Testicules : formes graves et mauvais pronostics dossier thématique Tumeurs germinales non séminomateuses : chirurgie des masses résiduelles thoraciques Thoracic surgery in nonseminomatous germ cells tumors B. Besse*, E. Fadel** »»Malgré la normalisation des marqueurs tumoraux après chimio­ Even in case of post-chemotherapy tumoral markers normalization in nonseminomatous germ cell tumors, viable cells are found in 11 to 15% of the patients. »»L’imagerie conventionnelle ou métabolique ne permet pas de diffé­ Neither CT-scan or PET-scan can discriminate viables cells in residual lesions. »»La résection des masses résiduelles en cas de normalisation des There is a discrepancy in 28 to 36% of the cases between retroperitoneal and thoracic residual lesions. rencier les foyers de cellules viables au sein de masses résiduelles. marqueurs tumoraux après chimiothérapie est un standard. »»Il existe une discordance anatomopathologique dans 28 à 36 % des cas entre les sites lombo-aortiques et pulmonaires opérés. »»En cas de métastases pulmonaires bilatérales, il existe une concordance entre les analyses anatomopathologiques des masses résiduelles opérées dans 95 % des cas dans le poumon droit et le poumon gauche. Mots-clés : Tumeurs germinales non séminomateuses – Chirurgie ­thoracique – Masses résiduelles. I l est bien démontré que la normalisation des marqueurs tumoraux après chimiothérapie première pour tumeur germinale non séminomateuse (TGNS) n’est pas un garant de l’obtention d’une nécrose tumorale complète anatomopathologique. Les principales études publiées rapportent la persistance de tissu tumoral viable après chimiothérapie chez 11 à 15 % des patients et la présence de tératome mature dans 33 à 48 % des cas (tableau I). Il existe une certaine hétérogénéité dans la définition du tissu viable, certains auteurs intégrant le tératome immature dans ce sousgroupe, d’autres l’excluant. Cette donnée n’apparaît pas toujours clairement dans les sections “matériels et méthodes” des articles publiés sur le sujet. L’utilisation préopératoire de bléomycine est associée à un risque plus élevé de complications ventilatoires (1). Ce paramètre est d’autant plus important qu’une Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011 highlights P o i nt s f o rt s thérapie première pour tumeur germinale non séminomateuse avancée, il persiste du tissu tumoral viable chez 11 à 15 % des patients. Resection of post chemotherapy residual lesion is a standard of care in case of normalisation of tumor marker. For residual lesions in both lungs, the pathological concordance between the right and left lung is reported as high as 95%. Keywords: Nonseminomatous germ cells tumors – Thoracic surgery – Residual lesions. thoracotomie est nécessaire chez plus d’un quart des patients pour exérèse des masses pulmonaires, et chez 15 % d’entre eux pour curage ganglionnaire médiastinal (figure 1) [2]. En effet, le taux de complications pulmonaires peut passer de 8 % pour un curage ganglionnaire rétropéritonéal isolé à 35 % lorsqu’il est combiné à une résection pulmonaire (3, 4). Ces taux non négligeables ont conduit certaines équipes à redéfinir les indications des chirurgies itératives, en essayant de développer des outils adaptés. L’imagerie conventionnelle ne peut malheureusement pas différencier les foyers de cellules viables au sein de masses résiduelles (figure 2). La TEP-18FDG a prouvé son intérêt dans cette indication pour certaines tumeurs (5). Appliquée aux TGNS, cette technique s’est montrée fiable pour la détection des cellules tumorales viables au sein des masses résiduelles (6, 7). Néanmoins, la * Institut Gustave-Roussy, Villejuif. ** Centre chirurgical Marie-Lannelongue, Le Plessis-Robinson. 