Détection in vitro des cellules circulantes dans le cancer

RECHERCHE Progrès en Urologie (1998), 8, 1058-1064
1058
Détection in vitro des cellules circulantes dans le cancer de la
prostate par immunocytochimie, cytométrie en flux
et RT-PCR PSA
Alexandre de la TAILLE (1, 4), Béatrice MUSCATELLI (1), Marc COLOMBEL (1), Hélène JOUAULT(2),
Serge AMSELLEM (3), Etienne MAZEMAN (4), Claude Clément ABBOU (1), Dominique CHOPIN (1)
(1) Groupe d’Etude des Tumeurs Urologiques, Service d’Urologie, (2) Service d’Hématologie,
(3) Service de Biochimie, Hôpital Henri Mondor, Créteil, France
(4) Clinique d’Urologie, CHR Lille, France
RESUME
Buts : Evaluer in vitro 3 méthodes de détection
(immunocytochimie, cytométrie en flux et RT-PCR
PSA) des cellules circulantes dans le cancer de pros-
tate à partir d’un modèle de dilution de LNCaP
(Lymph Node Cancer Prostate) dans des lympho-
cytes immortalisés.
Matériel et Méthodes : La comparaison in vitro des 3
techniques (immunocytochimie, cytométrie en flux,
RT-PCR PSA) a été réalisée à partir d’une gamme
de dilution de cellules LNCaP dans des lymphocytes
humains immortalisés (concentration allant de 1 cel-
lule LNCaP pour 100 lymphocytes à 1 cellule
LNCaP pour l00 millions de lymphocytes). Les cel-
lules ont été détectées par l’anticorps anti PSA (anti-
gène spécifique de prostate) et PAP (phosphatase
acide prostatique) en immunocytochimie, par l’anti-
corps anti pancytokératine couplé à un fluorescent
en cytométrie en flux et par RT-PCR PSA.
Résultats : Le seuil de détection a été de l cellule
LnCap pour 200 000 lymphocytes (1/2.105) pour
l’immunocytochimie, de l cellule LNCaP pour 1 000
lymphocytes (l/1.103) pour la cytométrie en flux et
de 1 cellule LN(laP pour l0 millions de lymphocytes
(l/107) pour la RT-PCR PSA.
Conclusion : La RT-PCR, par son seuil de détection
le plus sensible apparaît comme la méthode de choix
pour la détection de cellules épithéliales prosta-
tiques. L’avantage de l’immunocytologie est l’ap-
pr
oche quantitative. La cytométrie en flux se heur
te
au seuil de détection des appareils utilisés. La place
de la détection des cellules circulantes dans le can-
cer de prostate comme facteur pronostique reste à
clarifier. Cependant, leur détection et leur corréla-
tion avec la tumeur primitive aideront à com-
prendre le phénomène métastatique.
Mots clés : Antigène spécifique de prostate (PSA), phosphatase
acide prostatique (PAP), RT-PCR, diagnostic, cytométrie en flux,
cancer de prostate.
Progrès en Urologie (1998), 8, 1058-1064.
L’un des problèmes actuels du cancer de prostate est le
diagnostic des formes localement avancées difficile-
ment détectées par l’examen clinique ou la radiologie.
Ces formes sont observées dans 26 à 68% des pièces de
prostatectomies radicales [25, 28]. Cette extension est le
fait d’un envahissement de la capsule ou des vésicules
séminales [18]. Plusieurs algorithmes ont été proposés
afin de déterminer a priori le risque de dépassement des
limites anatomiques (pT3) avant prostatectomie, tel que
le taux préopératoire de l’antigène spécifique de prosta-
te (PSA), le grade selon Gleason sur les biopsies pros-
tatiques [25] ou le nombre de biopsies prostatiques
positives [26]. En 1994, K
ATZ
[15] met en évidence une
corrélation entre la présence de cellules circulantes
exprimant le PSA dans le sang périphérique par RT-
PCR (reverse transcription - polymerase chain reaction:
transcription de l’ARN en ADN complémentaire suivi
d’une réaction d’amplification génomique en chaîne) et
le stade anatomopathologique de la pièce opératoire.
