Gestes algogènes en dehors du bloc

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GESTES ALGOGÈNES EN DEHORS DU BLOC :
ÉPIDÉMIOLOGIE, SÉDATION HORS BLOC PAR LES
NON-ANESTHÉSISTES, INDICATIONS
DE L’ANESTHÉSIE GÉNÉRALE
F. Dixmerias-Iskandar, F. Lakdja
Département d’Anesthésie-Réanimation-Analgésie, Institut Bergonié, Centre Régional
de Lutte Contre le Cancer, 229, cours de l’Argonne, 33076 Bordeaux Cedex
email : dixmerias @bergonie.org, [email protected].
INTRODUCTION
Les progrès réalisés ces dernières années dans les domaines du diagnostic et de la
thérapeutique des maladies ont été considérables. Les investigations et les soins sont plus
fréquents et plus prolongés. La prise en charge «globale» des patients est devenue une
nécessité sinon une obligation morale pour tout soignant. Le malade au centre de nos
préoccupations est la victime fréquente d’une «myriade de touche de douleur» comme
l’exprimait Philippe Brenot en 1992 [Les mots de la douleur, L'esprit du temps]. Cette
complexité algologique s’explique autant par les douleurs générées par les affections
que par les algies iatrogéniques. Dans ce contexte, les douleurs provoquées par les actes
médicaux sont légion. Elles pourraient se définir comme des douleurs aiguës, extemporanément induites par des actes diagnostiques et/ou thérapeutiques. Nous exclurons donc
de notre propos les douleurs séquellaires.
Par ailleurs, la notion de «hors bloc» comprend des sites et des situations très diverses.
Il en est ainsi aussi bien du cabinet médical ou dentaire que des environnements extrahospitaliers, de la salle de de surveillance post-interventionelles. La question concernant
les actes d’imagerie mérite également un développement spécifique [1]. Quoi qu’il en
soit, la prise en charge de ces douleurs provoquées relève d’une obligation juridique.
L’article 40 du Code de Déontologie rapporte que le médecin doit s’interdire, dans
les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il
prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié. Des investigations dites naguère
«sanglantes», aujourd’hui «invasives», comme des ponctions–biopsies ou relevant de
l’imagerie interventionnelle, peuvent entraîner des complications, qui seront considérées
avant que l’indication ne soit posée. Même des examens réputés plus anodins présentent
des inconvénients, proprement toxiques ou psychologiques, qu’on ne saurait sousestimer. On peut dire aussi que, comme des médicaments, ils ne se délivrent pas n’importe
comment, mais avec précautions, à certains moments, à certaines «doses».
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MAPAR 2004
L’ a r t i c l e L I I I 0 - 5 d u C o d e d e S a n t é p u b l i q u e p r é c i s e : « … To u te personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur.
Celle–ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée». La loi du 4 mars 2002 relative aux droits du malade, réaffirme l’obligation des
soignants et des établissements de santé à prendre en charge la douleur des patients. Ainsi,
la prise en charge de la douleur est un droit pour le patient et un devoir pour le médecin.
L’obligation de prise en charge est une obligation de moyens. Enfin, le programme de
lutte contre la douleur 2002-2005 est, entre autres, ciblé sur la douleur provoquée par les
soins et la chirurgie. Il rappelle l’importance de développer les protocoles définis dans la
circulaire 98/94 du 11 février 1999 relative à la mise en place des protocoles de prise en
charge de la douleur aiguë. Ces protocoles sont «indispensables à une prise en charge de
qualité. Ils sont considérés comme des prescriptions anticipées ou des conduites à tenir
lors de situations bien identifiées et décrites. Ils permettent notamment aux infirmiers
d’intervenir sans délai, de personnaliser la prescription et d’utiliser des procédures
reconnues pour leur efficacité».
Ainsi, tout médecin, eu égard à la loi et à la jurisprudence se doit de prodiguer des
soins consciencieux et conformes aux données actuelles de la science et reste tenu de se
former en conséquence.
