visualisation et quantification de nuages gazeux par thermographie

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Thermogram’ 2009 193
VISUALISATION ET QUANTIFICATION
DE NUAGES GAZEUX PAR THERMOGRAPHIE
Philippe HERVE
I. AL SHUNAIFI
Laboratoire d’Energétique, Mécanique et Electromagnétisme
Université Paris Ouest Nanterre La Défense
50 Rue de Sèvres
92410 Ville d’Avray
[email protected]
Résumé.
L’utilisation d’un filtrage optique permet sur une caméra thermographique d’analyser et de quantifier
les dégagements gazeux d’un gaz unique (par ex. CO2, CO, CH4,…..). La conjugaison d’un spectromètre
à transformée de Fourrier et d’une caméra thermographique permet d’analyser simultanément dans
une scène la présence de plusieurs gaz. Enfin la détection de sources cycliques tels que des moteurs
ou la respiration peut être optimisée en faisant sur chaque pixel une analyse fréquentielle dans le
temps. Ces différents traitements de l’image peuvent aussi être utilisés conjointement pour
s’adapter aux buts recherchés (détection, identification, quantification).
1.
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NOMENCLATURE
C
L
L°
T
ελ
λ
ε λg
Concentration
sans dimension
Luminance
(W.m-2.sr-1.µm-1) pour λ en µm
Luminance du corps noir
(W.m-2.sr-1.µm-1) pour λ en µm
Température
(K)
Emissivité d’un corps opaque
sans dimension
Longueur d’onde
(µm)
m-1
Emissivité volumique d’un gaz
INTRODUCTION
Identifier et si possible évaluer la concentration d’un nuage est un problème qui intéresse de
nombreux secteurs de notre vie de tous les jours ou de la vie industrielle. Prenons l’exemple du
déchargement d’un méthanier dans un terminal. Localiser une fuite de méthane est évidemment le
premier but et le plus facile à atteindre.
L’étape supérieure consiste à connaître la concentration dans l’air et déclencher une alarme si celle-ci
s’approche des limites d’inflammabilité, c’est un problème de sécurité. Un problème voisin est celui de
la détection des pollutions. Dans le cas des moteurs thermiques il est important de connaître d’une
part la concentration donc le volume de CO2 dégagé, pour des questions climatiques mais aussi ce qui
est souvent négligé celui de CO poison du sang et des NOX, SO2 aux effets néfastes pour la santé et
les matériaux.
C’est cette quantification à distance d’un nuage gazeux que la thermographie infrarouge permet à
condition cependant d’avoir assez d’informations pour séparer les effets simultanés de la
température et de la concentration sur le rayonnement émis par les volumes gazeux que l’on désire
identifier.
1 - MODÉLISATION DU RAYONNEMENT ÉMIS PAR UN NUAGE
Les gaz présentent des spectres discontinus d’absorption
ou de transmission caractérisés par des raies fines à
température ambiante et qui s’élargissent avec la
température et la pression [2],[3]et[4].
Ces spectres de rotation vibration sont dus aux
transitions entre les niveaux énergétiques des molécules
et constituent comme le montre la figure1 de véritables
signatures dans l’infrarouge pour chaque molécule.
La luminance reçue par un instrument de mesure, œil,
caméra, analyseur spectral, est la somme des émissions
et absorptions des gaz entre une source qui peut être
l’environnement et l’instrument de mesure.
Figure 1 : Spectres de gaz [1]
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La figure 2 schématise l’ensemble des sources perçues par un instrument placé en M. on pose :
ελ (T)
: émissivité du gaz à la longueur d’onde λ et à la température T pour une concentration
unité et pour une épaisseur de 1m.
ελ (T)= α(T) : facteur d’absorption en cm-1.
C(x) :pression partielle du gaz/pression atmosphérique
C(x) ελ (T) L°λ,T dx
: émission de la couche d’épaisseur dx.
τOA, τAB, τBM : facteurs de transmission des trajets OA, AB et BM
Tfond
εfond
L
x
0
A
x
x+dx
B
M
Figure 2 : Emission et Transmission du rayonnement d’un volume gazeux devant un fond
La luminance spectrale reçue par le spectromètre ou la caméra thermographique peut être décrite
par l’équation (1).Elle dépend non seulement du profil de température mais aussi du profil de
concentration de chaque gaz sur le trajet OM.