Plusieurs équipes ont mis au point des techniques de
détection des cellules circulantes mais ne retrouvent pas
cette corrélation, ce qui peut être lié aux différences
entre les techniques utilisées (Tableau 1). Les résultats
contradictoires soulèvent le problème de la reproducti-
bilité du test de dépistage de cellules circulantes.
Le but de ce travail a été d’évaluer trois méthodes de
détection (immunocytochimie, cytométrie en flux et
RT-PCR PSA) des cellules circulantes à partir d’un
modèle in vitro afin de déterminer leurs seuils de détec
-
tion minimum respectifs et de discuter leurs avantages
et leurs inconvénients.
MATERIEL ET METHODES
Trois méthodes de détection ont été évaluées : l’immu-
nocytochimie, la cytométrie en flux et l’amplification
de l’ARN messager du PSA par RT-PCR. La comparai-
son de ces techniques a été évaluée à partir d’un modè-
Manuscrit reçu : juillet 1997, accepté : juin 1998.
Adresse pour correspondance : Professeur D.Chopin, Service d’Urologie, CHU
Henri Mondor, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 94010 Créteil Cedex.
1059
le in vitrode gamme de dilution de cellules LNCaP,
(lignée cellulaire immortalisée issue d’une adénopathie
métastatique d’un cancer de prostate hormonosensible
exprimant l’antigène spécifique de prostate (PSA)),
dans un nombre connu de lymphocytes humains
immortalisés témoins (obtenus à partir d’une femme
indemne de toutes pathologies tumorales). Les concen-
trations testées ont été l cellule LNCaP pour 100, 200,
1 000, 2 000, 10 000, 20 000, 100 000, 200 000, 1 000
000, 2 000 000, 10 000 000 lymphocytes témoins (soit
des concentrations allant de 1/10
2
à 1/10
7
. Pour chaque
point de la gamme, la quantité désirée de LNCaP a été
ajoutée à 20 millions de lymphocytes. Pour contrôle, un
aliquot contenant seulement 20 millions de lympho-
cytes a été testé. L’expérience a été renouvelée à trois
reprises et les différents points de la gamme réalisés ont
servi en parallèle aux 3 méthodes.
Immunocytochimie
Les cellules des différent aliquots ont é cytocentrifu-
es sur lame. Cinq lames ont été réalies pour chaque
aliquot avec un total de 400 000 cellules par lame. Selon
le protocole standard d’immunohistochimie, les cellules
ont é marquées par les anticorps anti PSA (anti-PSA
monoclonal M 0750, Dako Corp) et anti phosphatase
acide prostatique (anti PAP monoclonal, M 0792 Dako
Corp). La lecture a é réalisée au microscope optique au
grossissement x200 puis xl000. Les cellules positives ont
é comptées puis rapportées au nombre total de cellules
cytocentrifues sur la lame.
Cytométrie en flux
Les cellules des différents aliquots constituant chaque
point de la gamme ont été immunomarquées, après
fixation par une solution de formaldéhyde 4%, en sus-
pension par l’anticorps anti-pancytokératine couplé à la
fluorescéine (anti cytokératine - FITC, FO859, Dako
Corp). Chaque suspension cellulaire a été analysée par
le cytomètre en flux, Epics Profile II Coulter, appareil
dont le seuil minimum de détection établi par le
constructeur est de 1 cellule marquée pour l000 cellules
non marquées. Par cet appareil étaient étudiées en
parallèle la positivité du marquage mais aussi la taille
des cellules (les cellules
LNCaP
ayant une taille 2 à 4
fois supérieure aux lymphocytes). Cet artifice a permis
un double contrôle des résultats. L’appareil a représen-
té son analyse par un diagramme à 4 cases : la case 1
correspondant aux cellules de petite taille immunomar-
quées à la fluorescéine (faux positif : lymphocyte mar-
qué), la 2 aux cellules de grande taille immunomar-
quées (vrai positif :
LNCaP
marquée), la 3 aux cellules
de petite taille non immunomarquées (vrai négatif :
lymphocyte non marqué) et la 4 aux cellules de grande
taille non immunomarquées (faux négatif : LnCap non
marqué).
RT-PCR PSA
Les ARN des cellules des différents aliquots de la
gamme ont été extraits par le kit ARNplus (Gibco)
selon les recommandations du fabricant. Après quanti-
Tableau 1. Résultats présentés dans la littérature de la RT-PCR dans la détection des cellules circulantes (hyb* : utilisation de
sonde radioactive).