1. ÉPIDÉMIOLOGIE
Les données publiées en la matière sont peu fréquentes ou peu exploitables. La plupart
des études ont concerné les enfants. Les enfants traités pour des cancers considèrent les
gestes diagnostiques ou thérapeutiques comme la partie de leur maladie la plus difficile
à supporter [2]. Murat apporte des réponses aux douleurs des gestes en se fondant sur
une revue d’études randomisées et contrôlées [3]. Pendant toute la durée des traitements,
aucune habitude du geste ni détente ne s’installe malgré leur répétition, ce qui peut compliquer sérieusement la prise en charge thérapeutique [4].
Chez l’adulte, peu d’études de bonne méthodologie et relatives aux gestes
invasifs et à leurs conséquences ont été faites. On peut néanmoins noter un travail
récent : «Douleurs provoquées lors des actes diagnostiques, thérapeutiques et des
mobilisations en cancérologie chez l’adulte» dans les conditions d’une recherche
bibliographique effectuée sans limites sur l’antériorité de la recherche (Medline de
1966 à nos jours) et sur l’âge des patients (enfants et adultes). Les articles retenus ont
été sélectionnés sur la base du titre et du résumé ainsi que sur les critères de sélection
suivants (études contrôlées randomisées ou non, prise en charge de la douleur liée à
l’acte lui-même, ponctions lombaires, osseuses ou sanguines [veineuse ou artérielle],
patients adultes, critère principal correspondant à une diminution de la douleur mesurée
par des échelles validées [EVA…] [5]. Les résultats sont en cours de publication. Les
analyses des articles sont faites à partir d’une grille (Annexe). Salomon montre que 35 %
des patients hospitalisés un jour donné, déclaraient avoir eu mal lors d’un geste ou d’un
soin [6]. Une enquête en salle de surveillance postopérationnelle montre que, sur 70 %
des patients qui expriment une douleur, 38 % le font face à une douleur induite par le
soin [7]. Dans cette approche, huit actes douloureux ont été individualisés selon le critère
fréquence > 30% (sonde nasogastrique [présence, mobilisation, ablation], changement de
position du patient, premier lever, changement de lit, kinésithérapie respiratoire, réfection
de pansement, ablation de capteur artériel radial, présence d’une voie veineuse).
Douleur
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2. GESTES ALGOGÈNES HORS BLOC
2.1. ACTES NOMBREUX ET VARIÉS
Dans ce cadre complexe, on peut néanmoins tenter de classifier les actes directement
et indirectement douloureux.
2.1.1. ACTES NON DOULOUREUX
On peut distinguer des actes non douloureux en eux–mêmes comme la réalisation
d’actes de radiologie, la radiothérapie... Ils nécessitent la mobilisation du patient (source
de douleur), de s’allonger sur une table d’examen froide et dure, aidé par un personnel
inconnu, générant un mal–être, une angoisse et indirectement des douleurs.
2.1.2. PROCÉDURES DOULOUREUSES
Les procédures douloureuses en elles-mêmes sont nombreuses tout le long de la
maladie : certaines le sont modérément (ponctions veineuses ou injections, certains
pansements, sondages urinaires, ponction lombaire…), mais par leur répétition du fait
de l’anxiété générée par cette fréquence, elles peuvent devenir très douloureuses voire
insupportables.
2.1.3. ACTES D’EMBLÉE DOULOUREUX
D’autres actes sont d’emblée douloureux (myélogramme, biopsie, ponction artérielle…). Au cours de ces gestes douloureux, plusieurs types de douleurs sont décrits et
sont à considérer. Par exemple, pour le myélogramme, 3 douleurs sont distinguées : une
douleur aiguë lors de l’insertion de l’aiguille au niveau de la peau, une forte pression lors
du passage du périoste et une douleur intense et brève lors de l’aspiration de la moelle
[2, 8]. Ainsi, chaque étape douloureuse est à prendre en compte. L’anesthésie locale ne
sera efficace que lors de la ponction cutanée et non pour l’aspiration ; d’autres modes
d’analgésie seront donc à utiliser.
Enfin, certains gestes peuvent réveiller ou exacerber une douleur déjà présente.
