Définition du corps des nombres complexes. Forme algébrique

DOCUMENT 9
D´efinition du corps des nombres complexes. Forme alg´ebrique,
conjugaison, module.
Les alg´ebristes italiens du XVIesi`ecle, et en particulier Girolamo Cardano (1501-1576) et ses
´el`eves, ont ´et´e les premiers `a introduire dans leurs calculs le symbole a,a > 0, dans le but
de r´esoudre toutes les ´equations du troisi`eme degr´e. Ces nouveaux nombres vont ˆetre de plus
en plus utilis´es (Leibniz, Euler, de Moivre ...) mais ce n’est qu’au d´ebut du XIXesi´ecle qu’ils
seront d´efinis rigoureusement grˆace en particulier aux travaux de Gauss, Cauchy et Hamilton.
D`es leur introduction, ces nombres re¸curent une interpr´etation g´eom´etrique int´eressante (Wessel,
Argand,. . . ).
Tous les corps consid´er´es sont commutatifs.
Rappelons qu’un corps K0est une extension d’un corps Ksi Kposs`ede un sous corps
isomorphe `a K0. Par exemple, Rest une extension de Q.
1. Le corps des r´eels
Les constructions de Z`a partir de Net de Q`a partir de Zne sont pas tr`es difficiles. Pour
obtenir R`a partir de Qil y a diff´erentes m´ethodes (les suites de Cauchy de rationnels, les
coupures, les d´eveloppements d´ecimaux,...) mais toutes les m´ethodes demandent des calculs
fastidieux et on pr´ef`ere, en g´en´eral, introduire ce corps de mani`ere axiomatique grˆace `a la
d´efinition suivante :
D´
efinition 9.1.Un corps commutatif Rest un corps de nombres r´eels s’il existe une relation
binaire sur Rtelle que
(1) (R, )est un corps totalement ordonn´e :
0xet 0yimpliquent 0x+y;
0xet 0yimpliquent 0xy.
(2) (R, )est archim´edien :
pour tout y0et tout x > 0il existe nNtel que nx y.
(3) (R, )erifie l’axiome des intervalles emboit´es :
Si (an)est une suite croissante de Ret (bn)une suite d´ecroissante de Rtelles que,
pour tout nN,anbnalors
\
nN
[an, bn]6=
(Voir en appendice d’autres axiomatiques de R.)
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92 9. D´
EFINITION DU CORPS DES NOMBRES COMPLEXES
On montre que deux corps de nombres r´eels sont isomorphes et que tout corps isomorphe `a
un corps de nombres r´eels est aussi un corps de nombres re´els. On peut aussi prouver que
x, yR, x yil existe tRtel que yx=t2.
Cette ´equivalence entraine que tout isomorphisme entre deux corps de nombres r´eels est croissant.
Plan pour une construction d’un corps de nombres r´eels.
Soit Sl’ensemble des suites de Cauchy de rationnels c’est-`a-dire l’ensemble des suites (qn)
d’´el´ements de Qv´erifiant la condition suivante :
Pour tout  > 0, Q, il existe n0Ntel que mn0et pn0impliquent |qpqm|< 
L’ensemble Sest stable pour l’addition et la multiplication des suites et la relation binaire θ
d´efinie sur Spar
(qn)θ(rn)lim
n→∞(qnrn) = 0
est une relation d’´equivalence compatible avec ces deux lois de composition internes. On peut
donc consid´erer sur Sles lois quotients et ensuite montrer que S, muni de ces lois quotients,
est un corps de nombres r´eels.
Dans le document 7, on trouve une construction de R`a partir des d´eveloppements d´ecimaux.
2. Construction du corps des nombres complexes : analyse du probl`eme
Le lemme suivant va permettre de pr´eciser l’objectif poursuivi en construisant C.