Méthode Seuil pT1-2 pT3-4 pM+ Témoins
Moreno [21] RT-PCR PSA 4/12 (33%) 0/17 (0%)
Jaakola [14] Nested RT-PCR PSA 1,6 1069,18 (50%) 0/18 (0%)
Olsson [24] RT-PCR PSA 1/10610/92 (10%) 34/46 (74%) p=0,001 16/20 (80%) 0/40 (0%)
Israeli [13] Nested RT-PCR PSM 1/10613/18 (72%) 9/15 (60%) NS 16/24 (66%) 2/38 (5%)
Nested RT-PCR PSA 1/1060/18 (0%) 1/15 (6%) NS 6/24 (25%) 1/40 (2,5%)
Seiden [29] Nested RT-PCR PSA 10 cell/ml 5/65 (7%) 11/35 (31%) 0/14 (0%)
Ghossein [8] RT-PCR PSA 1/1064/25 (16%) 3/10 (30%) NS 25/72 (34%) 0/27 (0%)
Loric [17] Nested RT-PCR PSM 1/1066/17 (35%) 28/33 (85%) 0%
Su [31] Nested RT-PCR PSA NP 4/11 (39%) 10/25 (42%) NS
Wood [34] RT-PCR PSA NP 13/41 (32%) 25/38 (66%) NS
Sokoloff [30] RT-PCR PSA 1/10730/51 (59%) 13/18 (72%) NS 23/33 (88%) 2/19 (11%)
Thiounn [32] RT-PCR PSA Hyb* 1/1064/29 (13%) 6/17 (35%) NS 17/145 (11%)
de Cremoux [2] Nested RT-PCR PSA NP 3/14 (21%) 3/15 (20%) NS
Ellis [3] RT-PCR PSA NP 13/75 (17%) 10/46 (21%) NS
Grasso [10] Nested RT-PCR PSA + PSM NP 15/40 (37%) 22/27 (81%) p=0,001 11/11 (100%) 0/35 (0%)
A. de la Taille et coll., Progrès en Urologie (1998), 8, 1058-1064
fication (par densité optique) et vérification de la quali-
té des ARN par migration sur gel d’agarose à 1%, 2 µg
d’ARN total a été retranscrit en ADN complémentaire
(ADNc) par l’enzyme Superscript II (Gibco BRL) selon
le protocole préconisé par le fabricant au moyen
d’héxanucléotides. La réaction de PCR a ensuite été
réalisée avec un couple d’amorces (sens : CTG CAT
CAG GAA CAA AAG CGT; antisens : CAC CTT CTG
AGG GTG AAC TTG). Un cinquième du volume total
d’ADN complémentaire a été ajouté à la solution de
PCR de 50 µg final (10 mM de Tris HCI, 50 mM de
Kcl, 1.5 mM de MgC12, 2 µl d’une concentration de 25
picoM de chaque amorce, 5 µl d’une solution de dNTP
à 2 mM et 0.05 U de Taq polymérase, Promega). La
température théorique d’adhésion (Td) entre les
amorces et l’ADNc a été calculée pour ce couple
d’amorce. Les cycles de PCR ont été de 94°C pendant 5
mn, 40 cycles (94°C 1 mn, 58°C 1 mn, 72 °C 1 mn 30
sec) et 15 mn à 72 °C. Un contrôle interne a été réalisé
par lamplification de la béta2 microglobuline (35
cycles, 55°C). Les produits d’amplification étaient
visualisés sur un gel d’agarose à 2%. La réaction a été
considérée comme positive si la bande visualisée sur le
gel était de 398 paires de bases (taille du fragment
amplifié). La réalisation d’un Southern blot avec hybri-
dation par un oligonucléotide interne de l’ADNc (TGA
ACC AGA GGA GTT CTT GAC) a permis de vérifier
l’exactitude des résultats vus sur le gel.
RESULTATS
Les résultats ont été rapportés en fonction de la métho-
de de détection utilisée.
Immunocytochimie
Sur la gamme de cellules
LNCaP
diluées dans des lym-
phocytes témoins, le seuil le plus faible a été de 1
LNCaP
pour 200 000 lymphocytes ( 1/2.105).
