la thermographie pour apprécier et préserver l`inertie des bâtiments

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Thermogram’ 2009
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LA THERMOGRAPHIE POUR APPRÉCIER ET PRÉSERVER
L’INERTIE DES BÂTIMENTS ANCIENS
Bruno ROYET
architecte honoraire
Architecte DPLG, ancien responsable du Groupe Construction du CETE de l’Est
Résumé
Première crise de l’énergie en 1973 - Le Gouvernement impose rapidement une nouvelle
réglementation qui concerne essentiellement les déperditions d’énergies par les parois.
L’approche actuelle – heureusement plus globale – ne concerne plus uniquement les économies
d’énergie en hiver, mais elle concerne également le comportement global du bâtiment avec la prise en
compte du confort thermique d’été.
Dans ce « fonctionnement thermique » d’un bâtiment, son inertie devient un paramètre important qui
conditionne les performances de chauffage et de confort.
La thermographie infrarouge peut être un moyen efficace pour apprécier, préserver et même exalter
ces qualités thermiques inertielles des bâtiments anciens, alors que trop souvent – dans les bâtiments
anciens – l’approche n’est faite qu’en termes de déperditions.
First energy crisis, 1973 - The government quickly imposes a set of laws, dealing essentially with
energy through walls and partitions.
Today’s approach is fortunately a more global one and doesn’t deal only with energy economies in
Winter, but it is also interested in the overall performances of the building, taking into account the
thermal comfort in Summer.
In the “thermal functioning” of a building, its inertia becomes an important parameter which
conditions the heating and comfort performances.
Infra-red thermography can be an efficient means to assess, save and even enhance the thermic
qualities inherent to older buildings, whereas, too often the approach for old buildings is made in
terms of losses only.
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Pour répondre à cette première crise de l’énergie – survenue brusquement en 1973 – le Gouvernement
a aussitôt publié une nouvelle réglementation concernant les économies d’énergie dans les bâtiments.
Afin de permettre son application, de nouvelles règles de calcul ont été fixées. Elles concernaient
très peu la ventilation dont le rôle n’était pas encore bien apprécié dans le bilan des déperditions
thermiques et elles ne parlaient pratiquement pas de l’inertie thermique.
L’approche actuelle ne concerne plus uniquement les économies d’énergie en hiver, mais aussi le
confort thermique d’été. Les ajouts apportés dans les réglementations qui se sont succédé depuis,
permettent de prendre en compte, pour un bâtiment, les nombreuses interactions entre son mode
constructif qui conditionne ses déperditions thermiques, son système de chauffage, et son inertie
thermique.
Dans le « fonctionnement thermique » d’un bâtiment, son inertie devient un paramètre
important qui conditionne les performances du chauffage et le confort intérieur, en été comme
en hiver.
Mais le patrimoine bâti français est très hétérogène et la recherche d'économies d'énergie dans les
bâtiments existants doit être engagée avec prudence. En effet, les constructions anciennes sont
régies par un fonctionnement hygrothermique très différent des bâtiments d’après-guerre.
Transposer directement les pratiques du neuf dans l'ancien peut être risqué ; en particulier une
démarche qui consisterait à isoler thermiquement ces bâtiments anciens selon les seuls critères et
techniques du neuf peut s'avérer triplement réductrice :
1. Les qualités hygrothermiques intrinsèques peuvent être sensiblement réduites, au détriment du
confort (dégradation des qualités inertielles du bâtiment, suppression d'apports gratuits,
régulation).
2. L'espérance de vie de certains bâtiments peut être réduite par une pathologie spécifique
(condensation dans les maçonneries, pourrissement des bois d'œuvre, développement des
moisissures, incompatibilité des matériaux nouveaux introduits).
3. Les économies réellement obtenues peuvent être nettement plus réduites que celles estimées
avec les méthodes de calcul utilisées pour les bâtiments neufs.
Une directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments a été adoptée par le
Parlement européen et le Conseil de l'union européenne en 2002. Cette directive prévoit une
réglementation thermique pour les bâtiments existants de grande taille, soumis à des travaux de
réhabilitation importants.
D'autre part, pour les logements mis en vente, le DPE (diagnostic de performance énergétique)
s'impose depuis le 1er novembre 2006 : il doit favoriser la réalisation de travaux d'amélioration
thermique.
