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P athologie
Olivier Gallocher1,
Muriel Garcia2
1Oncorad Garonne
6, rue Mespoul,
31400 Toulouse
<[email protected]>
2Institut Bergonié,
229, cours de l’Argonne,
33076 Bordeaux
<[email protected]>
Évolution de la
radiothérapie des cancers
bronchopulmonaires :
l’asservissement
respiratoire
Forme locorégionale évoluée
es cancers bronchopulmonaires (CBP) représentent en France près de 20 % des cancers masculins et environ 10 % des cancers féminins. Ils
sont responsables d’un tiers des décès par cancer chez
l’homme (soit la première cause de mortalité par cancer) et de 20 % des décès par cancer chez la femme (soit
la troisième cause de mortalité par cancer, après le cancer du sein et le cancer colorectal). L’âge moyen de survenue est de 60 ans. La survie globale reste faible, de
l’ordre de 15 % à 5 ans, toutes formes et tous stades
confondus. Dans la stratégie thérapeutique, on différencie les cancers bronchiques non à petites cellules
(CBNPC) regroupant les carcinomes épidermoïdes, les
adénocarcinomes et les carcinomes neuroendocrines à
grandes cellules, et les cancers bronchiques à petites
cellules (CPC). Le pronostic est très différent entre les
CBNPC (survie de l’ordre de 15 % à 5 ans) et les CPC
(moins de 5 % de survivants à 5 ans). Nous aborderons
dans cet article les évolutions récentes des techniques
d’irradiation des CBNPC.
L
Bulletin Infirmier du Cancer
La chirurgie constitue le traitement de première intention pour les patients opérables porteurs d’un CBNPC
localisé (stades I et II). Pour 30 à 40 % des patients atteints
d’un CBNPC, le diagnostic est porté à un stade localement
avancé, apparaissant souvent comme non résécable. Le
pronostic de ces patients de stade III reste aujourd’hui
assez péjoratif avec des taux de survie entre 20 % et 40 %
à 2 ans, et entre 5 % à 10 % à 5 ans. Le traitement standard des CBNPC de stade III inopérables localement avancés est actuellement fondé sur une association de chimiothérapie comportant un sel de platine et d’une
radiothérapie ; les meilleurs résultats en terme de survie
sont obtenus si cette chimiothérapie est délivrée de
manière concomitante à la radiothérapie, à la condition
que les patients soient en bon état général. L’étude randomisée 9501 du Groupe français de pneumologie cancérologique a mis en évidence un taux de survie de 25 %
à 3 ans [1] ; la dose de 66 Gray (Gy) en 33 séances
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(1 séance par jour, 5 séances par semaine) était délivrée
en technique « classique » (c’est-à-dire non conformationnelle), associée à 4 cycles de cisplatine-vinorelbine
(pendant les 1re et 5e semaines de la radiothérapie, puis
2 cycles seuls supplémentaires en consolidation).
La radiothérapie, comme tout traitement en oncologie, est soumise au délicat compromis entre destruction
tumorale et protection des tissus sains. Or, dans le cas des
tumeurs bronchiques, la radiothérapie « classique en
2 dimensions », fondée sur des radiographies de simulation, ne permettait pas une précision suffisante pour obtenir un index thérapeutique (rapport contrôle de la maladie/toxicité) satisfaisant. Les volumes étaient reportés
manuellement sur les clichés de simulation à partir de
l’imagerie TDM et de la description obtenue par la fibroscopie. Une marge de sécurité uniforme de 1,5 à 2 cm
était recommandée afin de prendre en compte les incertitudes du report tumoral, du positionnement et des mouvements du patient, de la « pénombre » des faisceaux. Il
en résultait une exposition de larges volumes de tissus
sains, dont la tolérance imposait de limiter les doses délivrées. Son imprécision pouvait conduire à une mauvaise
couverture du volume cible (responsable d’un mauvais
contrôle local) et/ou à des complications aiguës et tardives
par surdosage au niveau des organes critiques avoisinants
(pneumopathies, œsophagites et myélites radiques).
cées sur la peau du thorax et matérialisées par des
repères radio-opaques (dosimétrie prévisionnelle),
visibles sur la TDM, utiles au repositionnement du patient
et des faisceaux.
