Décembre 2012 Les associations font souvent référence à la règle des « quatre P » pour expliquer que les manifestations qu’elles organisent ne sont pas soumises à l’impôt. Mais attention à ne pas franchir la ligne blanche fiscale. L a règle dite des « quatre P » – Produit, Public, Prix, Publicité – résume le principe selon lequel les organismes à but non lucratif ne sont pas soumis aux impôts commerciaux. Ainsi, le seul fait qu’une association, sportive par exemple, intervienne dans un domaine d’activité où coexistent des entreprises du secteur marchand ne suffit pas à l’exposer à la fiscalisation de ses activités. Pour autant, le développement du secteur associatif et la variété des services et prestations proposées ont conduit l’administration fiscale à se L’associatif n’est pas soumis à l’impôt. pencher davantage sur la réalité du Jusqu’à un certain point… caractère non lucratif des organismes associatifs. Au-delà de la question récurrente de la concur- public aux activités proposées. Il doit notamment se distinrence avec le secteur marchand, se pose en effet la question guer par un montant nettement inférieur à celui pratiqué par le secteur marchand pour des activités similaires. Le de la similitude éventuelle des modalités de gestion. coût de la licence sportive répond à ce critère. Le fait que LES QUATRE P. Selon cette règle, quatre critères déterminent ce coût puisse être modulé en fonction de la situation des aujourd’hui si l’association exerce ou non une activité à but pratiquants (revenus, situation familiale) tend à confirmer lucratif dans des conditions similaires à celle d’une entreprise : le caractère non lucratif de l’activité de l’association. le « produit » proposé, le « public » bénéficiaire, les « prix » pratiqués et la « publicité » réalisée. Attention toutefois, ces PUBLICITÉ. Enfin, la « publicité » est un critère détermicritères ne sont pas cumulatifs mais contribuent à créer un fais- nant puisque le recours à des pratiques commerciales est ceau d’indices sur la nature réelle de l’activité de l’association. un indice du caractère lucratif des activités. Dès lors, une association qui aurait recours à des messages publicitaires PUBLIC ET PRODUIT. Les critères « public » et « produit » per- payants dans des journaux, sur Internet, à la radio ou par le mettent notamment d’apprécier le caractère d’utilité sociale biais de panneaux publicitaires pour démarcher de nouveaux de l’activité. Les associations intervenant dans des secteurs clients verrait son activité soumise aux impôts commerciaux. d’activité peu ou mal pris en compte par le marché ne seront Il en serait évidemment de même si elle avait recours à un pas imposées a priori sur leur activité, ou « produit ». Cet élé- réseau de commercialisation tel qu’une agence de voyage ment n’est cependant pas suffisant en lui-même pour justifier pour « vendre » ses séjours sportifs. une exonération. Encore faut-il que le « public » bénéficiaire En revanche, le fait d’avoir un site internet pour présenter soit en situation de fragilité économique et sociale. Par ailleurs, son offre d’activité, ou de diffuser un catalogue à ses adhéles excédents dégagés par l’activité doivent être affectés à la rents ou par le biais d’organismes sociaux n’est pas considéré réalisation de l’objet de l’association (achat de matériel néces- comme une démarche commerciale. Un site Internet apparaît saire à la pratique, organisation de manifestations sportives). ainsi comme un « vecteur normal de diffusion d’informations Si les excédents accumulés peuvent être temporairement mis pour un organisme sans but lucratif », que ce soit à destide côté afin de faire face à des besoins ultérieurs rentrant dans nation de ses adhérents ou de toute personne intéressée le champ de cet objet social, ils ne peuvent être « placés » en par ses activités. Concrètement, les associations sportives vue de faire des profits ou dépensés en des avantages maté- sont exonérées de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) pour les services rendus à leurs membres et ayant pour objet riels, pour les dirigeants du club par exemple. l’enseignement et la pratique de la discipline sportive, et/ PRIX. S’agissant du « prix », celui-ci est apprécié en fonction ou la mise à disposition du matériel, des équipements et des des efforts faits par l’association pour faciliter l’accès du installations nécessaires. Mais lorsque l’offre s’adresse à des Moto Club des Étangs juridique 16 Fiscalité des associations : la règle des quatre P en jeu une autre idée du sport ufolep n°4 tiers, il faut apprécier la situation au regard de la règle des « quatre P » : produit, public, prix et publicité proposés à ce public extérieur. sociétés les associations qui organisent des manifestations lucratives en tant qu’organisateurs de spectacles sportifs ou qui ont recours à des artistes et sportifs rémunérés. Dans ce cas, la perception de recettes publicitaires, de droits d’entrée, voire de droit de retransmission télévisée