Lemme 9.1.Soit Kune extension d’un corps de nombres r´eels R. Il y a equivalence entre :
(1) Il existe ωKtel que ω2=1(i.e. -1 poss`ede une racine carr´ee dans K);
(2) Tout ´el´ement de Rposs`ede une racine carr´ee dans K;
(3) Toute ´equation du second degr´e `a coefficients dans Rposs`ede une solution dans K.
Preuve. Il est clair que 3. implique 2. et que 2. implique 1. Supposons 1. et soit
ax2+bx +c= 0 une ´equation du second degr´e `a coefficients dans R. Si ∆ = b24ac 0 alors
cette ´equation a une solution dans Ret donc dans K. Si ∆ = b24ac < 0 alors ∆ = (ω∆)2
et, en utilisant la mise sous forme canonique d’un trinˆome, on a :
ax2+bx +c=a(x+b
2a)2(ω
2a)2=a(x+b
2aω
2a)(x+b
2a+ω
2a).
L’´equation ax2+bx +c= 0 poss`ede donc les deux solutions x1=b+ω
2aet x2=
bω
2a.
Objectif : Etant donn´e un corps Rde nombres r´eels, construire un corps Kcontenant un
sous-corps R0isomorphe `a Ret dans lequel 1 poss`ede une racine carr´e. Ce corps Kdevra aussi
ˆetre minimal dans un sens qui sera pr´ecis´e.
Le lemme entraine que dans Ktoute ´equation du second degr´e `a coefficients r´eels aura une
solution et, en particulier tout ´el´ement de R0poss`edera une racine carr´ee.
Comme pour beaucoup de probl`emes de construction, supposons le probl`eme r´esolu, c’est-`a-
dire, l’existence d’un corps Kcontenant Ret dans lequel 1 poss`ede une racine carr´ee not´ee ω.
Le lemme suivant va montrer que Kposs`ede un sous-corps K1qui a encore ces deux propri´et´es
2. CONSTRUCTION DES NOMBRES COMPLEXES : ANALYSE DU PROBL`
EME. 93
mais qui pr´esente les avantages d’ˆetre minimal par rapport `a ces propri´et´es et de pouvoir ˆetre
d´efini uniquement `a l’aide des ´el´ements de R.
Lemme 9.2.Soit Kune extension de Rdans laquelle 1poss`ede une racine carr´ee ω.
L’ensemble K1={a+ωb|(a, b)R2}est le plus petit sous-corps de Kcontenant Ret dans
lequel 1a une racine carr´ee. Tout ´el´ement de K1s’´ecrit de fa¸con unique a+ωb avec (a, b)R2.
Preuve. Il est clair que RK1(prendre b= 0) et que ωK1(a= 0, b= 1). Montrons
que K1est un sous-corps de K. Soit z1=a1+ωb1,z2=a2+ωb2deux ´el´ements de K1. Il est
clair que z1K1et on a
z1+z2= (a1+a2) + ω(b1+b2)K1(1),
z1z2=a1a2b1b2+ω(a1b2+a2b1)K1(2)
ce qui montre que K1est un sous-anneau de K.
Soit z=a+ωb un ´el´ement non nul de K1. On a alors aωb 6= 0 car sinon
0 = (a+ωb)(aωb) = a2+b2
ce qui entraine a=b= 0, d’o`u z= 0 contrairement `a l’hypoth`ese. On peut donc ´ecrire
z1= [(aωb)(aωb)1](a+ωb)1
= (aωb)[(aωb)(a+ωb)]1
= (aωb)(a2+b2)1=a
a2+b2ωb
a2+b2.
et donc z1K1. Cet ensemble est donc un sous-corps de K.
Soit maintenant K0un sous-corps de Kcontenant Ret dans lequel 1 poss`ede une racine
carr´ee ω. Dans le corps K, on a P(X) = X2+ 1 = (X+ω)(Xω) d’o`u, comme P(ω) = 0,
ω=ωou ω=ω. Il en r´esulte que ωK0et, R´etant contenu dans K0,K1K0.