Cytométrie en flux
Le cytomètre de flux n’a permis de détecter qu’une cel-
lule
LNCaP
pour 1000 autres cellules non marquées
par l’anticorps antipancytokératine couplé à la fluores-
céine (1/103) ce qui a été le seuil de détection de la
machine selon le fabricant.
RT-PCR PSA
Le seuil de détection a été de l cellule
LNCaP
diluée
dans 10 000 000 lymphocytes témoins (1/107). Les
contrôles (lymphocytes témoins et contrôle de PCR)
ont été négatifs. L’amplification par les amorces du
gène ubiquitaire béta 2 microglobuline a été positive
pour tous les cas. Le contrôle par Southern blot a
confirmé les résultats visualisés sur le gel (Figure 1).
DISCUSSION
La notion et la recherche de cellules circulantes sont
anciennes. En 1979, HARTY démontrait que lors d’une
résection de prostate pour adénome, il existe des cel-
lules circulantes [11]. La méthode de détection était
basée sur la filtration de la suspension cellulaire obte-
nue après gradient de centrifugation puis étalement sur
lame. Ils retrouvaient des cellules n’appartenant pas
aux lignées sanguines habituelles, suspectes, ressem-
blant aux cellules de culture de cancer de prostate. Ces
cellules étaient absentes avant la résection et présentes
pendant. Le faible seuil de sensibilité des méthodes uti-
lisées ont fait abandonner cette voie de recherche jus-
quà lapparition danticorps plus spécifiques, de
méthodes de révélation supérieures, et plus récemment
par la biologie moléculaire : la RT-PCR.
Le seuil de détection préconisé dans toutes les études
portant sur la détection des cellules circulantes dans le
cancer de prostate (l cellule LNCaP pour 1 million de
lymphocytes) est fondé sur une étude expérimentale
qui étudiait le nombre minimum de cellules à injecter à
une souris pour obtenir une métastase et notait qu’une
métastase osseuse d’un cancer de prostate pourrait
générer 10000 cellules dans le sang périphérique, soit 2
cellules par ml de sang, soit 1 cellule pour 106lym-
phocytes [6].
Concernant les résultats obtenus par immunocytochi-
mie, nos protocoles de détection peuvent être comparés
à ceux utilisés pour la détection de micrométastases
dans la moelle osseuse. Pour WOOD [33], le seuil de
détection théorique de cellules PSA positives dans la
moelle en immunocytochimie est de 1/104et peut être
abaissé à 2/106par utilisation de 3 anticorps (anti PSA,
anti PAP et anti cytokératine) sur la même lame. Par
rapport aux études de WOOD, nous avons étudié seule-
ment 400 000 cellules par lame sur 5 lames (contre 1
million) et nous nous sommes à limités un seul anti-
1060
Figure 1. Résultat de RT-PCR PSA sur gel d’agarose à partir
d’une gamme de dilution de cellules
LNCaP
dans des lym -
phocytes humains immortalisés : seuil obtenu 1/10 000 000.
A. de la Taille et coll., Progrès en Urologie (1998), 8, 1058-1064
corps contre le PSA ou le PAP par lame. Il n’a pas été
détecté de cellules positives sur la lame témoin (sans
LnCap). L’avantage de cette technique est l’approche
aisée de la quantification des cellules circulantes. Deux
communications au congrès de l’AUA 1998 rapportent
la comparaison sur une série de patients de l’immuno-
cytochimie et de la RT-PCR PSA [1, 22]. Les seuils de
détection des 2 méthodes étaient proches : 1/5.106pour
la RT-PCR PSA et 1/8.106pour l’immunocytochimie.
Sur 86 patients atteints d’un cancer de prostate, 19
étaient positifs par RT-PCR PSA (dont 17 sur 19 posi-
tifs aussi par immunocytochimie) et 23 par immunocy-
tochimie (dont 17 sur 23 positifs par RT-PCR PSA).
Cependant, par immunocytochimie ou par RT-PCR
PSA, les auteurs ne trouvent pas de corrélation avec le
stade anatomopathologique de la tumeur.