Les gestes invasifs les plus fréquemment incriminés pour engendrer une expérience
désagréable peuvent être répertoriés comme suit :
• Ponctions et biopsies (ponction lombaire, pleurale, cutanée, prélèvement de moelle
osseuse, biopsie osseuse) ;
• Prélèvement veineux (pour bilan) ou artériel (pour analyse des gaz du sang) ;
• Injections (IV, ponctions sous scanner ou sous échographie) pour examen d’imagerie ;
• Mise en place d’accès vasculaires divers (cathéters veineux et artériels, chambre à
cathéter implantables) ;
• Accès vasculaires, injections intraveineuses, sous-cutanées ;
• Injections intra-musculaires ;
• Exérèses de nodules sous-cutanés, biopsie cutanées…
Certains considèrent également les soins de plaies, les soins dentaires, l’extraction
de fécalomes… C’est dire la nécessité de lister tous ces actes, de les définir et de leur
opposer des attitudes antalgiques préventives et curatives.
Les patients présentant des affections chroniques subissent de nombreux actes «agressifs» pour le diagnostic et les traitements (ponction lombaire, myélogramme, biopsie…).
Bien que les prélèvements veineux, la pose de perfusion, les injections intraveineuses ou
musculaires soient moins douloureuses, leur répétition au cours de la maladie génère une
angoisse très importante et il n’est pas improbable que le seuil de tolérance à la douleur
baisse proportionnellement à la durée de la maladie et à son évolution péjorative.
Lors de traitements intensifs, de nombreuses procédures invasives peuvent être nécessaires chaque jour ou semaine. D’après Manne et al. [9], plus de 300 ponctions veineuses
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MAPAR 2004
sont effectuées. Cet auteur rapporte une étude postérieure qui sera publiée quelques
semaines plus tard. 70 enfants (38 garçons et 32 filles âgés de 3 à 10 ans (moyenne 6,1
ans) présentant un cancer (sarcomes, lymphomes, leucoses, tumeurs solides, désordres
immunitaires).Les diagnostics ont été effectués en moyenne 32 mois auparavant (écarts :
2 à 83 mois) et les enfants ont subi en moyenne 93 ponctions veineuses (écarts : 2 à
300) pendant une durée moyenne de 80 jours (écarts 1 à 571 jours). Les ponctions ont
été effectuées pour prélèvements sanguins, chimiothérapie, anesthésie ou pour plusieurs
objectifs combinant les raisons précédentes. L’analyse des comportements parentaux lors
des procédures de ponction s’est faite auprès de 70 parents (55 mamans et 15 papas).
Trois facteurs interviennent pour expliquer la détresse : l’âge des enfants, les conditions
de l’accès veineux et les attentes et coopérations des parents (provoquant ou non une
distraction lors de l’acte). Ainsi, la détresse était supérieure chez les enfants les plus jeunes qui subissaient quelques ponctions et qui avaient les accès veineux les plus pauvres
et chez lesquels les parents étaient les moins coopératifs. Il en ressort une expression
modérée de la douleur au cours des gestes invasifs répétitifs, mais pour certains patients
«chaque nouvelle piqûre est un pas vers la guérison » ou encore « la vie a un prix et il
faut le payer».
Dans tous les cas, la prise en charge de ces patients devrait être précédée par une remise en question du praticien : pourquoi cet examen ou ce geste ? Dans quel but ? Est-ce
indispensable ? Sera-t-il répété ? Quel est le niveau de douleur prévisible et sa durée ?
Quelle est le niveau et la durée de l’anxiété à venir ? Comment le patient pense-t-il réagir ?
Le patient est-il suffisamment informé ?
La prise en charge de la douleur et du stress générés par les différentes actions invasives, devrait comprendre le type de procédure, le niveau prévisible de douleur et des
facteurs individuels tels l’âge et le statut physique et psychique du patient.
3. MOYENS THÉRAPEUTIQUES PRÉVENTIFS ET CURATIFS
3.1. MOYENS NON-PHARMACOLOGIQUES
Chez l’enfant, des traitements non-pharmacologiques ont montré leur efficacité
lors de ponctions lombaires, de myélogramme ou de biopsies. Il s’agit des méthodes
simples de distraction, de concentration, des exercices de respiration ou des méthodes
plus spécialisées comme l’hypnose [4, 8, 10], les techniques de relaxation, de sophrologie de biofeedback, relation d’aide, de toucher relationnel… [11, 12]. Des techniques
physiques, telles que l’application de froid ou de chaud, le massage, peuvent être associées. Dans une étude randomisée récente [13], l’attention structurée et l’auto-relaxation
hypnotique ont prouvé leur bénéfice pendant des actes invasifs médicaux. L’hypnose possède des effets positifs plus prononcés sur la douleur et l’anxiolyse ; elle permet également
une stabilité hémodynamique supérieure, comparaison faite avec le bras témoin.
