La Pâque juive Les Pâques orthodoxes

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LA PRESSE
MONTRÉAL
MARDI
11
AVRIL
2006
ACTUEL
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Le retour des beaux jours...
À l’origine de toutes les fêtes de Pâque(s), la juive et les
chrétiennes, il y a une célébration pour marquer le retour
à la vie après les longs mois d’hiver. C’était l’occasion de
célébrer les semailles, de sacrifier un agneau et de
badigeonner son sang sur la porte de la tente, afin
d’éloigner les mauvais esprits. Pour les juifs, cette fête
s’est graduellement transformée en commémoration de la
fuite d’Égypte. Pour les chrétiens, elle est devenue une
célébration de la mort et de la résurrection de JésusChrist. Mais de nombreux symboles sont restés les
mêmes.
MATHIEU PERREAULT
Qu’on parle de Pâque chez les
juifs ou de Pâques chez les chrétiens — catholiques, protestants et
orthodoxes —, ces fêtes sont
d’abord et avant tout des célébrations pour marquer l’arrivée du
beau temps et un nouveau départ
pour la terre après l’hiver.
Car chez les juifs comme chez les
chrétiens, malgré les fluctuations
des calendriers religieux, ces célébrations ont toujours lieu en mars
ou avril, quand il recommence à
faire beau.
« On peut considérer que la libération des Hébreux de l’esclavage
égyptien, et la renaissance du
Christ, sont des héritages de l’antique fête du printemps, du renouveau », explique Paul Brad-
shaw, professeur de liturgie de
l’Université Notre-Dame, à Indianapolis, qui a récemment publié
le livre Easter and Passover avec un
rabbin new-yorkais, Lawrence
Hoffman.
Ces fêtes ont aussi comme point
commun l’agneau, symbole important. Chez les catholiques comme
chez les juifs, il est au centre du repas pascal.
Pourquoi cette place de choix ?
« Au Proche-Orient, à l’époque de
Moïse et de Jésus, les peuples nomades élevaient surtout des moutons, qui étaient faciles à transporter et à nourrir », croit M. Hoffman.
Certains auteurs juifs pensent,
quant à eux, que l’agneau symbolise la religion égyptienne, parce que
certains dieux égyptiens avaient
une tête de bélier ou d’agneau.
« En demandant aux Hébreux de
manger l’agneau, Dieu veut qu’ils
renient l’idolâtrie égyptienne », dit
Joseph Gabay, vice-président du
Congrès juif canadien.
Mais cette interprétation ne fait
pas l’unanimité. Bruce Chilton,
professeur de religion du collège
Bard, dans l’État de New York,
pense plutôt que l’agneau symbolise le renoncement aux sacrifices
humains. « C’est un peu comme
l’histoire d’Abraham et de son fils
Isaac », explique M. Chilton, qui a
écrit plusieurs livres sur les liens
entre judaïsme et christianisme.
« Dieu demande à Abraham de
tuer son fils, mais à la dernière minute, il remplace Isaac par un bélier. »
Les oeufs ont aussi leur place
dans les deux célébrations. Chez
les chrétiens, on les décore et on en
mange à Pâques, surtout en chocolat. Chez les juifs, les oeufs font
partie du seder, un rituel pascal qui
se déroule autour d’une assiette
contenant plusieurs aliments symboliques.
Les historiens rappellent que déjà,
dans l’Égypte des pharaons, les
oeufs symbolisaient le renouveau
lors des fêtes du printemps. Mais
les oeufs sont aussi présents dans
le seder parce que, en araméen
— la langue ancêtre de l’hébreu —
le mot « oeuf » est homonyme du
mot qui signifie « désir », ou « volonté ». Ainsi, d’après un article du
National Jewish Center for Learning and Leadership, les oeufs
symbolisent que la fin de l’esclavage était la volonté de Dieu.
