MISE AU POINT
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 3 - mai-juin 2006
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à CMV atteignant au moins 30 % de la rétine (38) sont des fac-
teurs de risque associés au SRI.
✓L’introduction précoce des antirétroviraux après le début du
traitement antifongique dans les cryptococcoses [< 30 jours,
< 50 jours, < 60 jours selon les études] (30-32) et après le début
des traitements antituberculeux dans les tuberculoses
(< 40 jours, < 50 jours ou < 2 mois) (30, 36, 37) est associée à
la survenue d’un SRI.
De plus, lors du diagnostic de SRI, la baisse de la charge virale
VIH (30, 36) et l’augmentation des lymphocytes CD4 [en pour-
centage plus qu’en valeur absolue] (33, 35) sont plus pronon-
cées. Ces éléments peuvent être utiles pour l’identification du
SRI.
ASPECTS ÉTIOLOGIQUES ET CLINIQUES DES SYNDROMES
DE RECONSTITUTION IMMUNITAIRE
Arbitrairement, il existe deux grands cadres d’expression cli-
nique du SRI. La forme “infectieuse” se manifeste de façon
variable selon l’agent infectieux. La forme “immunitaire” se
manifeste par une pathologie inflammatoire ou auto-immune.
Agents infectieux fréquemment associés à la survenue d’un
SRI
●Mycobacterium tuberculosis. C’est l’agent infectieux le
plus fréquemment à l’origine de SRI. Plus d’une centaine de
cas ont été rapportés dans des séries rétrospectives ou dans des
cas isolés (4, 30, 33-37, 39, 40). Quatre-vingt-onze SRI ont
été observés parmi les 289 patients traités pour une tuberculose
étudiés dans les sept principales séries rétrospectives (4, 30,
33-37, 39). La fréquence du SRI variait de 25 % à 43 % selon
les études. Les manifestations sont survenues en moyenne
30 jours (11 jours à 2 mois et demi en moyenne selon les
séries) après l’introduction du traitement antirétroviral chez
des patients traités efficacement par antituberculeux. Parmi
les 86 patients pour lesquels des données cliniques sont ana-
lysables, les principales manifestations cliniques ont été l’ap-
parition ou l’augmentation de taille d’adénopathies (71 %), la
réapparition d’une fièvre (50 %), l’apparition ou l’aggravation
d’infiltrats pulmonaires, d’une miliaire ou d’épanchements
pleuraux (28 %) (4, 30, 33, 34, 37, 39). De nombreuses autres
manifestations ont été rapportées avec une fréquence moindre :
ascite, atteinte digestive, abcès splénique, arthrite, abcès du
psoas, méningite, tuberculome intracrânien, lésions cutanées,
hypercalcémie ou encore insuffisance rénale secondaire à une
miliaire rénale (4, 30, 33-37, 39, 40). La quasi-totalité des SRI
a été observée chez des patients traités pour une tuberculose
après l’introduction du traitement antirétroviral ; cependant,
quelques cas de tuberculose révélée après la mise sous anti-
rétroviraux ont aussi été rapportés (40, 41). Enfin, des aggra-
vations paradoxales de la tuberculose ont été signalées depuis
l’existence des antituberculeux, et des cas d’aggravation sous
traitement avant même l’introduction des antirétroviraux ont
été décrits, semblant plus fréquents chez les patients infectés
par le VIH (4).
●Mycobacterium avium complex. Les infections à mycobac-
téries atypiques sont fréquemment asymptomatiques au cours
de l’infection par le VIH chez les patients très immunodépri-
més et peuvent être démasquées par le traitement antirétrovi-
ral. Dans une série rétrospective de 35 patients traités pour une
infection à M. avium complex, le diagnostic avait été effectué,
après l’introduction du traitement antirétroviral, au cours d’un
SRI, chez 31 % d’entre eux (30). Parmi les 64 cas rapportés
dans la littérature, les symptômes sont survenus habituellement
dans les 4 semaines qui suivaient l’introduction du traitement
antirétroviral chez des patients initialement asymptomatiques,
profondément immunodéprimés [CD4 = 25/mm
3
en médiane]
(40). La présentation clinique était inhabituelle en comparai-
son du tableau classiquement décrit chez les patients immu-
nodéprimés: rareté des formes disséminées, absence d’amai-
grissement, existence de localisations inhabituelles telles que
des adénopathies (69 %) parfois nécrotiques évoluant vers la
fistulisation, des lésions pulmonaires (19 %), des ostéomyé-
lites, des bursites, des myosites, des masses granulomateuses
abdominales, cérébrales ou cutanées (40). Le diagnostic a
reposé sur la culture des différents prélèvements, mais les
hémocultures le plus souvent négatives traduisaient le carac-
tère localisé de l’infection. Le nombre de lymphocytes CD4
était en moyenne de 140/mm
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au moment du diagnostic (40).
Quelques cas de SRI au cours d’infections avec d’autres myco-
bactéries atypiques ont été rapportés (40).
De façon rare, des SRI au cours du traitement d’infections à
mycobactérie atypique ont été observés après l’introduction du
traitement antirétroviral comme dans la tuberculose. Toutefois,
ces cas ne représentaient que 8 % des cas de SRI associés aux
mycobactéries atypiques (40).
Les SRI au cours de la tuberculose ou des mycobactérioses aty-
piques prennent donc un aspect très différent. La survenue d’un
SRI au cours de la tuberculose se produit quasiment exclusi-
vement chez des patients en cours de traitement antituberculeux
lorsque les antirétroviraux sont introduits. Les SRI associés
aux mycobactéries atypiques surviennent le plus souvent chez
des patients asymptomatiques lors du début du traitement anti-
rétroviral. Ces différences peuvent s’expliquer par le caractère
moins pathogène des mycobactéries atypiques, qui sont plus
souvent asymptomatiques que la tuberculose et dont le dia-
gnostic n’est pas toujours fait avant le début du traitement anti-
rétroviral (42).