3.2. MOYENS PHARMACOLOGIQUES
3.2.1. CRÈME EMLA [14]
La crème Emla (Eutectic Mixture of Local Anesthetics) est un mélange équimolaire
de deux anesthésiques locaux, la lidocaïne et la prilocaïne. L’effet analgésique est obtenu
grâce à une diffusion au travers de la peau pour bloquer la transmission neuronale des
nerfs cutanés. Son action dépend du temps de pose et de la quantité appliquée. L'Emla
permet de prévenir la douleur induite par les effractions cutanées nécessitées par les
soins. Son efficacité a été largement démontrée chez l’enfant [15]. Les études rapportées
dans la littérature et l’expérience de la pratique clinique montrent que l’efficacité de la
crème EMLA est nette surtout quand la ponction est réussie lors de la première tentative.
Douleur
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Si la ponction est difficile, l’effet analgésique diminue car des plans plus profonds nonanesthésiés sont stimulés. Elle peut être utilisée dans de nombreuses procédures mais
le temps de pose doit être respecté car la profondeur de l’analgésie obtenue varie avec
le temps : 60 mn d’application confèrent une analgésie d’une profondeur de 3 mm, la
profondeur maximale est de 5 mm après 120 mn d’application [16].
Ainsi, lors d’une ponction lombaire, elle est efficace pour la douleur superficielle,
mais elle n’empêche pas la douleur plus profonde créée par la ponction du ligament jaune
et d’autres moyens analgésiques doivent être associés.
Site
Ponction veineuse
Ponction artérielle
Ponction lombaire
Ponction sus-pubienne
Ponction pleurale
Durée d’application conseillée
60 mn
120 mn
90 - 120 mn
90 - 120 mn
90 - 120 mn
Il existe d’autres utilisations que les ponctions citées ci–dessus :
• L’ablation de drains thoraciques : posée 3 h avant le geste, son efficacité est supérieure
à celle de la morphine IV (0,1 mg/kg) injectée 30 mn avant le geste ;
• La circoncision ou l’exérèse d’une lésion prépuciale superficielle.
Après application de 1 à 2 h, l’anesthésie cutanée dure environ 2 heures. L’efficacité de
la crème en tube ou en patch est identique.
L’utilisation de la crème Emla est reconnue. Son utilisation doit être systématique pour
certains gestes en respectant les temps d’application :
• Les ponctions veineuses et les poses de cathéters courts intraveineux,
• Les ponctions artérielles et les poses de cathéters artériels,
• Les poses de cathéters centraux (associée à une prémédication ou une sédation),
• Les ponctions lombaires,
• Les ponctions pleurales et autres ponctions ou biopsies en complément de l’infiltration,
alors facilitée par un anesthésique local.
3.2.2. ANESTHÉSIQUES LOCAUX
Hormis la crème Emla, la lidocaïne, bupivacaïne et ropivacaïne sont des substances
qui, administrées au voisinage d’un nerf, bloquent la conduction nerveuse de ce nerf
pour une période allant de une à six heures. L’utilisation de dose faible favorise le bloc
sensitif et épargne le bloc moteur. De nombreux territoires tronculaires (poignet, main,
cheville, pied, face, thorax, etc.) peuvent être bloqués avec ces substances et avec un très
grand coefficient de sécurité. Les gels et les sprays de lidocaïne donnent rapidement une
très bonne anesthésie au niveau des muqueuses.
Plusieurs formes de lidocaïne sont utilisables : gel, crème, solution, spray.
• La lidocaïne visqueuse à 2 % peut être employée pour l’anesthésie de la cavité buccale,
en massage sur les zones à anesthésier : muqueuse gingivale, aphtes, plaie de langue,
passage d’une sonde (application renouvelable toutes les 4 h).
• La lidocaïne, gel urétral à 2 %, permet l’anesthésie de l’urètre avant exploration ; elle
peut également être utilisée pour lubrifier une sonde œsophagienne ou trachéale.
