VIANDE INFORMATION 1
De la viande rouge et de la viande blanche
Dr. sc. nat. P. Colombani, SwissFIR, Consumer Behavior, EPF Zurich
VIANDE INFORMATION
1-2011
Dans le domaine de l’alimentation, on aime comparer deux denrées alimentaires ou deux substances nutritives. Les questions
de savoir qui du beurre ou de la margarine est plus sain ou qui des graisses animales ou végétales sont plus saines, sont
ici des parachutes dorés. La comparaison entre la viande rouge et la viande blanche entre également dans cette catégorie.
Simplement: qu’est-ce que la viande rouge et la viande blanche, et quelle est l’importance de telles comparaisons?
Viande rouge et viande blanche:
à la recherche d’une dé nition
La législation réglemente de nombreux
aspects de la sécurité alimentaire et
du commerce de denrées alimentaires,
et dé nit par conséquent aussi un grand
nombre d’aliments. Toutefois, les textes
de loi concernant la viande sont souvent
incolores au sens le plus strict du terme.
Ni l’Ordonnance suisse du Département
f
édéral de l’intérieur sur les denrées
alimentaires d’origine animale, ni les
ordonnances correspondantes de la
Commission européenne ne donnent une
dé nition claire et colorée de la viande.
Une ordonnance suisse dé nissant les
notions de «viande rouge» et de «viande
blanche» est intéressante, mais une dé-
nition correcte n’existe pas et le porc
occupe d’une manière ou d’une autre une
position schizophrène. L’art. 15 de l’Or-
donnance sur le bétail de boucherie, le
«Contingent tarifaire n° 6 ‹viande blanche›
(produite principalement à partir d’ali-
ments concentrés)», décrit la répartition
des contingents notamment en divers
jambons, produits de charcuterie, viande
de porc en demi-carcasses et viande de
volaille.
1 Le porc  gure également dans
l’art. 14 «Contingent tarifaire n° 5 ‹viande
rouge› (produite principalement à partir
de fourrage)», mais cette fois uniquement
pour ses abats (sont énumérés par ailleurs
ici le bœuf, le veau, le cheval, le mouton
et la chèvre).
Parallèlement à la législation, diverses
associations spécialisées et organisation
s
internationales se penchent également
sur la standardisation et la dénomination
des denrées alimentaires. En l’occurrence,
l’un des objectifs essentiels est que
tous
comprennent la même chose sous une
notion bien dé nie, et le groupement des
denrées alimentaires joue ici un rôle cen-
tral. Actuellement, l’Autorité européenne
de sécurité des aliments EFSA à Parme
possède même un groupe de travail ap-
pelé
Food Classi cation, qui discute
du groupement des denrées alimentaires.
Ceci indique clairement qu’il n’existe
encore aucun consensus sur les groupes
d’aliments à l’échelle internationale. Un
coup d’œil sur les différents catalogues
relatifs au groupement des denrées ali-
mentaires le con rme: ils contiennent tou
s
un nombre variable de groupes et de
sous-groupes de denrées alimentaires,
qui font d’ailleurs l’objet de dé nitions
différentes. Il n’existe aucun consensus
non plus en ce qui concerne la viande.
Tandis que dans certains catalogues  gure
un sous-groupement «viande rouge»
(p. ex. EuroFIR, European Food
Groups),
celui-ci est absent de la plupart des
catalogues (p. ex. Codex Alimentarius,
EFSA Concise European Food Consump-
nition
correcte
n existe
pas
et
le
por
o
ccupe d’une mani
è
re ou d’une autre
p
osition schizophr
è
ne. L’art. 15 de l’
O
VIANDE INFORMATION 3
tion Database, GS1 Global Product Clas-
si cation) et le terme «viande blanche»
n’apparaît non plus quasiment nulle part.
La situation dans les bases de données
nutritionnelles est identique. Dans
certaines bases de données actuelles,
on trouve un sous-groupe «viande
rouge» (p. ex. France, Suède, Suisse),
tandis que d’autres s’en passent com-
plètement (p. ex. Danemark, Finlande).
Dans quelle mesure une répartition
entre viande rouge et viande
blanche est-elle judicieuse?
Le groupement «viande rouge» est sou-
vent utilisé en lien avec l’appréciation
de la viande par rapport à ses répercus-
sions sur la santé – et ce, malgré
l’absence d’une dé nition reconnue.
En l’occurrence, on établit des distinc-
tions entre la viande «non rouge» et/
ou
«blanche»
ainsi que par rapport aux
produits carnés. Sur le principe, cette
approche du groupement des denrées
alimentaires n’est pas insensée. La
condition préalable serait toutefois que
les répercussions sur la santé des sortes
de viandes regroupées soient également
plus ou moins identiques. Mais l’on a
beau chercher une preuve de cette con-
dition préalable dans les publications
spécialisées – en vain. On ne peut donc
s’empêc
her de craindre que celle-ci soit
totalement absente de ces documents.
