Le Barbier de Séville
par
Le personnage central de cet opéra : Rosina - forteresse
inaccessible volontairement installée et entretenue
par Bartolo conforté par une société machiste. De
cee «prison dorée», Rosina nargue ceux qui l’ont
enfermée, sûre de la force de son caractère et de la
supériorité de son sexe. Et les vagues successives du
crescendo rossinien viendront se casser sur ce rocher
sans l’ébranler, la confortant plutôt dans la certude
de sa supériorité. Dans cet opéra donc, des hommes
autour d’une femme, à l’assaut d’une femme ou de La
femme, ici Rosina en dompteur des sens. On chante
sous son balcon, on fanfaronne avec peignes et
ciseaux, on tempête toujours plus fort qu’on est plus
faible, on mime la calomnie qui rampe, on escalade
des échelles immatérielles pour femme imprenable…
Bref, Rossini nous montre les ravages de la chair
chez des hommes esclaves de leur désir irrépressible.
Le disposif : Rosina dans une cage, haut placée sur
un pracable, sorte de piédestal, et encore plus haut
perchée sur un tabouret de bar ou une balançoire,
entourée d’objets féminins mais également d’un fouet !
Elle est cachée par une série de ssus tendus sur des
cordes à linge – référence à l’Espagne - ou mieux, par
un ssu accroché à une tringle arrondie l’emprisonnant
dans une sorte de « burqa » de salle de bains ! Autour
de la cage, des meubles démesurés dans un espace
masculin où l’on se bouscule, se maltraite, se ment,
se bat…pour mieux arer son aenon. Jusqu’à
l’assaut nal ! Les personnages : caricaturaux jusque
dans leurs cs, leurs tocs, sauf Rosina délicieusement
féminine, sauvagement équilibrée, comme une
«chae sur un toit brûlant» ! Les costumes aux formes
parfois anciennes seront traités dans des maères
modernes avec des imprimés délirants osant des
gazons chatoyants, faisant clairement comprendre la
foncon de chacun et le côté intemporel de cee farce
indémodable !
Le Barbier de Séville est l’opéra le plus connu de
Gioacchino Rossini, sur un livret de Cesare Sterbini,
créé en 1816 et considéré par beaucoup comme le
chef-d’œuvre de l’opéra-boue italien. L’histoire a
été rée de la comédie Le Barbier de Séville ou la
Précauon inule de Beaumarchais (1732-1799),
jouée pour la première fois au Théâtre-Français
le 23 février 1775, l’une des trois pièces de cet
auteur comptant parmi les héros le personnage de
Figaro. Avant Rossini, Mozart composa Les Noces de
Figaro, opéra inspiré de la trilogie de Beaumarchais,
principalement de La Folle journée, ou le Mariage de
Figaro. La première du Barbier de Séville eut lieu le 20
février 1816 au Teatro di Torre Argenna à Rome et
fut une succession de catastrophes: non seulement la
cabale montée par Gasparo Sponni, rival de Rossini,
fonconna à merveille mais le ténor Garcia, qui avait
voulu s’accompagner à la guitare, fut sié. Rossini
lui même, au clavecin pour le connuo, fut chahuté.
Pour couronner le désastre, un chat traversa la scène
et la salle enère se mit à miauler. La représentaon
se poursuivit dans un désordre indescripble. Le
lendemain, Rossini déclara qu’il ne parciperait pas
à la deuxième représentaon. Une fois couché, il fut
réveillé par la foule venue acclamer le compositeur
ébahi. L’ouverture de l’opéra est célèbre grâce à sa
mélodie. Elle avait préalablement servi à deux autres
œuvres quelques années auparavant : Aureliano in
Palmira et Elisabea, regina d’Inghilterra. L’opéra
conent un certain nombre d’airs qui sont parmi les
plus populaires de la musique classique dont deux en
parculier :
Largo al factotum :
cee cavane (courte pièce vocale pour soliste)
extrêmement célèbre est l’un des grands airs du
répertoire de baryton.
Una voce poco fa : c’est l’un
des chefs-d’œuvre du bel canto, et l’un des grands
airs de colorature.
Barbier de Séville
Compositeur
Rossini est un compositeur au parcours tellement
atypique qu’il en devient énigmaque. On pourrait
dénir sa musique comme un tourbillon de plaisir,
une oasis presque toujours heureuse où se croisent
des êtres pleins de fantaisie et d’énergie contagieuse.
On serait tenté de croire le compositeur à l’unisson
de certains de ses personnages vifs, légers, emportés
par les rythmes aolés de ses fameux « crescendo
accelerando ». Et pourtant, que de mystère dans son
surprenant parcours musical ! Rossini compose 40
opéras entre 1810 et 1829 avec une rapidité et une
régularité déconcertantes. Puis, à cee prodigieuse
frénésie créatrice dont Guillaume Tell sera le dernier
témoignage, succèdent 40 années de silence. A 37
ans Rossini met un terme à sa carrière. Il n’écrira plus
un seul opéra. Il se contentera désormais de passer
une vie agréable à Paris où il recevra toute l’Europe
musicale, comblé d’honneurs et de gloire. Quelle est
donc la clef de cee énigme ?
Amaury du Closel étudie la composion avec Max Deutsch et la direcon d’orchestre au Conservatoire Royal de
Mons avec Alexandre Myrat, et à Vienne avec Karl Oesterreicher et Sir Charles Mackerras. En 1985, il remporte
le 2e Concours Internaonal de Chefs d’Orchestre de Lugano. Directeur musical de la Camerata de Versailles et
de l’Opéra de Chambre de Paris, il crée en 1988 le Sinfoniea de Chambord. A la Radio Roumaine à Bucarest, il
assure notamment la première audion de Jeux de Debussy et de la Symphonie de Dukas, et dirige en Roumanie
les plus importantes Philharmonies de province ainsi qu’à l’Opéra Naonal de Roumanie. En 2002, il est nommé
chef invité permanent des formaons symphoniques de la Radio Roumaine et chef permanent de la Philharmonie
d’Etat de Tirgu-Mures. Il poursuit également une carrière de compositeur, son catalogue comportant une
quarantaine d’opus. Pour le cinéma, il compose la musique des lms La Dixième Symphonie d’Abel Gance et
Michel Strogo de V. Tourjansky. Directeur musical de la compagnie lyrique Opéra Nomade depuis 2000, il est
également directeur musical de l’Académie Lyrique depuis 2006. Il a fondé en 2002 le Forum des Voix Etouées
dans le but de promouvoir la musique des compositeurs persécutés par le nazisme, et a publié en 2005 Les Voix
étouées du Troisième Reich chez Actes Sud, Prix du meilleur essai du Syndicat de la crique musicale. Parmi
ses projets en 2013, citons une tournée naonale de Tosca, La Traviata et Pelléas et Mélisande, la Cinquième
Symphonie de Mahler avec la Philharmonie de Timisoara, la sore d’un CD Malipiero chez Naxos avec l’Orchestre
Symphonique d’Etat de Thessalonique, un CD avec les concertos pour violoncelle d’Elgar et Saint-Saëns avec la
violoncelliste Meehae Ryo et l’Orchestre Symphonique de Nuremberg, et des concerts en Bulgarie (Philharmonie
de Soa), Roumanie (Philharmonie Enescu)…