césar son prince

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SEPTIÈME SUJET
MACHIAVEL ET LE PRINCE
L’invention de la politologie
Un habile législateur, qui entend servir l’intérêt commun et celui
de la patrie plutôt que le sien propre et celui de ses héritiers, doit
employer toute son industrie pour attirer à soi tout le pouvoir.
Machiavel (1469-1527)
Discours sur la premi!ère décade de Tite-Live
I
PRÉSENTATION
1 - Niccolò Machiavelli, rénovateur de la philosophie politique
2 - Un auteur de la Renaissance italienne
3 - Un politique en humanisme, au lieu d’un humaniste en politique
4 - Une inversion entre l’image historique et l’homme réel
5 - Les incompréhensions sur Machiavel et Le Prince, le machiavélianisme réduit au machiavélisme
II
ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES (1469-1527)
1 - Sa naissance à Florence le 3 mai 1469
2 - En 1498, il devint secrétaire de la Chancellerie de Florence
3 - Une carrière politique et diplomatique au service de l’état florentin
4 - Il sert sous la direction du gonfalonier Piero di Tommaso Soderini (1450-1513)
5 - En 1512, renversement de la République par les Médicis après la défaite de Prato
6 - Machiavel est révoqué en 1512, puis emprisonné jusqu’en mars 1513
7 - Le temps de l’exil à Sant'Andrea in Percussina
8 - Une retraite forcée qui lui permet de se consacrer à l’écriture
9 - En 1520, son retour en grace auprès du Cardinal Jules de Médicis
10 - Un timide retour à la vie publique en 1525 au service des Médicis
11 - En mai 1527, les Médicis sont à nouveau chassés du pouvoir et Machiavel retombe
en disgrâce
12 - Son décès le 22 juin 1527 à Florence
III
SON ŒUVRE
1 - Une œuvre doublement focalisée sur l’exercice du pouvoir politique
2 - Une pensée cohérente et constante dans tous ses écrits, un réel “machiavelianisme”
3 - Ses œuvres principales
A - Poésies
- Decennale primo, Les premières décennales (1504)
- Decennale secondo, Les secondes décennales (1509)
- Asino d’oro (vers 1517)
B - Ses œuvres diplomatiques
- Discorso sopra le cose di Pisa (1499)
- Sur la nature des Français (1500)
- Del modo tenuto dal duca Valentino nell’ammazzare Vitellozzo Vitelli,
Oliverotto da Fermo, etc. (1502)
- Discorso sopra la provisione del danaro (1502)
- Del modo di trattare i popoli della Valdichiana ribellati (1504)
- Ritratti delle cose dell’Alemagna, Rapports sur les choses de L'Allemagne
(entre 1508-1512)
- Ritratti delle cose di Francia, Rapports sur les choses de France (1510)
C - Ses ouvrages de théorie politique, de politologie
- Discorsi sopra la prima deca di Tito Livio, Discours sur la première décade
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de Tite-Live (1513-1519)
- De Principatibus, Le Prince (1513, publié en 1532)
- Dell’arte della guerra, L’Art de la guerre (1519-1520)
- Discorso sopra il riformare lo stato di Firenze (1520)
- Sommario delle cose della città di Lucca (1520)
D - Ses ouvrages d’histoire
- Vita di Castruccio Castracani da Lucca, La vie de Castruccio Castracani
da Lucca (1520)
- Istorie fiorentine, Histoire de Florence (1525)
- Frammenti storici (1525)
E - Ses comédies
- Andria, une comédie traduite de Térence (1513?)
- Della lingua (1514)
- Clizia (1515?)
- Belfagor arcidiavolo (1515)
- Mandradola, la Mandragore (1518)
4 - Son œuvre principale : De Principatibus, ou Le prince (1513)
5 - Un effort pour mettre de la raison dans la politique
IV
PRINCIPALES THÈSES DE LA PENSÉE DE MACHIAVEL
A - PRINCIPALES THÈSES POLITIQUES DE MACHIAVEL
1 - Des positions politiques, qui ne sont nullement du machiavélisme
2 - Politiquement, un républicain !
