenir un « train européen ».
Il y a quatre ans, ni le président français
Nicolas Sarkozy, ni la chancelière allemande
Angela Merkel, n’étaient naturellement
attirés par la relation franco-allemande : les
relations étaient tendues, notamment en
2008-2009, marquées par des suspicions
réciproques. Ce type de relation sera sans
doute de plus en plus fréquent avec les
nouvelles générations, pour lesquelles la
relation franco-allemande est désormais
banale. La logique du rapprochement l’a
pourtant emporté et la relation franco-
allemande connaît actuellement l’une de ses
périodes les plus fortes. Certes, il convient
de ne pas sous-estimer toutes les structures
existantes (réunions régulières, etc.), mais
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la qualité de la relation tient aussi à une
certaine maturité des deux côtés du
Rhin : bien que les deux pays aient des
intérêts nationaux divergents, qui ne se
recoupent pas nécessairement, ils ont un
intérêt commun à dégager un intérêt
communautaire pour valoriser les intérêts
nationaux. L’Allemagne et la France ont pris
conscience qu’elles devaient faire des
efforts réciproques pour parvenir à des
compromis, ce qui a été le cas dans de
nombreux domaines récemment, tels que le
gouvernement économique, la convergence
fiscale, le fonds de stabilisation, le principe
de la taxation des revenus financiers, le
mécanisme de sanctions, les volets offensif
et coercitif du pacte pour l’euro ou encore le
dialogue avec les partenaires sociaux. Il
existe donc désormais une vraie
dynamique, irrésistible et extrêmement
positive, qui a permis de franchir des étapes
considérées jusqu’à présent comme
infranchissables.
Néanmoins, dans toute relation très forte, il
existe un risque de condominium, de diktat.
La France et l’Allemagne doivent veiller à
éviter ce travers afin de prendre en
compte l’évolution de l’Union
européenne et le renforcement de son
hétérogénéité. Les deux pays doivent
donc apprendre la retenue : ils peuvent
certes faire des propositions mais celles-ci
doivent notamment faire l’objet d’une
appropriation par Herman Van Rompuy et
les autres États membres. Il s’agit d’un
apprentissage difficile mais qui est
nécessaire pour maintenir le point
d’équilibre. La relation franco-allemande
n’est plus construite sur le sentiment, sur
les artifices mais sur la conscience profonde
des intérêts nationaux.
La France souffre actuellement d’un certain
complexe d’infériori à l’égard de
l’Allemagne, qui dispose de forces
incontestables, notamment en termes de
Mittelstand et d’organisation de branches
mais aussi d’apprentissage, la culture
d’entreprise étant ainsi au cœur de la
société, ce qui favorise le consensus au
niveau des questions économiques. De son
côté, la France voit dans sa démographie
une grande force : dans vingt ans, la France
pourrait avoir dépassé l’Allemagne. La
démographie constitue le seul facteur de
croissance économique à long terme. En
outre, la France a su mettre en place un
crédit-impôt pour l’innovation qui constitue
un véritable modèle et devrait encourager
des coopérations. Il n’y a donc pas lieu
d’avoir de complexe d’infériorité.
En conclusion, Laurent Wauquiez estime
que la relation franco-allemande repose sur
de vraies différences (modèles
économiques, structure sociale, structure de
pensée) mais la magie de la relation franco-
allemande est la complémentarité des deux
pays. Comme dans La montagne magique,
de Thomas Mann, qui critique la culture de
l’excès et fait l’éloge de l’équilibre, la France
et l’Allemagne doivent porter un message
d’équilibre tout en protégeant l’économie
sociale de marché et en soutenant un
partage équitable de la richesse.