• La lidocaïne spray à 5 % permet l’anesthésie de la sphère orolaryngée (attention au
risque de fausses-routes dans les 2 h qui suivent une pulvérisation).
• La lidocaïne à 1 % (utilisation d’un tampon imbibé de 1 à 2 ml de solution) peut être
utile par exemple avant l’infiltration des berges d’une plaie, avant suture ou avant la
pose d’une sonde gastrique pour anesthésier la muqueuse nasale.
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MAPAR 2004
3.2.2.1. Anesthésie par infiltration
La lidocaïne à diverses concentrations (0,5 % , 1 %, ou 2 %) est la plus maniable. Il
convient d’utiliser des aiguilles très fines pour diminuer le désagrément de l’infiltration.
Il serait également bénéfique d’appliquer la crème Emla avant d’effectuer l’infiltration
plus profonde. Il faut donc réaliser d’abord un bouton intra-dermique puis procéder
à l’anesthésie à travers ce bouton et de proche en proche toujours à travers une zone
déjà anesthésiée. La dose maximale de lidocaïne préconisée (7 mg/kg) est proche de la
dose toxique ; il faut plutôt adopter 4 mg/kg en infiltration ou 2 mg/kg en application
muqueuse.
3.2.3. MEOPA [17]
Il s’agit d’un mélange équimoléculaire de protoxyde d’azote (N20 à 50 %) et d’oxygène (02 à 50 %) [MEOPA] utilisé pour l’analgésie par auto-inhalation, assimilé à une
sédation consciente. Il est utilisé très largement comme analgésie dentaire en Grande–Bretagne et dans les pays scandinaves. Il est utile en urgence pré-hospitalière et pour les
prélèvements de moelle en oncologie pédiatrique. Il a un très grand coefficient de sécurité
puisqu'aucun mélange hypoxique ne peut être délivré. L’inhalation débute 3 à 5 min avant
l’acte, se poursuit pendant celui-ci et cesse à la fin du geste invasif. On obtient ainsi
une analgésie de surface, une anxiolyse et une euphorie. II faut éviter l’hyperventilation
car le patient risque de faire une crise spasmophilique. Parfois, il peut survenir des signes
tels que dysphorie, vertiges, paresthésies, nausées, vomissements qui sont rapidement
réversibles par arrêt d’inhalation, mais dans ce cas, l’analgésie est également annulée.
Le MEOPA a reçu une AMM en 2001. Le Kalinox® (Air Liquide Santé) et Médimix®
(AGA/LINDE Médical) sont commercialisés. Il s’agit d’une prescription médicale et
son utilisation est possible par le personnel non médical mais «l’administration doit être
faite dans des locaux adaptés, par un personnel médical ou paramédical spécifiquement
formé et dont les connaissances sont périodiquement évaluées». Il ne s’agit pas cependant
d’un antalgique majeur et reste recommandé pour les douleurs modérées et moyennes.
Le mélange peut être associé aux techniques d’anesthésie locale et aux antalgiques.
3.2.4. KÉTAMINE
C’est un psychodysleptique peu utilisé en anesthésie du fait des phénomènes d’hallucinations qu’il peut provoquer au réveil. Cependant, à dose très faible (0,15 à 0,5 mg/kg
de poids en IV), il provoque une diminution de la douleur spontanée, de l’hyperalgésie
primaire (thermique, mécanique ou électrique) et secondaire (mécanique) dans les
30 min suivant l’injection [18]. Ainsi, ce produit procure une analgésie de surface très
acceptable pour permettre la réalisation d’actes courts. L’onirisme et les agitations secondaires peuvent être diminués pendant et après l’acte si l’on associe la kétamine à une
benzodiazépine (par exemple midazolam).
3.2.5. MORPHINE
Les avantages de la voie intraveineuse sont la possibilité de titration aux besoins du
patient et sa rapidité d’action. La morphine est le morphinique de choix : 0,03 à 0,05 mg/
kg chez l’enfant ou 2 à 4 mg chez l’adulte ou l’enfant de plus de 50 kg toutes les 5
min, jusqu’à obtenir le niveau d’analgésie souhaitée. La morphine par voie orale peut
être utilisée si la titration et des effets rapides ne sont pas nécessaires. L’utilisation des
autres morphiniques n’est pas recommandée en l’absence de matériel de ventilation et
de personnel compétent en anesthésie.
