Dermatomyosite secondaire à l`administration de trastuzumab

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Cas clinique
J Pharm Clin 2013 ; 32 (1) : 57-61
Dermatomyosite secondaire à
l’administration de trastuzumab
(Herceptin®)
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Dermatomyositis induced by trastuzumab (Herceptin®)
Marie-José Guillemotonia 1 , Sten De Witte 2 , Jérôme Dauba 3
1 Service pharmacie, Centre hospitalier Layné, Mont-de-Marsan, France
<[email protected]>
2 Service de médecine interne, Centre hospitalier Layné, Mont-de-Marsan, France
3 Service d’oncologie, Centre hospitalier Layné, Mont-de-Marsan, France
Résumé. Les dermatomyosites sont des connectivites rares dont l’origine médicamenteuse n’est
qu’exceptionnellement décrite. Notre observation relate l’un des premiers cas de dermatomyosite survenue
après la prise de trastuzumab. Une patiente de 39 ans bénéficie en 2008 d’une prescription de trastuzumab en
traitement d’un carcinome mammaire. À l’issue de la 8e injection, elle présente un érythème péri-orbitaire en
lunette, un œdème facial, puis des myalgies, un déficit moteur et une élévation des CPK sériques. La confirmation
histologique de dermatomyosite conduit à l’instauration d’une corticothérapie puis d’un traitement par azathioprine. Le diagnostic de syndrome paranéoplasique évoqué dans un premier temps est reconsidéré devant le
caractère fluctuant de la symptomatologie en lien avec les perfusions mensuelles de l’anticorps monoclonal. Une
pause thérapeutique de trois mois est instaurée, suivie d’un amendement de la symptomatologie. L’administration
d’une nouvelle dose de charge trois mois plus tard induit une réactivation de la myosite inflammatoire. Le
trastuzumab est substitué par l’association lapatinib capécitabine ; la dermatomyosite (DM) évolue dès lors
favorablement et demeure à ce jour contrôlée par de faibles doses de corticoïde et d’immunodépresseur en voie
de sevrage. Nous avons tenté d’appréhender la responsabilité du trastuzumab dans la survenue d’une affection du
système immunitaire en étudiant son mécanisme d’action moléculaire. Nous l’avons comparé à celui du lapatinib
afin de tenter de comprendre la raison pour laquelle la DM n’avait pas récidivé avec l’inhibiteur de tyrosne kinase.
Trastuzumab et lapatinib ciblent en effet le même récepteur HER2, ainsi que les mêmes voies de signalisation
intracellulaires PI3 kinase/AKT. Ils engendrent tous deux une apoptose des cellules tumorales. Mais le trastuzumab
est également un médiateur de la cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps (ADCC : antibody-dependent
cell cytotoxicity). Nous avons de fait formulé l’hypothèse que l’origine immunitaire de la dermatomyosite de notre
patiente serait cohérente avec l’activation de l’immunité par le trastuzumab via l’ADCC. Cette théorie expliquerait
ainsi le long délai d’apparition de la symptomatologie (six mois), ainsi que le fait que la myopathie n’ait pas
récidivé sous lapatinib, dénué de ce mode d’action. Cet épisode non décrit dans la littérature, nous conforte dans
notre démarche thérapeutique pluridisciplinaire de suspicion systématique d’une étiologie médicamenteuse face
à une symptomatologie clinique ou biologique équivoque.
Mots clés : dermatomyosite, trastuzumab, lapatinib, iatrogénie, ADCC
Abstract. Dermatomyositis is a rare connective tissue disease and a drug therapy origin is only exceptionally
described. Our observation is the first cases of dermatomyositis occurring after use of trastuzumab. A 39-year-old
patient benefits in 2008 of a prescription of trastuzumab in treatment for a breast carcinoma. At the 8th injection,
she presents a periorbitar erythema in glasses, a facial edema, myalgias, a motor deficit and a rise of the serum
CPK. The histological confirmation of dermatomyositis leads to the institution of a corticotherapy combined with
Tirés à part : M.-J. Guillemotonia
Pour citer cet article : Guillemotonia MJ, De Witte S, Dauba J. Dermatomyosite secondaire à l’administration de trastuzumab (Herceptin® ). J Pharm Clin
2013 ; 32(1) : 57-61 doi:10.1684/jpc.2013.0245
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M.-J. Guillemotonia, et al.
azathioprine. A paraneoplastic syndrome is evoked at first but reconsidered in front of the fluctuating character of
the symptomatology in connection with the monthly perfusion of the monoclonal antibody. A therapeutic break is
followed by an amendment of the symptoms. A new loading dose given three months later induces a reactivation
of the inflammatory myositis. A lapatinib capecitabine association is then used to substitute the trastuzumab. The
DM evolves favorably and remains to this day controlled by tampering doses of immunosuppressive therapy.
