LE DUEL VU PAR LE » LAS VEGAS REVIEW JOURNAL»
LA GUERRE DES COLAS
Chaque société a ses conflits : l'Amérique sort d'un formidable
affrontement industriel, commercial, publicitaire, entre Coca-Cola et Pepsi-Cola
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guerre planétaire, ni nucléaire, ni froide,
ni drôle, non, une guerre Mondiale moderne,
donc industrielle, la guerre des colas. Coups
fourrés, coups tordus, coups de Jarnac.
S'affrontent des stratèges en marketing que
soutiennent, à l'avant et à l'arrière, des
bataillons d'avocats, des légions de publicitai-
res, des régiments de forces de vente, et... et des
milliards de dollars. Les conquêtes Ou les
défaites se mesurent en points, les parts de
marché gagnées ou perdues. Chaque point \Tant
une fortune. Mais la beauté sauvage de cette
guerre tient à l'immensité du spectre disputé :
rien de moins que le rêve américain.
Coca-Cola, c'était le rêve américain en
bouteille ; beaucoup plus qu'une boisson, un
signe de reconnaissance. Le génie de Pepsi-Cola
a consisté à tirer les leçons des sixties en
comprenant que l'Amérique n'était plus une et
qu'il lui fallait devenir le porte-drapeau des
nouvelles générations, celles qui ne respectent
rien, même pas Coca-Cola. Roger Enrico raconte
les derniers épisodes de cette guerre féroce dans
« la Guerre des colas » (Interéditions). Il les a
' vécus eh première ligne — moi, président de
Pepsi-Cola. La modestie ne l'étouffe pas mais
quand on a réussi à déstabiliser un géant comme
Coca-Cola, on a de quoi se réclamer.
Pepsi-Cola partait pourtant de loin. Ce qui ne
présente pas que des inconvénients, quand on
sait tirer, avantage de son infériorité. Emico
résume en une maxime un principe intangible du
marketing de combat : «
Chez Pepsi, nous
savons que la meilleure manière de devenir le
numéro I est de toujours penser comme le
numéro 2. »
Comprendre par là que, face à un
leader qui domine largement, il faut parasiter sa
notoriété en apparaissant aux yeux du public
comme son challenger. C'est ainsi que dans une
autre guerre américaine fameuse, par rafales de
pubs comparatives, Avis attaqua le champion
Hertz bille en tête et imposa son profil de
numéro 2 en le valorisant : quand on est le
numéro 2, on est obligé d'«
essayer plus fort »
que le numéro 1 vautré sur ses lauriers.
1890. Caleb Bradham, un pharmacien du Sud
profond (Caroline du Nord), invente un sirop
pour lutter contre la dyspepsie. En
1902, il
dépose la marque et, la publicité aidant, son
affaire prospère. Une malencontreuse spécula-
tion sur les cours du sucre le pousse à la faillite
en
1922.
Changement de proprio. Mais la grande
crise attend Pepsi au tournant et, au début de
1931,
Charles Guth, le président de la compa-
gnie sucrière Loft, rachète une maison en pleine
déconfiture. La mouise continue, si bien que
Guth propose à la firme d'Atlanta de lui vendre
Pepsi. Les autres lui rigolent au nez.
Ils ont eu tort. A partir de
1938,
Walter Mack,
le nouveau président, met le paquet : pub à
gogo. Pepsi redécolle. La Seconde Guerre
mondiale marque un coup d'arrêt. Robert
Woodruff, général en chef de Coca-Cola, promet
un Coca à chaque soldat américain. En échange
de quoi le gouvernement exempte Coca du
rationnement de sucre et favorise la construc-
tion d'une centaine d'usines d'embouteillage à
l'étranger qui permettent à Coca d'être la
boisson du GI.
L'après-guerre s'avère désastreux. Le slogan
qui avait fait fureur,
«deux fois plus pour
5 cents, c'est bon »,
ça fait misérabiliste. Par
temps de boom, personne ne veut plus entendre
parler de vaches maigres. Al Steele, zélote du
marketing et époux de Joan Crawford, galva-
nise ses troupes et renverse la vapeur.
« Pepsi,
c'est la Haute Société. »
Une boisson classe. Les
ventes doublent. Mais en
1963,
la
High Society
a pris de la bouteille. La nouvelle agence, BBDO,
sonde les consommateurs :
«Aimeriez-vous
avoir pour amis les personnes qui figurent dans
ces publicités ? »Eclat
de rire général. Les robes
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