93 Testicules : formes graves et mauvais pronostics dossier thématique TEP-18FDG n’est pas assez sensible pour différencier la nécrose tumorale du tératome. De nombreux auteurs ont souligné la nécessité de réséquer le tératome mature résiduel. En effet, s’il n’est pas réséqué, celui-ci peut proTableau I. Analyse anatomopathologique des masses résiduelles réséquées, tous sites confondus. n Nécrose (%) 101 51 Harding (1989) 42 36 Toner (1990) 148 50 Mulders (1990) 55 56 22 Gerl (1995) 111 47 41 Steyerberg (1995) 556 45 Steyerberg (1997) 215 54 Hartmann (1997) 27 Steyerberg (1998) 172 Germà-Lluch (2003) McGuire (2003) Besse (2009) Fossa (1989) TM (%) TM + TI (%) Tumeur viable (%) 37 12 33 21 37 13 22 12 42 13 33 13 66 9 25 45 42 13 167 40 48 105 51 71 31 39 11 34 15 55 14 TI : tératome immature ; TM : tératome mature. A B Figure 1. Tumeur germinale médiastinale primitive associée à des métastases pulmonaires après chimiothérapie d’induction (A) et après résection des masses résiduelles (B). Avant chimiothérapie Après chimiothérapie Figure 2. Exemple de réponse à une chimiothérapie sur des métastases thoraciques. 94 voquer des complications par effet de masse (growing teratoma syndrome) et évoluer vers un tissu indifférencié malin (8-10). Actuellement, la TEP-18FDG n’apporte donc pas assez d’informations pour faire l’économie d’une chirurgie d’exérèse des masses résiduelles. E.W. Steyerberg et al. (11) ont publié un modèle permettant de prédire l’analyse anatomopathologique des masses résiduelles pulmonaires en fonction de l’étude anatomopathologique des ganglions rétropéritonéaux, de la valeur des marqueurs avant chimiothérapie, et le nombre de nodules résiduels pulmonaires. Ce modèle pouvait permettre de prédire la nécrose des masses résiduelles pulmonaires dans plus de 90 % des cas dans certains sous-groupes de patients. Malheureusement, ce modèle n’a pas pu être validé : l’équipe du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (MSKCC) l’a appliqué, sans succès, à un groupe de 70 patients ; dans 24 % des cas, un tératome ou une tumeur viable étaient retrouvés alors que le modèle prédisait une nécrose (12). Les résultats des 4 études importantes s’intéressant spécifiquement au sous-groupe des patients avec métastases pulmonaires sont comparables aux taux connus (persistance de tissu viable dans 13 à 15 % des cas) [11-14]. L’homogénéité des résultats entre ces séries, publiées dans un intervalle proche de 15 ans, est liée à l’utilisation systématique d’une chimiothérapie d’induction comportant un sel de platine. L’analyse anatomopathologique différencielle entre les masses résiduelles lombo-aortiques et pulmonaires est rarement effectuée dans la littérature médicale. Les 5 études publiées rapportent une discordance anatomopathologique dans 28 à 36 % des cas entre les sites lombo-aortiques et pulmonaires (13, 11-15). Dans ces études, l’analyse anatomopathologique la plus défavorable est le plus souvent retrouvée dans le territoire ganglionnaire lombo-aortique. Seules 2 études, à notre connaissance, élargissent l’analyse des masses résiduelles aux ganglions médiastinaux (13, 14). Il est observé jusqu’à 2 fois moins de discordance anatomopathologique entre les masses résiduelles ganglionnaires lombo-aortiques et médiastinales qu’entre les masses lombo-aortiques et pulmonaires ou qu’entre les masses médiastinales et pulmonaires (tableau II). Ce résultat peut s’expliquer par la physiopathologie : l’atteinte métastatique des ganglions médiastinaux serait liée à une continuité de l’atteinte ganglionnaire lombo-aortique et non à une extension locorégionale des métastases pulmonaires (dont la genèse est hématogène). Cette hypothèse est confortée par le nombre élevé de patients (74 %) qui présentent des masses résiduelles médiastinales ainsi que des masses résiduelles lombo-aortiques. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011 Tumeurs germinales non séminomateuses : chirurgie des masses résiduelles thoraciques Tableau II. Analyse anatomopathologique des masses résiduelles réséquées, en fonction du site. Tumeur viable n Tératome Nécrose LA (%) Pulm (%) Med (%) LA (%) Pulm (%) Med (%) LA (%) Pulm (%) Med (%) Toner (1990) 148 14 10 18 39 26 41 47 64 41 Steyerberg (1997) 215 14 13 – 52 33 – 34 54 – Hartmann (1997) 27 26 19 – 11 10 – 63 71 – McGuire (2003) 105 10 8 – 29 27 – 61 65 – Besse (2009) 71 12 9 8 59 36 71 29 55 21 LA : ganglions lombo-aortiques ; Med : ganglions médiastinaux ; Pulm : parenchyme pulmonaire. Une seule étude publiée avait comme objectif principal la comparaison anatomopathologique des masses résiduelles pulmonaires bilatérales. L’analyse anatomopathologique des masses pulmonaires droites et gauches chez 39 patients a retrouvé une discordance chez seulement 2 patients (5 % des cas). L’un d’eux avait reçu une chimiothérapie de rattrapage intensifiée après un premier curage lombo-aortique qui avait mis en évidence des cellules malignes résiduelles viables. L’exérèse secondaire des autres masses résiduelles a révélé une nécrose exclusive dans le premier poumon opéré ainsi que dans les ganglions médiastinaux et un tératome mature dans le second poumon opéré. Chez le second patient, des cellules malignes résiduelles (tumeur vitelline) associées à du tératome mature ont été trouvées de façon unilatérale, les masses controlatérales étant composées uniquement de tératome mature. Si dans 37 cas sur 39 (95 %), il existe une concordance entre les analyses anatomopathologiques des masses résiduelles opérées dans le poumon droit et le poumon gauche, il faut souligner qu’en cas de nécrose totale dans le premier poumon, il est mis en évidence une nécrose totale dans le second poumon pour 19 cas sur 20 (95 %). Devant ces chiffres élevés de concordance entre les 2 poumons, il a été proposé l’abstention d’exérèse des masses pulmonaires controlatérales s’il n’y avait qu’une nécrose complète dans le premier poumon (avec un protocole de surveillance scano­ graphique rapprochée). En revanche, l’exérèse des masses controlatérales est indispensable dès lors qu’il est mis en évidence un tératome ou une tumeur viable dans le premier poumon. Chimiothérapie première et normalisation des marqueurs Curage lombo-aortique si masses résiduelles à ce niveau Intervention sur 1er poumon Si masses résiduelles pulmonaires bilatérales Nécrose exclusive Tératome ou tumeur viable Surveillance seule Intervention sur 2e poumon Schéma. Proposition d’arbre décisionnel en cas de métastases pulmonaires. Il n’existe pas de recommandation univoque pour la prise en charge des patients dont les masses résiduelles contiennent des cellules malignes viables non tératomateuses. Cependant, beaucoup d’auteurs ont souligné l’importance d’une résection chirurgicale maximaliste car les résections incomplètes sont associées à un pronostic plus sombre (2, 15-21). Cela a en particulier été récemment souligné dans une vaste étude rétrospective internationale (2). La place de la chimiothérapie postopératoire n’est pas clairement établie. Certaines équipes proposent 2 cycles additionnels, d’autres une surveillance rigoureuse et la reprise d’une chimiothérapie en cas de récidive seulement (22, 23). La première option semble apporter un bénéfice en termes de survie sans récidive, mais pas en termes de survie globale (2). Cette attitude a l’inconvénient de surtraiter certains patients déjà guéris par le traitement initial. ■ Références 1. Waid-Jones MI, Coursin DB. Perioperative considerations for patients treated with bleomycin. Chest 1991;99(4):993-9. 2. Fizazi K, Tjulandin S, Salvioni R et al. 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Hartmann JT, Candelaria M, Kuczyk MA et al. Comparison 20. Harding MJ, Brown IL, MacPherson SG et al. Excision of gery after chemotherapy for nonseminomatous germ cell tumors: recommendations for patient selection. J Clin Oncol 1990;8(10):1683-94. 11. Steyerberg EW, Keizer HJ, Messemer JE et al. Residual of histological results from the resection of residual masses at different sites after chemotherapy for metastatic nonseminomatous germ cell tumours. Eur J Cancer 1997; 33(6):843-7. 