En cytométrie en flux, le seuil de détection maximal
attendu ne pouvait pas dépasser celui de la machine et
il a été atteint. L’avantage de la cytométrie en flux était
la possibilité de compter de façon reproductible et
fiable les échantillons cellulaires des patients et d’envi-
sager un tri cellulaire. Les deux inconvénients étaient le
faible seuil de détection de l’appareil et, d’après la lit-
térature, la possibilité de faux positifs. Sur une étude de
12 patients atteints d’un cancer de prostate non traité, 9
étaient positifs en CMF contre 1 seulement par RT-PCR
PSA [5]. WOOD [33] a étudié 40 patients atteints d’un
adénocarcinome prostatique dont 25 présentaient des
métastases à la scintigraphie, par détection de cellules
marquées par un anticorps anti-PSA. 83% de leurs
malades avaient des cellules positives dont 100% des
patients atteints de cancer métastatique. Ce pourcenta-
ge était nettement supérieur à celui obtenu par RT-PCR,
méthode beaucoup plus spécifique que la CMF.Les
hypothèses avancées pour tenter d’expliquer ces résul-
tats sont soit une mauvaise spécificité de l’anticorps,
soit des anticorps spécifiques mais détectant à la fois
les cellules circulantes et des monocytes ayant phago-
cyté des cellules PSA positives ou du PSA libre
sérique. Les anticorps anti-PSA donnant lieu à des faux
positifs en cytométrie en flux étaient des anticorps
polyclonaux différents de ceux que nous avions utilisés
pour l’immunocytochimie. Pour la cytométrie en flux,
nous avions donc choisi un anticorps, certes non spéci-
fique de la cellule prostatique, mais spécifique des cel-
lules épithéliales, dirigé contre les cytokératines.
Découverte par MULLIS en 1985 [23], la RT-PCR est,
dans la littérature, une méthode sensible et spécifique
pour la détection des cellules circulantes. En 1992,
dans une étude originale, MORENO [21] a ainsi identifié
des cellules circulantes par détection des ARN messa-
gers du PSA chez des patients atteints de cancer méta-
statique. En 1994, sur 65 patients ayant une indication
de prostatectomie radicale pour cancer cliniquement
localisé, KATZ a mis en évidence que la présence de ces
cellules est statistiquement corrélée à un stade extra
prostatique du cancer [15]. Ces résultats n’ont cessé
d’être confirmés par la poursuite du travail et l’aug-
mentation du nombre de patients [24]. La spécificité du
test en cas de pénétration capsulaire a été de 84%.
Cette méthode de détection permettait d’entrevoir la
RT-PCR PSA comme un outil de stadification et donc
une application en routine. Il n’existe actuellement
qu’une seule discipline médicale utilisant la PCR en
routine : l’hématologie pour la détection de maladie
résiduelle sur cytophérèse dans les leucémies myé-
loïdes chroniques par recherche d’une mutation du
chromosome de Philadelphie [19].
Notre choix d’amorces du PSA repose sur le modèle de
KATZ qui n’obtenait aucun faux positifs [15] contraire-
ment aux études d’ISRAELI [12, 13] utilisant le PSM
(ayant 54% d’homologie avec le gène du récepteur de
la transferrine). La positivité du test observé dans les
études d’ISRAELI n’est probablement pas liée à l’homo-
logie de séquence entre le PSM et le récepteur de la
transferrine mais plutôt à la détection de cellules expri-
mant le gène PSM et n’étant pas des cellules prosta-
tiques.
Le PSA [16] fut d’abord considéré comme non spéci-
fique d’un organe mais récemment, par PCR, plusieurs
études sont en faveur du caractère non spécifique du
PSA. Par immunologie (anticorps anti-PSA), le PSA
est présent dans les glandes périuréthrales, dans 30%
des tumeurs du sein [20], dans les tumeurs du poumon,
du côlon, de l’ovaire [35], du foie, du rein, de la paro-
tide, des glandes salivaires, dans le liquide amniotique
[36] et dans le lait maternel [37]. Par RT-PCR, le tissu
mammaire normal [35] et le tissu endométrial expri-
ment des ARN messagers du PSA. YU[35] suppose
que tous les tissus possédant des récepteurs aux sté-
roïdes peuvent produire du PSA. Cependant leur taux
d’expression est très faible et seules des méthodes
hypersensibles peuvent le détecter.
