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Bulletin de la Division Française de l'AIP n°46 - Décembre 2007
Renseignements cliniques
Béninoise de 37 ans, en France depuis 1998. Hospitalisat i o n
en 2001 dans le Service des Maladies Infectieuses de
lhôpital Bich a t pour le bilan d’une fi è v r e avec toux,
a s t h é n i e,a l t é rat ion de l’état généra l , h é p a t o - s p l é n o m é ga l i e,
é p a n c hement ritonéal et polya d é n o p a thies. Le bilan
b i o l o gique a mis en évidence un syndrome infl a m m a t o i r e,
une ro p o s i t ivi VIH et une pancy t o p é n i e . Taux de
CD4 :33 / mm3. Charge virale à 308 000 copies.
Les prélèvements multiples ont permis de confi rmer le
d i a gnostic suspecté (lame soumise : biopsie ostéodullaire ) .
Sous traitement antituberculeux (débuté une semaine ap r è s
le début des symptômes), l ’ é v olution a été globalement
favo rabl e,p e rmettant l’introduction 2 mois plus tard d’une
mu l t i t h é rapie anti-rétrov i r ale (ARV : Vi d e x , E p iv i r ,S u s t i va ) .
A j2 aps le but des anti-rétrov i r a u x , ap p a r ition d’une fi è v r e
et d’une douleur de l’hypochondre gauche.A j6, baisse de
la charge virale à 43 400 copies. A j10, remontée des CD4
à 308 / mm3. L’IDR devient positive à 13 mm.
Un scanner alisé à j14 a montré l’ap p a rition d’ab c è s
s p l é n i q u e s , une rate devenant fi s s u r a i r e et la persistance des
a d é n o p athies (mais qui augmentaient de taille et deve n a i e n t
nécrotiques).
Une splénectomie a été réalisée devant le risque de ru p t u r e
(lame soumise pour l’histoséminaire).
Le traitement par les anti-rétrov i r aux n’a quasiment pas été
i n t e r rompu. La patiente est suivie régulièrement à la
c o n s u l t a tion ex t e r n e . Elle va bien sous Sustiva , Vi re a d ,
E p i v i r. Les dern i e rs ch i f f r es de CD4 sont de 714 / mm3( 3 6 % ) .
Description du cas présenté
• Histologie de la biopsie ostéomédullaire
On observe des infi l t r ats macro p h a giques diff u s , fo r mant par
place des granulomes épithélioïdes lâches ( fi g. 7.1 et
7.2). Les trois lignées sont psentes, c o m p o rtant une
prédominance des cellules immat u res sur la lignée my é l o ï d e.
Il n’y a pas d’hémophago cyt ose tectable ni d’age n t
pathogène sur les colorations histochimiques (Ziehl, PAS,
G o m o r i - G r o c o t t , Giemsa). Il n’y a pas d’argument en
faveur d’une localisation d’hémopathie lymphoïde.
D evant ce tableau anat o m o - cl i n i q u e, le diagnostic pro p o s é
est celui d’une infection my c o b a c t é r ienne disséminée,
s u r tout tuberc u l e u s e . Le pro fil des gra n ulomes est compat i b l e
avec un stade sévère d’immunodépression.
Fig. 7.1 - Biopsie ostéomédullaire. Présence de granulomes “mal
formés” sans cellule géante (HES).
Fig. 7.2 - Biopsie ostéomédullaire. Présence de granulomes “mal
formés” sans cellule géante (HES).
• Histologie de la rate
Sur le prélèvement splénique,il existe de vastes plages de
n é c r ose caséeuse (fi g. 7.3), b o rdées par une réaction
gra n u l o m a teuse histiocy t a i r e comportant des cellules
épithélioïdes et géantes (fig. 7.4 et 7.5). Il n’y a ni BAAR
(bacille acido-alcoolorésistant) ni d’autre agent pat h og è n e.
Pour compara i s o n , exemple d’une tuberculose ga n g l i o n n a i r e
chez un patient atteint du SIDA (taux de CD4 = 15), riche
en BAAR. Il n’y a pas de réaction gra nu l o m ateuse ni même
histiocytaire diffuse (fig. 7.6).
SEMINAIRE DE LAMES
Pathologie infectieuse
Tuberculose disséminée du SIDA - Syndrome de restauration immune
Homa Adle-Biassette1, Ranya Soufan1, Dominique Hénin1, Catherine Leport2, Michel Huerre3,
Guillaume Breton4
Cas n°7
1 - Service dAnatomie Pathologique - [email protected]
2 - Service des Maladies Infectieuses
Hôpital Bichat-Claude Bernard - 46 rue Henri Huchard
75877 Paris Cedex 18
3 - Unité de Recherche et d’Expertise en Histotechnologie et
Pathologie - Institut Pasteur - 25-28 rue du Docteur Roux
75724 Paris Cedex15
4 - Service de Médecine Interne - Hôpital de la Pitié Salpêtrière
83 Boulevard de l’Hôpital - 75651 Paris Cedex 13
Tuberculose disséminée du SIDA - Syndrome de restauration immune 79
Bulletin de la Division Française de l'AIP n°46 - Décembre 2007
Diagnostics proposés
Biopsie ostéomédullaire : tuberculose disminée du
SIDA.
Rate : syndrome de restauration immune.
Discussion
• Généralités
La reconstitution des ponses immu n i t a i res au cours du V I H
sous anti-rétrov i r aux peut entraîner des manife s t a t i o n s
p a t h o l o giques liées à la présence d’une réponse immunitaire
excessive d i r igée contre des antigènes d’un agent infe c t i e u x
ou non infe c t i e u x , à l’ori gine d’un syndrome de re s t a u r at i o n
immune (IRIS des anglo-saxons).