3 - Un promoteur de l’unité italienne
4 - La recherche d’une solution nouvelle face aux guerres internes sans fin de l’Italie de son temps
5 - Repenser le “comment” du politique pour assurer la bonne finalité politique
B - PRINCIPALES THÈSES SUR LE POLITIQUE DE MACHIAVEL
1 - Une théorisation du politique, et non une théorie politique ou de la justification du pouvoir
2 - La distinction entre le fonctionnement politique et l’idéalisme politique, le primat du pouvoir
effectif
3 - Une perspective politique entièrement temporalisée, terrestralisée et humanisée
4 - Le cours de l’histoire n’a pas de sens, elle n’est que contingence événementielle
5 - La politique est action humaine, plus précisément la politique n’est qu’action politique
6 - Une redéfinition de la politique : l’art de bien gérer la cité et de la conservation du pouvoir
7 - Les deux notions essentielles de fortuna et de virtù
8 - L’exercice du pouvoir politique se confronte à la Fortuna
9 - La qualité du prince est la Virtù, l’art politique est l’adaptation au réel
10 - Les rapports Fortuna / Virtù
11 - La politique ne se réduit donc pas qu’à la volonté du prince ou à sa moralité
12 - Pour le Prince, l’impératif d’objectivité, de lucidité, de réalisme et de compréhension
13 - Une conduite politique situationnelle et pragmatique, proche du kaïros
14 - Le dévoilement de l’effectivité du pouvoir et de son contrôle, le stade “zéro” de la politique
15 - La dissolution des “légitimités naturelles” du pouvoir, le pouvoir est sa propre légitimité
16 - Le pouvoir ne connaît pas de règles morales naturelles puisqu’il n’y a pas d’ordre politique
naturel
17 - L’invalidation de l’aristocratisme, autre élément du scandale machiavélien
18 - Les moyens de la conservation du pouvoir ou de sa conquête
19 - L’homme n’est pas maître du jeu, mais de son jeu - la responsabilité de l’homme
20 - La virtù peut s’apprendre et s’enseigner, la politique peut ainsi devenir science
V
CONCLUSION
1 - Un penseur qui sera enfermé dans Le Prince et le machiavélisme
2 - Mais qui ne laissera jamais indifférent, qu’on l’aime ou qu’on le déteste
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3 - Sa triple descendance : le machiavélisme, l’anti-machiavélisme et le républicanisme
4 - Un ouvrage qui provoquera le renouveau de la pensée politique, dont il est un classique
5 - La naissance d’une critique politique du machiavélisme, désormais conscient de ce niveau zéro
6 - Un penseur moderne, contribuant à la naissance de la modernité politique
7 - Un auteur toujours d’actualité dans l’effort de compréhension du pouvoir politique
ORA ET LABORA
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Document 1 : Portrait posthume de Nicolas Machiavel par Santi di Tito (1536-1603) au Palais Vecchio.
Document 2 : Exemple de l’activité diplomatique de Machiavel durant sa carrière, une lettre diplomatique
concernant la tentative de contrôle par Florence de Pise, notamment par un nouveau siège. La lettre a été
écrite par un secrétaire mais les annotations sont de la main de Machiavel.
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Document 3 : Listes des papes durant la carrière politique de Machiavel.
214e
215e
216e
217e
218e
219e
1492-1503
1503-1503
1503-1513
1513-1521
1522-1523
1523-1534
Alexandre VI
Pie III
Jules II
Léon X
Adrien VI
Clément VII
Document 4 : Portrait de Lorenzo de Medici, duc d'Urbino (1492-1519) peint par Raphaël. Il s'agit d'un
portrait en vue de son mariage diplomatique : l'alliance de la famille Médicis et de la famille royale de France
contre le Saint Empire romain germanique. La promise était Madeleine de la Tour d'Auvergne (1495-1519),
cousine du roi François Ier. Le mariage eut lieu le 2 mai 1518. De leur union est issu un seul enfant :
Catherine de Médicis qui devint reine de France. Ce qui fait de Laurent II de Médicis le grand-père maternel
de trois rois de France.
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Document 5 : Portrait présumé de César Borgia (1475-1507) par Altobello Melone (1490-1543). Si Le prince
est dédicacé à Laurent de Médicis, le prince qui a inspiré Machiavel est César Borgia. Né le 13 septembre
1475 à Rome, il était le fils naturel de Rodrigo Borgia, le futur pape Alexandre VI, et d'une patricienne,
Vanozza Catanei, c'est pourquoi on l'appelait «le neveu du pape». Peu enclin à la carrière ecclésiastique, il
délaisse ses fonctions de Cardinal. D'un tempérament ambitieux, calculateur mais aussi violent, César
Borgia va se constituer un royaume en Romagne grâce à ses talents autant qu’à son père devenu Pape.
