Singularité Singularité Le rapport aux médicaments Catherine Breton* ✓ Les progrès mêmes des thérapeutiques (en particulier la possibilité de guérir, lors de la découverte des antibiotiques, des patients coutant depuis de nombreuses années des patients marqués par une mort prochaine) ont formidablement développé le fantasme de la exprimer leurs rapports aux médicaments, je voudrais toute-puissance médicale. Ainsi, il est soutransmettre l’extrême complexité, ambivalente, rarement vent nécessaire de renoncer à la guérison pour évoquée, de ce rapport. réinvestir le soin, et il faut donc se confronter à une frustration. Mots-clés : Ambivalence - Désir conscient et inconscient - ✓ La maladie est une violence, et si cette violence était autreRationalité de l’irrationalité apparente - Maladie et blessure fois attribuée à Dieu dans ses rapports énigmatiques à l’intimité Défense psychique. du sujet (“Je le pansais, Dieu le guérit”, disait Ambroise Paré), elle est maintenant déplacée sur les médecins, les politiques, En effet, la maladie, plus particulièrement la maladie chronique, les patients dans certaines théories psychosomatiques, ou les mais aussi la maladie ressentie, voire imaginée, confronte chamédicaments ; c’est dire qu’il n’y a plus de tiers divin dans la cun d’entre nous à sa fragilité spécifiquement humaine, puisque relation médecin-patient. Les médecins et leur savoir deviennous nous savons mortels. nent souvent imaginairement responsables de la violence de Elle nous confronte également à l’imaginaire de notre corps, la maladie et de la fragilité qu’ils nomment, en dehors d’une puisque nous sommes des êtres parlants et désirants et que atteinte ressentie d’ailleurs. Cela dans une société qui nie le nous nous représentons ce corps, certes biologique, mais aussi manque et fantasme son absence, comme l’exprime si bien symbolique et imaginaire. Enfin, prendre un médicament nous cette expression “droit à la santé” ; que l’on parle de droit à confronte aux inventions humaines et aux différentes théories l’accès aux soins, soit, mais un droit à la santé est impossible, médicales. car nous sommes mortels. Il s’agit d’un véritable nœud de représentations que le médica✓ Enfin, le patient est le plus souvent dans une fragilité narment va actualiser lors de sa prise. Transmettre aux médecins cissique qui nécessite de mettre en place des défenses, et, aussi prescripteurs ce que les patients, souvent, ne pensent pas à délicat que soit le médecin, le patient a parfois besoin de s’en leur dire et qui compte pour eux à propos du médicament et de protéger et ne pourra élaborer ses difficultés que dans un autre leur maladie me paraît essentiel tout particulièrement lorsqu’il lieu et devant une autre personne. En effet, souvent le patient s’agit d’une maladie dite chronique, sans atteinte apparente. Je veut protéger le médecin dans son rôle, et parlera beaucoup m’attacherai avant tout à décrire ce qu’expriment les patients qui plus facilement de ses difficultés face à un médecin qui ne consciemment veulent suivre la thérapeutique et l’oublient. prescrit pas et qui s’intéresse à la complexité du rapport aux Je voudrais d’emblée souligner le fait que la complexité et médicaments sans en être blessé. l’ambivalence de chacun d’entre nous dans son rapport au médical sont considérablement majorées à l’heure actuelle ● Que transmettre d’autre au médecin ? par les éléments suivants : ✓ La relation au médicament, et par là même à la médecine, ✓ La théorie médicale centrée sur le biologique, excluant ainsi à la maladie et au médecin, est ambivalente, tout simplement la personne humaine dans son rapport au langage et à sa subparce qu’elle concerne à la fois la vie et la mort, comme l’exjectivité. prime d’ailleurs l’étymologie du mot pharmakon : poison et ✓ L’information, qui est très importante mais qui privilégie le remède. plus souvent la rationalité et nie les réactions spécifiquement humaines (le refoulement, le déni, les formations réactionnelles, ✓ La maladie touche chaque personne dans son rapport à sa l’inconscient donc dans le rapport au médical). Mais peut-on propre fragilité, ce qui est la base même de la structuration de parler objectivement de quelque chose qui touche la subjectivité, notre psychisme, ainsi que de multiples croyances, de la religion sans avoir une position cléricale ? et de toute civilisation. Le