La physiopathologie, partiellement élucidée,associe une
reconstitution des ponses immu n i t a i res acquises mais
aussi innées et des phénomènes infl a m m a t o i r es. Le syndro m e
de re s t a u ration immune est un événement f r é q u e n t ,o b s e rv é
chez près d’un tiers des patients au cours de différentes
p at h o l ogies infe c t i e u s e s , a u t o - i m munes ou infl a m m a t o i re s .
Manifestations du syndrome de restauration
immune
Les manifestations sont polymorphes. Le diagnostic est
c o m p l e xe et la prise en ch a rge thérapeutique n’est pas
codifiée. De façon schématique,3 situations peuvent être
observées :
- une réaction para d oxale avec aggravation des symptômes
sous traitement anti-infectieux adapté
- des réactions infl a m m a t o i r es masquant une infection lat e n t e
- des pathologies inflammatoires ou auto-immunes.
Réaction paradoxale : aggravation des symptômes
sous traitement anti-infectieux adapté
C’est un diagnostic d’exclusion (voir critères plus loin).
Les prélèvements sont stériles.
E xemples : t u b e rc u l o s e,C M V,c r y p t o c o c c o s e,H i s t o p l a s m a
caspsulatum.
L’ é v olution est favo rable spontanément ou sous anti-
inflammatoires (stéroïdes).
• Réactions inflammatoires démasquant une infection
latente
Le diagnostic est microbiologique / histologique
E xemples : M AC (M y c o b a c t e r ium av i u m c o m p l e xe s ) ,
CMV (cy t o m é g a l o v i r u s ) , c r y p t o c o q u e s , H i s t o p l a s m a
caspsulatum,etc., ...
Il faut instituer un traitement anti-infectieux adapté et lui associer
parfois un traitement anti-inflammatoire.
Syndrome de restauration immune et pathologies
inflammatoires ou auto-immunes
Dans ce contex t e, on peut observer une sarcoïdose (ap p a ri t i o n
ou aggravation), une thyroïdite de Hashimoto,
Fig. 7.3 - Rate. Volumineuses plages de nécrose caséeuse (HES).
Fig. 7.4 - Rate. Reconstitution de nombreux granulomes épitlioïdes
et gigantocellulaires (HES).
Fig. 7.5 - Rate. Reconstitution de nombreux granulomes épithélioïdes
et gigantocellulaires (HES).
Fig. 7.6 - Ganglion de tuberculose du SIDA riche en BK (Taux de
CD4 : 15 / mm3). A titre de comparaison, pour montrer l’absence
de formation de granulome à ce stade sévère d’immunodépression.
80 Homa Adle-Biassette
Bulletin de la Division Française de l'AIP n°46 - Décembre 2007
Diagnostic de syndrome de restauration
immune
Critères diagnostiques du syndrome de restauration
immune
Ce diagnostic doit être évoqué devant l’association des
critères suivants :
- Apparition de manifestations cliniques, biologiques ou
m o rp h o l ogi ques a p r è s l ’ i n t rodu ction du traitement anti-
rétroviral chez un patient infecté par le VIH
- Manife s t ations non expliquées par un effet indésirable des
t r a i t e m e n t s , par une infection opportuniste ou commu n a u t a i r e
nouvellement acquise,par un échec du traitement d’une
i n f ection préalablement identifiée (résistance,
i n o b s e rva n c e , ) ou par l’évolution d’une infe c t i o n
préalablement identifiée
- Surve n ue de ces manife s t a tions dans un c o n t e x t e
d’efficacité du traitement anti-troviral :b a i s s e
significative de la charge virale VIH et (habituellement)
a u g m e n t a tion des ly m p h o c ytes CD4 en valeur absolue et/ou
en pourcentage.
• Arguments retenus dans le cas présenté
Le diagnostic de syndrome de re s t a u r ation immune a été re t e nu
devant :
- l’apparition d’une fièvre après l’administration d’anti-
rétroviraux avec aggravation des lésions initialement
psentes (augmentation des adénopathies et de la
splénomégalie avec apparition de nécrose)
- l’efficacité trapeutique des anti-rétrov i r aux avec une b a i s s e
de la charge virale (> 1 log) et une augmentation des
lymphocytes CD4+
- l’absence de manife s t a tion immu n o - a l l e rgi q u e ,d ’ i n fe c t i o n
opportuniste ou de lymphome.
Le traitement anti-tuberculeux a été efficace.
L’ e xamen anat o m o p at h o l ogique n’était pas “ i n d i s p e n s a bl e ”
au diagnostic mais il s’agit d’un des ra r es documents
h i s t o l o giques confi rmant la re s t a u r ation immune ave c
formation de granulomes “immunocompétents”.
Evolution du syndrome de restauration
immune
L’ é v olution du syndrome de re s t a u r ation immune est parfo i s
favorable mais peut nécessiter le recours à un traitement
“ ap p ro p ri é ” : soit un anti-infectieux adap t é , soit au contra i re
des anti-infl a m m at o i re s , en particulier une cort i c o t h é rap i e
qui peut être délétère en cas d’erreur diagnostique.
Le syndrome de restauration immune peut constituer un
c o f acteur de mortalité précoce des cohortes de pat i e n t s
t raités par des anti-rétrov i r aux dans des pays aux re s s o u rc e s
limités.
BIBLIOGRAPHIE
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