Pour réaliser ce projet, il élimine la plupart de ses opposants dont les petits seigneurs et princes de la région
avec une cruauté sans nom. Tous les moyens sont bons pour se faire investir en 1501 Duc de Romagne.
L'année précédente, il avait même fait assassiner l'époux de sa sœur Lucrèce, Alphonse d'Aragon, pour
renforcer son pouvoir. En 1502, il invite ses ennemis pour mieux les faire assassiner dans son château. Mais
son père, le pape Alexandre VI décède et laisse la place à Jules II qui n'entend pas le laisser faire. Après lui
avoir pris ses terres, il l'emprisonne. À peine sorti de prison, César Borgia est arrêté puis envoyé au roi
d'Espagne. Il se réfugie alors chez le roi de Navarre son beau-frère. Celui-ci fomente une action contre le roi
d'Espagne et César Borgia est finalement tué lors du siège de la ville de Viana le 12 mars 1507. Il avait 32
ans. Machiavel va s'inspirer de la vie et de la personnalité de César Borgia pour écrire Le Prince. On lui doit
une devise restée célèbre : «Ou Empereur, ou rien.».
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Document 6 : Habituellement, Machiavel n’est pas présenté comme un humaniste en raison de lecture
superficielle du Prince, mais la globalité de son œuvre atteste bien son attachement à l’humanisme et sa
culture comme en témoigne le passage suivant :
Le soir venu, je retourne chez moi, et j'entre dans mon cabinet, je me dépouille, sur la
porte, de ces habits de paysan, couverts de poussière et de boue, je me revêts d'habits
de cour, ou de mon costume, et, habillé décemment, je pénètre dans le sanctuaire
antique des grands hommes de l'antiquité ; reçu par eux avec bonté et bienveillance, je
me repais de cette nourriture qui seule est faite pour moi,et pour laquelle je suis né. Je ne
crains pas de m'entretenir avec eux, et de leur demander compte de leurs actions. Ils me
répondent avec bonté ; et pendant quatre heures j'échappe à tout ennui, j'oublie tous mes
chagrins, je ne crains plus la pauvreté, et la mort ne saurait m'épouvanter ; je me
transporte en eux tout entier. Et comme le Dante a dit : Il n'y a point de science si l'on ne
retient ce qu'on a entendu, j'ai noté tout ce qui dans leurs conversations, m'a paru de
quelque importance, j'en ai composé un opuscule de Principatibus, dans lequel j'aborde
autant que je puis toutes les profondeurs de mon sujet, recherchant quelle est l'essence
des principautés, de combien de sortes il en existe, comment on les acquiert, comment
on les maintient, et pourquoi on les perd ; et si mes rêveries vous ont plu quelquefois,
celle-ci ne doit pas vous être désagréable ; elle doit surtout convenir à un prince, et
spécialement à un prince nouveau : voilà pourquoi je dédie mon ouvrage à la
magnificence de-Giuliano. Filippo Casavecchia l'a vu ; il pourra vous rendre compte de la
chose en elle-même, et des discussions que nous avons eues ensemble ; toutefois je
m'amuse encore à l'augmenter et à le polir.
Nicolas Machiavel
Le prince
Document 7 : Mettre la Renaissance aussi dans la philosophie politique, telle est l’idée qui se dégage de
l’introduction de son Discours.
Discours sur la première décade de Tite-Live
(Extraits des livres I, II et III de son Histoire de Rome)
Chapitre I
Quoique l'homme par sa nature envieuse ait toujours rendu la découverte des méthodes
et des systèmes nouveaux aussi périlleuse que la recherche des terres et des mers
inconnues, attendu que son essence le rend toujours plus prompt à blâmer qu'à louer les
actions d'autrui ; toutefois, excité par ce désir naturel qui rue porta toujours à
entreprendre ce que je crois avantageux au publie, sans me laisser retenir par aucune
considération, j'ai formé le dessein de m'élancer dans une route qui n'a pas encore été
frayée ; et s'il est vrai que je doive y rencontrer bien des ennuis et des difficultés, j'espère
y trouver aussi nia récompense dans l'approbation de ceux qui jetteront sur mon
entreprise un regard favorable. Et si la stérilité de mon esprit, une expérience insuffisante
des événements contemporains, de trop faibles notions de l'antiquité, pouvaient rendre
ma tentative infructueuse et peu utile, elles ouvriront du moins ta voie à celui qui, plus
vigoureux, plus éloquent et plus éclairé, pourra accomplir ce que j'essaye ; et si mon
travail, ne parvient point à me mériter la gloire, il ne doit pas non plus m'attirer le mépris.