La thermographie infrarouge peut être un moyen efficace pour apprécier, préserver et même
exalter ces qualités thermiques inertielles des bâtiments anciens, alors que trop souvent
l’approche n’est faite qu’en termes de déperditions.
Elle ne remplace pas, bien sur, le calcul de l’ingénieur (1), mais elle lui permet d’avoir un
approche plus globale, tout en attirant son attention sur des comportements thermiques
1
Il s’agit des règles de calcul Th-I , intégrées – avec les deux autres fascicules règles Th-U et règles Th-S – dans les règles
Th-bât qui ont pour objet principal la détermination de paramètres d’entrées au calcul du coefficient de consommation (C) et
de la température conventionnelle (Tic) du bâtiment –Elles ont été entérinées par la Commission générale de normalisation du
Bâtiment, après avoir fait l’objet d’une enquête auprès de la Commission Th – Bât, constituée de l’ensemble des syndicats
professionnels concernés.
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particuliers. Le projet d’amélioration thermique sera plus performant et sans risque de
pathologie.
Ainsi, l’inertie thermique est une donnée de la réglementation thermique portant sur la limitation de
la consommation d’énergie des bâtiments et sur l’inconfort thermique en saison chaude.
Ces règles Th-I (pour Thermique – Inertie) introduisent 3 types d’inertie thermique (2) :
-
-
L’inertie horaire qui est utilisée dans les règles Th-C pour caractériser l’intermittence de
chauffage et de climatisation ;
L’inertie quotidienne qui est utilisée dans les Th-E pour caractériser l’amortissement de l’onde
quotidienne de température et d’ensoleillement en saison chaude ainsi que dans les règles Th-C
pour caractériser le taux de récupération des apports de chaleur en hiver (période de 24 h) ;
L’inertie séquentielle qui est utilisée dans les règles Th-E pour caractériser l’amortissement de
l’onde séquentielle de température en saison chaude (période de 12 jours).
Cette communication est une présentation de l’intérêt de la thermographie dans l’analyse des
caractéristiques thermiques d’un bâtiment, en allant au-delà d’un simple inventaire de ponts
thermiques et de défauts d’étanchéité à l’air (3). L’aspect « calcul » n’est donc pas développé ici.
Les flux thermiques qui apparaissent dans les parois dès qu’il se crée un différentiel de température
entre les deux faces, peuvent être révélateurs de nombreuses informations utiles à l’architecte et à
l’ingénieur. Or, été comme hiver, il apparaît d’importantes ou subtiles variations de température sous
l’action du soleil ou du vent, sous l’effet de l’inertie des matériaux et selon les diverses émissivités de
leurs surfaces. Ces hétérogénéités thermiques apportent des informations sur la constitution et
l’état de conservation de ces parois (4).
La présentation de ces thermogrammes suit simplement les préoccupations que doit avoir tout
ingénieur thermicien dans l’appréciation de l’inertie thermique d’un bâtiment.
De nombreux paramètres sont à prendre en compte, énumérés ci-après, ils ne seront plus rappelés
dans les commentaires des illustrations (5) :
-
Les caractéristiques des matériaux mis en œuvre (épaisseur, conductivité thermique, masse
volumique, diffusivité)
Leur position dans les parois constituées (enveloppe extérieure mais aussi maçonneries
intérieures),
Les caractéristiques dimensionnelles des parois,
Le déphasage des températures intérieures et extérieures,
Les effets météorologiques de l’ensoleillement, du vent et de la pluie,
Les interactions avec les systèmes de chauffage en particulier l’emplacement des corps de
chauffe.
2 Extrait des règles de calcul Th-I – Cadre général – Publication du CSTB.
3 Les illustrations de cette communication réalisées par le CETE de l'EST - Service extérieur de l'Etat - sont extraites de
différentes recherches appliquées, études et expertises réalisées par son "Groupe Construction".
4 Cf l’introduction de la communication faite lors du précédent Congrès National de Thermographie THERMOGRAM' 2007 à
Châlons en Champagne, les 13 et 14 décembre 2007 : « Panorama illustré des applications de la thermographie dans le
bâtiment ».
5 Les capteurs qui ont permis ces investigations travaillaient dans les bandes spectrales suivantes : 2 à 5,6 µm (à partir de
1976), 8 à 14 µm (à partir de 1985), 7,5 à 13 µm (à partir de 1999 jusqu’en 2006)- ceci explique la qualité de certains
documents.
