Optique Adaptative : Etudier Titan en Infrarouge Proche depuis la Terre.  M. Hirtzig1,2 , A. Coustenis2, E.
Gendron2, M. Combes2, P. Drossart1, A. Negrão2,3, O. Lai4, M. Hartung5 et P. Rannou3; 1Laboratoire de Plané-
tologie et Géodynamique (Université de Nantes), 2LESIA (Observatoire  de Meudon), 3Service d’Aéronomie
(Verrières), 4CFHT (Hawaii, USA), 5ESO (Garching, Germany).
Introduction:   Depuis  1992  [1],  l’Optique
Adaptative a permis aux astronomes de résoudre le
disque de Titan, plus gros satellite de Saturne, et seul
satellite du système solaire à disposer d’une atmos-
phère significative (1,5 bar de N2, majoritairement, et
2%  de  CH4).  A  partir  du  sol,  la  surface  et
l’atmosphère  de  Titan  peuvent  donc  être  étudiées
dans le proche infrarouge, où la succession de ban-
des  d’absorption  et  de  fenêtres  du  CH4  permet  de
sonder alternativement la stratosphère, la troposphère
ou la surface du satellite [2,3,4,5]. Au cours des huit
dernières années, nous avons acquis plusieurs séries
de données d’imagerie, de spectroscopie ou de spec-
tro-imagerie  avec  différents  instruments  :   PUEO
(CFHT  à  Mauna  Kea,  Hawaii,  USA)  et
NAOS/CONICA (VLT,  au  Cerro  Paranal,  Chili)  et
d’autre  part  OASIS,  Spectromètre  à  Intégrale  de
Champ  (installé  au  CFHT  puis  au  WHT).   La  der-
nière observation en janvier 2005 [5] coïncidait avec
la descente  de  la  sonde  Huygens vers la surface de
Titan  ;  cette  réalité-terrain  nous  permettra  de
contraindre toutes les autres observations, mais seule
l’Optique Adaptative nous fournira un suivi temporel
de  longue  durée  à  la  fin  de  la  mission Cassini,  en
attendant une utopique seconde mission  in situ vers
Saturne.
Depuis la Terre, en imagerie pure, l’utilisation de
filtres étroits permet d’obtenir des informations rela-
tives  à  des  altitudes  précises  dans  l’atmosphère  de
Titan  (allant  de  0  –surface-  à  200  km  d’altitude
–stratosphère-),  en  fonction  de  leur  position  par
rapport  aux  bandes  et  fenêtres  du  méthane.  Ceci
s’illustre  bien  sur  la  figure  suivante  en  bande  K
(images  NACO  de  janvier  2004)  :  nous  pouvons
observer la surface (2,00 µm), la troposphère (2,12
µm),  la  tropopause  (2,15  µm)  ou  la  stratosphère
(2,17 µm) de Titan.
Fig 1 : apparence de Titan avec NACO en fonction
de la longueur d’onde en 2002 [6]. La stratopause est
sondée  à  1,04µm  (avec  le  limbe  Nord  chargé  en
aérosols, le  limbe  Ouest  éclairé  par  le  soleil,  et  un
banc de brume au-dessus de l’hémisphère  Sud) ; la
surface est atteinte à 1,28µm (cf Fig. 3) ; enfin les
nuages  au  niveau  du  Pôle  Sud  apparaissent  à
2,12µm,  au  sein  d’un  limbe  Sud  brillant
(« sourire »).
Nous  utilisons  un  modèle  de  transfert  radiatif
pour obtenir ces valeurs d’altitude, et également des
valeurs d’albédo de surface à partir de l’albédo géo-
métrique  mesuré.  Ce  modèle  reprend  les  bases  du
modèle de C. P. McKay en considérant des aérosols
de forme fractale et non sphérique [7 ,8].
L’atmosphère,  opaque  mais  dynamique:
L’atmosphère de Titan a également été étudiée, et a
montré  quelques  phénomènes  intéressants  [6]  :
l’inversion de  l’asymétrie  Nord-Sud,  de  la  conden-
sation stratosphérique pendant la nuit et des nuages
convectifs au-dessus du Pôle Sud.
Phénomènes saisonniers : l’asymétrie Nord-Sud.
L’atmosphère  de  Titan  est  connue depuis  Voyager
pour être asymétrique : en 1980 l’hémisphère d’hiver
(au  nord)  brillait  en  infrarouge  à  cause  de  l’excès
d’aérosols qui peuvent plus facilement s’y condenser
(en revanche l’hémisphère d’été brille dans le visible
à  cause  de  la  diffusion  Rayleigh  par  le  méthane).
Cette asymétrie évolue donc en fonction des saisons
de Titan, et nous pouvons la mesurer grâce au suivi
des images atmosphériques sur les dernières années.
2  ans  après  l’équinoxe,  l’asymétrie  Nord-Sud  de
l’époque  (Sud  brillant  en  IR)  s’inversait  dans
l’infrarouge proche [9]. En 2000 et 2001 nous pou-
vions  détecter  cette  inversion  dans  les  hautes  cou-
ches  stratosphériques  jusqu’à  2  µm  [10].  Depuis
2004,  l’inversion  est  terminée,  en  avance  sur  les
modèles, avec un limbe nord brillant même dans la
troposphère [6].
Phénomènes diurnes.    Nous avons pu confirmer
la présence sur Titan d’effets plus subtils, comme le
« morning fog » détecté en 1998 [3], qui correspond
à des effets atmosphériques diurnes, avec la conden-
sation  nocturne  d’aérosols  dans  la  stratosphère  de
Titan. Plus  l’effet  de  phase  dû  au  Soleil  est  faible,
mieux  cet  effet  se  voit,  atteignant  parfois  20%  de
surbrillance du limbe Ouest en 2005.