De quelques considérations sur la notion
d’éclectisme culturel
Article inédit. Mis en ligne le 29 mars 2006.
Fabien Granjon et Armelle Bergé
Fabien Granjon est sociologue au sein du laboratoire Sociologie des usages et traitement statistique de
l’information (SUSI) de France Télécom Recherche & Développement. Chargé de cours en sciences de
l’information et de la communication à l’université de Nantes, il est l’auteur de L’Internet militant.
Mouvement social et usages des réseaux télématiques, Apogée, Rennes, 2001.
Armelle Bergé est doctorante en Sciences de l’information et de la communication à l’Institut Français
de Presse (Laboratoire Carism, Université Paris 2 Panthéon-Assas) ainsi qu’au sein du laboratoire de
Sociologie des usages et traitement statistique de l’information (Susi) de France Télécom Recherche
& Développement. Son travail doctoral, effectué sous la direction de Josiane Jouët, porte sur les usages
émergents des loisirs numériques de l’image.
Note de l’éditeur
Le présent article s’appuie presque exclusivement sur les travaux remarqués d’un auteur, le
sociologue Bernard Lahire. Sur l’objet envisagé – dont l’importance n’est pas à souligner,
d’autres auteurs plus concernés par une approche communicationnelle peuvent être mis en
avant : Jean Caune, Jean-Pierre Esquenazi, Jean-Louis Fabiani ou Jean-Marc Leveratto. Les Enjeux
de l’information et de la communication sont prêts à publier leurs contributions et réactions, comme
celles d’autres lecteurs.
Plan
À l’origine de l’éclectisme culturel
L’éclectisme culturel : nouvel habitus de classe ou disposition générale ?
L’éclectisme culturel : quels plans d’analyse ?
Conclusion
Références bibliographiques
La sociologie de la consommation culturelle (Bourdieu, 1979 ; Gans, 1974) a essentiel-
lement considéré les rapports à la culture sous l’angle des igalités sociales. Elle a ainsi
pris pour objectif général l’analyse des fonctions sociales de la culture et des rapports
socialement différenciés à la culture gitime. Elle a notamment insisté sur la manière dont
s’exercent les formes de domination et les profits sociaux de distinction que la maîtrise des
codes de la culture consacrée permet d’asseoir sur les fractions sociales culturellement plus
démunies. Se focalisant pour l’essentiel sur le poids des inégalités devant la légitimité
culturelle, elle a montré combien les structures sociales cadrent l’essentiel des pratiques
culturelles. Cette grammaire de la légitimité culturelle postulant dans le même mouvement
une reconnaissance unanime des formes culturelles les plus consacrées et une différen-
ciation forte des compétences susceptibles de conduire à la maîtrise des codes culturels qui
fondent les objets de la « haute culture » a toutefois été critiquée pour sa finition assez
stéréotypée des rapports à la culture légitime : « un rapport aisé et détendu du côté des
dominants qui ont bénéficié d’une socialisation culturelle précoce, une bonne volonté
culturelle et une tension hypercorrective du côté des petits bourgeois qui croient en la
légitimité culturelle mais n’ont pas bénéficié des mêmes conditions d’accès précoce à cette
culture, et une honte ou une indignité culturelle permanente chez les dominés qui
reconnaissent la légitimité culturelle tout en ayant des pratiques et des goûts totalement
opposés » (Lahire, in Donnat, 2003, p. 54). Quand il s’est agi de rendre compte de
FABIEN GRANJON ET ARMELLE BERGÉ De quelques considérations sur la notion d’éclectisme culturel
© Les Enjeux de l’information et de la communication | http://www.u-grenoble3.fr/les_enjeux | 2005 | Page 2
comportements culturels éclectiques, c’est-à-dire des comportements culturels atypiques
révélant un brouillage des gles collectives du jeu culturel et des isomorphies liant les
positions sociales des « sujets culturels » (hiérarchie sociale) et le rapport qu’ils entretien-
nent à la culture (hiérarchie des pratiques et des genres de pratiques), cette perspective
critique a été plus ou moins abandonnée. L’éclectisme culturel, puisqu’il s’agit de cela, a été
considéré soit comme essentiellement le fait des classes dominantes et cultivées, soit, au
contraire comme une dynamique beaucoup plus étendue qui ne saurait être une caractéris-
tique exclusive des classes dominantes et descendrait l’échelle des statuts sociaux, touchant
une zone beaucoup plus large de l’espace social. Après avoir présenté quelques-unes des
évolutions censées expliquer le développement de l’éclectisme culturel, nous voudrions, ici,
discuter (en certains de ces endroits seulement) quelques-uns des attendus et des résultats
des travaux sociologiques qui se sont saisis de la question de ces « nouvelles » dynamiques
culturelles dissonantes, rendant compte des comportements peu homogènes et cohérents
sous l’angle de la légitimité culturelle.