Trastuzumab and lapatinib both engage the same receptor (HER2) and signalization pathway of intracellular PI3
Kinase/AKT, inducing tumor apoptosis. Only trastuzumab is also a potent mediator of antibody dependent cell
cytotoxity (ADCC). In our hypothesis the dermatomyositis of this patient is due to an activation of the ADCC
pathway by trastuzumab. It would explain the late onset of the symptoms (6 months) and the absence of recurrence
with lapatinib, lacking the induction of this particular immunological pathway. Our case, not previously described
in the literature, comforts us in the multidisciplinary approach of ambiguous clinical or biological symptoms
suspicious for a drug related syndrome.
Key words : dermatomyosititis, trastuzumab, lapatinib, iatrogénie, ADCC
C
as notifié au Centre régional de pharmacovigilance le 20 janvier 2012.
Le dossier (Madame X, née le 07/06/1968) a été
enregistré dans la base nationale de pharmacovigilance
sous le numéro BX20120167
Diverses manifestations cliniques et biologiques
peuvent être induites dans l’organisme par des agents
médicamenteux. Elles demeurent le plus souvent isolées,
affectant un organe de manière préférentielle (anémie hémolytique, thrombopénie, hépatite, pneumopathie
infiltrante diffuse, neuropathie périphérique), sans vraiment s’intégrer dans le cadre d’une véritable maladie
systémique de type connectivite [1].
Les dermatomyosites (DM) sont des connectivites rares
dont l’incidence annuelle est estimée entre 5 et 10 cas par
million d’habitants et la prévalence entre 6 et 7 cas pour
10 000 personnes [2].
Une origine médicamenteuse n’est qu’exceptionnellement décrite [1]. Une association entre DM et pathologie tumorale est en revanche retrouvée dans 15 à 20 %
des cas et la DM précède dans 70 % des cas le cancer.
Notre observation relate le cas d’une dermatomyosite
survenue après la prise de trastuzumab (Herceptin® ), un
anticorps monoclonal humanisé recombinant de classe
IgG1 dirigé contre le récepteur 2 du facteur de croissance
épidermique humain (HER2), prescrit chez une patiente
dans le traitement d’un carcinome mammaire.
L’observation
Une patiente âgée de 39 ans, bénéficie en décembre
2007 d’une tumorectomie avec curage axillaire pour un
carcinome canalaire infiltrant pT1c pN3a M1 (métastase
lombaire isolée).
Le traitement carcinologique proposé consiste en 3
cures de FEC (5FU épirubicine cyclophosphamide) puis
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3 cures de docétaxel (Taxotere® ) associées à du trastuzumab (Herceptin® ), toutes les trois semaines jusqu’à
progression.
À l’issue des 6 cures de chimiothérapie est programmée une radiothérapie au niveau du sein et de la
métastase osseuse L2.
Quelques jours après la 8e injection de trastuzumab, la
patiente présente un érythème péri-orbitaire en lunettes
de coloration liliacée prédominant sur les paupières supérieures, associé à des troubles visuels, un prurit, un
œdème facial.
Progressivement apparaissent des douleurs musculaires et un déficit moteur affectant les ceintures
scapulaires et pelviennes.
Biologiquement, les créatine-phosphokinases (CPK)
sériques s’élèvent.
Le diagnostic de dermatopolymyosite paranéoplasique est évoqué et une biopsie musculaire au niveau du
muscle deltoïde permet la confirmation histologique de
dermatomyosite.
L’initiation d’une corticothérapie par prednisone
1 mg/kg/j permet une régression rapide de l’infiltration
cutanée du visage et des douleurs musculaires.
Au bout de trois mois, un traitement par azathioprine
(Imurel® ), un immunodépresseur, est instauré et les doses
de prednisone progressivement diminuées.