3.2.5.1. Par voie sous-cutanée
C’est une voie d’administration qui a été très décriée du fait d’un délai d’action
d’environ une heure pour l’effet maximal et d’une grande variabilité inter–individuelle.
Douleur
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Néanmoins, en cas de douleurs prolongées prévisibles, cette voie peut être très utile. La
dose de 7,5 mg pour un adulte de 60 à 100 kg est très régulièrement efficace pendant
environ quatre heures. Elle ne dispense pas de la surveillance habituelle après administration de morphine (fréquence respiratoire, échelle de sédation).
3.2.6. BENZODIAZÉPINES
Par voie orale, parentérale ou sublinguale, elles ont un effet anxiolytique, myorelaxant
et amnésiant. Le midazolam (Hypnovel*) est le plus utilisé :
• Voie intra-rectale : action de durée brève, effet en 10-5 mn, utilisée surtout chez l’enfant ;
• Voie orale : délai d’action de 20-50 mn ;
• Voie intraveineuse : rapide (5 mn) ; il peut utilisé seul ou associé aux morphiniques,
et titré jusqu’au niveau de sédation désirée. L’association aux morphiniques sera
réservée aux anesthésistes. Le risque de dépression respiration est majoré [19],
notamment chez la personne âgée.
3.2.7. NON-BENZODIAZÉPINES
L’hydroxyzine (Atarax) : le délai d’action reste long (45 mn) et l’effet sédatif est
prolongé et variable.
3.2.8. AUTRES HYPNOTIQUES
Leur utilisation requiert du personnel formé à l’anesthésie et un monitorage rigoureux.
4. SÉDATION EN DEHORS DU BLOC OPÉRATOIRE PAR DES PRATICIENS NON-ANESTHÉSISTES
Sédation signifie action de calmer, apaiser.
C’est en dentisterie, en 1973, que les premières recommandations concernant la
sédation utilisant essentiellement le diazépam et l’anxiolyse sont apparues. Puis en 1985,
l’Académie Américaine de Pédiatrie a publié des recommandations pour la pratique de
la sédation consciente, profonde et pour l’anesthésie générale chez l’enfant, validées par
la suite par l’ASA en 1992. L’accent a été mis sur la continuité dans l’état de sédation et
sur les complications respiratoires potentielles de la sédation.
Après la mise sur le marché du midazolam en 1985 aux USA, de nombreux décès
sont survenus aux États-Unis en dehors du bloc opératoire lorsqu’il était utilisé par des
praticiens non-anesthésistes. En 1990, une étude rapportait 86 décès avec ce produit
utilisé seul ou associé à des opiacés, dont 83 en dehors du bloc opératoire, la majorité
secondaire à des complications respiratoires.
Ainsi, les premiers standards de monitorage ont été établis par l’ASA en 1986 pour
les anesthésies générales, régionales ou lors de sédation appelée également «monitored
anesthesia care» et plus particulièrement lors de procédures invasives en dehors du
bloc opératoire. Les recommandations concernant la sédation et l’analgésie par des nonanesthésistes ont été finalement publiées en 1996. Elles définissaient la sédation comme
un état permettant au patient de supporter une procédure désagréable tout en maintenant
une fonction cardiovasculaire stable ainsi qu’un contact verbal. Par la suite, quatre états
en continuum et leurs complications ont été définies [20] :
• La sédation minimale (anxiolyse),
• La sédation/analgésie modérée (sédation consciente),
• La sédation/analgésie profonde,
• L’anesthésie générale.
Ces recommandations ont été revues en 2002 par l’ASA [21].
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MAPAR 2004
4.1. PROFONDEUR CROISSANTE DE SÉDATION
Définition de l’anesthésie générale et des niveaux de sédation/analgésie
(développée par l’American Society of Anesthesiologists,
approuvé par ASA House of delegates on October 13,1999).