médicament est le support de multiples représentations, parfois énigmatiques et contradictoires. C’est en essayant d’en entendre la rationalité derrière l’irrationalité apparente que l’on pourra découvrir avec le malade l’extrême * Psychiatre, psychanalyste, hôpital Lariboisière (AP-HP), Paris. É Le Courrier de l’algologie (5), n° 4, octobre-novembre-décembre 2006 101 Singularité Singularité complexité de son rapport au médical, qui peut expliquer bien des comportements de rejet ou d’évitement thérapeutique. ✓ L’ordonnance. Le terme même est source de rejet du médicament, car certains se sentent identifiés à une position passive et enfantine. C’est dire l’importance de l’alliance entre médecin et patient à propos de la thérapeutique. Cependant, ce qui est voulu consciemment est souvent différent de ce qui est désiré inconsciemment. ✓ Mais (paradoxalement, apparemment, parfois) le médicament sépare le médecin du patient. Comme le disait Marty-Lavauzelle au congrès d’AIDES de Grenoble (1996) à propos du sida : “Le risque existe que beaucoup de médecins, à travers la prescription de médicaments, retrouvent un pouvoir de vie et de mort qu’ils avaient tout juste évité du temps de leur impuissance.” Pouvoir de vie et de mort, ce qui souligne bien la violence déplacée sur les médecins et les médicaments. Cela parce que la part de Dieu dans la violence de la maladie et de la possibilité thérapeutique a été déplacée sur les médecins. Il faut trouver un autre tiers qui ne peut être, à mon avis, qu’une recherche épistémologique sur la part de l’humain dans la thérapeutique, très différente d’une “psychologisation”. ✓ Parfois, le médicament représente la maladie, d’autant que celle-ci est nommée biologiquement et non pas ressentie. Pour certains, la prescription et le médicament représenteront non pas le soin, mais la mort, plus particulièrement dans l’atteinte par le VIH, d’autant que la prescription est alors assimilée à une phase sida, vécue comme une maladie mortelle. ✓ La dépression. Le désir de se soigner implique au minimum le désir de prendre soin de soi et d’accepter ce médicamentlà. Il faut toujours rechercher une dépression, éventuellement masquée, d’autant qu’elle est parfois liée à une culpabilité, car maladie et faute sont encore bien souvent associées. ✓ Les effets indésirables. La notice où sont inscrits tous les effets indésirables est par là même un “faux vrai”. Certains patients voyant écrite la multiplicité de ces effets acceptent le médicament comme une puissance destructrice de la maladie ; d’autres, au contraire, sont effrayés et craignent une atteinte de leur corps intact. C’est parfois tout le problème de l’effet nocebo des représentations conscientes et inconscientes. Effet majeur lorsqu’on étudie les effets indésirables souvent inconnus du public, voire des médecins. ✓ Le rapport aux théories médicales. – Certains patients sont pour la théorie biologique et préfèrent acquérir un savoir médical, mais, de temps en temps, l’irruption de la subjectivité devient alors blessante, car elle dévoile aussi une souffrance dont la plupart de ces patients protègent les médecins. Les deux se confortent dans un rôle idéal de bon médecin et de bon patient très rationnels, évitant l’expression de la souffrance. – D’autres, au contraire sont contre une thérapeutique biologique, le médicament étant identifié à une destruction, à une 102 Le Courrier de l’algologie (5), n° 4, octobre-novembre-décembre 2006 violence, à thanatos. Certains refusent le médicament parce que “chimique” et fabriqué en usine. D’autres se sentent “cobayes”, le médicament traitant la partie biologique et animale en eux, alors qu’ils revendiquent d’être traités en humains avec un corps imaginaire et symbolique. – Le médicament est parfois vécu comme destructeur de la notion “d’équilibre psychosomatique”. Souvent, certains patients expriment leur volonté de lutter, ce qui leur donne une idée de leur valeur et de leur force et n’est pas compatible avec l’expression “être sous thérapeutique”, qui les met en position psychiquement passive. Mais les théories psychosomatiques identifient souvent l’atteinte somatique à une fragilité psychique, fragilité qui, dans ce cas, est vécue comme redoublée par la thérapeutique. – De multiples théories et croyances sont exprimées, théories qui sont déplacées sur l’idée du médicament. En effet, l’objet