Si zK1s’´ecrit z=a+ωb =a0+ωb0avec a, b, a0, b0eels alors aa0=ω(b0b). Si
b6=b0alors ω=aa0
b0bRce qui est absurde. Donc b=b0et a=a0.
Tout corps tel que K1va ˆetre appel´e un corps de nombres complexes et de fa¸con plus pr´ecise
:
D´
efinition 9.2.Un corps commutatif Cest appel´e un corps de nombres complexes s’il existe
un corps de nombres r´eels Rtel que :
(1) Cest une extension de R;
(2) Dans C,1poss`ede une racine carr´ee ω;
(3) C=R+ωR.
Remarques
1) Tout corps isomorphe `a un corps de nombres complexes est aussi un corps de nombres
complexes et deux corps de nombres complexes sont isomorphes. La preuve de ce r´esultat
utilise le r´esultat analogue concernant les corps de nombres r´eels.
2) Si Kest une extension d’un corps de nombres r´eels Rdans laquelle 1 poss`ede une racine
carr´ee ωalors K1={a+ωb|(a, b)R}est un corps de nombres complexes.
3) Il existe des caract´erisations d’un corps de nombres complexes qui ne font pas r´ef´erence
aux nombres r´eels. Par exemple : Cest un corps de nombres complexes si Cest un corps
commutatif alg´ebriquement clos (Tout polynˆome admet un z´ero), de caract´eristique nulle et
94 9. D´
EFINITION DU CORPS DES NOMBRES COMPLEXES
ayant pour cardinal celui des parties de N.
4) La condition 3. dans la d´efinition pr´ec´edente est une fa¸con d’exprimer la minimalit´e de C. Il
est difficile de l’exprimer `a l’aide de l’inclusion car tout corps de nombres complexes poss`ede un
sous-corps strict qui est aussi un corps de nombres complexes.
L’´ecriture unique z=a+ib,a, b R, pour tout ´el´ement de K1montre que ce corps est
enti`erement d´etermin´e par R. Le lemme suivant va encore pr´eciser ce point.
Lemme 9.3.Soit + et . les deux lois de composition internes sur R2efinies par
(a1, b1)+(a2, b2) = (a1+a2, b1+b2)
(a1, b1).(a2, b2) = (a1a2b1b2, a1b2+a2b1)
L’application fde K1dans R2definie par f(a+ωb) = (a, b)est un isomorphisme de (K1,+, .)
sur (R2,+, .).
Preuve. L’´ecriture a+ωb avec a, b R´etant unique on peut d´efinir une application fde K1
sur R2par par f(a+ωb) = (a, b). C’est une bijection et un homomorphisme car si z1=a1+ωb1
et z2=a2+ωb2sont deux ´el´ements de K1alors :
f(z1+z2) = f((a1+a2) + ω(b1+b2))
= (a1+a2, b1+b2) = (a1, b1)+(a2, b2)
=f(z1) + f(z2).
f(z1z2) = f((a1a2b1b2) + ω(a1b2+a2b1))
= (a1a2b1b2, a1b2+a2b1) = (a1, b1).(a2, b2)
=f(z1).f(z2).
Conclusion de l’analyse. S’il existe une extension Kde Rdans laquelle 1 a une racine
carr´ee alors il existe un corps de nombres complexes K1et ce corps est isomorphe a R2muni
des deux lois de composition d´ecrites dans le lemme 9.3. Donc il existe un corps de nombres
complexes si et seulement si (R2,+, .) est un corps de nombres complexes. On va v´erifier dans
le paragraphe suivant qu’il en est bien ainsi.
3. Une premi`ere construction du corps des complexes
Proposition 9.1.L’ensemble R2muni des deux lois de composition
(a1, b1)+(a2, b2) = (a1+a2, b1+b2)
(a1, b1).(a2, b2) = (a1a2b1b2, a1b2+a2b1)
est un corps de nombres complexes. Un sous-corps de R2isomorphe `a Rest R×{0},i= (0,1)
est une racine carr´ee de 1 = (1,0) et R2=R× {0}+i(R× {0}).