Sédation minimale
(anxiolyse)
Sédation/analgésie
Sédation/analgésie
modérées
Anesthésie générale
profondes
(sédation consciente)
Réponses
Réponse normale à
stimulation verbale
Réponse à stimulation verbale
ou tactile insistante
Réponse à stimu- Impossible à réveiller
lations répétées ou
même par stimuli
douloureuses
douloureux
Voies aériennes
Non affectées
Pas d’intervention
nécessaire
Nécessite parfois
intervention
Intervention
systématique
Ventilation
spontanée
Non affectée
Adéquate
Peut être inadéquate
Fréquemment
inadéquate
Fonction
cardiovasculaire
Non affectée
Maintenue
Maintenue
Peut être perturbée
La sédation en dehors du bloc opératoire par des non–anesthésistes ne doit concerner
que la sédation minimale et modérée, la sédation profonde relevant de la pratique d’un
anesthésiste ou d’un praticien ayant bénéficié d’une formation théorique et pratique
à l’urgence (médecin de SAMU, diplômé de la capacité de médecine d’urgence par
exemple).
Des recommandations ont donc été publiées par l’ASA en 2002 destinées aux nonanesthésistes et non urgentistes pratiquant la sédation en dehors du bloc opératoire [21].
Une évaluation du patient est indispensable avant tout acte de sédation. Celle–ci
porte sur la recherche :
• De dysfonctionnement des grandes fonctions de l’organisme,
• D’effets secondaires néfastes lors d’une précédente sédation/analgésie, anesthésie
régionale ou générale,
• D’allergies,
• De traitement en cours,
• D’interactions potentielles avece les produits utilisés,
• De la consommation de tabac, d’alcool ou d’autres substances.
L’examen clinique préalable est indispensable avant toute sédation et notamment
l’examen des voies aériennes à la recherche de critères d’intubation et/ou de ventilation
difficile ou associés à un risque d’obstruction des voies aériennes. Des examens complémentaires pourront être demandés.
Le jeûne est à respecter quel que soit le niveau de sédation : 2 h pour les liquides,
4 h pour le lait maternel, 6 h pour l’alimentation légère ou le lait non-maternel. Toute
sédation doit s’accompagner d’une surveillance : le monitorage du niveau de conscience
permet de détecter des effets secondaires néfastes et de les traiter précocement. La réponse verbale des patients permet d’évaluer le niveau de conscience et de sédation. Les
patients ne répondant que par une réponse de retrait à une stimulation douloureuse sont
profondément sédatés et doivent être monitorés de façon rigoureuse. Lors de sédation
modérée ou profonde, un monitorage ventilatoire par l’auscultation ou l’observation est
recommandé, associé dans tous les cas, lors de sédation profonde, à une surveillance de
l’oxygénation par un oxymètre de pouls, les complications potentiellement létales étant
la dépression respiratoire et l’obstruction des voies aériennes. L’administration supplémentaire d’oxygène n’est pas systématique pour une sédation modérée. Elle est constante
lors de sédation profonde Le monitorage hémodynamique est recommandé lors de toute
sédation profonde ou lors de sédation modérée chez des patients à risque cardiovasculaire
Douleur
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afin de rechercher des fluctuations de fréquence cardiaque ou tensionnelles lors de complications de la sédation ou lors de réactions liées au stress de la procédure en cours.
La connaissance de la pharmacologie des agents sédatifs et des principales complications est indispensable. Le praticien doit être formé à la pratique de la sédation légère
ou modérée et doit pouvoir dépister précocement le passage à l’état en continuité de
sédation profonde.
Lors de sédation/analgésie intraveineuse, les agents seront titrés afin d’obtenir le
niveau de sédation souhaité et l’intervalle entre les injections sera respecté afin d’éviter
les doses cumulées.
L’utilisation conjointe de sédatifs et d’opiacés doit être prudente. Le midazolam
comme sédatif et la morphine seront privilégiés. Dans tous les cas, les doses respectives
seront réduites et titrées individuellement. Le monitorage respiratoire sera alors indispensable de même que l’apport d’oxygène.
Les autres agents hypnotiques (propofol, kétamine, halogénés…) et les morphiniques
plus puissants seront réservés à la sédation profonde et aux praticiens formés à leur
utilisation et aux gestes d’urgence. Ils ne doivent pas être utilisés dans le contexte des
gestes algogènes en dehors du bloc opératoire et de non-anesthésistes hormis la situation
extrahospitalière.