médicament, répétons-le, est investi de représentations, représentations de la maladie, du médicament, opérant dans l’intimité du corps, “représentations” qui sont souvent surdéterminées et relèvent de causes multiples et souvent contradictoires, conflictuelles ou issues de différentes périodes de la vie de la personne. “Cette surdétermination dessine l’épistémologie intérieure où s’affrontent chez le même individu des processus de pensée conformes aux exigences rationnelles et d’autres filant au plus court vers un acte manqué, vers la répétition d’un événement traumatique ou quelques représentations imaginaires du désir”. (M. Neyrau. Les raisons de l’irrationnel. Paris, PUF, 1997). ✓ Le médicament représente aussi un lien entre le corps de chair et le savoir humain. Il fait donc lien entre l’idée de la vie et de la mort, entre le corps biologique et la spiritualité. ✓ Enfin, dans son rapport au manque lié à l’idée de la maladie, le médicament est sollicité entre deux positions opposées : il doit combler tous les manques et permettre la réussite sociale ou intellectuelle, l’exploit physique, voire abolir la fragilité humaine, ou, au contraire, il est vécu comme destructeur. Conclusion Je dirais qu’il faut aller au-delà de la théorie de Balint, certes très importante mais qui a privilégié la relation médecinpatient, pour travailler sur le rapport du patient lui-même (et du médecin aussi) à l’objet thérapeutique et aux théories médicales, en découvrant si l’on peut dire l’épistémologie interne du patient. Mais aussi, et cela est très important à mon avis, il faut découvrir la part humaine dans l’effet de la thérapeutique. C’est l’énigme de l’effet placebo/nocebo, effet réduit à un effet de croyance : mais de quelle croyance s’agit-il ? On a en effet découvert chez les enfants que si, avant l’âge de la parole, on leur donne la nourriture nécessaire, mais sans affect, sans relation, sans parole, ils risquent de mourir, c’est-à-dire que la substance ne suffit pas chez l’être humain. Le rapport au médicament, mais aussi son effet au-delà de la substance, implique ainsi ce qu’il y a de spécifiquement humain : le rapport à l’autre, à l’histoire, à l’objet. L’effet de cet objet médicament a peut-être un lien avec l’objet transitionnel, l’objet phallique ou, au contraire, l’objet destructeur dans les réactions dites thérapeutiques négatives. Humaniser la médecine ne consiste pas seulement à se montrer humain avec les malades, mais à reconnaître ce qu’il y a de spécifiquement humain dans la construction de leur corps et au sein même des processus morbides dont ils sont affectés. C’est ce travail épistémologique que je propose de faire. Je terminerai en citant quelques patients : “Moi, j’ai une très bonne relation au médecin et je prends les médicaments, parce que je pense que le savoir des médecins et des découvertes faites, c’est Dieu qui l’a donné au médecin. Les médecins sont pour moi des messagers de Dieu. Cependant, j’ajoute quelque chose qui est dans le Coran.” “J’avais une excellente relation à mon médecin tant qu’il n’avait pas de médicament, car je le sentais impuissant comme moi, nous étions deux personnes fragiles. Depuis qu’il a des médicaments, je ne peux plus le supporter, parce que je me sens inférieur à lui ; d’ailleurs, on le dit bien, je suis ‘sous thérapeutique’ et donc passif face à lui. Je ne le supporte pas. Et je préfère prendre d’autres médicaments que ces médicaments où je suis passif, par exemple des médecines parallèles.” AP Advil Enfant 180x120 11-06 15/12/06 10:24 Une patiente venant d’Haïti : “Je viens d’Haïti. Dans mon pays, on prend des tisanes, des décoctions plus que des médicaments ; c’est quelque chose de doux que l’on prend naturellement. J’ai besoin de cet héritage transmis de génération en génération. Il y a de la violence dans la rationalité occidentale. J’ai l’impression qu’il y a une sorte d’aliénation, que je m’oublie, que je me livre à l’inconnu de la science. Néanmoins, je reconnais le bien-fondé de la science et je veux jouir du confort relatif qu’elle peut proposer. C’est une douleur dans ma famille de parler de médicament. Les plantes, en revanche, il y a une connivence entre elles et nous, c’est notre famille, un berceau, une autre mère. Le médicament, c’est drastique, c’est la peur, si je ne le prends pas je vais mourir. Le médicament, c’est cette bouteille qui est