Laurent Wauquiez se prête ensuite à un
exercice de questions-réponses. Selon lui,
Herman Van Rompuy et Catherine
Ashton ont la « grande intelligence d’être
discrets », peut-être trop au goût des
Français, ce qui les rend suspects. Mais face
à des instances dans lesquelles les chefs
d’États et de gouvernement ont souvent des
egos très affirmés, cela ne peut que les
servir. Herman Van Rompuy joue
discrètement les intermédiaires et incarne
parfaitement l’Europe qui avance dans le
compromis et la négociation. Il s’agit donc
d’une personne clé, très appréciée. De son
côté, Catherine Ashton est chargée des
questions de défense et de politique
étrangère, qui constituent le cœur de la
souveraineté, et donc le degré ultime du
fédéralisme : il est donc très difficile d’aller
loin dans ce domaine. Elle a néanmoins joué
un rôle important, notamment dans le
contexte des révolutions arabes.
Sur la question de l’ouverture du marché
ferroviaire en Europe, la France a fait de
gros progrès et le règlement de certains
problèmes transfrontaliers devrait
permettre d’avancer encore au cours des
prochains mois.
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Laurent Wauquiez souligne que le
soubassement de la relation franco-
allemande est certes économique mais que
des « passeurs » sont nécessaires, ce qui
implique des investissements dans les
coopérations culturelles franco-
allemandes et du mécénat dans les
domaines de la culture et de l’éducation.
Cela permet ainsi de conserver les racines
solides de la relation franco-allemande.
Afin de conserver l’économie sociale de
marché, il est indispensable de lutter contre
les abus pour éviter le naufrage de ce
modèle. Par ailleurs, il convient de montrer
aux classes moyennes, qui paient de plus
en plus cher, que ce modèle est juste. Pour
sauver ce système de protection sociale, il
faut rééquilibrer les droits et les
devoirs, ce qui nécessite en France un
discours politique plus responsable, sur le
modèle allemand.
La question de l’attractivité des
territoires français et allemands pour les
entreprises allemandes et françaises relève
du fantasme. Au cours des dernières
années, le différentiel de compétitivité entre
les deux pays s’est fortement réduit et le
coût d’un salarié est désormais comparable
des deux côtés du Rhin. Aujourd’hui, l’idée
d’une même assiette d’imposition de l’impôt
sur les sociétés est en projet dans la zone
euro.
Afin de faire progresser la libéralisation
des marchés énergétiques, les
champions nationaux doivent arriver à
s’entendre pour créer des partenariats.
De nombreuses entreprises allemandes ont
compris qu’il était de leur intérêt d’investir
dans l’apprentissage. En outre, ce
système a l’avantage de financer les études
des apprentis, de les rendre directement
opérationnels et de réactiver l’ascenseur
social. L’Allemagne est un véritable modèle
dans ce domaine : dans tous les domaines,
la formation peut se faire par
apprentissage.
La réintégration de la France dans les
structures de commandement intégré de
l’OTAN visait à montrer que la volonté de la
France de développer l’Europe de la
défense n’allait pas à l’encontre des États-
Unis, l’OTAN et l’Europe de la défense
étaient à ses yeux complémentaires.
Aujourd’hui, la défense européenne ne peut
fonctionner que sur la base de la France, de
l’Allemagne, du Royaume-Uni et de la
Pologne. La coopération bilatérale franco-
britannique peut constituer l’antichambre de
la logique de la défense européenne, qui a
d’ailleurs été récemment relancée par une
initiative du triangle de Weimar.
Au cours des trois dernières années, afin de
stabiliser ses dépenses publiques, la
France a fortement réduit le nombre de ses
fonctionnaires (100-150 000 personnes) et
réformé un certain nombre des structures
existantes : carte judiciaire, carte militaire,
autonomie des universités, financement des
collectivités territoriales. Cela a permis un
certain « dépoussiérage » et « des gains
d’efficacité ». La France dispose de
nombreuses marges de manœuvre et doit
accepter de faire des efforts de rigueur en
diminuant les penses, excepté celles
« d’avenir » (innovation, R&D, etc.), ce qui
implique une certaine remise en cause des
politiques françaises actuelles. La France
doit désormais tenir un discours de raison et
de vérité car sinon elle risque de cevoir à
la fin du mandat.
Pour conclure, la France et l’Allemagne
doivent se fortifier mutuellement : elles
doivent tenir un discours responsable pour
affirmer que l’Union européenne n’a pas
vocation à être sur le déclin.
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