Quand je considère, d'une part, la vénération qu'inspire l'antiquité, et, laissant de côté
une foule d'autres exemples, combien souvent on achète au poids de l'or un fragment de
statue antique pour l'avoir sans cesse sous les yeux, pour en faire l'honneur de sa
maison, pour le donner comme modèle à ceux qui font leurs délices de ce bel art, et
comme ensuite ces derniers s'efforcent de le reproduire dans leurs ouvrages ; quand,
d'une autre, je vois que les actes admirables de vertu dont les histoires nous offrent le
tableau, et qui turent opérés dans les royaumes et les républiques antiques, par leurs
rois, leurs capitaines, leurs citoyens, leurs législateurs, et par tous ceux qui ont travaillé à
la grandeur de leur patrie, sont plutôt froidement admirés qu'imités ; que bien loin de là
chacun semble éviter tout ce qui les rappelle, de manière qu'il ne reste plus le moindre
vestige de l'antique vertu, je ne puis m'empêcher tout à la. fois de m'en étonner et de
m'en plaindre ; je vois avec plus d'étonnement encore que dans les causes civiles qui
s'agitent entre les citoyens, ou dans les maladies qui surviennent parmi les hommes, on
a toujours recours aux jugements que les anciens ont rendus, ou aux remèdes qu'ils ont
prescrits ; et cependant les lois civiles sont-elles autre chose que les sentences
prononcées par les jurisconsultes de l'antiquité, et qui, réduites en code, apprennent aux
jurisconsultes d'aujourd'hui à juger ? La médecine elle-même n'est-elle pas l'expérience
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faite par les médecins des anciens temps, et d'après laquelle les médecins de nos jours
établissent leurs jugements ? Toutefois, lorsqu'il s'est agi d'asseoir l'ordre dans une
république, de maintenir les États, de gouverner les royaumes, de régler les armées,
d'administrer la guerre, de rendre la justice aux sujets, on n'a encore vu ni prince, ni
république, ni capitaine, ni citoyens s'appuyer de l'exemple de l'antiquité. Je crois en
trouver la cause moins encore dans cette faiblesse où les vices de notre éducation
actuelle ont plongé le monde, et dans ces maux qu'a faits à tant d'États et de villes
chrétiennes une paresse orgueilleuse, que dans l'ignorance du véritable esprit de
l'histoire, qui nous empêche en la lisant d'en saisir le sens réel et de nourrir notre esprit
de la substance qu'elle renferme. Il en résulte que ceux qui lisent se bornent au plaisir de
voir passer sous leurs yeux cette foule d'événements qu'elle dépeint, sans jamais songer
à les imiter, jugeant cette imitation non seulement difficile, mais même impossible ;
comme si le ciel, le soleil, les éléments, les hommes n'étaient plus les mêmes
qu'autrefois, et que leur cours, leur ordre et leur puissance eussent éprouvé des
changements.
Résolu d'arracher les hommes à cette erreur, j'ai cru nécessaire d'écrire, sur chacun des
livres de Tite-Live que l'injure du temps a épargnés, tout ce qu'en comparant les
événements anciens et les modernes je jugerais propre à en faciliter l'intelligence, afin
que ceux qui liraient mes Discours pussent retirer de ces livres l'utilité que l'on doit
rechercher dans l'étude de l'histoire.
Nicolas Machiavel
Introduction, Les discours sur la première décade de Tite-Live, 1531
Document 8 : Une des éditions italienne du Prince de Machiavel, datée de 1584.
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Document 9 : Liste des chapitres du Prince.
Chap. I.
Combien il y a de sortes de principautés, et par quels moyens on peut
les acquérir.
Chap. II.
Des principautés héréditaires.
Chap. III.
Des principautés mixtes
Chap. IV.
Pourquoi les États de Darius, conquis par Alexandre, ne se révoltèrent
point contre les successeurs du conquérant après sa mort.
Chap. V.
Comment on doit gouverner les États ou principautés qui, avant la
conquête, vivaient sous leurs propres lois
Chap. VI.