La présence des oeufs dans les traditions chrétiennes est en outre un
héritage de traditions païennes du
nord de l’Europe, selon le révérend
Bradshaw. Comme ces traditions
étaient populaires, elles ont été intégrées au culte de Pâques par les
missionnaires chrétiens, de la même façon que le sapin est devenu
l’un des symboles de Noël. C’est
aussi dans les traditions païennes
qu’on retrouve le lapin de Pâques,
symbole de fertilité, qui ne figure
pas dans les rituels juifs.
Samedi ou dimanche ?
Au début du christianisme, les fêtes juives et chrétiennes étaient
identiques et avaient lieu en même
temps. Peu à peu, la date du Pâques chrétien a été déplacée au dimanche.
« Au départ, seuls les chrétiens
qui n’avaient jamais été juifs célébraient Pâques le dimanche, explique le révérend Bradshaw.
Mais peu à peu, les chrétiens de
Palestine ont senti le besoin de
distinguer le christianisme du judaïsme. Vers la fin du IVe siècle,
le dimanche était fermement établi. Puis, les chrétiens ont voulu
calculer eux-mêmes la date de Pâques, pour ne pas avoir à demander conseil à leurs voisins juifs.
Cela explique que Pâques ne tombe pas toujours le dimanche après
Pâques. »
Dernièrement, certains chrétiens
ont décidé de faire le chemin inverse et d’incorporer le rituel du
début de la Pâque juive dans
leurs célébrations de la semaine
sainte car, croient-ils, laCène était
un seder. Ils organisent donc un
repas avec le pain sans levain et
les herbes amères.
Dans le dernier numéro du magazine jésuite America, un rabbin
new-yorkais dénonce cette tendance. « L’Eucharistie est un
événement distinctement chrétien, qui a eu lieu pour la première fois sur une scène juive »,
dit Gary Bretton-Granatoor, rabbin de la tendance réformée libérale du judaïsme. « Il n’est aucun
besoin, pour comprendre l’Eucharistie, de singer des rituels
juifs, ajoute-t-il. Cela n’empêche
pas d’assister à un seder juif,
pour mieux comprendre le judaïsme. »
Les noms des fêtes
chrétienne et juive
« Pâques et Pâque » partagent la même
étymologie. Le mot « Pascha » vient de
l’hébreu « passer par-dessus », selon le
rabbin Lawrence Hoffman. Mais
certains rabbins proposent une autre
traduction, « La bouche qui parle »,
pour marquer l’importance des prières
du seder, un rituel symbolique au centre
des célébrations pascales juives.
La Pâque
juive
Les Pâques
orthodoxes
MATHIEU PERREAULT
MATHIEU PERREAULT
La Pâque juive commémore la
sortie d’Égypte des juifs menés
par Moïse. Un repas cérémonial,
le seder, lance la semaine pascale.
Le seder doit obligatoirement
comprendre de l’agneau, des herbes amères, comme le raifort, du
vin et des pains azymes, sans levain. Les herbes rappellent
l’amertume de l’esclavage en
Égypte. Le pain azyme est un
« pain de misère » qui rappelle à
la fois l’esclavage et l’« âme pure
de la nation juive ». Avant le seder, la maison doit être débarrassée de tout aliment contenant du
levain.
Au centre de la table se trouve
un plat contenant une petite
quantité de ces aliments, ainsi
que d’autres comme les oeufs, le
sel (symbolisant à la fois la souffrance de l’esclavage et la mer
Rouge franchie miraculeusement
par les Hébreux), et une pâte de
noix (symbolisant le mortier utilisé par les juifs quand ils construisaient les pyramides d’Égypte).
Quatre coupes de vin (ou de jus
de raisin) doivent être bues par
chacun des convives au moment
où sont récitées quatre bénédictions et quatre phrases exprimant la délivrance du peuple
juif. Une coupe de vin supplémentaire est disposée sur la table, à l’intention du prophète
Élie.