en verre et peut se casser si jamais elle tombe ; et puis on doit les avaler, c’est une forme de violence, ce n’est pas naturel et il y a la tyrannie de la dose, il faut contrôler, pas une goutte de plus, pas une goutte de moins. Je manie le danger, ce que j’ai peut me tuer, le médicament peut me tuer. La plante est peut-être aussi un danger, mais je suis dans une sorte de béatitude inconsciente, comme un bébé. Vous savez, le médicament, ce serait comme le monde du père, une contrainte, la loi, la sentence ; mais au fond, c’est vrai, je suis née d’un père et d’une mère et puis j’étudie. Il faudrait que j’allie les deux, les médicaments et les plantes.” ■ Singularité Singularité Page 1 ADVIL ENFANTS & NOURRISSONS 20 mg/ml. COMPOSITION : Ibuprofène 20 mg par ml. Excipients dont saccharose, sorbitol, glycérol, rouge cochenille A. FORME PHARMACEUTIQUE : Suspension buvable en flacon de 200 ml. INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES : Traitement symptomatique des affections douloureuses et/ou fébriles. POSOLOGIE ET MODE D’ADMINISTRATION : Réservé au nourrisson et à l’enfant de 3 mois à 12 ans (soit environ 40 kg). Voie orale. cf. Vidal. CONTRE-INDICATIONS : - Au-delà de 24 semaines d’aménorrhée (5 mois de grossesse révolus). - Antécédent d’allergie ou asthme déclenché par la prise d'ibuprofène ou de substances d'activité proche telles qu’autres AINS, aspirine. - Antécédents d’allergie à l’un des excipients. - Ulcère gastroduodénal en évolution. - Insuffisance hépatocellulaire sévère. - Insuffisance rénale sévère. - Insuffisance cardiaque sévère non contrôlée. - Lupus érythémateux disséminé. MISES EN GARDE/ PRÉCAUTIONS D’EMPLOI : En cas d’asthme associé à une rhinite chronique, à une sinusite chronique et/ou à une polypose nasale, risque majoré de manifestation allergique lors de la prise d’aspirine et/ou d’AINS. Possibilité de crise d’asthme, notamment chez certains sujets allergiques à l’aspirine ou à un AINS. Les hémorragies gastro-intestinales ou les ulcérations/perforations peuvent se produire à n’importe quel moment en cours de traitement sans qu’il ait nécessairement de signes avant-coureurs ou d’antécédents. Risque augmenté chez le sujet fragile, de faible poids corporel, sous traitement anti-coagulant ou antiagrégant plaquettaire. En cas d’hémorragie gastro-intestinale ou d’ulcère, interrompre immédiatement le traitement. La varicelle peut exceptionnellement être à l’origine de graves complications infectieuses cutanées et des tissus mous. Éviter l’utilisation en cas de varicelle. Des réactions cutanées sévères et des allergies mettant en jeu le pronostic vital peuvent se produire avec tous les AINS. Interrompre le traitement par l’ibuprofène en présence d’effets indésirables cutanéo-muqueux. Des cas d’infertilité secondaire anovulatoire par non rupture du follicule de De Graaf, réversibles à l’arrêt du traitement, ont été décrits chez les patientes traitées au long cours par certains inhibiteurs de synthèse des prostaglandines. En raison de la présence de saccharose et de sorbitol, ce médicament est contre-indiqué en cas d'intolérance au fructose, de syndrome de malabsorption du glucose et du galactose ou de déficit en sucrase-isomaltase. En cas de diabète ou de régime hypoglucidique, tenir compte de la teneur en saccharose (0,5 g/ml). Prudence et surveillance particulière chez les malades ayant des antécédents digestifs (ulcère gastro-duodénal, hernie hiatale, hémorragies digestives...). En début de traitement, surveillance attentive du volume de la diurèse et de la fonction rénale chez les insuffisants cardiaques, hépatiques et rénaux chroniques, chez les patients prenant un diurétique, après une intervention chirurgicale majeure ayant entraîné une hypovolémie et particulièrement chez les sujets âgés. Effectuer un examen ophtalmologique complet en cas de troubles de la vue. Traitements prolongés : Contrôler la formule sanguine, les fonctions hépatique et rénale. INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES, GROSSESSE, ALLAITEMENT, EFFETS SUR L’APTITUDE À CONDUIRE DES VÉHICULES ET À UTILISER DES MACHINES, EFFETS INDÉSIRABLES, SURDOSAGE, PROPRIÉTÉS PHARMACOLOGIQUES. Cf. Vidal. AMM 336 406.2 (1993 révisé 09 Février 2005). Remb. SS 65 %. Coll. PRIX : 3.44 euros (200 ml). WYETH SANTE FAMILIALE Cœur Défense, Tour A, 92931 Paris La Défense Cedex. Tél. : 01 41 02 77 77. 103