Viande rouge: l’image négative
est-elle fondée?
La consommation de viande est réguliè-
rement clouée au pilori pour cause de
répercussions clairement négatives sur
la santé. En l’occurrence, la «viande
rouge» de même que les produits carnés
sont chaque fois montrés du doigt, tan-
dis que la «viande blanche» – assimilée
à la volaille – s’en tire souvent sans dom-
mage. Lorsqu’on considère de plus près
la situation factuelle d’un point de vue
scienti que, des questions se posent tou-
tefois rapidement. A l’instar du manque
de dé nition pour les viandes «rouge» et
«blanche», il n’y a par exemple aucune
méthode communément dé nie sur la fa-
çon de déterminer la consommation
de viande. Quelque chose cloche déjà au
niveau de la préparation de la viande.
La méthode de cuisson employée n’est
saisie que très rarement avec la consom-
mation de viande, et le retrait du gras
en cuisine ou dans l’assiette n’est sou-
vent pas pris en compte.
2 Toutefois,
ces deux aspects ayant visiblement une
in uence sur la composition de la viande,
on peut s’interroger sur la pertinence des
nombreuses études – pour ne pas dire
de la plupart des études – dans lesquelles
ils ne sont pas pris en compte.
Mais même si l’on ne remet pas en ques-
tion les présentes études d’une manière
aussi critique, elles ne re ètent pas cette
forte idée reçue que la «viande rouge»
et les produits carnés sont mauvais pour
la santé. Ainsi, le dernier travail synop-
tique effectué sur la «viande rouge» et le
cancer de l’intestin après l’examen sys-
tématique de 35 études à long terme,
incite à conclure qu’une éventuelle corré-
lation est non seulement peu probable,
mais aussi qu’elle n’est pas signi cative
sur le plan statistique et qu’il n’existe
notamment aucun effet dit «dose-dépen-
dant».
3
De plus, il est impossible de faire
une distinction entre l’in uence de la
viande et d’autres facteurs d’in uence.
Ainsi, pour une consommation supé-
rieure de «viande rouge», on a en même
temps observé notamment une faible
consommation de légumes, une forte
consommation de sucre et une faible
activité
physique. Si plusieurs facteurs
entrent parallèlement en jeu, il est prati-
quement impossible d’en désigner un
qui soit la cause. La situation est la mêm
e
pour la «viande rouge» et les maladies
cardio-vasculaires. Conformément à
l’examen systématique de la littérature
spécialisée et du résumé de 20 études,
aucune corrélation statistique ne peut
être observée.
4
Mais comment la «viande rouge» a-t-elle
progressivement joui d’une si mauvaise
image? Les études dans lesquelles la
«viande rouge» et les produits carnés ont
été mis «dans le même sac», pourraient
en être une raison essentielle. Avec la
croissance de la consommation de pro-
duits carnés, on décrit assez souvent
un lien avec le cancer de l’intestin et
par
fois aussi avec des maladies cardio-
vasculaires. Si l’on regroupe alors les
produits carnés et la «viande rouge», cela
signi e donc que cette dernière aug-
menterait elle aussi le risque. Ceci ne peu
t
cependant pas être con rmé si l’on
considère la «viande rouge» séparément.
Et même la très critique Fondation bri-
tannique pour la nutrition conclut dans
son évaluation globale de la «viande
rouge» qu’il n’existe aucune preuve selon
laquelle une consommation modérée
de «viande rouge» maigre aurait des
conséquences négatives sur la santé. 5
Si l’on ré échit au fait que la viande
est une denrée alimentaire consommée
régulièrement par l’Homme depuis
au moins 2,5 millions d’années, une ab-
sence de corrélation négative pour la
santé n’est en fait pas vraiment surpre-
nante.
Pour ce qui est des produits carnés, la
situation est un peu différente, mais
comme la diversité des sortes de viandes
dans le cadre d’un schéma d’alimenta
tion
varié (idéalement méditerranéen) et la
prise en compte d’un affouragement le
plus traditionnel possible pour les ani-
maux, ne sont certainement pas insen-
sées, et sont d’ailleurs probablement
plus judicieuses qu’une recommandation
faite selon la couleur de la viande. En
conséquence, on a déjà renoncé en 2005,
lors de la conception de la pyramide
ali
mentaire suisse, à des recommanda-
tions
relatives à la couleur de la viande.
En
résumé: une répartition entre viande
«rouge» et viande «blanche» n’est pas
nécessaire.
VIANDE INFORMATION 4
elle ne doit pas être considérée comme
inquiétante pour autant. Sur la base
du dernier résumé effectué d’une manière
systématique à partir de 28 études, on
relève certes une petite corrélation entre
la consommation de produits carnés et
le cancer de l’intestin.
6 Mais ici aussi, la
conclusion essentielle est qu’il est dif -
cile d’imputer réellement le lien observé
aux produits carnés. Certes, on décrit
depuis longtemps déjà de possibles fac-
teurs directement liés aux produits car-
nés comme des éléments potentiellement
cancérogènes (la part de gras, le chauf-
fage à des températures élevées avec la
formation d’amines dites hétérocycliques
et d’hydrocarbures aromatiques polycy-
cliques, les composés N-nitroso ainsi
que le taux de fer).
