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Tableau clinique: D’abord survient une euphorie,
qui fait place à des sentiments dysphoriques rapide-
ment après le «kick» obtenu lors d’abus répétés. L’in-
toxication aiguë se caractérise par les symptômes sui-
vants: sédation allant jusqu’au coma; myosis; à des
doses plus élevées, inhibition de la réaction du centre
respiratoire à l’irritation due au CO2avec dépression
respiratoire; également typiques: bradycardie, hypo-
tension artérielle, hypothermie et diminution des ré-
flexes allant jusqu’à l’aréflexie, y compris inhibition
du réflexe de la toux, également rigidité des muscles
striés, surtout au niveau du tronc, augmentation du to-
nus des muscles lisses avec constipation et rétention
urinaire; prurit, ainsi que vasodilatation générale et
bronchoconstriction dues à la libération d’histamine.
Le stade chronique est marqué par une importante dé-
pendance psychique et physique, ainsi que par le
développement d’une tolérance. La tolérance peut ré-
gresser dès quelques jours d’abstinence; un risque de
dépression respiratoire existe réellement lors d’une
réexposition. Comme la polytoxicomanie s’accom-
pagne souvent d’isolement social, les données sur les
lésions chroniques altérant les fonctions cérébrales
sont rares. Une évolution vers la dépression est cepen-
dant fréquente. De plus, des troubles du système im-
munitaire accompagnés d’infections virales et bacté-
riennes locales se manifestent. Une lésion directe
toxique peut apparaître sous forme de cardiomyopa-
thie ou d’un œdème pulmonaire, bien connu avec l’hé-
roïne. Si la stimulation des récepteurs aux opiacés par
des opioïdes exogènes disparaît, l’activité du sympa-
thique augmente rapidement et une réaction de se-
vrage apparaît, qui débute par le besoin intense de
drogue («craving») et des sentiments d’anxiété, suivis
de bâillements, de nervosité, d’insomnie, de transpira-
tion, de larmoiement et de rhinorrhée, puis de my-
driase, chair de poule, tremblements, spasmes et dou-
leurs musculaires, bouffées de chaleur. Un syndrome
de sevrage marqué verra l’apparition supplémentaire
de tachycardie, élévation tensionnelle, tachypnée,
nausées, fièvre, ultérieurement diarrhée, vomisse-
ments, transpiration excessive et douleurs massives
des membres. Avec l’héroïne et la morphine, les pre-
miers symptômes apparaissent après 8 à 10 heures; ils
atteignent leur maximum après 2 à 3 jours. Avec la
méthadone, les premiers symptômes s’observent
après 12 à 24 heures et persistent 1 à 3 semaines. La
réaction de sevrage est éventuellement un peu plus
faible avec les agonistes partiels. L’arrêt de drogues
«coupées» peut également provoquer des symptômes
d’abstinence. Des vasospasmes accompagnés d’in-
farctus cérébral et du myocarde ont été occasionnelle-
ment observés.
Mesures thérapeutiques: Administrer la naloxone
comme antagoniste spécifique des opioïdes en cas de
dépression respiratoire potentiellement mortelle et
de risque d’insuffisance cardiovasculaire; surveiller le
rythme cardiaque, car des troubles du rythme ventri-
culaire et des fibrillations ventriculaires sont possi-
bles, spécialement en cas d’intoxications mixtes avec
de la cocaïne:
– intoxication chez l’adulte: 0,4 mg (–2 mg) de na-
loxone, à doser en fonction des signes cliniques (di-
latation pupillaire, fréquence respiratoire, pression
sanguine, conscience);
– intoxication chez le toxicomane dépendant des
opiacés: après la dose initiale, titrer la naloxone par
palier de 0,2 mg afin d’éviter les symptômes de se-
vrage aigus; une éventuelle perfusion après la dose
initiale permet d’antagoniser l’effet des opioïdes
de longue durée d’action (comme la méthadone) et
la «remorphinisation»;
– intoxication chez le petit enfant: naloxone
0,01 mg/kg de poids corporel;
– en cas d’œdème pulmonaire toxique: respiration
avec PEEP, les diurétiques sont le plus souvent in-
utiles;
– en présence de symptômes de sevrage: clonidine
(HCl) 3 × 0,3 mg p.o. en surveillant la pression san-
guine et le pouls, augmenter éventuellement jus-
qu’à 1,2 mg p.o. par jour; diminuer progressive-
ment la clonidine après 4 à 7 jours pour l’héroïne,
ou après 14 jours pour la méthadone (attention:
augmentation de la pression sanguine à l’arrêt du
traitement!); les benzodiazépines peuvent momen-
tanément être utiles, mais doivent être utilisées
avec retenue (dépendance);
– en cas de vasospasmes: inhibiteurs calciques ou
magnésium i.v.
2.3 Cocaïne
La cocaïne stimule la libération de neurotransmet-
teurs biogènes et inhibe la recapture synaptique de la
noradrénaline et de la dopamine. La cocaïne pro-
voque ainsi une intoxication aux catécholamines ful-
gurante, aiguë et dose-dépendante; les réserves de
tous les neurotransmetteurs biogènes s’appauvrissent
rapidement. Dynamique d’action: forte euphorie
après quelques secondes (i.v., «crack») ou quelques
minutes («sniffer») avec augmentation de la
conscience de sa propre valeur, sensations intenses et
diminution de l’anxiété. Disparition de l’euphorie
après quelques minutes («crack») ou 1⁄2heure (i.v.,
«sniffer») avec augmentation des sentiments d’anxié-
té, illusions et hallucinations allant jusqu’à des per-
ceptions paranoïdes; besoin impératif d’une nouvelle
dose («craving»). Sans nouvelle dose, «crash» accom-
pagné de fatigue, perte d’entrain et forte tendance
dépressive; besoin intense de cocaïne. L’euphorie gé-
nérée par la cocaïne devient un objectif vital («junkie
state»). Augmentations des doses dues au développe-
ment d’une tolérance et passage à un abus chronique
en cas de «craving» fréquent. En cas d’application
chronique, carence permanente en neurotransmet-
teurs, avec mécanismes d’adaptation fonctionnels et
structuraux au niveau du cerveau, ainsi que symp-