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Le microbiote : un allié dans la lutte
contre l'obésité?
PUBLIÉ LE VENDREDI 25 SEPTEMBRE 2015 | Mis à jour le dimanche 27 septembre 2015
Photo : IS / iStock
L'épidémie mondiale d'obésité est souvent liée à une alimentation trop riche en sucre et
en graisses, à un manque d'activité physique et à des facteurs génétiques. Un nouveau
joueur s'impose maintenant dans l'équation complexe des maladies métaboliques : le
microbiote intestinal.
Un texte de Marianne Desautels-Marissal d'après un reportage de Mario Masson
Dès 2006, les scientifiques transforment nos connaissances sur l'obésité : ils ont fait grossir des souris
minces simplement en leur transplantant le microbiote intestinal de souris obèses.
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À l'inverse, ils ont montré qu'en remplaçant le microbiote intestinal d'une souris obèse avec celui d'une souris
mince, la souris obèse voyait son gain de poids freiné. Et ses risques de développer des maladies associées
à l'obésité, comme le diabète de type deux, diminué.
Ces résultats pour le moins surprenants ont montré que les bactéries intestinales peuvent influencer la façon
dont les graisses sont stockées par l'organisme.
Une question de diversité
Pour mieux comprendre ce phénomène, plusieurs chercheurs ont entrepris la comparaison des microbiotes
intestinaux de personnes minces et de personnes vivant avec un excès de poids.
Résultat : dans la majorité des cas, les personnes obèses ont un microbiote moins diversifié. Elles ont autant
de bactéries en nombre absolu, mais leur microbiote comporte moins d'espèces différentes.
Les personnes avec une diversité microbienne plus faible ont plus de risques de développer des maladies
métaboliques, comme un excès de cholestérol ou le diabète, et sont aussi à risque de développer des
maladies hépatiques ou cardiovasculaires.
Cependant, ces corrélations ne nous disent pas si les déséquilibres du microbiote causent l'obésité, ou s'ils
apparaissent en réponse à une mauvaise alimentation, ou en présence de prédispositions génétiques. Et
comme rien n'est simple, en regard des conditions comme l'obésité et les maladies métaboliques, tout porte à
croire que ces facteurs peuvent agir les uns sur les autres, dans une cascade sophistiquée.
Une bactérie qui vous veut du bien
Malgré la complexité effarante de ce monde microbien, les progrès des dernières années sont prometteurs.
Une des vedettes de l'heure est une bactérie qui se nomme Akkermansia muciniphila. Son nom vient du mot
mucine, qui désigne une protéine que l'on retrouve dans le mucus.
Le mucus, première ligne de défense de l'intestin
La couche de mucus qui recouvre les cellules de l'intestin est un gage de santé : elle agit comme une
barrière qui garde les bactéries à distance, et qui facilite l'expulsion des matières fécales.
Quand cette barrière est fragilisée, elle est plus mince, et les bactéries se rapprochent de la paroi
intestinale. Le système immunitaire peut être stimulé par cette proximité, ce qui entraîne une
inflammation de bas grade : un facteur associé à l'obésité, au diabète et au syndrome métabolique. Des
molécules bactériennes qui restent habituellement dans l'intestin peuvent aussi passer plus facilement
dans la circulation sanguine.
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Patrice Cani, chercheur en microbiologie à l'Université Catholique de Louvain en Belgique, connaît bien
Akkermansia. Quand il la donne à des souris qui suivent une diète « fast food », riche en graisses et en
sucres, elles prennent deux fois moins de poids que des souris qui n'ont pas reçu la bactérie.
Le lien avec le mucus? Akkermansia s'en nourrit, et il semblerait qu'elle envoie des signaux aux cellules de
l'intestin pour en fabriquer davantage. La barrière de mucus est ainsi de meilleure qualité.
Le microbiote des personnes obèses et souffrant de diabète de type deux comporte moins d'Akkermansia
muciniphila. « On a découvert que lors d'un régime riche en graisse, l'épaisseur de cette couche de mucus
est diminuée », explique Patrice Cani. Le chercheur tente d'élaborer des formules bactériennes qui pourraient
aider les personnes en surpoids à maigrir, mais aussi à limiter les dégâts métaboliques liés à leur condition,
comme la résistance à l'insuline.