La patiente reçoit parallèlement des injections de trastuzumab à la posologie d’entretien de 6 mg/kg tous les
21 jours.
Les tentatives de réduction de doses de corticoïde
s’accompagnent irrémédiablement d’une réactivation de
la myopathie inflammatoire avec élévation des CPK et
accroissement des algies musculaires.
À l’issue de la 26e cure d’Herceptin® , est évoquée l’imputabilité d’un effet indésirable non décrit de
l’anticorps monoclonal devant le caractère fluctuant de la
symptomatologie en lien avec les perfusions mensuelles.
J Pharm Clin, vol. 32 n◦ 1, mars 2013
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Dermatomyosite secondaire à l’administration de trastuzumab
Ainsi, une pause thérapeutique de trois mois est unanimement instaurée par les chefs des services d’oncologie
et de médecine interne.
L’arrêt des perfusions de trastuzumab est rapidement
suivi d’une nette amélioration des signes physiques et
biologiques.
Trois mois plus tard, une nouvelle dose de charge
d’Herceptin® est administrée à la patiente. Dans les jours
qui suivent, survient une poussée de dermatomyosite sous
forme d’une éruption cutanée de la face et des membres,
d’un œdème du visage, d’une recrudescence des myalgies et de l’élévation marquée des CPK. La responsabilité
du trastuzumab paraît dès lors fortement probable.
Ce traitement est remplacé par un inhibiteur de la
tyrosine kinase des récepteurs HER2 (ErB2) le lapatinib (Tyverb® ) associé à la capécitabine (Xeloda® ).
La dermatomyosite évolue dès lors favorablement avec
amendement de la symptomatologie clinique et normalisation du bilan biologique, autorisant une diminution des
posologies de prednisone et d’azathioprine.
À ce jour, la DM demeure contrôlée par de faibles
doses de corticoïde et d’immunodépresseur, en voie de
sevrage.
Discussion
L’atteinte musculaire d’origine médicamenteuse est fréquente, se manifestant, habituellement, par des myalgies
associées ou non à une élévation modérée des enzymes
musculaires. Cette symptomatologie, consécutive à l’effet
toxique direct de l’agent médicamenteux sur les muscles
striés se distingue des dermatomyosites iatrogènes, liées
à un mécanisme dysimmunitaire. Ces dernières ne sont,
en revanche que rarement décrites dans la littérature.
Pour le clinicien, l’évocation de l’étiologie iatrogène
chez les patients présentant des manifestations évocatrices de dermatomyosite et l’identification du principe
actif responsable sont primordiales ; elles permettent
l’interruption de ce dernier qui constitue la seule attitude
thérapeutique susceptible d’induire une régression totale
ou partielle des symptômes parfois sévères.
Quelques médicaments ont été incriminés dans
la survenue de myosites inflammatoires dont la Dpénicillamine, la tiopronine, la cimétidine et les antithyroïdiens de synthèse. Le fénofibrate, les statines (simvastatine, atorvastatine, pravastatine, lovastatine) la pénicilline,
la pentazocine, les sulfonamides, l’hydroxyurée sont également parfois suspectés [1-7].
Selon une analyse bibliographique réalisée par Seidler
et al. [2], la forme idiopathique de dermatomyosite prédomine chez la femme, mais les formes iatrogènes affectent
les deux sexes de façon égale, avec un âge moyen de 57
ans.
J Pharm Clin, vol. 32 n◦ 1, mars 2013
La littérature scientifique ne relate pourtant, à notre
connaissance, aucun cas de DM consécutive à un traitement par trastuzumab. Des douleurs musculaires et
articulaires sont en revanche fréquentes sous Herceptin®
mais rarement explorées.
De plus, le tableau clinique de DM ne s’est installé
dans le cas décrit que six mois après le début du traitement par trastuzumab (8 injections dont une dose de
charge). Ce long délai a conduit dans un premier temps
à évoquer le diagnostic de syndrome paranéoplasique,
associé au carcinome mammaire primitif. Néanmoins,
les tests d’arrêt et de réintroduction de l’Herceptin®
se sont révélés positifs : l’interruption du traitement
s’est accompagnée d’un amendement des symptômes et
l’administration d’une nouvelle dose de charge trois mois
plus tard, d’une réactivation de l’affection. Cet élément
penche à l’inverse nettement en faveur d’un effet secondaire de la molécule.