Preuve. Il est clair que les deux lois sont commutatives.
L’associativit´e de + r´esulte imm´ediatement de l’associativit´e de l’addition dans R, (0,0)
est un ´el´ement neutre pour + et (a, b) est l’oppos´e de (a, b). Muni de la loi +, R2est
donc un groupe commutatif. (On peut aussi dire que (R2,+) est le groupe produit du groupe
(R,+) avec lui-mˆeme.)
3. UNE PREMI`
ERE CONSTRUCTION DU CORPS DES COMPLEXES 95
Associativit´e de la multiplication. Consid´erons trois ´el´ements (a, b), (c, d) et (e, f) de
R2. On a :
[(a, b)(c, d)](e, f)=(ac bd, ad +bc)(e, f) = ((ac bd)e(ad +bc)f, (ac bd)f+ (ad +bc)e)
= (ace bde adf bcf, acf bdf +ade +bce)
De mˆeme, en utilisant le calcul pr´ec´edent et la commutativit´e de . et +:
(a, b)[(c, d)(e, f)] = [(e, f)(c, d)](a, b) = (eca fda edb fcb, ecb fdb +eda +fca)
= [(a, b)(c, d)](e, f).
Distributivit´e de . par rapport `a +. Consid´erons trois ´el´ements (a, b), (a0, b0) et (c, d)
de R2. On a :
[(a, b)+(a0, b0)](c, d)=(a+a0, b +b0)(c, d) = ((a+a0)c(b+b0)d, (a+a0)d+ (b+b0)c)
= (ac +a0cbd b0d, ad +a0d+bc +b0c)
= (ac bd, ad +bc)+(a0cb0d, a0d+b0c)
= (a, b)(c, d)+(a0, b0)(c, d)
Existence d’une unit´e. Soit (a, b)6= (0,0) un ´el´ement de R2. L’´equation (a, b)(x, y) =
(a, b) ´equivaut au syst`eme ax by =aet bx +ay =b. Ce syst`eme, de d´eterminant a2+b26= 0,
poss`ede une unique solution (x, y) = (1,0).
Existence d’un sym´etrique pour tout ´el´ement non nul. Soit (a, b) un ´el´ement non nul de
R2. L’´equation (a, b)(x, y) = (1,0) ´equivaut au syst`eme ax by = 1 et bx +ay = 0. Ce syst`eme,
de d´eterminant a2+b26= 0, poss`ede une unique solution (x, y) = ( a
a2+b2,b
a2+b2) et (R2,+, .)
est un corps commutatif.
Consid´erons l’application fde Rdans R2d´efinie par f(x) = (x, 0). On a
f(x+y) = (x+y, 0) = (x, 0) + (y, 0) = f(x) + f(y)
et
f(x)f(y) = (x, 0)(y, 0) = (xy, 0) = f(xy)
L’application fest donc un homomorphisme du corps Rdans R2. Il est clair que fest injective
et que son image est R×{0}. La partie de R2,R×{0}, est donc un sous corps de R2isomorphe
`a Ret on pourra identifier aRet (a, 0) R× {0}.
On v´erifie que (0,1)2=(1,0) et que, pour tout ´el´ement (a, b)R2, (a, b) = (a, 0) +
(0,1)(b, 0) d’o`u R2=R× {0}+i(R× {0}) avec i= (1,0). Cela ach`eve de prouver que R2est
un corps de nombres complexes.
La proposition pr´ec´edente entraine l’existence d’un corps de nombres complexes. Dans la
suite, on d´esigne par Cl’un d’entre eux et par iune racine carr´ee de 1.
Une pr´esentation simplifi´ee
Dans une pr´esentation simplifi´ee du corps des nombres complexes on peut commencer par
une proposition analogue `a la proposition pr´ec´edente. Il est alors bon de donner auparavant
quelques arguments justifiant le choix de R2et des lois de composition. On peut par exemple
dire :
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