À LORIGINE DE LÉCLECTISME CULTUREL
Le premier point souvent avanest que le champ de production des biens culturels n’a eu
de cesse, au cours de la période récente, d’interroger les frontières de l’art, de s’ouvrir à de
nouvelles formes d’expression (la culture de rue, le spectacle vivant, la bande dessinée,
etc.), de les programmer au sein de ses institutions de référence, et de les consacrer
toujours davantage (salons, prix, festivals etc.). L’élargissement et la diversification de
l’offre culturelle se nourriraient de deux mouvements distincts : a) les transformations de la
participation institutionnelle dans le domaine des arts et de la diffusion culturelle et, b) la
poursuite de l’extension des industries culturelles. Deux types de phénone sont généra-
lement pris en considération dans le jeu de tensions conduisant aux transformations des
rapports à la culture cultivée. Le premier interroge le fonctionnement du système organisé
autour du triptyque artistes-médiateurs-institutions et l’autonomie du sous-champ de
production restreinte qui béficie de la légitimité de l’art pour l’art. Le second renvoie
quant à lui aux déplacements introduits par l’emprise grandissante du fonctionnement de
la grande production, doublement dévalué, d’abord par son caractère industriel et
commercial, mais aussi par la finition de l’offre par la demande d’un « grand public »
stigmatisé par son « indifférenciation » ; celui-ci venant perturber les mécanismes de
consécration et l’établissement des normes de légitimi en matière culturelle. Si la
situation française présente sans doute des particularités, qui peuvent relever de la
spécificité et des contradictions internes de ses politiques culturelles, ce type de phéno-
mène s’observerait à l’échelle de la plupart des sociétés occidentales, « les changements
dans les structures sociales et l’émergence d’un marché ouvert des biens culturels
affaiblissent l’autorité culturelle institutionnelle, engendrant des spirales d’infla-tion
culturelle et créant des systèmes de classification symbolique qui sont différenciés, moins
hiérarchiques, moins universels et moins symboliquement puissants que durant la
première moitié de ce siècle » (DiMaggio, 1987). L’internationalisation croissante du
marché des industries culturelles (aussi bien que celle des marchés de l’art) contribuerait
par ailleurs à renforcer ce pnomène, en participant à l’ébranlement des légitimités
locales. Dans un tel contexte, le champ artistique et culturel permet à des formes
culturelles populaires ou autrement mineures d’accéder à une reconnaissance nouvelle. Il
ouvre aussi ses portes à une diversité d’acteurs qui participent de la finition des normes
d’évaluation des formes culturelles, rompant (plus ou moins radicalement en fonction des
domaines considérés) avec l’autonomie du champ artistique caractéristique de la riode
antérieure. Ce double phénomène d’ouverture des frontières du champ de production des
FABIEN GRANJON ET ARMELLE BERGÉ De quelques considérations sur la notion d’éclectisme culturel
© Les Enjeux de l’information et de la communication | http://www.u-grenoble3.fr/les_enjeux | 2005 | Page 3
biens culturels et de pluralisation des instances de consécration sous-tendrait donc la
massification culturelle et ses ambivalences. Il constituerait un des terreaux sur lequel se
développent des pratiques culturelles qui résistent de plus en plus à une analyse reposant
sur les grilles établies de la légitimité traditionnelle.
Un autre élément mis en avant est celui la massification scolaire et du recul des Humanités.