Mais le nombre de cellules circulantes prostatiques est
faible et nécessite l’utilisation de ces méthodes hyper-
sensibles (nested PCR, hybridation par sonde radioac-
tive...) et donc expose au risque de faux positifs liés
soit à une détection de cellules exprimant ce gène soit
à une transcription illégitime. La transcription illégiti-
me est une expression à bas bruit par toutes les cellules
de tous les gènes (alors détectés lors de l’utilisation de
méthodes hypersensibles) ou une expression aléatoire
par 1 cellule du gène étudié rendant la réaction de PCR
positive. L’utilisation de la RT-PCR, dans la détection
des évènements rares que sont les cellules circulantes,
doit donc être suffisamment sensible pour les détecter
mais pas trop, risquant de s’exposer à une amplifica-
tion non contrôlée de gènes «contaminants».
Labsence d’homogéité des résultats des patients ayant
un cancer stade pT1-2 et pT3-4 peut s’expliquer par les
d i f férences de techniques utilisées (en particulier le seuil
1061
A. de la Taille et coll., Progrès en Urologie (1998), 8, 1058-1064
detection) ou par la différence détudes des pièces
d ’ a n a t o m o p a t h o l o g i e . En effet, une des explications peut
être une sous-stadification anatomopathologique le à
une analyse parcellaire de la pièce de prostatectomie
(obligatoire car létude complète de la prostate nest pas
possible) et dont la recoupe de la pièce permettrait de
redresser le diagnostic. R
AV E RY
[27] ayant étudié les
patients avec une tumeur localie à la prostate et pré-
sentant une récidive biologique, a montré que la recou-
pe de la pièce permettait de trouver des franchissements
capsulaires ou des marges chirurgicales dans 6 cas sur 7.
Cette hypothèse est d’autant plus intéressante que récem-
ment 2 études réalies dans deux centres différents et
avec 2 techniques différentes démontrent que la présen-
ce de cellules circulantes en préopératoire est corrée à
la récidive biologique [9, 24].
Reste encore une interrogation sur les différences de
résultats des études sur la RT-PCR PSA. Pourquoi l’en-
semble des patients ayant un cancer au stade métasta-
tique ne sont-ils pas tous positifs (surtout si l’hypothè-
se de cellules circulantes comme cellules à haut poten-
tiel métastatique est envisagée). Comme l’illustre le
Tableau 1, certaines séries en détectent 100% contre
25% pour d’autres. Vrais positifs ou faux négatifs?
Plusieurs explications sont envisageables :
- La quantité de sang prélevée est le reflet d’un instant
t. Le nombre de cellules n’est peut-être pas constant
dans le temps et il pourrait exister des bolus, sorte de
«cellulémie» comme il existe des bactériémies.
- Une quantité de 5 ml de sang ne représente que 0.1%
du volume sanguin total. S’il existe 1000 cellules en
circulation, avec une technique de détection de 1 cellu-
le pour 5 ml, il n’y a que 70% de chance d’obtenir un
résultat positif selon la distribution de POISSON [21].
- Si les cellules circulantes étaient potentiellement des
cellules métastatiques, elles devraient être les cellules
les plus aggressives avec une différenciation faible.Or,
les cellules indifférenciées sécrètent moins de PSA [4,
7] d’où un pourcentage de patients restant négatifs.
- La dégradation des ARN lors des manipulations, la
perte cellulaire lors du gradient de concentration et
toutes les étapes de la technique de RT-PCR sont
causes de faux négatifs.
CONCLUSION
Trois méthodes de détection de cellules circulantes ont
été évaluées. La RT-PCR apparaît comme une métho-
de sensible et spécifique pour la détection des cellules
circulantes dans le cancer de prostate. Reste à définir
la place de ces cellules dans l’histoire naturelle du
cancer et l’implication clinique en pratique quotidien-
ne de la détection de cellules circulantes par RT-PCR.
Aucune série n’a pour le moment démontré que la pré-
sence de cellules circulantes ou de micrométastases est
un facteur devant influencer la décision thérapeutique.
Il semble nécessaire de poursuivre l’évaluation de
cette technique qui présente un intérêt théorique cer-
tain. La comparaison des différentes techniques nous
semble être le seul moyen de mener à bien cette éva-
luation.
Remerciements
Nous remercions le Docteur François RADVANYI de l’Institut
Curie pour son aide dans le choix des primers PSA et dans la
réalisation des hybridations par sondes internes.
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