31 N°110 • novembre 2015 •
simples. Par ailleurs, les doses sont moins
fortes, avec «seulement» deux prises par
jour, matin et soir. Les effets indésirables
restent néanmoins très lourds : déman-
geaisons insoutenables, diarrhées mons-
trueuses, inammation des terminaisons
nerveuses provoquant des paresthésies et
d’irrépressibles crises de fatigue.
De son propre chef, Richard décide alors
de diminuer ses doses. Il s’explique : «à
partir de 2001, j’avais décidé de “sus-
pendre” le traitement le dimanche (puis le
samedi, puis le vendredi), pause qui stop-
pait pour un jour ou deux les effets secon-
daires handicapants», ce qui lui permet-
tait d’assurer le tournage des émissions de
téléréalité auxquelles il participait alors.
Il s’interroge cependant sur la validité de
cette intermittence médicamenteuse et
consulte abondamment Internet en quête
d’informations. Il rencontre alors en 2008
le Dr Leibowitch, codécouvreur du VIH et
spécialiste de la trithérapie, qui justement
préconise l’adaptation de la posologie à
l’organisme de chacun et l’allègement thé-
rapeutique. Richard rejoint alors le proto-
cole ICCARRE. Il reprend un «traitement
d’attaque» pendant la première année
de trithérapie pour passer ensuite à une
phase d’entretien (4 jours d’arrêt pour 3
jours de médicament). Depuis 2009, il se
sent bien mieux et sa charge virale reste
indétectable.
« Liberté extraordinaire »
« Pendant une journée, on n’a plus de
contrainte », souffle Richard, qui au-
jourd’hui prend ses quatre comprimés en
deux fois chaque semaine, et c’est «une
liberté extraordinaire». Il envisage même
de passer à une seule prise par semaine
en 2017-2018. La délivrance des médica-
ments devient ainsi moins fréquente. «Le
rapport avec la maladie, le traitement de-
vient très distancié lorsqu’il s’agit d’aller
acheter des médicaments une fois tous les
3-4 mois seulement.» Le danger de la mé-
thode, c’est l’oubli. «J’ai choisi le rythme
lundi-mardi pour que mon inconscient ne
me joue pas de tour», explique-t-il.
Pour sa part, Noëlle y va de sa petite cui-
sine depuis plus d’une année. «Je fais cela
avec beaucoup de sérieux », assure-t-elle,
je tiens même une petite che. Pour elle,
ce sont les mercredis et jeudis qui sautent.
Elle l’a caché à son médecin traitant, qui
“arbore toujours un grand sourire à la vue
de mes analyses”, mais compte bien le
dire à son nouveau médecin. Et elle note
la différence. Depuis 17 ans qu’elle est
malade, elle dort sous somnifères. La tri-
thérapie est selon elle responsable de ses
graves troubles du sommeil. Depuis qu’elle
prend moins de médicaments, nies les
nuits blanches systématiques, elle dort
«un petit peu mieux»: «il m’arrive d’avoir
quelques plages de sommeil de 2 heures
sans interruption».
Laure, aussi, fait l’expérience de l’allè-
gement des doses de sa trithérapie. Dé-
clarée séropositive très jeune, à 23 ans,
elle en a aujourd’hui 49. «Je craignais
plus le traitement que la maladie elle-
même», confie-t-elle. Il y a un an et demi,
l’hôpital lui a proposé de participer à un
protocole qui consistait en la réduction
du traitement. Mais c’est tombé à l’eau,
le nombre de participants étant déjà
atteint. Écoutant toutefois son intuition,
elle fait l’expérience depuis un mois de
ne prendre ses médicaments que 6 jours
sur 7. Et jusqu’ici… tout va bien. n
François Gaillard
❙Côté associations
■ AIDES
Créée en 1984, à l’initiative du
sociologue Daniel Defert et
reconnue d’utilité publique en
1990, AIDES est la première
association française de lutte
contre le VIH/sida et les
hépatites virales en France et
l’une des plus importantes au
niveau européen. AIDES est
aujourd’hui présente dans plus
de 70 villes françaises.
www.aides.org
■ ICCARRE
Diminuer la prise des
antirétroviraux sous forme
de cycles courts (2 ou 3 jours
par semaine) est le pilier de
la recherche au sein du projet
ICCARRE.
Cette association, composée
initialement de 90 patients
séropositifs, a pour but
d’informer le public sur le
programme ICCARRE, sa
promotion auprès du grand
public, ainsi que la défense, la
formation et l’accompagnement
des receveurs de ce traitement et
de leur famille.
www.association-iccarre.org
Quand on achète son
traitement tous les
3mois, le rapport avec la
maladie devient distancié
RichaRd cRoss
À l’ofcine, toute
l’équipe savait être
parfaitement discrète
Noëlle MAUREY