Une étape capitale de la procédure [2, 3] est la délinéation sur chaque coupe scanographique du volume
cible correspondant au volume tumoral macroscopique
GTV (tumeur, ganglions), au volume anatomoclinique
(« maladie microscopique ») CTV (espace péritumoral et
périganglionnaire autour du GTV, espace ganglionnaire
prophylactique) et des organes à risque (OAR) (poumons, moelle épinière, œsophage, cœur).
Le volume cible prévisionnel (planning target volume
ou PTV) ajoute au CTV les incertitudes liées aux mouvements des organes et des erreurs de positionnement
du patient. Il est théoriquement scindé en deux selon
les causes d’incertitudes : le volume cible interne (internal target volume ou ITV) prend en compte les mouvements internes du patient et un second volume défini
par l’addition d’une marge de mise en place (set-up margin) autour de l’ITV prend en compte les incertitudes
de positionnement pendant le traitement. Le PTV est le
volume de prescription : il doit être entouré par la surface isodose choisie et spécifiée par l’oncologue radiothérapeute comme appropriée (par exemple, l’isodose
95 %) de façon à ce que la distribution de dose soit adéquate dans le CTV. Le volume traité (treated volume ou
TV) est le PTV entouré des marges radiophysiques (qui
augmentent avec l’énergie des faisceaux et à l’inverse
avec la faible densité pulmonaire).
Radiothérapie thoracique
conformationnelle
La radiothérapie actuelle dite « conformationnelle »
est un mode d’irradiation intégrant des moyens d’imagerie moderne pour aboutir à une irradiation de haute
précision (meilleure adaptation au volume tumoral et
limitation de l’exposition des organes sains) avec l’ambition d’augmenter la dose à la tumeur (minimum de
60-66 Gy), donc le contrôle locorégional.
La procédure intègre les développements technologiques en matière de contention (interne ou externe),
d’imagerie médicale, de dosimétrie, d’appareils de traitement et d’assurance de qualité.
OAR particulier : les poumons
Il existe des modèles permettant de prédire le risque
de complications radiques pulmonaires en fonction de
la proportion de poumon irradié. Pour la réalisation des
histogrammes dose-volume, on définit une unité « (poumon droit + poumon gauche) – PTV » faite du volume
total des 2 poumons auquel on soustrait le volume cible
prévisionnel. On relève ainsi V20 et V30 qui correspondent aux volumes recevant respectivement au moins
20 et 30 Gy. V20 semble un paramètre fiable : Graham
[4] a montré l’absence de pneumopathie radique de
grade 3 (requérant une oxygénothérapie) lorsque moins
de 25 % du parenchyme pulmonaire recevait une dose
totale de 20 Gy, et, à l’inverse, un taux de 19 % lorsque
plus de 37 % du parenchyme pulmonaire était irradié à
une dose supérieure à 20 Gy.
Planification du traitement
La première étape consiste en une tomodensitométrie (TDM) en position de traitement (patient en décubitus dorsal, calé dans un système de contention, bras
au-dessus de la tête) ; des marques arbitraires sont plaBulletin Infirmier du Cancer
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Volume des cibles (cm3)
Radiothérapie asservie
à la respiration
L’existence de mouvements respiratoires est une préoccupation majeure de la radiothérapie des tumeurs thoraciques (poumons, seins, médiastin) et abdominales
(foie, reins). Ces mouvements doivent être pris en
compte dans l’ITV selon les définitions du rapport ICRU
62. Avec le développement de la radiothérapie conformationnelle, plusieurs équipes ont mesuré les mouvements des organes internes avec la respiration, en comparant des acquisitions TDM faites à différents temps du
cycle respiratoire [5]. Les déplacements moyens du lobe
inférieur du poumon sont plus importants que ceux du
lobe supérieur dans les 3 directions de l’espace. Les
déplacements du diaphragme sont les plus importants :
ils sont de l’ordre de 16 mm mais peuvent atteindre une
amplitude de 52 mm. Les sommets pulmonaires sont
en revanche beaucoup moins mobiles, leurs déplacements étant estimés en moyenne à 2 mm dans toutes
les directions (maximum 3 mm). La carène bouge également peu dans le plan latéral avec une valeur moyenne
de 3 mm, mais ses déplacements longitudinaux sont
plus importants, mesurés en moyenne à 5 mm (maximum 12,5 mm). Ross [6] a analysé les mouvements
rapides du cœur grâce à un scanographe particulier. Il
a observé que les tumeurs proches du cœur bougent de
façon importante, de 10 à 15 mm en moyenne ; à l’inverse, les tumeurs fixées à la paroi se déplacent peu, de
l’ordre de 3 mm. En résumé, les mouvements de la
tumeur en fonction du cycle respiratoire sont d’importance variable en fonction du site anatomique (ils sont
d’autant plus importants que la tumeur est plus proche
du diaphragme), mais aussi de ses extensions à des structures relativement fixes (gros vaisseaux de médiastin)
ou au contraire relativement mobiles (paroi thoracique).