Jusqu’à il y a peu, l’un des lieux privilégiés de reproduction de la « haute culture » était le
système scolaire qui, aps avoir été réservé aux ritiers, s’est mocratiet s’est ouvert à
certaines couches de la population qui n’y avaient jusqu’alors accès qu’à la marge. Si le
nombre des bacheliers et des détenteurs de diplômes de l’enseignement supérieur s’est
considérablement accru au cours des dernières décennies, gonflant ainsi l’effectif des
populations les plus enclines à la consommation de biens et produits culturels, les effets
structurels de la massification scolaire ne sont pas pour autant univoques en matière de
transmission culturelle et d’élévation du niveau des pratiques. La démocratisation scolaire
peut sans doute se considérer sous l’angle de l’affaiblissement des frontières symboliques
entre les groupes sociaux et de l’émergence de l’éclectisme culturel (les profils dissonants,
nous rappelle Bernard Lahire, supposent d’avoir le plus souvent un minimum de
formation scolaire), mais ce mouvement général répond en fait à une double dynamique. Il
prédispose une frange nouvelle d’individus à une réception plus gitime des œuvres d’art
et de la culture, mais il conduit également à des formes de relâchement vis-à-vis de la
culture cultivée qui s’observent dans les fractions (les plus) diplômées de la société.
Philippe Coulangeon considère par exemple que l’élargissement du recrutement social
caractérisant la composition du public scolaire des dernières cennies (une proportion
d’héritiers plus faible) assouplit et transforme en partie le mécanisme d’assignation statutaire.
S’agissant plus spécifiquement du recul des Humanités, il est évident que les filières
d’enseignement scolaire impriment des marques spécifiques sur les pratiques culturelles de
ceux qui y transitent, selon la place qu’occupe la culture lettrée, la nature des enseigne-
ments, le type d’exercice privilégié, etc., qui constituent autant de matrices différentes de
socialisation culturelle. Et à « digniscolaire » égale, les étudiants ou diplômés de sciences
et techniques d’un côté, ou de lettres et sciences humaines et sociales de l’autre,
manifestent des rapports à la culture, des goûts et des comportements qui sont loin d’être
homogènes. Les critères sur lesquels reposent les hiérarchisations culturelles traditionnel-
les en particulier ne sont pas partagés de la me manière par ces différents groupes. Par
ailleurs, les marquages culturels semblent faire montre d’une importante sistance et les
dynamiques de reproduction ont tendance à perdurer en certains domaines.
Enfin, dès les années 1990, l’enquête menée par le ministère de la Culture révèle aussi un
déplacement des pratiques culturelles vers un continent qui ne cesse de se développer,
celui du pôle audiovisuel, de l’informatique et des technologies de l’information et de la
communication, tendant à changer les conditions générales de diffusion et de réception de
la culture. Les « nouveaux médias audiovisuels » et l’informatique de réseau se greffent aux
dispositifs portant jusqu’alors la culture « de masse » (i. e. principalement la télévision
hertzienne) et participeraient à l’amplification de l’offre des produits culturels, à l’hétéro-
généisation des valeurs culturelles, au renforcement du goût pour la détente, à celui de la
consommation par curiosité (Lahire, 2004). Ils contribueraient de facto à l’élargissement des
publics de la culture. Le fort taux de pénétration des équipements audiovisuels,
informatiques et télématiques dans les foyers modifierait les modalités de pratiques
amateurs et de consommation des contenus culturels enregistrés, informatisés ou
radiodiffusés. Couplées aux possibilités renouvelées de duplication et de transport des
contenus (CD, DVD, MP3), les pratiques de téléchargement et d’échanges de fichiers (son,
photo, vidéo, texte) via l’Internet autorisent, il est vrai, la constitution de stocks importants
FABIEN GRANJON ET ARMELLE BERGÉ De quelques considérations sur la notion d’éclectisme culturel
© Les Enjeux de l’information et de la communication | http://www.u-grenoble3.fr/les_enjeux | 2005 | Page 4
de contenus et contribueraient du coup à diversifier l’éventail des genres approchés sinon
des goûts. À la multiplication des occasions de fréquentation de contenus culturels
répondrait une diversification des rapports à la culture qui se concrétiseraient notamment
par une variété toujours plus importante des formats de réception, de participation et
d’action accentuant « la porosité des frontières entre culture et loisirs, entre le monde de
l’art et celui du divertissement » (Donnat, 1998, p. 311). Les TIC ouvrent, nous dit-on, de
nouvelles complémentarités contribuant potentiellement à l’entrelacement de pratiques
nouvelles et plus anciennes, au déplacement de pratiques culturelles stabilisées, à l’émer-
gence de nouvelles formes d’appropriation, à l’initialisation de couplages originaux de
contenus plus dispersés au regard de l’échelle des légitimités culturelles et sur lesquels les
pressions symboliques sont moins fortes. À la fois producteur de loisirs, diffuseur de la
culture de masse, mais aussi passeur de certaines formes de culture plus consacrées, voire
creuset de nouvelles formes de consécration culturelle, le continent médiatico-publicitaire
tendrait à prendre une importance considérable et à devenir l’acteur-référent de l’offre
culturelle pour le plus grand nombre.
