Journal Identification = JPC Article Identification = 0245 Date: March 8, 2013 Time: 3:39 pm
60 J Pharm Clin, vol. 32 n◦1, mars 2013
M.-J. Guillemotonia, et al.
musculaires et entraîner une réponse auto-immune avec
production d’auto-anticorps pathogènes.
Mais le remplacement de l’Herceptin®par une asso-
ciation Tyverb®Xeloda®per os, s’est accompagné d’une
évolution favorable de la dermatomyosite. Et pourtant,
trastuzumab et lapatinib possèdent la même cible molécu-
laire, le récepteur 2 du facteur de croissance épidermique.
Le trastuzumab est une grosse molécule qui se fixe
sélectivement sur HER2, ancré à la surface de la mem-
brane cellulaire. Le lapatinib, quant à lui présente une
faible masse moléculaire et agit à l’intérieur même de
la cellule : il inhibe les domaines intracellulaires de la
tyrosine kinase des récepteurs EGFR (ErbB1) et ErbB2
(HER2) en se liant de fac¸on compétitive sur le site
de fixation de l’ATP du domaine catalytique de cette
dernière. En bloquant la phosphorylation des sites tyro-
sine kinase intracellulaires des récepteurs, il interrompt
de fait l’activation des voies de signalisation en aval :
Raf/Ras/MAP kinase et PI3 kinase/AKT [11].
Trastuzumab et lapatinib ciblent ainsi le même récep-
teur HER2, ainsi que les mêmes voies de signalisation
intracellulaires PI3 kinase/AKT. Ils engendrent tous deux
une apoptose des cellules tumorales. De fait, l’hypothèse
physiopathologique précédente de libération d’antigènes
nucléaires par les cellules apoptotiques et de réaction
croisée ne paraissait pas compatible avec le fait que la
DM n’avait pas récidivé sous lapatinib.
Un point majeur néanmoins distingue les deux molé-
cules : contrairement au trastuzumab, le lapatinib n’active
pas la voie de l’ADCC. Cette cytotoxicité à média-
tion cellulaire anticorps-dépendante implique les cellules
NK.
Les lymphocytes NK historiquement appelées «cel-
lules tueuses naturelles »sont des cellules «sentinelles »
dont la vocation est d’éliminer rapidement les cellules
anormales (tumorales ou infectées), tout en respectant les
cellules saines et ce, en l’absence d’immunisation spéci-
fique préalable (contrairement aux lymphocytes T et B).
Avec leurs «congénères du système immunitaire inné
(polynucléaires, monocytes, macrophages, cellules den-
dritiques et lymphocytes T␥␦) [12] », elles patrouillent
l’organisme (on les retrouve dans le sang, le foie, la rate,
les poumons, l’intestin et les ganglions lymphatiques).
Une fois repérées et identifiées, leurs cibles sont détruites
en quelques minutes par un mécanisme cytotoxique de
lyse cellulaire impliquant divers acteurs (perforine, gran-
zyme B, TNF␣...) [12-14].
Dans notre cas, l’ADCC induite par Herceptin®vise
préférentiellement les cellules cancéreuses surexprimant
HER2.
Rappelons que les dermatomyosites sont des myopa-
thies inflammatoires classées dans un groupe de maladies
systémiques auto-immunes (avec les polymyosites et les
myosites à inclusion). Le diagnostic repose essentiel-
lement sur un tableau clinique évocateur associé aux
données histo-immunologiques issues de la biopsie mus-
culaire : foyers de nécrose des fibres musculaires et
lésions endothéliales ; zones de myolyse d’origine isché-
mique avec atrophie périfasciculaire pathognomonique ;
infiltrat inflammatoire lymphocytaire T CD4+ et B, médié
par le complément et dirigé contre les cellules endothé-
liales du tissu musculaire [15].
La biologie pourrait néanmoins fournir de pré-
cieuses informations avec notamment la détection et
l’identification d’autoanticorps [15, 16] tels que ceux diri-
gés contre des antigènes cytoplasmiques ou contre des
autoantigènes nucléaires (détectés dans 30 à 50 % des
DM), ainsi que des anticorps anti-cellules endothéliales,
alias anticorps anti-endothélium vasculaires (AECA : anti-
endothélial cell antibodies) retrouvés dans 44 % des
polydermatomyosites [16-18]. Mais le rôle de ces anticorps
dans la chronologie du processus lésionnel de l’affection
ne demeure que partiellement élucidé. Il semblerait,
selon certaines données de la littérature [16-18] que leur
pathogénicité potentielle résulte d’une lyse cellulaire par
activation du complément ou par médiation de l’ADCC.
Quoi qu’il en soit, l’intérêt diagnostique et nosologique
des autoanticorps dans les myopathies inflammatoires,
en complément des critères clinico-biologiques classiques
offre des perspectives intéressantes, mais le préalable à
toutes spéculations physiopathologiques serait la standar-
disation de leurs techniques de détection actuellement
très hétérogènes.
Mais quid de l’imputabilité de l’Herceptin®dans le
déclenchement de la DM ? Nous pourrions formuler
l’hypothèse que l’origine immunitaire, voire auto-immune
de l’affection serait cohérente avec l’activation de
l’immunité par le trastuzumab via l’ADCC. Cette théo-
rie expliquerait ainsi le long délai d’apparition de la
symptomatologie (six mois), ainsi que le fait que la myo-
pathie n’ait pas récidivé sous lapatinib, dénué de ce mode
d’action. Des études complémentaires ou des connais-
sances précises en immunologie et biologie moléculaire
permettraient peut-être d’étayer ou d’infirmer ces suppu-
tations, mais ce domaine dépasse nos compétences de
«pharmaco-cliniciens ».
Conclusion
Nous avons décrit le cas d’une patiente traitée par trastu-
zumab dans le cadre de la prise en charge d’un carcinome
mammaire métastatique et ayant développé une derma-
tomyosite au décours de la thérapie.
Le diagnostic de syndrome paranéoplasique évoqué
dans un premier temps a été reconsidéré devant le carac-
tère fluctuant de la symptomatologie en lien avec les
perfusions mensuelles de l’anticorps monoclonal.
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