À l’extrême, une tumeur périphérique lobaire inférieure
est beaucoup plus mobile qu’une tumeur proximale
lobaire supérieure partiellement fixée au médiastin.
Les études précédentes ont permis des mesures précises des déplacements des organes intrathoraciques,
mais pour les tumeurs situées près du diaphragme dont
les mouvements ont une amplitude moyenne de 35 mm
dans l’étude de Giraud [7], les marges théoriques seraient
telles que le volume des tissus sains irradié deviendrait
rapidement inacceptable. Si on considère arbitrairement
que la forme de la tumeur contourée GTV est une sphère
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Rayon
PTV
CTV
GTV
Figure 1. Augmentation exponentielle du volume du PTV en fonction du GTV.
(alors qu’elle ressemble plus généralement à une masse
patatoïde), en appliquant la formule mathématique de
calcul menant du rayon (R) d’une sphère à son volume
(4/3 πR3), on obtient un volume exponentiellement
majoré (figure 1) difficile à traiter. Ces constatations ont
conduit les équipes à réfléchir à des moyens de contrôler les mouvements respiratoires, afin de réduire les
marges entre CTV et PTV : c’est ce que l’on appelle « la
radiothérapie asservie à la respiration (RAR) » ou respiratory gating en terminologie anglo-saxonne.
L’intérêt théorique de la RAR est de réduire et de maîtriser les incertitudes de traitement liées aux mouvements respiratoires conduisant à une limitation des complications, en irradiant moins de tissus sains, avec
également l’espoir d’augmenter la dose au GTV pour
améliorer le contrôle local. La RAR procède de deux
grandes approches : soit la respiration du patient est bloquée pendant l’acquisition de l’imagerie pré-thérapeutique et l’irradiation (« gating the patient »), soit le patient
respire librement, et le déclenchement des différents
appareils s’effectue à un niveau respiratoire donné
(« gating the machine »). Une troisième stratégie, plus
futuriste, propose de suivre les mouvements de la tumeur
– « tracking » – ou d’intégrer les déplacements respiratoires dans les mouvements des lames d’un collimateur
multilame.
L’approche la plus physiologique, que tout patient
est capable de supporter, consiste à suivre en temps réel
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Niveau de référence
Blocage en inspiration
profonde
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Rythme respiratoire de base
Durée (s)
Figure 2. Courbe spirométrique d’un cycle respiratoire normal
suivi d’un blocage en apnée de référence. En ordonnées, la courbe
représente un volume en litres par rapport à une calibration.
Figure 3. Position de traitement, contention et spiromètre.
le rythme ventilatoire spontané et à déclencher le scanneur ou l’accélérateur linéaire à un niveau toujours identique du cycle respiratoire. Les mouvements respiratoires peuvent être détectés grâce à plusieurs types de
capteurs. Par exemple, le real-time position management (RPM) de la société Varian® comporte un bloc de
plastique posé sur la partie haute de l’abdomen sur
lequel sont collés des réflecteurs renvoyant la lumière
d’un illuminateur infrarouge vers une caméra reliée à
un ordinateur. Le mouvement des réflecteurs lors de la
respiration est analysé par un logiciel qui commande
le déclenchement du scanneur ou de l’accélérateur en
fonction de critères prédéfinis. Cependant, les mouvements mesurés à la surface du corps d’un patient ne
sont pas forcément reproductibles et corrélés de manière
précise aux mouvements internes de la tumeur et des
organes. De plus, le temps de traitement est allongé
puisque le canon ne tire que dans une certaine position du réflecteur (correspondant au moment choisi
dans l’ensemble du cycle respiratoire continu). La toute
dernière innovation en termes de synchronisation respiratoire consiste à effectuer une acquisition tomodensitométrique 4D (la quatrième dimension étant le
temps), chaque coupe scanographique ayant sa situation dans le cycle respiratoire (enregistrement d’un
grand nombre de coupes scanographiques jointives en
continu avec simultanément l’enregistrement de l’amplitude respiratoire du patient) [8].