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EXEMPLE A
Comportement type d’une maçonnerie ancienne
Edifice concerné
Maison de ville à Moyeuvre-Grande (Moselle) – Mur en maçonnerie de brique avec conduits de
cheminées intégrés dans son épaisseur.
Flux thermique observé
HIVER : chauffage intérieur, ciel nuageux sans ensoleillement direct sur le pignon.
Commentaires
La compréhension des hétérogénéités thermiques observées sur ce simple pignon, imposait une visite
intérieure de l’immeuble ; les investigations thermographiques exigent le plus souvent cette visite
ainsi que la lecture des plans d’exécutions lorsqu’ils existent.
A – passage d'un conduit non utilisé mais ventilé naturellement par absence de plaque de fermeture
en sous-sol.
B – passage d'un conduit servant à la ventilation de l'appartement du rez-de-chaussée.
C – partie haute d'un conduit d'évacuation des gaz brûlés de la chaudière murale de l'appartement du
2ème étage, installée dans les combles et en service.
D – conduit d'évacuation des gaz brûlés de la chaudière murale de l'appartement du 1er étage.
E – refroidissement normal de l'angle maçonné (surface d'échange extérieure supérieure à la
surface d'échange intérieure).
F – emplacement d'un corps de chauffe dans la pièce concernée.
Les combles ne sont pas chauffés.
Il n'y a pas de ponts thermiques au niveau des planchers (structure bois).
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EXEMPLE B
Repérage des parois (horizontales ou verticales) qui contribuent à l’inertie thermique d’un
bâtiment.
(Les comparaisons de températures de surfaces ne peuvent de faire que sur des surfaces identiques
et sous le même angle d’observation.)
Edifices concernés
Immeuble de gauche : Immeuble d’habitation à Strasbourg - Construction des années 1970 maçonnerie et voiles en béton (coffrage glissant).
Immeuble de droite : Immeuble d’habitation à Strasbourg – construction des années 1890 – façade en
pierre de taille, plancher en bois de grande portée, un seul mur refend.
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Flux thermique observé
Immeuble de droite : Hiver – chauffage intérieur collectif à eau chaude, pas d’isolation thermique
rapportée (construction réalisée avant la première crise de l’énergie en 1973 et la première
réglementation de 1975
Immeuble de gauche : Premier thermogramme (cliché de 1983): - (A) étage courant chauffé, (B)
ponts thermiques des planchers, (C) joue de loggia non fermée, (P) dernier étage moins chauffé
compte tenu des déperditions supplémentaires par la toiture terrasse. Deuxième thermogramme
(cliché de 2000) Isolation thermique par l’intérieur et fermeture d’une loggia
Commentaires
La répartition des parois qui contribuent à l’inertie thermique de ces immeubles est très différente
pour chacun de ceux-ci. Pour le bâtiment de gauche plus récent, ce sont les planchers et les
nombreux murs refends en béton, réalisés par coffrage glissant (éléments situés à l’intérieur de
l’édifice) qui assurent cette inertie ; pour le bâtiment de droite plus ancien, ce sont essentiellement
les façades en pierre de taille (éléments constituant l’enveloppe elle-même).
Pour ces deux bâtiments, une isolation thermique par l’intérieur aura des répercussions différentes
sur leurs inerties thermiques respectives, elle sera sensiblement altérée pour l’immeuble ancien.
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EXEMPLE C
Cet édifice va servir pour plusieurs des exemples suivants. Son importante inertie thermique, surtout
pour ses deux premiers niveaux, la configuration de ses maçonneries, de ses doubles fenêtres, de son
orientation, de ses mitoyennetés, font qu’il est peu consommateur d’énergie. L’appartement situé au
premier étage - avec une chaudière au gaz à condensation basse température dans le volume chauffé,
le classe en au niveau C avec une consommation hiver 2008/2009 de 113 kWh / m2 / an, toute
énergies confondues sans isolation thermique rapportée.
Révélation de modes constructifs avec les matériaux de capacités thermiques différentes.