7
Mais comme pour
la «viande rouge», de trop nombreux
autres facteurs entrent tout simplement
en jeu parallèlement à la consommation
de produits carnés. L’augmentation
du
risque n’est d’ailleurs pas éclatante:
pour toute portion supplémentaire par
semaine, le risque augmente de 3 %.
Un lien important et sans équivoque est
d’une nature différente, comme c’est
le cas pour le tabagisme et le cancer.
Viande rouge et viande blanche:
au revoir à jamais?
La répartition colorimétrique de la viande
est associée à davantage de questions
que de réponses, et elle ne correspond
pas
toujours elle-même à la réalité en
tant que caractéristique de distinction
pu
rement optique de la viande. En fait,
les questions sont trop nombreuses pour
déduire, en se basant sur des preuves,
des recommandations au sujet de la
consommation de viande selon la couleur
de la viande. Pour de telles recomman-
d
ations, les ré exions tout à fait simplist
es
La couleur de la viande est due en
grande
partie à la teneur en myo-
globine (protéine) de la viande de
muscle.
8;9
D
ans la viande fraîche, on
peut trouver de la myoglobine conte-
nant du fer héminique sous diffé-
rentes formes (oxymyoglobine, dé-
soxy
myoglobine et metmyoglobine),
et en fonction de la présence de ces
trois formes, la couleur de la viande
est rougeâtre à brunâtre. Lors du
chauffage de la viande, la modi cation
de la structure spatiale de la myoglo-
bine fait que le fer héminique qui
donne la couleur est plus fortement
exposé à l’oxygène. La viande tire
alors sur le gris, en raison de l’oxyda-
tion du fer héminique qui s’ensuit.
La teneur en myoglobine de la viande
fraîche varie fortement selon les
espèces – mais aussi au sein d’une
même espèce – et peut s’élever à
moins de 0,1 g / 100 g de viande dans
le poulet et le porc, jusqu’à 2 g /
100 g
dans le bœuf, voire à plus de
2,5 g / 100 g dans la viande de
baleine.
9 On se retrouve ainsi face à
une situation presque schizophrène.
L’image globale de la «viande rouge»
n’est pas ce que l’on pourrait appeler
positive, bien qu’un apport supérieur
en fer – notamment chez les femmes,
dont les carences en fer posent pro-
blème – doive être considéré comme
positif.
Appréciation contradictoire
5 VIANDE INFORMATION
Viande rouge selon EuroFIR
L’un des rares catalogues comportant
un item «viande rouge» est le groupe-
ment de denrées alimentaires d’EuroFIR.*
La notion «viande rouge» englobe ici
toute la viande provenant d’animaux
domestiques (p. ex. bœuf, veau, porc,
mouton, chèvre, cheval, lapin) et sau-
vages (p. ex. sanglier, chevreuil, baleine).
Il n’existe pas d’item «viande blanche»,
mais la rubrique «volailles» regroupe
l’ensemble de la viande provenant de
volailles domestiques (p. ex. poule, din-
don, canard, oie) et sauvages (p. ex.
faisan, perdrix, oiseaux marins). La ré-
partition a cependant été effectuée
d’une
manière plutôt pragmatique selon
l’espèce animale et pas forcément selon
la couleur de la viande. Elle peut être
comprise en premier lieu comme un élé-
ment de réponse aux questions récla-
mant une dé nition de la «viande rouge».
Les dangers de l’absence
de dé nitions
Le groupement «viande rouge» selon
EuroFIR peut certainement être remis en
question. Les viandes de canard, d’oie
et de baleine pourraient également être
dé nies comme relativement rouges.
D’autre part, la viande de lapin est une
viande très claire. Le manque de consen-
sus au niveau de la dé nition des groupes
de denrées alimentaires laisse par ailleurs
de la marge pour de propres dé nitions
.
L’exemple classique concernant la viande
est la viande porcine. Du point de vue
de la couleur, elle peut très bien être clas-
si ée
comme rose. Mais se rapproche-
t-elle plus du rouge ou du blanc? Pour
le
National Pork Board américain, la ré-
ponse
était claire, et il a dé ni et déposé
la marque «L’autre viande blanche» (The
other white meat) pour la viande porcine.
L’arrière-pensée est évidente: la viande
rouge – peu importe ce que l’on entend
Poulet Bœuf
Dinde Porc
Canard Veau
Teneur en myoglobine pour 100 g
Pourquoi la viande présente-t-elle des colorations diverses?
par
là – a, contrairement à la viande de
volaille, une image négative en termes de
santé (ce sujet est développé à la page 3).
On préfère donc ne pas y adhérer.
2,5 g
2 g
0,1 g
* EuroFIR (European Food Information Resource), www.euro r.org
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