La société médiévale en Occident aux XIème et XIIème siècles
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Le sacre de Philippe Ier de France par Gervais, archevêque de Reims (23 mai 1059)
« L’an de l’Incarnation du Seigneur MLVIIII, indictions 12e, la trente-deuxième année du règne du
roi Henri, au 10 des calendes de juin, la quatrième année de l’épiscopat de Gervais, au jouir sacré
de la Pentecôte, le roi Philippe a été sacré selon ce cérémonial (hoc ordine) par l’archevêque de
Gervais, devant l’autel Sainte-Marie de l’église cathédrale. La messe ayant commencé, avant la
lecture de l’Epître, le seigneur archevêque se tourna vers le roi et lui exposé la foi catholique, le
pressant de dire s’il voulait à la fois y attacher foi et la défendre. Et comme le roi acquiesçait, on
lui apporta le texte de son engagement (professio), qu’il prit et lut en personne, bien qu’il ait été
âgé de seulement sept ans, et y apposé sa souscription. Voilà ce que disait la profession :
« Moi, Philippe, qui serai avec la faveur de Dieu le prochain roi des Francs, au jour de mon sacre
(ordinatio), je promets devant Dieu et ses saints, de conserver à chacun de vous le privilège
canonique, la loi convenable et la justice qui lui sont dus et de les défendre, avec l’aide de Dieu et
dans la mesure de mes capacités, comme doit le faire avec droiture un roi dans son royaume pour
chaque évêque et l’Église lui est confiée. Au peuple qui nous est confié, je promets de concéder
une justice qui le confortera dans son droit, par notre autorité ».
Ayant fini sa lecture, il posa cette promesse écrite entre les mains de l’archevêque, en présence
d’Hugues de Besançon, du légat du pape, Nicolas (...) [suit la liste des évêques présents, puis des
abbés].
Prenant en main le bâton de saint Remi, Gervais exposa calmement et sans colère comment
l’élection du roi et la consécration du roi lui revenaient exclusivement, puisque saint Remi avait
baptisé et consacré le roi Clovis ? Il exposa encore comment, par ce bâton, le pape Hormisdas avait
donné à saint Remi ce pouvoir de consacrer et la primatie sur toute la Gaule et comment le pape
Victor la lui avait accordé, à lui Gervais et à son Eglise. Alors, avec l’accord d’Henri son père,
Gervais élut roi Philippe. [Le roi reçoit des marques d’honneur et d’attachement du légat du pape,
des évêques, des abbés et des clercs]. Après eux, Gui d’Aquitaine. Après lui, Hugues, fils et envoyé
du duc de Bourgogne. Puis les envoyés de Baudoin de la Marche et de Gaufred, comte d’Angers.
Enfin, les comtes Raoul Vedensis, Herbert de Vermandois, Gui Ponticensis, Guillaume de
Soissons, Rainald, Roger, Manasses, Hilduin, Guillaume d’Auvergne, Heldebert de la même
province, Foulques Ecolesinensis, vicomte de Limoges. Ensuite, les milites [soldats] et le peuple,
petits et grands, d’une seule voix donnèrent leur approbation et louèrent ce choix en proclamant :
« Nous louons, nous voulons, qu’il en soit ainsi ».
Alors ce même Philippe accorda un diplôme de protection pour les biens de l’Eglise Sainte-Marie
et du comté de Reims, et pour les biens de Saint-Remi et de toutes les autres abbayes, comme
l’avaient fait avant lui ses prédécesseurs ; il le confirma et y apposa sa souscription, comme
l’archevêque. Car Philippe fit de Gervais son grand chancelier, comme ses prédécesseurs les rois
l’avaient fait avec les précédents archevêques, de sorte que le consécrateur fut aussi le
chancelier ».
Comte-rendu de la cérémonie (par Gervais archevêque de Reims ?), trad. de l’édition latine de
Richard A. JACKSON, Ordines coronationis Franciae, University of Pennsylvania Press,
Philadelphie, 1995, t. I, p. 226-232.
Le « testament » de Philippe-Auguste (1190)
« Au nom de la sainte et indivisible Trinité, Amen. Philippe, par la grâce de Dieu, roi des Francs.
L’office du roi consiste à pourvoir par tous les moyens aux besoins de ses sujets, à faire passer
avant sa propre utilité celle de l’Etat. Puisque donc nous embrassons de toute la force de notre
désir le vœu d’un pèlerinage en Terre Sainte, nous avons décidé, sur le conseil du Très Haut,
d’ordonner de quelle manière en notre absence doivent être traitées les affaires de notre royaume
et prises les ultimes dispositions de notre existence, s’il nous arrivait pendant notre route ce qui est