Des principautés nouvelles acquises par les armes et par l'habileté de
l'acquéreur
Chap. VII.
Des principautés nouvelles qu'on acquiert par les armes d'autrui et par
la fortune
Chap. VIII.
De ceux qui sont devenus princes par des scélératesses
Chap. IX.
De la principauté civile
Chap. X.
Comment, dans toute espèce de principauté, on doit mesurer ses forces
Chap. XI.
Des principautés ecclésiastiques
Chap. XII.
Comment, dans toute espèce de principauté, on doit mesurer ses forces
Chap. XIII.
Des troupes auxiliaires, mixtes et propres
Chap.XIV
Des fonctions qui appartiennent au prince, par rapport à la
Chap. XV.
Des choses pour lesquelles tous les hommes, et surtout les princes,
sont loués ou blâmés
Chap. XVI.
De la libéralité et de l'avarice
Chap. XVII.
De la cruauté et de la clémence, et s'il vaut mieux être aimé que craint.
Chap. XVIII.
Comment les princes doivent tenir leur parole
Chap. XIX.
Qu'il faut éviter d'être méprisé et haï
Chap. XX.
Si les forteresses, et plusieurs autres choses que font souvent les
princes, leur sont utiles ou nuisibles
Chap. XXI.
Comment doit se conduire un prince pour acquérir de la réputation
Chap. XXII.
Des secrétaires des princes.
Chap. XXIII.
Comment on doit fuir les flatteurs.
Chap. XXIV.
Pourquoi les princes d'Italie ont perdu leurs États.
Chap. XXV.
Combien, dans les choses humaines, la fortune a de pouvoir, et
comment on peut y résister.
Chap. XXVI.
Exhortation à délivrer l'Italie des barbares.
milice
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Document 10 : Les deux premiers chapitres du Prince montrent bien que l’objectif de Machiavel est de
proposer une réflexion sur le tourbillon incessant des princes en Italie, par opposition à la stabilité des
républiques dont il traite dans le Discours sur la première décade de Tite-Live.
CHAPITRE I (1)
Combien il y a de sortes de principautés,
et par quels moyens on peut les acquérir.
Tous les États, toutes les dominations qui ont tenu et tiennent encore les hommes sous
leur empire, ont été et sont ou des républiques ou des principautés.
Les principautés sont ou héréditaires ou nouvelles.
Les héréditaires sont celles qui ont été longtemps possédées par la famille de leur prince.
Les nouvelles, ou le sont tout à fait, comme Milan le fut pour Francesco Sforza, ou elles
sont comme des membres ajoutés aux États héréditaires du prince qui les a acquises ; et
tel a été le royaume de Naples à l'égard du roi d'Espagne.
D'ailleurs, les États acquis de cette manière étaient accoutumés ou à vivre sous un
prince ou à être libres : l'acquisition en a été faite avec les armes d'autrui, ou par celles
de l'acquéreur lui-même, ou par la faveur de la fortune, ou par l'ascendant de la vertu.
CHAPITRE II
Des principautés héréditaires.
Je ne traiterai point ici des républiques, car j'en ai parlé amplement ailleurs : je ne
m'occuperai que des principautés ; et, reprenant le fil des distinctions que je viens
d'établir, j'examinerai comment, dans ces diverses hypothèses, les princes peuvent se
conduire et se maintenir.
Je dis donc que, pour les États héréditaires et façonnés à l'obéissance envers la famille
du prince, il y a bien moins de difficultés à les maintenir que les États nouveaux : il suffit
au prince de ne point outrepasser les bornes posées par ses ancêtres, et de temporiser
avec les événements. Aussi, ne fût-il doué que d'une capacité ordinaire, il saura se
maintenir sur le trône, à moins qu'une force irrésistible et hors de toute prévoyance ne
l'en renverse ; mais alors même qu'il l'aura perdu, le moindre revers éprouvé par
l'usurpateur le lui fera aisément recouvrer. L'Italie nous en offre un exemple dans le duc
de Ferrare ; s'il a résisté, en 1484, aux attaques des Vénitiens, et, en 1510, à celles du
pape Jules II, c'est uniquement parce que sa famille était établie depuis longtemps dans
son duché.