(1)
Si on dispose d’un nombre N suffisant de longueurs d’onde, on peut inverser le système [5] [6] formé
par N équations (1) et obtenir les profils de température et de concentration [7], [8]. Le calcul pour
un pixel demande actuellement une minute et pour traiter une image on peut dans des applications à
des températures inférieures à 300 °C simplifier le problème.
2 – CONCENTRATION D’UN NUAGE HOMOGENE
Lorsque les gaz sont encore proches de leur source et qu’ils ne se sont pas encore mélangés
avec l’air, on peut souvent considérer que le nuage est homogène en température et en
concentration et le problème peut se résoudre en effectuant deux mesures.
1.
Mesure spectrale totale sur une bande (par ex. 2-5 µm)
Dans ce cas l’équation (1) se simplifie et on a :
(2)
Les gaz et le fond apparaitront sur l’image
2. Filtrage optique
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Lorsqu’on choisit une longueur d’onde où le gaz est transparent (par exemple λ = 4 µm)
l’équation (2) devient simplement :
(3)
En conjuguant les équations (2) et (3) on obtient le produit CL qui caractérise le volume
de gaz.
Pour mieux cerner les phénomènes, on peut éliminer le fond en comparant l’image filtrée à
la longueur d’onde d’absorption du gaz (par exemple λ = 4,26 µm pour le CO2) avec une
image à une longueur d’onde pour laquelle tous les gaz sont transparents.
Les figures 3 traduisent cette démarche. La figure 3c fait apparaitre le jet de gaz isolé
en supprimant le fond de la scène. Un système optique adapté à la caméra [5] décompose
l’image de la scène en deux sous-images filtrées afin d’avoir simultanément les images
correspondant aux équations (2) et (3) [9], [10].
Exemple sur la respiration
Figure 3a : avant respiration
3b : pendant respiration
3c : soustraction (3a – 3b)
Il faut que la source et le fond ne bougent pas entre les images si on désire suivre le débit gazeux
dans le temps. Sur les figures 3a et 3b les deux points lumineux sur le casque permettent à l’aide d’un
logiciel de centrer automatiquement l’image sur deux points.
Calcul du débit gazeux de la température du souffle
Figure 4 : souffle avec température du
fond à 26 °C « Tgaz>Tfond »
Figure 5 : souffle avec température du
fond à 32 °C « Tgaz<Tfond »
A partir des figures du type 3c nous avons calculé pour chaque pixel (i,j) le produit
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L’origine O étant la face avant de l’objectif de la caméra et l’infini le fond. Nous avons ensuite
intégré sur la matrice de pixels le terme :
Ce terme représente l’intégrale du CO2 présent devant la caméra. Sur la figure 4 ce terme est
représenté en bleu en fonction du temps et traduit la respiration de l’individu.
Pour trouver la température moyenne nous avons comparé un pixel situé sur le jet gazeux avec un
pixel du fond situé en dehors de ce jet.
Sur la figure 4 le fond (en rouge) porté à 26 ºC est moins émissif que le gaz, la respiration est bien
visible. Sur la figure 5 le fond est à 32 ºC, il est plus émissif que le gaz.
Sur la figure 6 en extrapolant les différences entre les
luminances du gaz et du fond nous voyons que l’émission du fond
et du gaz seraient égales à 29 ºC ce qui est la température du
souffle.
Figure (6) : Recherche rapide de la température d’un jet gazeux
3 CARACTERSATION D’UNE SOURCE CYCLIQUE
Image 7a : image filtrée à λ1 des deux voitures
( λ1 = 4,26 µm)
Image 7b : Suivi de la ligne passant par
les deux pots d’échappement
Une forte proportion des sources de gaz sont cycliques que ce soit la respiration ou l’échappement
d’un moteur. Un échappement continu peut d’ailleurs générer des oscillations de relaxation à une
fréquence bien déterminée.
Il est donc intéressant dans un paysage de détecter ces sources en rajoutant un critère de
fréquence en analysant chaque pixel dans le temps.
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L’image 7a devient alors les Fig. 8a et 8b, on repère les fréquences des 2 moteurs, l’une au ralenti à
800 tr/min (15 Hz) l’autre à 1500 tr/min (25 Hz) sur le spectre en fréquences temporelles des deux
pots d’échappement.
Le spectre en fréquence temporelle avec ses harmoniques caractérise l’échappement. L’analyse de ce
spectre permet alors de mieux comprendre les effets dans le pot.
Figure 8a : Voiture au ralenti 1500 tr/min
Figure 8b : Voiture à 800 tr/min
4
x 10
3.5
600
3
500
2.5
400
2
300
1.5
200
1
100
0.5
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Figure 8c : spectre en fréquence
de la voiture à 1500 tr/min
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Figure 8d : spectre en fréquence
de la voiture à 800 tr/min
Ce traitement en fréquence permet de détecter une source cyclique avec un gain de X en luminance,
(le rapport signal sur bruit étant amélioré d’un facteur 16, le véhicule peut alors être détecté à une
distance
fois plus grande.
4- IMAGEUR HYPERSPECTRAL
L’analyse spectrale d’une scène permet d’appréhender la composition des éléments observés.
Industriellement le premier domaine d’application est la caractérisation de mélanges gazeux issus par
exemple d’une pollution gazeuse. La méthode la plus performante que nous ayons testée [11] consiste
à remplacer le détecteur d’un spectromètre à transformée de FOURIER par une caméra
thermographique Figure 10. La Figure 11 et la Figure 12 montrent le spectre sur un pixel de la caméra
et la récupération des concentrations de méthane. La fréquence d’acquisition de la caméra avait été
choisie à 3000 Hz ce qui a limité le nombre de pixels observables à 12x64.
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Figure 10 : Dispositif expérimental (LEME)
5
2
4.9
4.8
4
4.7
6
4.6
4.5
8
4.4
10
4.3
4.2
12
10
Figure 11 : Spectre sur un pixel
20
30
40
50
60
Figure 12 : Concentration d’un jet de CH4 en %
Le calcul de l’absorption se fait avec la formule simple :
En 2009 une société a réalisé un appareillage de terrain (Figure 13) dont le coût est élevé, mais qui
semble présenter de bonnes performances (résolution maximum de 0,1 cm-1 sur une matrice
240x320).
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Figure 13 : appareillage hyperspectral
Figure 14 : exemple de localisation de plusieurs gaz
dans un paysage
CONCLUSION
La détection et la quantification de nuage gazeux font des progrès constants dus à l’amélioration
conjuguées des caméras thermographiques et des logiciels de traitements d’images.
Pour les caméras on peut dire que les performances actuelles (matrice 1000×1000), cadence de pleine
image supérieure à 300 Hz, sensibilité meilleure que 20 mK sont suffisantes et ce depuis quelques
années.
Dans ce papier nous avons montré l’intérêt de l’utilisation d’une thermographie bispectrale qui permet
de faire ressortir le nuage d’un gaz donné de son environnement. Les deux mesures spectrales
peuvent être faites séquentiellement mais les résultats sont bien meilleurs quantitativement si les
deux thermographies sont faites simultanément. Un calcul relativement simple effectué sur chaque
pixel permet alors de connaitre la quantité du gaz recherché dans le cylindre visé par un pixel de la
caméra.
Pour des sources cycliques tels que les moteurs il est intéressant de faire sur chaque pixel une
analyse fréquentielle. Il est alors possible de détecter dans un paysage ou de discriminer suivant la
fréquence des sources éloignées dont la luminance est très faible.
PERSPECTIVES
L’avenir est certainement à l’adaptation des techniques de spectroscopie qui étaient jusqu’ici plutôt
réservées au domaine du laboratoire.
La conjugaison d’un spectromètre à Transformée de FOURIER et d’une camera infrarouge va
certainement se démocratiser.
On peut aussi appliquer pour observer des sources lointaines rendues troublées par l’agitation
thermique de l’atmosphère les techniques de l’optique adaptative.
Enfin la conjugaison de l’émission passive du nuage et d’un LIDAR monospectral ou mieux
multispectral permettra d’obtenir simultanément la température et la concentration de chaque point
de nuage. C’est le but de nos efforts actuels.
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Inversion of spectroscopic data of CO2
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