conduisent à la fiscalisation, à moins que la manifestation n’ait été réalisée avec le concours de collectivités locales (subvention, mise à disposition de personnels et de matériel) ou qu’elle n’ait le caractère de manifestation de soutien ou de bienfaisance (Téléthon par exemple). ● Laure Dubos FISCALISATION DES MANIFESTATIONS. S’agissant de l’impôt sur les sociétés, sont par principe exonérées les activités qui bénéficient déjà d’une exonération de la TVA. En fait, c’est ici la question de la fiscalisation des manifestations sportives qui se pose. Les manifestations « classiques » (courses, épreuves, championnats) qui rentrent dans l’objet de l’association bénéficient de l’exonération. L’appréciation sera plus complexe concernant les manifestations « grand public » qui supposent la mise en œuvre de pratiques commerciales : par exemple, sont soumises à l’impôt sur les (1) Retrouvez le texte intégral de l’arrêté et la quarantaine de fiches annexes pour chaque activité sur www.legifrance.gouv.fr Un arrêt rendu le 3 juillet 2012 par la cour administrative de Douai est venu rappeler que la règle des « quatre P » est susceptible d’être remise en cause par les services fiscaux de l’État, même si dans ce cas précis l’association concernée a été « relaxée » in extremis. Mais les associations Ufolep de sports mécaniques organisant des manifestations drainant un large public liront avec intérêt les attendus de cette décision. Voici les faits : une association de promotion de sports mécaniques (l’Association normande de tracteur pulling) organise chaque année une manifestation payante. L’utilisation, par cette dernière, de techniques commerciales avérées comme l’insertion d’encarts publicitaires dans la presse locale, la création d’un site internet pour présenter la manifestation, etc., a conduit l’administration fiscale à réclamer à l’association le paiement des impôts commerciaux afférents : TVA et taxe professionnelle (1). L’association a été condamnée, puis relaxée, puis condamnée de nouveau jusqu’à ce que l’affaire soit jugée par la cour administrative d’appel de Douai dont le jugement la relaxant sera cette fois-ci « sans appel ». La cour d’appel de Douai a notamment rappelé la législation en vigueur, selon laquelle les associations sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée et de la taxe professionnelle dès lors que « leur gestion présente un caractère désintéressé » et que « les services qu’elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d’attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ». La cour souligne également que, même dans le cas où l’association intervient dans un domaine d’activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, « l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée et de la taxe professionnelle » lui reste acquise si « elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s’adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, […] notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et, à tout le moins, des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes FTPF / T. Caplain Un arrêt de la cour administrative commerciales excédant les besoins de l’information du public sur les services qu’elle offre ». Pour appuyer sa décision, la cour considère également que la direction de l’association est assurée à titre bénévole, tout en relevant que « la manifestation annuelle organisée par l’association est accessible à tout public, moyennant l’acquittement d’un droit d’entrée, lequel s’élevait en 2009 à 17 euros par personne le samedi et à 16 euros le dimanche » et que celle-ci « fait l’objet d’une promotion publicitaire en utilisant des techniques de communication commerciale, comprenant des encarts dans la presse locale, la location de panneaux ou la création et l’entretien d’un site internet ». Cependant, « nonobstant le caractère commercial des modalités d’organisation de la manifestation, [celle-ci] reste néanmoins ponctuelle et atypique dans le domaine des sports mécaniques ». C’est pourquoi l’association, « dont les dirigeants sont des bénévoles, ne peut être assimilée, du fait de cette manifestation, à une activité à but lucratif ». De même, au regard de la spécificité du sport mécanique qu’est le tracteur pulling, la cour considère que « les services rendus au public par l’association ne sont pas offerts en concurrence, dans la même zone géographique d’attraction, avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ». Cette manifestation a quand même failli coûter très cher à l’association ! ● Michel Coeugniet Décembre 2012 Le tracteur pulling, un divertissement rural importé d’Amérique. (1) Les services fiscaux réclamaient une TVA de l’ordre de 715 € pour l’année 2007 et pour l’année 2008, une taxe professionnelle de 65 693 € pour la période allant du 1er janvier 2005 au 30 juin 2008, ainsi que la restitution de la somme de 1500 € à laquelle l’État avait été condamné en première instance. en jeu une autre idée du sport ufolep n°4 17