En effet, un prince héréditaire a bien moins de motifs et se trouve bien moins dans la
nécessité de déplaire à ses sujets : il en est par cela même bien plus aimé ; et, à moins
que des vices extraordinaires ne le fassent haïr, ils doivent naturellement lui être
affectionnés. D'ailleurs dans l'ancienneté et dans la longue continuation d'une puissance,
la mémoire des précédentes innovations s'efface ; les causes qui les avaient produites
s'évanouissent : il n'y a donc plus de ces sortes de pierres d'attente qu'une révolution
laisse toujours pour en appuyer une seconde.
1 - Traduction de J.V. Périès, traducteur des œuvres complètes de Machiavel au 19ème siècle, disponible sur .
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Document 11 : Ce chapitre a particulièrement contribué à la réputation de cynisme et d’amoralisme de la
pensée de Machiavel.
CHAPITRE XVII
De la cruauté et de la clémence, et s'il vaut mieux être aimé que craint.
Continuant à suivre les autres qualités précédemment énoncées, je dis que tout prince
doit désirer d'être réputé clément et non cruel. Il faut pourtant bien prendre garde de ne
point user mal à propos de la clémence. César Borgia passait pour cruel, mais sa cruauté
rétablit l'ordre et l'union dans la Romagne ; elle y ramena la tranquillité de l'obéissance.
On peut dire aussi, en considérant bien les choses, qu'il fut plus clément que le peuple
florentin, qui, pour éviter le reproche de cruauté, laissa détruire la ville de Pistoie.
Un prince ne doit donc point s'effrayer de ce reproche, quand il s'agit de contenir ses
sujets dans l'union et la fidélité. En faisant un petit nombre d'exemples de rigueur, vous
serez plus clément que ceux qui, par trop de pitié, laissent s'élever des désordres d'où
s'ensuivent les meurtres et les rapines ; car ces désordres blessent la société tout
entière, au lieu que les rigueurs ordonnées par le prince ne tombent que sur des
particuliers. Mais c'est surtout à un prince nouveau qu'il est impossible de faire le
reproche de cruauté, parce que, dans les États nouveaux, les dangers sont très
multipliés. C'est cette raison aussi que Virgile met dans la bouche de Didon, lorsqu'il lui
fait dire, pour excuser la rigueur de son gouvernement :
Res dura et regni novitas me talia cogunt Moliri, et late fines custode tueri.
Virgile, Aeneid., lib. I.
Il doit toutefois ne croire et n'agir qu'avec une grande maturité, ne point s'effrayer luimême, et suivre en tout les conseils de la prudence, tempérés par ceux de l'humanité ;
en sorte qu'il ne soit point imprévoyant par trop de confiance, et qu'une défiance
excessive ne le rende point intolérable.
Sur cela s'est élevée la question de savoir : S'il vaut mieux être aimé que craint, ou être
craint qu'aimé ?
On peut répondre que le meilleur serait d'être l'un et l'autre. Mais, comme il est très
difficile que les deux choses existent ensemble, je dis que, si l'une doit manquer, il est
plus sûr d'être craint que d'être aimé. On peut, en effet, dire généralement des hommes
qu'ils sont ingrats, inconstants, dissimulés, tremblants devant les dangers et avides de
gain ; que, tant que vous leur faites du bien, ils sont à vous, qu'ils -vous offrent leur sang,
leurs biens, leur vie, leurs enfants, tant, comme je l'ai déjà dit, que le péril ne s'offre que
dans l'éloignement ; mais que, lorsqu'il s'approche, ils se détour- nent bien vite. Le prince
qui se serait entièrement reposé sur leur parole, et qui, dans cette confiance, n'aurait
point pris d'autres mesures, serait bientôt perdu ; car toutes ces amitiés, achetées par
des largesses, et non accordées par générosité et grandeur d'âme, sont quelquefois, il
est vrai, bien méritées, mais on ne les possède pas effecti- vement ; et, au moment de
les employer, elles manquent toujours. Ajoutons qu'on appréhende beaucoup moins
d'offenser celui qui se fait aimer que celui qui se fait craindre ; car l'amour tient par un lien
de reconnaissance bien faible pour la perversité humaine, et qui cède au moindre motif
d'intérêt personnel ; au lieu que la crainte résulte de la menace du châtiment, et cette
peur ne S'évanouit jamais.