Lors de sédation intraveineuse, l’abord veineux sera conservé pendant toute la procédure et jusqu’à l’absence de tout risque de dépression cardiorespiratoire. D’autres voies
peuvent être utilisées plus rarement (rectale, IM, SC) et le recours à un abord veineux
doit cependant être envisagé à tout moment.
Les anagonistes spécifiques (flumazénil, naloxone) doivent être connus et disponibles.
Le chariot d’urgence vérifié régulièrement doit être disponible dans tous les lieux où
s’effectue une sédation modérée et la salle doit être équipée (aspiration murale, oxygène,
matériel de ventilation …). La disponibilité rapide d’un anesthésiste doit être assurée.
Dans une conférence d’experts en 1999, la SFAR décrivait des impératifs en situation
extrahospitalière qui peuvent s’appliquer à toute sédation réalisée en dehors du bloc
opératoire [22].
4.2. FORMATION THÉORIQUE ET PRATIQUE
• Élaboration et application de procédure et de cahiers de protocoles établis par un
médecin anesthésiste-réanimateur.
• Mise en place de moyens cliniques et biomédicaux de surveillance, de suppléance et
de sécurité.
• Vérification du matériel avant chaque usage sous forme de check-list signée.
• Rédaction d’une feuille de surveillance indiquant les produits utilisés et les paramètres
de surveillance.
• Évaluation régulière des pratiques.
5. INTERVENTION DE L’ANESTHÉSISTE-RÉANIMATEUR
Le cahier des charges (immobilité, inconscience, analgésie) relatif aux actes invasifs
est rempli par l’anesthésie générale grâce à l’intervention d’un anesthésiste-réanimateur
qui pourra pratiquer diverses techniques allant de l’anesthésie générale à l’anesthésie
locorégionale, avec toutes les composantes intermédiaires. Mais ces techniques ajoutent
aux risques de l’acte invasif leurs risques propres. De plus, la législation réglemente la
pratique de l’anesthésie générale qui doit être précédée d’une consultation pré-anesthésique et d’une visite pré-anesthésique. Elle doit être ensuite réalisée dans des structures
adaptées, puis surveillée dans des salles post-interventionnelles correctement équipées
en personnel spécialisé et en matériel.
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MAPAR 2004
5.1. SUGGESTION DÉLÉTÈRE AU QUOTIDIEN OU LE PATIENT VICTIME DU MÉDECIN
Laissant de côté ces cas extrêmes, même sans le vouloir, nous sommes tous, à un
moment ou à un autre, des "gaffeurs" dans la relation avec nos patients. La douleur ainsi
entraînée par notre attitude (geste est emprunté au latin gestus signifiant «attitude»,
«mouvement du corps», «mimique de jeu», «façon de se comporter» …) verbale ou
comportementale peut aussi avoir des conséquences préjudiciables pour notre interlocuteur particulier que représente le patient dans le «colloque singulier» que nous vivons
avec lui.
CONCLUSION
La pire des solutions pour contrôler les douleurs des actes invasifs consisterait en une
sorte de démission médicale. Pour réaliser l’acte invasif, le médecin se contente alors
d’une sédation légère, souvent à base de midazolam, qu’il reproduira le cas échéant si
le patient manifeste des signes de mécontentement. Ailleurs, c’est une thérapeutique
antalgique associant souvent paracétamol injectable et nalbuphine (à doses faibles) qui
est prescrite dans les minutes précédant l’acte. L’ensemble aboutit souvent à un échec du
fait de l’asynchronisme entre l’acte douloureux et le délai d’action de l’effet antalgique
maximal des médicaments prescrits.
Trop souvent, ce choix stratégique aboutit à cette désagréable situation : le patient
s’efforce de supporter ou de cacher la douleur au thérapeute, lequel s’efforce de son
côté de rassurer faussement le patient sur la brièveté de son acte : «Ne bougez pas, c’est
bientôt fini...».
La seule intervention du médecin peut avoir des conséquences défavorables, par ce
qu’il fait ou prescrit, mais aussi par ce qu’il dit : «Les mots sont comme des scalpels, ils
peuvent guérir ou tuer».
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(Annexes pages suivantes)
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Annexes
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