Philippe Coulangeon montre par exemple que « la télévision exerce, dans l’organisation
quotidienne du temps libre, une concurrence de plus en plus affirmée à l’égard de la
culture populaire » (in Donnat, 2003 ; 2004). Le renforcement du poids de la télévision
affecte de manière assez significative l’écologie des pratiques de loisirs des classes
populaires et participe au délitement d’une certaine culture qui lui était liée, bien que
l’allongement du temps d’exposition à la télévision soit sans aucun doute davantage un des
symptômes de cette déliquescence plutôt que l’une de ses causes principales. Mais la
télévision est également une « instance de reconnaissance et de légitimation pour tous ceux
qui ne font pas partie des milieux cultivés et ne néficient pas des réseaux d’informations
courts et spécialisés » (Donnat, 1994, p. 147). Les industries culturelles, le continent
médiatico-publicitaire et la diffusion des TIC contribueraient donc, d’une part, à l’assise
d’un nouveau régime de participation culturelle, et, d’autre part, à l’amenuisement de
l’indigni culturelle des moins bien dotés en capital culturel ainsi qu’à la complexion
des classes populaires qui, de fait, partagent un minimum culturel et quelques goûts avec
une part de plus en plus importante de la population. Par ailleurs, si la culture de masse fait
aujourd’hui référence pour bon nombre d’individus, les technologies de l’information et
de la communication par le biais desquelles elles se diffusent ouvriraient également un
champ de possibles pour de nouvelles stratégies distinctives. On peut en effet penser que si
l’on écoute ou visionne de plus en plus les mêmes culturèmes, l’étendue de l’offre des
contenus et des services permet sans doute de déployer des stratégies de fréquentation et
d’instrumentation plus inhabituelles et aussi d’appréhender les objets culturels selon des
logiques plus ou moins distinctives, mobilisant notamment des ressources cognitives (des
connaissances), des savoir-faire (e. g. une forme scifique de capital technique) et des
compétences plus rares (e. g. comprendre une langue étrangère), ainsi que des appétences
(le goût pour la lecture, la recherche documentaire, etc.) singulières qui continuent à être
le fait de catégories de population bénéficiant d’un volume de capital culturel important :
« Il existe de plus en plus d’usages cultivés de la culture non cultivée liés à la consécration
de certains genres ou formes d’expression jusqu’alors considérées comme infraculturelles,
mais aussi de plus en plus d’usages non cultivés de la culture cultivée en raison de
l’insertion partielle de la culture cultivée dans cette économie médiatico-publicitaire »
(Donnat, 1994, p. 359). Pour ne prendre qu’un exemple, Philippe Le Guern (2002) montre
bien que la « fanitude », si elle se psente en première instance comme une pratique
plutôt illégitime, épouse en fait des formes fortement différences d’intéressement allant
du culte et de la vénération la plus béate à des attachements plus distants, de type
exégétiques, déclinés depuis des dispositions cultivées.
FABIEN GRANJON ET ARMELLE BERGÉ De quelques considérations sur la notion d’éclectisme culturel
© Les Enjeux de l’information et de la communication | http://www.u-grenoble3.fr/les_enjeux | 2005 | Page 5
L’ÉCLECTISME CULTUREL : NOUVEL HABITUS DE CLASSE OU DISPOSITION GÉNÉRALE ?