Nous nous sommes intéressés de facto à son mécanisme d’action moléculaire [8-10].
Le trastuzumab, un anticorps monoclonal murin
humanisé de la classe des immunoglobulines G1 (IgG1),
illustre l’exemple type d’une « targeted therapy » (traitement ciblé) : il inhibe la croissance de tumeurs malignes
en ralentissant la prolifération des cellules cancéreuses
surexprimant la protéine HER2 (p185HER2).
En se fixant sélectivement sur le récepteur2 du facteur de croissance épidermique, ancré à la surface de la
membrane cellulaire, il provoque :
– la régulation négative de la synthèse de ce dernier et
l’inhibition secondaire de la signalisation intracellulaire
normalement activée, en particulier la voie des protéines
PI3K-Akt ;
– l’inhibition du clivage de HER2 (shedding) ;
– l’induction de l’arrêt du cycle cellulaire en G1 ;
– l’inhibition de l’angiogenèse ;
– l’induction de mécanismes immuns de type ADCC
(antibody-dependent cell cytotoxicity) : cytotoxicité à
médiation cellulaire dépendante d’un anticorps faisant
intervenir les cellules tueuses NK (natural killer).
Le trastuzumab joue un rôle pro-apoptotique dépendant de la voie Pi3K/AKT.
Ainsi l’anticorps monoclonal bloque la réplication et la
prolifération des cellules tumorales surexprimant HER2.
Par ailleurs, un mécanisme cytologique immuno-médié
s’ajoute, l’ADCC, le trastuzumab est un médiateur de la
cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps. In vitro,
l’ADCC induite par Herceptin® vise préférentiellement les
cellules cancéreuses surexprimant HER2.
Nous avons suggéré dans un premier temps, que la
libération abondante d’antigènes nucléaires par les cellules tumorales apoptotiques dans la circulation sanguine
pourrait générer une réactivité croisée avec les antigènes
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M.-J. Guillemotonia, et al.
musculaires et entraîner une réponse auto-immune avec
production d’auto-anticorps pathogènes.
Mais le remplacement de l’Herceptin® par une association Tyverb® Xeloda® per os, s’est accompagné d’une
évolution favorable de la dermatomyosite. Et pourtant,
trastuzumab et lapatinib possèdent la même cible moléculaire, le récepteur 2 du facteur de croissance épidermique.
Le trastuzumab est une grosse molécule qui se fixe
sélectivement sur HER2, ancré à la surface de la membrane cellulaire. Le lapatinib, quant à lui présente une
faible masse moléculaire et agit à l’intérieur même de
la cellule : il inhibe les domaines intracellulaires de la
tyrosine kinase des récepteurs EGFR (ErbB1) et ErbB2
(HER2) en se liant de façon compétitive sur le site
de fixation de l’ATP du domaine catalytique de cette
dernière. En bloquant la phosphorylation des sites tyrosine kinase intracellulaires des récepteurs, il interrompt
de fait l’activation des voies de signalisation en aval :
Raf/Ras/MAP kinase et PI3 kinase/AKT [11].
Trastuzumab et lapatinib ciblent ainsi le même récepteur HER2, ainsi que les mêmes voies de signalisation
intracellulaires PI3 kinase/AKT. Ils engendrent tous deux
une apoptose des cellules tumorales. De fait, l’hypothèse
physiopathologique précédente de libération d’antigènes
nucléaires par les cellules apoptotiques et de réaction
croisée ne paraissait pas compatible avec le fait que la
DM n’avait pas récidivé sous lapatinib.
Un point majeur néanmoins distingue les deux molécules : contrairement au trastuzumab, le lapatinib n’active
pas la voie de l’ADCC. Cette cytotoxicité à médiation cellulaire anticorps-dépendante implique les cellules
NK.
Les lymphocytes NK historiquement appelées « cellules tueuses naturelles » sont des cellules « sentinelles »
dont la vocation est d’éliminer rapidement les cellules
anormales (tumorales ou infectées), tout en respectant les
cellules saines et ce, en l’absence d’immunisation spécifique préalable (contrairement aux lymphocytes T et B).
Avec leurs « congénères du système immunitaire inné
(polynucléaires, monocytes, macrophages, cellules dendritiques et lymphocytes T␥␦) [12] », elles patrouillent
l’organisme (on les retrouve dans le sang, le foie, la rate,
les poumons, l’intestin et les ganglions lymphatiques).
