D O S S I E R HNPCC, définition, risques, dépistage HNPCC, definition, risks, depistage P. Laurent-Puig* LE SYNDROME HNPC : DÉFINITION ET RISQUES D eux syndromes ont été distingués, les syndromes de Lynch de type I et II. Le syndrome de Lynch de type I ou encore appelé Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer Site Specific (HNPCCSS) a été décrit comme l’association de plusieurs cancers du côlon dans une même famille, à l’exclusion d’autres cancers parmi les apparentés (OMIM 120 435). Ces cancers présentent des particularités cliniques. Ils sont plus fréquemment situés dans la partie droite du côlon, ils surviennent précocement, avant l’âge de 50 ans. Le syndrome de Lynch II (OMIM 12 043) associe au sein de la même famille des cancers du côlon à des cancers d’autres sites en particulier de l’endomètre. Ce syndrome de Lynch II est aussi appelé Cancer Family Syndrome (CFS). Il est important de noter, à ce stade, qu’il n’existe pas de définition clinique de ces syndromes ce qui a amené un groupe d’experts à définir des critères de reconnaissance des agrégations familiales afin de standardiser les études. Ces critères, dits d’Amsterdam sont les suivants : • Au moins trois sujets sont atteints d’un cancer du côlon dont un au moins est un apparenté au premier degré des deux autres. • Deux générations successives sont atteintes. • Un des cancers du côlon est survenu avant l’âge de 50 ans et une forme atténuée de polypose adénomateuse familiale a été éliminée. Les patients atteints de syndrome HNPCC ont un risque également plus élevé de développer d’autres cancers, en particulier de l’endomètre, mais également des adénocarcinomes d’autres organes : ovaire, estomac, intestin grêle, épithélium biliaire, voies urinaires excrétrices (tableau I). Des tumeurs cutanées et cérébrales ont été également rapportées dans des familles atteintes de syndrome HNPCC, qui portent alors respectivement les noms de syndromes de Muir-Torre et Turcot (7), sans qu’il s’agisse de prédispositions génétiques distinctes. En 1999, les critères d’Amsterdam ont été élargis pour intégrer ces cancers extracoliques à la définition clinique du syndrome HNPCC et sont devenus les critères d’Amsterdam II : au moins trois sujets atteints de cancers appartenant au spectre étroit du syndrome HNPCC (CCR, endomètre, intestin grêle, voies urinaires) et histologiquement prouvés ; unis deux à deux par un lien de parenté au premier degré sur deux générations ; un des cancers au moins s’étant révélé avant l’âge de 50 ans. La maladie est liée à la présence d’une mutation constitutionnelle sur l’un des gènes du système de réparation des mésappariements de l’ADN (gène MMR). Les deux principaux gènes impliqués sont * Hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris. La Lettre du Gynécologue - n° 294 - septembre 2004 Tableau I. Risques relatifs de tumeurs associées au syndrome HNPCC (d’après Olschwang et al. Bull Cancer 2004;91:303-15). Estomac Intestin grêle Système hépatobiliare Rein Uretère Ovaire 4,1-10,5 25-166,7 4,9-9,1 4,9-9,7 22-53 3,5-13 hMSH2 et hMLH1, plus rarement le gène hMSH6. Des données récentes permettent de préciser la fréquence des altérations de ces gènes MMR dans la population générale. Elle est estimée entre 1/2000 et 1/1000, ce qui fait du syndrome HNPCC une maladie génétique fréquente. Cette prédisposition au cancer du côlon peut s’accompagner d’autres manifestations, en particulier, il existe un risque important de cancer de l’endomètre. Les cancers se développant au cours de ce syndrome sont systématiquement de phénotype MSI+ ce qui permet la reconnaissance de ces formes familiales en cas de critères cliniques incomplets. Cependant, la recherche systématique, chez tous les malades atteints d’un CCR, d’une instabilité microsatellitaire par des techniques de biologie moléculaire n’est pas réalisable en pratique en raison d’un nombre important de faux positifs qui conduiraient à la