(12.00 - 12.40) Christophe Grellard (EPHE Paris) / Ángela Beatriz Ávalos (Paris 1 – Collège de France) :
La place de l’éthique et la figure du moine-philosophe chez Abélard.
Dans la Theologia christiana (ca. 1125), Pierre Abélard fait des moines les successeurs des philosophes
païens, reprenant, implicitement, une tradition augustinienne et paulinienne qui voit dans le christianisme
l’accomplissement de la philosophie antique. « Je ne veux pas être philosophe d’une manière qui
m’opposerait à Paul ; je ne veux pas être Aristote d’une manière qui me séparerait du Christ », écrit-il dans
son Epistola et fidei confessio ad Heloisam, cette manière étant donc une « théologie philosophique ». Si Pierre
Abélard sera suivi sur ce point par Jean de Salisbury, en revanche, il est une tradition monastique,
représentée notamment par Bernard de Clairvaux ou Pierre de Celle, qui s’oppose violemment à ce
schème et oppose radicalement la philosophia des païens et la disciplina du cloître. Par-delà le schéma
historiographique classique qui oppose l’école et le cloître, le but de cette intervention est d’examiner
quelles conceptions de la philosophie et du philosopher sont à l’œuvre dans ces deux schèmes, en
particulier dans la façon dont ils articulent les différentes parties de la philosophie. La promotion de
l’éthique comme partie fondamentale de la philosophie est indissociable des transformations du XIIe siècle
où se mêlent déclin et renouveau.
Après-midi mardi 30 mai
(14.30 - 15.10) John Marenbon (Trinity College, Cambridge): « Pagans and Philosophers »
In my Pagans and Philosophers. The problem of paganism from Augustine to Leibniz (Princeton University Press,
2015), I examined how the Problem of Paganism — the interrelated topics of pagan virtue, wisdom and
the salvation of pagans — were treated by Latin Christian authors. In this paper I plan to extend this
investigation, so that as well as looking at twelfth-century authors writing in Latin, including Abelard and
William of Conches, I shall look at Muslim and Jewish authors from the same period, who wrote in
Arabic, such as Ibn Tufayl, Averroes and Maimonides. I am thinking, initially, about two questions in
especial: - (1) How do different religious backgrounds and doctrines affect the way thinkers approach the
Problem of Paganism. (Indeed, is there such a problem from Muslims and Jews?) (2) Given the far wider
availability of Aristotle in the twelfth-century Arabic world than in the Latin one of the same period, it is
tempting to think that the shared chronology is merely accidental, and that the real Latin contemporaries
of Averroes and Maimonides are the thirteenth-century thinkers who were the first to study the almost
complete Aristotle. Might it be, however, that real, temporal contemporaneity is more important than this
way of thinking would suggest?
(15.10 - 15.50) Irène Rosier (EPHE Paris) : « Sémantique, ontologie, noétique au début du XIIe siècle:
nouvelles perspectives et nouvelles questions »
Le début du XIIe siècle est pour la philosophie, la période où émerge Paris comme centre de savoir, celle
des écoles ou « sectes philosophiques ». La question du langage y tient, dès le départ, un rôle essentiel,
mais, en raison des corpus disponibles, elle est indissociable des questions ontologiques et noétiques. La
figure d’Abélard est majeure, et on la voit encore trop souvent, telle qu’il l’exposait lui-même, en lien ou
en rupture avec son maître Guillaume de Champeaux. Pourtant la place de Guillaume, qui enseigna la
grammaire, la dialectique et la rhétorique mérite d’être envisagée pour elle-même, maintenant que cet
enseignement est mieux connu, grâce à des éditions nouvelles qui forcent à reconsidérer les notions
d’auteur et d’école et les enjeux des débats doctrinaux. Je voudrais ici me centrer sur les recherches et
hypothèses récentes – notamment sur les origines et la nature du « vocalisme » et les facettes des
différents « réalismes » – et montrer en quoi elles suscitent de nouvelles perspectives notamment pour
penser les liens entre les questions sémantiques, ontologiques et noétiques.