Cependant le prince qui veut se faire craindre doit s'y prendre de telle manière que, s'il ne
gagne point l'affection, il ne s'attire pas non plus la haine ; ce qui, du reste, n'est point
impossible ; car on peut fort bien tout à la fois être craint et n'être pas haï ; et c'est à quoi
aussi il parviendra sûrement, en s'abstenant d'attenter, soit aux biens de ses sujets, soit à
l'honneur de leurs femmes. S'il faut qu'il en fasse périr quelqu'un, il ne doit s'y décider
que quand il y en aura une raison manifeste, et que cet acte de rigueur paraîtra bien
justifié. Mais il doit surtout se garder, avec d'autant plus de soin, d'attenter aux biens, que
les hommes oublient plutôt la mort d'un père même que la perte de leur patrimoine, et
que d'ailleurs il en aura des occasions plus fréquentes. Le prince qui s'est une fois livré à
la rapine trouve toujours, pour s'emparer du bien de ses sujets, des raisons et des
moyens qu'il n'a que plus rarement pour répandre leur sang.
C'est lorsque le prince est à la tête de ses troupes, et qu'il commande à une multitude de
soldats, qu'il doit moins que jamais appréhender d'être réputé cruel; car, sans ce renom,
on ne tient point une armée dans l'ordre et disposée à toute entreprise.
Entre les actions admirables d'Annibal, on a remarqué particulièrement que, quoique son
armée fût très nombreuse, et composée d'un mélange de plusieurs espèces d'hommes
très différents, faisant la guerre sur le territoire d'autrui, il ne s'y éleva, ni dans la bonne ni
dans la mauvaise fortune, aucune dissension entre les troupes, aucun mouvement de
révolte contre le général. D'où cela vient-il ? si ce n'est de cette cruauté excessive qui,
jointe aux autres grandes qualités d'Annibal, le rendit tout à la fois la vénération et la
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terreur de ses soldats, et sans laquelle toutes ses autres qualités auraient été
insuffisantes. Ils avaient donc bien peu réfléchi, ces écrivains, qui, en célébrant d'un côté
les actions de cet homme illustre, ont blâmé de l'autre ce qui en avait été la principale
cause.
Pour se convaincre que les autres qualités d'Annibal ne lui auraient pas suffi, il n'y a qu'à
considérer ce qui arriva à Scipion, homme tel qu'on n'en trouve presque point de
semblable, soit dans nos temps modernes, soit même dans l'histoire de tous les temps
connus. Les troupes qu'il commandait en Espagne se soulevèrent contre lui, et cette
révolte ne put être attribuée qu'à sa clémence excessive, qui avait laissé prendre aux
soldats beaucoup plus de licence que n'en comportait la discipline militaire. C'est aussi ce
que Fabius Maximus lui reprocha en plein sénat, où il lui donna la qualification de
corrupteur de la milice romaine.
De plus, les Locriens, tourmentés et ruinés par un de ses lieutenants, ne purent obtenir
de lui aucune vengeance, et l'insolence du lieutenant ne fut point réprimée ; autre effet de
son naturel facile. Sur quoi quelqu'un, voulant l'accuser dans le sénat, dit : «Qu'il y avait
des hommes qui savaient mieux ne point « commettre de fautes que corriger celles des
autres.» On peut croire aussi que cette extrême douceur aurait enfin terni la gloire et la
renommée de Scipion, s'il avait exercé durant quelque temps le pouvoir suprême ; mais
heureusement il était lui-même soumis aux ordres du sénat, de sorte que cette qualité,
nuisible de sa nature, demeura en quelque sorte cachée, et fut même encore pour lui un
sujet d'éloges.
Revenant donc à la question dont il s'agit, je conclus que les hommes, aimant à leur gré,
et craignant au gré du prince, celui-ci doit plutôt compter sur ce qui dépend de lui, que sur
ce qui dépend des autres : il faut seulement que, comme je l'ai dit, il tâche avec soin de
ne pas s'attirer la haine.
Document 12 : C’est au chapitre final du Prince que réapparait les convictions personnelles de Machiavel
sur les modèles républicains et sur l’unité de l’Italie, qui montrent que le machiavelianisme n’est pas qu’un
bréviaire de l’utilisation cynique du pouvoir.
CHAPITRE XXVI
Exhortation à délivrer l'Italie des barbares.