Dans la seconde technique, la respiration du patient
est bloquée, habituellement en inspiration, soit par l’occlusion d’une valve (active breath control, ABC), soit
par une apnée volontaire (blocage en inspiration pro-
fonde BIP ou en anglais deep inspiration breath hold,
DIBH). La technique de contrôle actif de la respiration
la plus répandue consiste à utiliser un spiromètre comportant une valve qui peut bloquer la respiration à un
moment déterminé du cycle respiratoire (commercialisée en France par la société Elekta®).
Le blocage volontaire de la respiration, en général
inspiratoire, est plus étudié que le blocage actif. La
méthode utilisée pour l’asservissement respiratoire peut
être le blocage volontaire en inspiration profonde grâce
à un pneumotachygraphe Spirodyn’R® de DYN’R®, intégrateur d’une différence de pression du flux respiratoire.
Ce spiromètre est relié à un micro-ordinateur PC sur
lequel le logiciel Spirodyn’R® est installé. Ce logiciel permet d’intégrer l’archivage des données de chaque
patient. Une représentation graphique dynamique du
cycle respiratoire du patient est projetée en temps réel
sur écran pour le personnel, et dans les lunettes vidéo
pour le patient (figure 2). Le patient visualise ainsi sa
courbe respiratoire et par sa participation active peut
diriger son rythme respiratoire et réaliser une inspiration bloquée dans le niveau d’apnée de référence
(75 % de l’inspiration maximale).
À toutes les étapes de la radiothérapie (apprentissage, scanner, simulation, traitement), le patient est installé en décubitus dorsal, allongé sur un système de
contention thoracique, les bras maintenus au-dessus de
la tête (figure 3). Une cale est souvent placée sous les
genoux pour améliorer le confort du patient.
Robin Garcia [9] a testé cette technique sur 5 patients
porteurs d’un CBNPC. Après une phase d’apprentissage, tous les patients ont pu être traités en inspiration
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Figure 4.
Coupes frontales
en RL à gauche et
en AR à droite.
Figure 5.
Coupes sagittales
en RL à gauche et
en AR à droite.
profonde avec une bonne tolérance. La réduction des
mouvements respiratoires et l’inflation du volume pulmonaire ont permis de diminuer le volume de parenchyme sain non irradié (réduction de 30 % du volume
pulmonaire recevant plus de 25 Gy selon Hanley [10]),
offrant à terme des perspectives d’augmentation de
dose dans le volume cible sans toxicité pulmonaire
majorée.
Au moment de l’acquisition de la TDM en position
de traitement, le blocage inspiratoire permet d’améliorer la qualité des images [11, 12]. En effet, l’inspiration
bloquée est utilisée depuis toujours en radiologie pulmonaire pour supprimer les artefacts liés à la mobilité
respiratoire des organes intrathoraciques et améliorer
la qualité des images diagnostiques. En radiothérapie
conformationnelle, les TDM en position de traitement
sont réalisées habituellement en respiration libre pour
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obtenir une position moyenne des organes et de la
tumeur, et permettre une dosimétrie prévisionnelle dans
les conditions de traitement. Il en résulte des images de
qualité médiocre avec un flou cinétique responsable de
striations multiples (figures 4 et 5), gênant la délinéation des volumes cibles et des organes à risque. En plus
de ces difficultés de visualisation précise des volumes,
de nombreuses études ont montré qu’il existait une
variabilité de définition suivant les médecins. Grâce à
une étude prospective sur un petit échantillon de
5 patients [13], dont le GTV était défini en RL et en AR,
nous avons montré une tendance à l’amélioration de la
variabilité de délinéation du GTV par le blocage respiratoire au sein d’une équipe de 6 observateurs (4 radiothérapeutes et 2 radiologues). Les méthodes les plus
accessibles pour améliorer la variabilité inter-observateur semblent être la concertation à plusieurs (en par-
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médico-physiques de radiothérapie sont tentées d’utiliser l’asservissement respiratoire lors d’irradiations stéréotaxiques hypofractionnées extracérébrales, notamment pour des tumeurs localisées bronchopulmonaires
ou abdomino-pelviennes [17]. Le traitement de choix de
patients opérables de lésions bronchopulmonaires de
stade I est bien sûr la chirurgie, avec un taux de curabilité à 5 ans de 60-70 %. Pour les patients inopérables en
raison de contre-indication médicale, les études européennes et nord-américaines obtiennent des taux intéressants de contrôle locorégional à 3 ans de 80-85 %. Les
hypofractionnements utilisés sont variables : 3 séances
de 20 Gy pour les stades I-IIB (T1T2N0 ou T3 < 5 cm
N0) pour le Radiation Therapy Oncology Group [18],
4 séances de 10 Gy pour l’équipe de l’hôpital de Beaumont, Michigan [19], au prix d’une tolérance acceptable.
