Un barbier de Séville tout en gaieté
Figaro, le personnage créé par Beaumarchais et repris par Rossini pour le Barbier de Séville,
est davantage que coiffeur et chirurgien (au sens ancien du terme), il est le touche-à-tout
habile, effronté et moqueur qui s’emploie à aider son maître, le comte Almaviva, dans la
conquête de la belle Rosina. Celle-ci est jalousement protégée par l’homme qui se dit son
tuteur, le docteur Bartolo, mais qui n’a d’autre objectif que d’épouser la jeune femme, aidé
lui-même de Basilio le professeur de musique.
Le livret de Sterbini suit de près la pièce éponyme de Beaumarchais (premier temps d’une
trilogie composée du Barbier de Séville, du Mariage de Figaro et de la Mère coupable). Rossini
l’un des plus grands compositeurs du XIXe siècle, n’avait que 24 ans quand il composa son
Barbier de Séville. Et la première fois que cet opéra fut représenté en 1816, au théâtre Argentina
de Rome, il n’obtint pas le succès escompté. C’est que tout s’était mal passé sur scène et s’était
traduit par un fiasco. Mais dès la seconde représentation, le public salua cette farce joyeuse qui
est devenue depuis le chef d’œuvre de l’opéra Bouffe. Peut-être les chanteurs n’étaient-ils pas
prêts, lors de la Première, pour la musique rythmée et énergique qui exige d’eux une virtuosité
incroyable pour enchaîner sans erreurs les mots ou les onomatopées dans toutes les
modulations prévues par le compositeur. Il n’est que de penser à la difficulté des deux airs les
plus célèbres attribués à Figaro, et interprétés au premier acte : le « La, la, la! Largo! Al
factotum » dans lequel le héros étale complaisamment ses mérites, et le « All idea di que
metallo » où il révèle son avidité pour l’or.
Tous les artistes du Barbier de Séville présenté à l’Opéra de Montréal s’en sont quant à eux
parfaitement bien acquittés. Le baryton Étienne Dupuis propose un Figaro extrêmement
talentueux dans son chant mais aussi dans son jeu d’acteur. Et l’on peut en dire autant de tous
les autres protagonistes, la superbe mezzo-soprano Carol Garcia dans le rôle de Rosina, le basse
Carlo Lepore dans celui du docteur Bartolo, le ténor Bogdan Mihai en jeune comte Almaviva ou
le basse Paolo Pecchioli dans le rôle de Basilio. Leurs voix et leurs interprétations sont
excellentes ce qui ne les empêche nullement de jouer leurs rôles avec la conviction et la
théâtralité demandées pour rendre la représentation aussi belle musicalement que joyeuse et
relevée. Car on rit beaucoup dans cet opéra. C’est une farce, une bouffonnerie, qui joue sur les
inversions, les doubles et les quiproquos. Dans un décor et avec des costumes assez classiques
(qui auraient peut-être mérités un peu plus d’originalité), la mise en scène insuffle non
seulement de la gaité, mais des clins d’œil, de l’ironie ou de l’humour. Il n’est que de penser à la
scène du deuxième acte vraiment géniale où le comte Almaviva, pour s’approcher de Rosina, se
fait passer pour le remplaçant du professeur de musique et suit toutes les envolées de
l’orchestre sur son piano fictif.
Le Barbier de Séville proposé par l’opéra de Montréal du 8 au 17 novembre 2014 est un
spectacle léger et divertissant, rythmé, drôle et coloré, idéal pour initier aussi les plus jeunes au
plaisir de cette forme d’art.