Mais comment favoriser la multiplication de cette bactérie bénéfique?
Le reportage de Mario Masson, réalisé par Jeannita Richard, est diffusé à l'émission Découverte le
dimanche 27 septembre à 18 h 30 sur ICI Radio-Canada Télé.
Petits fruits à la rescousse
André Marette, chercheur à la faculté de médecine de l'Université Laval et directeur scientifique de l'Institut
sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF), a obtenu des résultats convaincants avec de l'extrait de
canneberges.
« Les animaux qui développent normalement de l'obésité suite à ce régime [riche en gras et en sucre], si on
leur donne en même temps des extraits de canneberges pendant huit semaines, on prévient totalement l'effet
obésogène de cette diète fast food », explique-t-il.
André Marette utilise les petits fruits comme prébiotiques. Il pense que les polyphénols, des molécules
antioxydantes contenues dans ces petits fruits, peuvent stimuler la multiplication de bactéries bénéfiques,
comme Akkermansia Muciniphila.
Les premiers résultats des études avec des extraits de petits fruits qu'André Marette a réalisées sur des
humains sont très prometteurs. Des individus obèses ayant été traités pendant six semaines avec un extrait
de canneberges et de fraises ont obtenu une amélioration de leur sensibilité à l'insuline, par rapport à des
personnes ayant reçu un placebo.
Encore une fois, les mécanismes précis de l'implication du microbiote doivent être mieux étudiés. Mais André
Marette et Patrice Cani sont persuadés d'une chose : en plus des habitudes alimentaires, la composition du
microbiote doit être prise en compte dans la prévention de l'obésité et des maladies qui en découlent.
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Peut-on améliorer notre microbiote?
Telle une empreinte digitale, le microbiote constitue une signature toute personnelle, car il n'y a pas deux
microbiotes identiques. C'est aussi pour cette raison qu'une recette unique pour améliorer le microbiote
n'existe pas.
Comme avec les groupes sanguins, on peut classer les individus selon trois grands groupes : les
entérotypes. Il s'agit d'un moyen pour les scientifiques de relier certains types de microbiotes à des habitudes
alimentaires précises.
Pour voir la vidéo sur votre appareil mobile, .
On sait qu'en administrant un régime riche en protéines, en fibres et en glucides complexes, à faible index
glycémique, les personnes avec un microbiote « pauvre » voient leur diversité bactérienne bonifiée de 30 %.
Et le microbiote réagit vite : on observe des changements dans sa composition seulement quelques jours
après le début d'un changement alimentaire. En contrepartie, cela implique que des habitudes saines doivent
être maintenues, afin que le microbiote continue d'en bénéficier. « On ne peut pas dire qu'on va changer le
microbiote du jour au lendemain et ne plus rien faire, il faut continuer à bien manger, à prendre soin de son
microbiote », prescrit André Marette.
Place aux probiotiques
Autre façon d'aider le microbiote : l'utilisation des « probiotiques », des micro-organismes vivants, comme
certaines souches de la bactérie lactobacillus casei, que l'on trouve dans les yogourts. Certains fabricants de
yogourts aimeraient ajouter des appellations santé sur leurs produits, mais la méfiance s'impose.
Car tous les probiotiques ne sont pas égaux en qualité, malgré ce qu'en dit la publicité.
« Certains produits, donc certaines souches de probiotiques sont très bien documentées au niveau
scientifique. Et puis d'autres produits apparaissent sur le marché sans nécessairement avoir une
documentation scientifique robuste et essaient peut-être de profiter du fait que les probiotiques ont une
reconnaissance globale et que le consommateur n'a pas cette vision fine sur la documentation scientifique
qui permet d'étayer les effets "santé" », affirme Joël Doré, directeur de recherche INRA, en France.
Une question de biodiversité
Une constante revient : la diversité semble être la clé. Comme pour tout écosystème, la richesse de notre
microbiote réside dans la variété de ses populations bactériennes. En attendant d'en savoir un peu plus à
propos des bactéries qui nous habitent, les considérer comme une partie de notre identité est probablement
une bonne façon... de se maintenir en santé!
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