Une fois repérées et identifiées, leurs cibles sont détruites
en quelques minutes par un mécanisme cytotoxique de
lyse cellulaire impliquant divers acteurs (perforine, granzyme B, TNF␣. . .) [12-14].
Dans notre cas, l’ADCC induite par Herceptin® vise
préférentiellement les cellules cancéreuses surexprimant
HER2.
Rappelons que les dermatomyosites sont des myopathies inflammatoires classées dans un groupe de maladies
systémiques auto-immunes (avec les polymyosites et les
myosites à inclusion). Le diagnostic repose essentiel-
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lement sur un tableau clinique évocateur associé aux
données histo-immunologiques issues de la biopsie musculaire : foyers de nécrose des fibres musculaires et
lésions endothéliales ; zones de myolyse d’origine ischémique avec atrophie périfasciculaire pathognomonique ;
infiltrat inflammatoire lymphocytaire T CD4+ et B, médié
par le complément et dirigé contre les cellules endothéliales du tissu musculaire [15].
La biologie pourrait néanmoins fournir de précieuses informations avec notamment la détection et
l’identification d’autoanticorps [15, 16] tels que ceux dirigés contre des antigènes cytoplasmiques ou contre des
autoantigènes nucléaires (détectés dans 30 à 50 % des
DM), ainsi que des anticorps anti-cellules endothéliales,
alias anticorps anti-endothélium vasculaires (AECA : antiendothélial cell antibodies) retrouvés dans 44 % des
polydermatomyosites [16-18]. Mais le rôle de ces anticorps
dans la chronologie du processus lésionnel de l’affection
ne demeure que partiellement élucidé. Il semblerait,
selon certaines données de la littérature [16-18] que leur
pathogénicité potentielle résulte d’une lyse cellulaire par
activation du complément ou par médiation de l’ADCC.
Quoi qu’il en soit, l’intérêt diagnostique et nosologique
des autoanticorps dans les myopathies inflammatoires,
en complément des critères clinico-biologiques classiques
offre des perspectives intéressantes, mais le préalable à
toutes spéculations physiopathologiques serait la standardisation de leurs techniques de détection actuellement
très hétérogènes.
Mais quid de l’imputabilité de l’Herceptin® dans le
déclenchement de la DM ? Nous pourrions formuler
l’hypothèse que l’origine immunitaire, voire auto-immune
de l’affection serait cohérente avec l’activation de
l’immunité par le trastuzumab via l’ADCC. Cette théorie expliquerait ainsi le long délai d’apparition de la
symptomatologie (six mois), ainsi que le fait que la myopathie n’ait pas récidivé sous lapatinib, dénué de ce mode
d’action. Des études complémentaires ou des connaissances précises en immunologie et biologie moléculaire
permettraient peut-être d’étayer ou d’infirmer ces supputations, mais ce domaine dépasse nos compétences de
« pharmaco-cliniciens ».
Conclusion
Nous avons décrit le cas d’une patiente traitée par trastuzumab dans le cadre de la prise en charge d’un carcinome
mammaire métastatique et ayant développé une dermatomyosite au décours de la thérapie.
Le diagnostic de syndrome paranéoplasique évoqué
dans un premier temps a été reconsidéré devant le caractère fluctuant de la symptomatologie en lien avec les
perfusions mensuelles de l’anticorps monoclonal.
J Pharm Clin, vol. 32 n◦ 1, mars 2013
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Dermatomyosite secondaire à l’administration de trastuzumab
La responsabilité de ce dernier n’est pas clairement prouvée mais fortement probable, bien
qu’exceptionnellement décrite dans la littérature. En
effet, les tests d’arrêt et de réintroduction de l’Herceptin®
se sont révélés positifs.
En étudiant le mécanisme d’action moléculaire du
principe actif, nous avons mis en exergue ses fonctions de
médiateur de l’ADCC (antibody-dependent cell cytotoxicity), et émis l’hypothèse d’un plausible rôle de l’anticorps
monoclonal dans le déclenchement des désordres immunitaires de la connectivite.
Cet épisode nous conforte dans notre démarche thérapeutique pluridisciplinaire de suspicion systématique
d’une étiologie médicamenteuse face à une symptomatologie clinique ou biologique équivoque.
Liens d’intérêts : non déclarés.
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