Dans la première de ses composantes, la thèse de l’éclectisme culturel peut être présentée
comme la clinaison française des analyses nord-américaines conduisant à l’identification
de l’omnivorisme. C’est sans doute à Richard Peterson que l’on doit les premières analyses
importantes du phénomène. Pour ce dernier, l’omnivorisme se réfère au passage du «
snobisme intellectuel [qui] repose sur la glorification des arts et le dédain des
divertissements populaires, un] capital culturel qui apparaît de plus en plus comme une
aptitude à apprécier l’esthétisme différent d’une vaste gamme de formes culturelles variées
qui englobent non seulement les arts, mais aussi tout un éventail d’expressions populaires
et folkloriques » (2004, p. 147). Dans le sillage de Peterson, un vaste ensemble de travaux
vont attester (sur fond de discussion de la théorie de la gitimité culturelle et le plus
souvent en ne considérant qu’un seul domaine de pratiques comme terrain d’enquête, la
musique, dont on sait qu’elle n’est pas la pratique culturelle la plus distinctive) du fait que
dans les sociétés capitalistes avancées, l’omnivorisme s’affirme effectivement comme une
tendance de fond au sein des groupes sociaux de statut élevé (une nouvelle norme de bon
goût), tandis qu’il est aussi démontré que les groupes sociaux de statut inférieur restent
largement marqués par des goûts consonants peu légitimes.
En France, c’est à Olivier Donnat, suite à l’enquête très documentée sur les pratiques
culturelles des Français menée par le ministère de la Culture au début des années 1990 que
l’on doit cette fois les premières définitions de ce « nouveau » fait social. Par l’emploi de
cette expression, il entend crire la tendance à l’hybridation des espaces culturels
individuels se mêlent toujours davantage certaines formes de la « culture consace »
avec des éléments issus d’expressions culturelles considérées comme moins légitimes. Pour
Olivier Donnat, l’éclectisme culturel se révèle d’abord par l’hybridation de la « culture
cultivée ». C’est, selon lui, un effet du développement de la culture de masse, de la mise sous
tension du modèle de la « haute culture » et du renouvellement des canismes de
consécration et de légitimation qui lui sont liés. Pour le dire autrement, la thèse défendue
est que la culture généralement reconnue comme la plus légitime, c’est-à-dire relevant des
formes les plus classiques de comportements et de goûts cultivés est aujourd’hui fortement
travaillée par la « culture des écrans ». La diversification de l’offre culturelle et des formats
de consommation et de ception des contenus aurait même tendance à s’imposer comme
la référence de la posture cultivée qui, paradoxalement, s’appuierait de moins en moins sur
l’appropriation exclusive des culturèmes de la culture consacrée (si tant est qu’une
orientation culturelle légitime de tous les instants puisse exister). Olivier Donnat donne
notamment l’exemple de la musique : « Le fait d’apprécier la musique classique ne suffit
pas (plus ?) pour définir le goût cultivé en matière musicale : déclarer écouter souvent ce
genre musical continue, certes à croître avec le niveau de diplôme et reste exceptionnel
dans les milieux populaires, mais écouter exclusivement de la musique classique ou
fréquenter les concerts de musique sans aller au moins de temps en temps à d’autres types
de concerts est devenu une attitude de personnes âgées cultivées plutôt provinciales, dont
les générations du « boom musical » ne peuvent se satisfaire » (2003 : 22 Combination of
highbrow and lowbrow genres, Peterson, Kern, 1996). Ce recul de la culture légitime au sein
des classes dominantes se nourrirait par ailleurs du « profond renouvellement des fractions
supérieures de la société, lié notamment au développement spectaculaires des professions
du technico-commercial et de l’informatique » (Donnat, 1994, p. 351) portant haut les
valeurs de la concurrence, de la performance, de l’entreprise et déconsidérant
parallèlement certaines des pratiques embmatiques de la « haute culture » se voulant
désintérese. Symptôme d’un changement dans les styles de vie révélant un brouillage de
l’aspect symbolique des inégalités sociales dans l’ordre des préférences et des pratiques,
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !