
administratif, éventuellement ensuite devant la Cour administrative d’appel. Enfin, l’instance
suprême en dernier recours est le Conseil d’Etat, comme son nom l’indique. Ainsi, les arrêts
du Conseil d’Etat concernent-ils l’exercice hospitalier de la médecine. A partir des arrêts du
Conseil d’Etat, comment apparaît l’évolution de la voie administrative face à l’aléa médical ?
C’est ce que montrera Mme C. MAUGUE.
B’’) L’ALEA MEDICAL COMME INJUSTICE ou DOMMAGE DU FAIT D’AUTRUI
Si nous envisageons l’aléa médical comme une injustice ou un dommage du fait d’autrui
pour entrer dans une logique de réparation, deux grandes questions se posent.
PROBLEME (1) La première question est de savoir pourquoi l’on passe de la position (A)
à la position (B), c’est-à-dire d’une perception de l’aléa comme malchance à une perception
de l’aléa comme préjudice du fait d’autrui. Nous pouvons proposer plusieurs hypothèses.
La première est une hypothèse de type anthropologique : devant le mal l’homme cherche un
coupable, car il cherche un sens. La causalité en fournit un. Devant la maladie grave surgit
toujours l’interrogation incontrôlée : « Pourquoi moi ? » et « Pourquoi cette maladie ? » . La
recherche lancinante de la cause devient facilement recherche d’un coupable. Nous savons
que cette recherche d’une cause sous forme d’un responsable va parfois jusqu'à déclencher un
mécanisme d’autoculpabilité. « Qu’ai-je fait pour mériter cela ? » se dit le patient. Des textes
les plus anciens de l’humanité, comme la Bible, aux problèmes les plus récents que pose
l’annonce de certains diagnostics, comme celui de drépanocitose de l’enfant à une femme
malienne enceinte, nous n’en finissons pas de passer de la malchance à l’injustice, du hasard
malheureux au tort du fait d’autrui. On peut et on doit dénoncer ce mécanisme quand il dévie
vers une culpabilité non fondée, qui peut même conduire jusqu’au mécanisme - si violent et si
présent dans toutes les sociétés humaines - du « bouc émissaire ».
La seconde hypothèse est d’ordre moral. La liaison du maléfice et de la recherche d’une
éventuelle cause humaine et, donc, d’une éventuelle responsabilité humaine, est un sentiment
moral fondamental. Devant le mal, la conscience morale se traduit par deux interrogations
premières du sujet : « Suis-je la cause de ce mal? » et « Si oui, que puis-je faire, d’une part,
pour le réparer, d’autre part, pour ne pas le répéter ? ». Cette hypothèse doit solliciter notre
réflexion. Convertir tout maléfice médical en aléa médical indemnisable c’est exonérer
certains de leur responsabilité morale et judiciaire. Il existe un grand danger moral et
politique de la conversion de tout maléfice en aléa médical et, aussi - notons le - un danger
factuel : plus un risque est couvert plus il se réalise.
A ces hypothèses générales, on peut ajouter deux hypothèses factuelles, particulières à la
médecine française contemporaine . En effet, il ne semble pas exagéré de parler de non-
reconnaissance de la faute aujourd’hui en France. Il y a peu d’information sur les fautes et pas
de procédure de conciliation. Dans les pays où existent des structures et des procédures de
conciliation, les victimes peuvent distinguer la malchance et l’injustice et ne pas convertir
toute malchance en injustice. Des commissions de conciliation réunissent victimes,
responsables éventuels, experts et tiers. La relation à l’accident médical, même avec faute,
change de sens : la conciliation restaure une relation d’égalité entre personnes confrontées au
mal, celle qui en souffre et celle qui l’a causé ou ne l’a pas évité. Il peut y avoir distinction de
la faute, de l’erreur et de l’aléa, et sollicitation des ressources morales des parties impliquées :
reconnaissance de la faute, pardon, réparation, prévention de maléfices futurs, ... . La seconde
hypothèse factuelle particulière à la médecine française contemporaine serait la faible
information sur les risques. Ce fait renvoie à l’immense problème actuel de l’information sur
les risque « rares », « graves », « bénins », d’une « exceptionnelle gravité », ... et à l’évolution
récente de la jurisprudence, en particulier depuis l’arrêt Hédreul de la Cour de Cassation du