Malheureusement, les taux de survie globale à 3 ans et
5 ans restent décourageants (56-72 % et 48 %), principalement en raison d’une population étudiée âgée ou
présentant des antécédents médicaux importants grevant la survie. En s’adressant à des patients opérables
donc en meilleure santé, les séries japonaises [20] qui
emploient ce type d’irradiation (par exemple, 4 séances
de 12 Gy) montrent quant à elles de meilleurs résultats
(taux de contrôle local à 3 ans de 94 % et de survie globale à 3 ans de 79 %), données comparables aux résultats des séries chirurgicales ; des études prospectives
complémentaires (étude 0618 du Radiation Therapy
Oncology Group et étude 0403 Japan Clinical Oncology
Group) sont en cours pour confirmer la robustesse de
cette technique. Ainsi l’irradiation stéréotaxique hypofractionnée bronchopulmonaire pourrait devenir une
option efficace, pouvant même se substituer à la chirurgie dans la population de patients opérables.
ticulier avec les radiologues) et la planification de la
radiothérapie avec la TEP (en levant les difficultés classiques au niveau des zones d’atélectasie et des adénopathies médiastinales).
Une évaluation nationale de l’asservissement respiratoire de la radiothérapie dans le cadre des cancers pulmonaires non à petites cellules (CPNPC) et des cancers
du sein (radiothérapie asservie à la respiration, RAR) est
en cours dans le cadre du programme de soutien des
innovations diagnostiques et thérapeutiques coûteuses
(STIC année 2003). Dirigée par Philippe Giraud, elle a
pour but l’évaluation de la qualité balistique, la prévention des séquelles après radiothérapie, l’évaluation
médico-économique. Cette étude prospective consiste
à comparer des patients traités en radiothérapie conformationnelle en respiration libre à des patients traités
avec RAR pour des lésions mammaires, bronchopulmonaires, voire hépatiques.
Irradiation stéréotaxique
thoracique
Le fractionnement classique en irradiation bronchopulmonaire (traitement normofractionné) est de 2 Gy
par séance, 1 séance par jour, 5 séances par semaine
pour 30 à 33 séances, soit 60 à 66 Gy en 6-6,5 semaines
sans interruption. Il existe une relation nette entre une
dose totale élevée délivrée et un meilleur contrôle local
de la maladie. Arriagada et al. [14] ont montré un taux
de survie à 3 ans respectivement de 6 % après 40 Gy et
de 15 % après 60 Gy, illustrant la relation dose-effet. Il
est alors logique d’intensifier la dose de radiothérapie
en modifiant le fractionnement (dose par séance et
nombre de séances) afin d’augmenter la dose biologique
équivalente (DBEq) à plus de 100 Gy [15] ; l’irradiation
de type CHART (continuous hyperfractionated accelerated radiation therapy) illustre cette intensification
de la DBEq, en délivrant 54 Gy en 12 jours consécutifs
(3 séances par jour) pour un bénéfice net en survie (taux
de survie à 3 ans de 30 %) par rapport à la radiothérapie conventionnelle [16], dans les mêmes proportions
que la chimiothérapie concomitante (taux de survie de
25 % à 3 ans dans l’étude 9501 du Groupe français de
pneumologie cancérologique [1]). S’inspirant des techniques de radiochirurgie de tumeurs cérébrales (une
séance unique à haute dose dans un volume réduit, au
prix d’une contention crâniale rigoureuse), les équipes
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Conclusion
Les progrès en termes de taux de survie en cancérologie thoracique sont d’ampleur modeste. Cependant, la qualité de cette radiothérapie a largement progressé (imagerie multimodale, systèmes de contention
externe et interne, délinéation des cibles et OAR, dosimétrie prévisionnelle par planification de la balistique
des faisceaux, modification du fractionnement, chimiothérapie concomitante) permettant à l’heure actuelle
de pouvoir proposer un traitement moins toxique, plus
adapté au patient et à sa maladie, et d’espérer améliorer la survie.
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Vol.8-n°2-avril-mai-juin 2008
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