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Edifice concerné
Immeuble d’habitation à Strasbourg – style néo-Louis XIII, 1898 – maçonnerie mixte pierre de
taille/brique (R.deCh. : 58 cm ; 1ier étage : 50 cm ; autres étages : 38 cm ) sans isolation rapportée
(voir détails donnés dans l’exemple E
Flux thermique observé
HIVER – chauffage intérieur /paroi traversée par un flux de chaleur venant de l’intérieur.
Commentaires
Les quatre pierres de taille des chaînages verticaux (de part et d’autre de la baie) qui rayonnent
d’une façon plus importante sont posées sur leur lit et servent à ancrer les chaînages en pénétrant
dans l’épaisseur du mur (pierres parpaignes). Les éléments intermédiaires, taillés en 3 pseudopierres, sont posés en délit et ne forment qu’un simple parement. (industrialisation et pose plus
rapide).
Cette connaissance de la structure permet d’affiner les calculs thermiques et de choisir les points les
plus résistants pour la fixation d’équipements.
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EXEMPLE D
Influence de l’emplacement d’un vitrage sur le comportement thermique d’une maçonnerie.
Edifice concerné
Idem : Immeuble d’habitation à Strasbourg – style néo-Louis XIII, 1898
Flux thermique observé
Idem : HIVER – chauffage intérieur /paroi traversée par un flux de chaleur venant de l’intérieur.
Commentaires
L’absence de double fenêtre au dernier étage carré par rapport aux niveaux inférieurs, fait
apparaitre une différence de température dans la maçonnerie autour de la vitre. Cette différence se
répercute sur la face intérieure de cette maçonnerie avec condensations autour de la fenêtre.
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EXEMPLE E
Paramètres à identifier pour caractériser l’inertie thermique d’un bâtiment.
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Edifice concerné
Idem : Immeuble d’habitation à Strasbourg – style néo-Louis XIII, 1898
Flux thermique observé
Idem : HIVER – chauffage intérieur /paroi traversée par un flux de chaleur venant de l’intérieur.
Commentaires
Il est nécessaire de rassembler toutes les informations possibles avant d’interpréter les images
thermographiques et de procéder à des calculs qui pourraient donner des valeurs éloignées de la
réalité. Les variations uniformes d’un étage à l’autre peuvent attirer l’attention (en prenant soin de
s’assurer d’une température de chauffage identique ainsi que d’angles d’observation proches; deux
exemples :
-
Les variations d’épaisseur des maçonneries anciennes (- 30% du R. de Ch. Au dernier étage
carré) ;
Les différences de performances des matériaux mis en œuvre dans une même maçonnerie.
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EXEMPLE F
Utilisation de la capacité calorifique des matériaux dans la recherche d’hétérogénéité de
maçonnerie.
Edifice concerné
Chœur d’une église romane à Albé dans les Vosges.
Flux thermique observé
Rayonnement hétérogène du mur après ensoleillement
Commentaires
La capacité calorifique des voussoirs en pierre de taille de l’arc roman, différente de celle de la
maçonnerie tout-venant, fait apparaitre celui-ci bien que dissimulé sous l’enduit. Par fortes chaleurs
estivales les différences de température peuvent faire apparaitre une légère fissuration, sans que
cela corresponde à un mouvement dans la maçonnerie.
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EXEMPLE G
Analyse des conséquences d’un procédé de restauration.
Edifice concerné
Cathédrale de Strasbourg, XIIième / XVIème siècle.
Flux thermique observé
Rayonnent différentiel suite au refroidissement nocturne après un fort ensoleillement estival.
Commentaires
La chaleur emmagasinée en partie courante (l’épaisseur de cette maçonnerie est supérieure à un
mètre), est plus importante que celle des pierres de restauration posées en parement sans assurer la
continuité interne de la maçonnerie par un mortier de remplissage.
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EXEMPLE H
Mise en évidence de l’origine d’un désordre.
Edifice concerné
Immeuble d’habitation à Moyeuvre-Grande construit dans les années 1930 avec maçonnerie de pierre
et planchers en bois.
Flux thermique observé
Chauffage d’hiver, mesure thermographique façade non ensoleillée.
Commentaires
La présence d’un conduit de cheminée dans l’épaisseur du mur a provoqué, le long du conduit, une
fissuration verticale due aux hétérogénéités de température en hiver. Une isolation thermique
rapportée à l’intérieur accentuerait ces gradients de température et donc cette fissuration. De plus,
elle réduirait sensiblement l’inertie thermique de l’édifice.
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