12. McGuire MS, Rabbani F, Mohseni H et al. The role of tho- for patients with persistent nonteratomatous germ cell tumor in postchemotherapy retroperitoneal lymph node dissections. J Clin Oncol 1993;11(7):1294-9. 10. Logothetis CJ, Samuels ML, Trindade A et al. The growing teratoma syndrome. Cancer 1982;50(8):1629-35. pulmonary masses after chemotherapy for metastatic nonseminomatous germ cell tumor. Prediction of histology. ReHiT Study Group. Cancer 1997;79(2):345-55. 16. 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Cancer 1998; 83(7):1409-19. pharma ceutique Communiqués des conférences de presse, symposiums, manifestations, organisés par l’industrie pharmaceutique Duo contre un cancer Duo médiatique, duo artistique “Duo contre un cancer” est la première opération d’envergure nationale de l’association ARTuR (Association pour la recherche sur les tumeurs du rein), sur l’initiative de Novartis Oncologie. Le duo, c’est celui que forment le patient atteint d’un cancer du rein et son médecin. L’idée a consisté à donner parole et tribune à ce duo, le 10 mars 2011, lors de la journée mondiale du rein. Résultat : près de 4 millions de lecteurs de la presse quotidienne régionale (PQR) ont été sensibilisés à une cause souvent laissée pour compte… Fondée en 2005 par les Prs Bernard Escudier et Arnaud Méjean, l’association ARTuR a pour particularités de rassembler médecins et patients et de porter le souvenir de son parrain Bernard Giraudeau, disparu à l’été 2010. Précieuse parce que (presque) seul recours informatif et de soutien des patients atteints d’un cancer du rein, son auditoire de quelques centaines de patients et proches reflète néanmoins le caractère confidentiel de cette pathologie. C’est à l’automne 2010 que Novartis a retenu 2 projets pour ARTuR et s’est attaché à les fondre en un seul. Le premier consiste à miser sur le formidable réseau de la PQR, à le mobiliser à travers son syndicat et à préparer, localement, les duos à cette rencontre de “leur” quotidien, en vue du jour J. Le second consiste à susciter, à partir des mots des duos interviewés, l’inspiration d’un artiste-peintreillustrateur de presse, Nicolas Vial (Le Monde, Télérama, L’Express, etc.). Les œuvres sont exposées lors de la conférence de presse et leurs copies vendues au profit de l’association. Patiemment, les duos se sont fait connaître, et les mots sont venus. Lise, patiente, a parlé d’un “attelage de l’époque romantique. Il serait le cheval et moi je serais installée dans le cabriolet, mais sans tenir les rênes !”, Michel a demandé à son médecin Christian d’être le “général en chef de cette armée qu’il faut mobiliser pour battre cette bête” et Sylvette a résumé : “ce n’est que dans ce duo que je peux dire les choses comme je les ressens”. Tout ce travail de l’ombre, soutenu par les “Arturiens” (patients et proches membres de l’association) a rayonné à quelques 96 jours du fatidique 10 mars : les œuvres ont surgi, les articles se sont annoncés… Près de 4 millions de contacts Le 10 mars, la conférence de presse a eu des allures de plateau télé. Sous la férule de Sophie Péters, psychanalyste et journaliste, l’association et 4 d’entre les duos ont exprimé la force, à la fois singulière et universelle, de cette relation − qu’impose le cancer − entre le patient et le praticien. Dans la salle, d’autres duos n’ont rien perdu des échanges, parfois drôles, souvent émouvants, toujours marqués par un respect réciproque d’autant plus fort qu’il a pris son temps pour s’établir. Appelé sur scène, Nicolas Vial, a été confronté à ses “modèles”, qu’il ne connaissait que par leurs mots, et a confessé avoir puisé beaucoup de force dans l’exercice, lui qui redoutait d’y trouver noirceur et découragement. De Nice Matin à O ­ uest-France, de La Montagne à ­L’Est-Républicain en passant par Le Dauphiné Libéré ou S­ ud-Ouest, une vingtaine de titres PQR vont faire partager l’aventure, parfois plusieurs semaines après le 10 mars, à plus de 4 millions de leurs lecteurs. C. Renauld Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011