Le seder est aussi l’occasion du
rituel des « quatre fils ». Il s’agit,
pour l’aîné de la famille, de poser à son père des questions sur
l’héritage juif en prenant quatre
rôles : celui du fils sage, du fils
contestataire, du fils simplet et
du fils muet, trop jeune pour poser des questions. Le père doit
expliquer pourquoi les juifs continuent à suivre les traditions de
leurs ancêtres. S’il n’y a pas de
fils aîné, une autre personne
peut poser les questions. Ce rituel est parfois modifié : par
exemple, un site familial juif
propose de fabriquer des figurines de pâte à modeler représentant les quatre fils.
La Pâque juive dure sept jours
en Israël et huit jours dans la
diaspora. Il y a un second seder
le deuxième jour.
La date est déterminée en fonction des mois lunaires du calendrier juif. Comme ce calendrier
n’ajuste pas les mois lunaires et
solaires de la même manière que
le calendrier grégorien des catholiques, la date de la Pâque juive
change d’année en année. Les fêtes juive et catholique surviennent parfois le même jour ; la
prochaine fois, ce sera en 2123.
La fête de Pâques chez les orthodoxes se distingue principalement
des autres Pâques chrétiennes
dans l’accent mis sur la Passion
ou la résurrection de Jésus.
« En Occident (chez les catholiques et les protestants), on met
beaucoup plus l’accent sur la semaine sainte, quand Jésus a souffert pour les hommes », explique
Paul Bradshaw, professeur de liturgie de l’Université Notre-Dame, à Indianapolis. « L’Église orthodoxe fête davantage la semaine
de Pâques, après la résurrection. »
Durant la semaine suivant Pâques, les repas de fête se succèdent tous les jours, souligne Maria Ignatow, administratrice de la
communauté orthodoxe russe
montréalaise.
« On fait une veillée de prières
le samedi avant Pâques, avec des
processions autour de l’église, ditelle. Le matin, on se retrouve pour
le repas pascal, qui termine le carême. Puis on se retrouve à plusieurs reprises durant la semaine
de Pâques. »
Le carême orthodoxe est plus sévère que celui de l’Église catholique. « Pendant le carême, je ne
mange ni poisson ni oeufs ni
viande ni produits laitiers », dit
Mme Ignatow, en entrevue à la cathédrale orthodoxe Saint-Nicolas,
boulevard Saint-Joseph. « C’est
presque végétaren. Le Vendredi
saint, on jeûne toute la journée.
On ne boit même pas, parce que
c’est le jour où le Christ est
mort. »
Parmi les délices orthodoxes de
Pâques, on retrouve notamment le
koulitch, un gâteau aux noix et
raisins, et un paskha, un gâteau
au fromage blanc et fruits confits.
Sur les gâteaux, on dessine les
lettres XB, les initiales cyrilliques
de l’expression « le Christ est ressuscité ».
Les orthodoxes ont la même définition de la date de Pâques que
les catholiques : le dimanche suivant la première pleine lune du
printemps. Mais l’Église orthodoxe suit le calendrier julien,
alors que l’Église catholique a
adopté à la fin du XVIe siècle le
calendrier grégorien. Il y a maintenant deux semaines de décalage
entre les deux, ce qui explique
que le Pâques orthodoxe soit fêté
après celui des catholiques.
Depuis un siècle, un mouvement
oecuménique veut harmoniser les
dates de Pâques, et même fixer un
dimanche précis (le deuxième
d’avril, par exemple). Le concile
Vatican II a approuvé ces changements, mais un mécanisme commun reste à définir.
PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES, LA PRESSE
Andrei Philippov, 10 ans, Clapatuic Valentin et Ekatérina Malenima préparent les bouquets de minous pour
Pâques à l’église othodoxe russe du bouelvard Saint-Joseph.
Le curé de Deux-Montagnes, Donald Tremblay, célébrant l’eucharistie sur la rive du lac du même nom.
Au début du christianisme, les fêtes juives et chrétiennes étaient
identiques et avaient lieu en même temps. Peu à peu, la date du
Pâques chrétien a été déplacé au dimanche.
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