recherche de mutation des gènes hMSH2 ou hMLH1 de façon inappropriée. En effet, plus de 90 % des CCR ayant un phénotype MSI+ surviennent dans un cadre sporadique. Une étude a montré que l’application de critères cliniques simples pour poser l’indication de la recherche d’une instabilité des microsatellites chez les sujets atteints de CCR permettait d’améliorer nettement l’efficacité de ce test de détection. La recherche de la présence d’une instabilité microsatellitaire peut être limitée, en effet, aux malades dont le cancer est survenu avant l’âge de 50 ans ou aux malades ayant un antécédent familial au premier degré d’un CCR ou de l’endomètre quel que soit l’âge de survenue ou aux malades présentant de multiples cancers appartenant au spectre des tumeurs se développant chez les sujets HNPCC. Dans cette série, 25 % des malades atteints de CCR répondaient à un de ces critères et 30% de ces derniers avaient un cancer MSI+. La recherche de mutations des gènes hMSH2 ou hMLH1 est alors réservée à ce sous-groupe de malades, soit 6% de l’ensemble des malades atteints par un CCR de cette série. Une mutation d’un des deux gènes hMSH2 ou hMLH1 a été identifiée chez 50% de ce sous-groupe de malades. Une expertise collective française a eu lieu en 2003 et a retenu comme indication d’un test MSI tous les malades ayant un cancer du côlon-rectum, de l’endomètre du grêle, de l’estomac, des ovaires, des voies biliaires et des voies urinaires excrétrices entre 40 et 60 ans, ou ayant un antécé15 D O S S I E R dent de cancer du côlon ou de l’endomètre au premier degré quel que soit l’âge de survenue de ce cancer. Dans ce syndrome, les risques cumulés au cours de l’existence pour le cancer du côlon sont de 80 % pour les hommes et de 50 % pour les femmes à l’âge de 80 ans. Le risque cumulé de cancer de l’endomètre est de l’ordre de 40 à 60 % à 80 ans. Les risques cumulés pour les autres cancers sont donnés dans la tableau II. INDICATIONS D’UNE CONSULTATION D’ONCOGÉNÉTIQUE DANS LE CADRE D’UN MALADE ATTEINT D’UN CANCER COLORECTAL L’indication d’une consultation d’oncogénétique pour un patient atteint de cancer sera retenue dans plusieurs situtations : – d’emblée en présence des critères d’Amsterdam II, que le groupe de l’expertise a proposé d’élargir à deux apparentés au premier degré au minimum, et non trois, afin de privilégier la sensibilité de détection de mutations des gènes MMR ; – aux sujets atteints d’un CCR avant 40 ans et/ou antécédent personnel de cancer colorectal ou de l’endomètre ; – aux sujets atteints d’un cancer MSI, dont l’âge au diagnostic rend peu vraisemblable une méthylation de l’ADN liée à la sénescence (c’est-à-dire diagnostic avant 60 ans) ; – aux sujets atteints d’un cancer MSI ayant un antécédent au premier degré de cancer du spectre large. Tableau II. Risques cumulés (%) à 70 ans de cancer des autres organes que le côlon ou le rectum (Olschwang et al. Bull Cancer 2004;91:303-15). Endomètre Ovaire Estomac Tractus biliaire Urothélium 40 à 60 % 10 à 12 % 13 à 15 % 8% 5% DÉPISTAGE Les conduites de dépistage sont guidées par la fréquence des risques. Le dépistage des tumeurs colorectales a fait la preuve de son efficacité chez les personnes à risque familial ; ce dépistage doit être réalisé par coloscopie, à débuter au plus tard à 25 ans, sans doute pas avant l’âge de 20 ans, et à répéter tous les deux ans. Le dépistage du cancer de l’utérus Concernant le dépistage du cancer de l’endomètre, la situation est moins claire que pour le cancer du côlon. En effet, nous ne disposons pas d’études permettant d’affirmer l’efficacité d’un dépistage. La mesure de l’épaisseur endométriale par échographie ou l’évaluation de la cavité utérine par hystéroscopie pourraient être proposées sur la base d’un rythme annuel à partir de 30 ans. Concernant les autres localisations, il n’y a pas de recommandations spécifiques. OLIGOBS Quadri 16 La Lettre du Gynécologue - n° 294 - septembre 2004