En réfléchissant sur tout ce que j'ai exposé ci-dessus, et en examinant en moi-même si
aujourd'hui les temps seraient tels en Italie, qu'un prince nouveau pût s'y rendre illustre,
et si un homme prudent et courageux trouverait l'occasion et le moyen de donner à ce
pays une nouvelle forme, telle qu'il en résultât de la gloire pour lui et de l'utilité pour la
généralité des habitants, il me semble que tant de circonstances concourent en faveur
d'un pareil dessein, que je ne sais s'il y eut jamais un temps plus propice que celui-ci
pour ces grands changements.
Et si, comme je l'ai dit, il fallait que le peuple d'Israël fût esclave des Égyptiens, pour
connaître la vertu de Moïse ; si la grandeur d'âme de Cyrus ne pouvait éclater qu'autant
que les Perses seraient opprimés par les Mèdes;. si enfin, pour apprécier toute la valeur
de Thésée, il était nécessaire que les Athéniens fussent désunis : de même, en ces jours,
pour que quelque génie pût s'illustrer, il était nécessaire que l'Italie fût réduite au terme où
nous la voyons parvenue; qu'elle fût plus opprimée que les Hébreux, plus esclave que les
Perses, plus désunie que les Athéniens, sans chefs, sans institutions, battue, déchirée,
envahie, et accablée de toute espèce de désastres. Jusqu'à présent, quelques lueurs ont
bien paru lui annoncer de temps en temps un homme choisi de Dieu pour sa délivrance ;
mais bientôt elle a vu cet homme arrêté par la fortune dans sa brillante carrière, et elle en
est toujours à attendre, presque mourante, celui qui pourra fermer ses blessures, faire
cesser les pillages et les saccagements que souffre la Lombardie, mettre un terme aux
exactions et aux vexations qui accablent le royaume de Naples et la Toscane, et guérir
enfin ses plaies si invétérées qu'elles sont devenues fistuleuses.
On la voit aussi priant sans cesse le ciel de daigner lui envoyer quelqu'un qui la délivre
de la cruauté et de l'insolence des barbares. On la voit d'ailleurs toute disposée, toute
prête à se ranger sous le premier étendard qu'on osera déployer devant ses yeux. Mais
où peut-elle mieux placer ses espérances qu'en votre illustre maison, qui, par ses vertus
héréditaires, par sa fortune, par la faveur de Dieu et par celle de l'Église, dont elle occupe
actuellement le trône, peut véritablement conduire et opérer cette heureuse délivrance.
Elle ne sera point difficile, si vous avez sous les yeux la vie et les actions de ces héros
que je viens de nommer. C'étaient, il est vrai, des hommes rares et merveilleux; mais
enfin c'étaient des hommes ; et les occasions dont ils profitèrent étaient moins favorables
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que celle qui se présente. Leurs entreprises ne furent pas plus justes que celle-ci, et ils
n'eurent pas plus que vous ne l'avez, la protection du ciel. C'est ici que la justice brille
dans tout son jour, car la guerre est toujours juste lorsqu'elle est nécessaire, et les armes
sont sacrées lorsqu'elles sont l'unique ressource des opprimés. Ici, tous les vœux du
peuple vous appellent ; et, au milieu de cette disposition unanime, le succès ne peut être
incertain: il suffit que vous preniez exemple sur ceux que je vous ai proposés pour
modèles.
Bien plus, Dieu manifeste sa volonté par des signes éclatants : la mer s'est entrouverte,
une nue lumineuse a indiqué le chemin, le rocher a fait jaillir des eaux de son sein, la
manne est tombée dans le désert ; tout favorise ainsi votre grandeur. Que le reste soit
votre ouvrage : Dieu ne veut pas tout faire, pour ne pas nous laisser sans mérite et sans
cette portion de gloire qu'il nous permet d'acquérir.
Qu'aucun des Italiens dont j'ai parlé n'ait pu faire ce qu'on attend de votre illustre maison;
que, même au milieu de tant de révolutions que l'Italie a éprouvées, et de tant de guerres
dont elle a été le théâtre, il ait semblé que toute valeur militaire y fût éteinte, c'est de quoi
l'on ne doit point s'étonner : cela est venu de ce que les anciennes institutions étaient
mauvaises, et qu'il n'y a eu personne qui sût en trouver de nouvelles. Il n'est rien
cependant qui fasse plus d'honneur à un homme qui commence à s'élever que d'avoir su
introduire de nouvelles lois et de nouvelles institutions : si ces lois, si ces institutions
posent sur une base solide, et si elles présentent de la grandeur, elles le font admirer et
respecter de tous les hommes.
L'Italie, au surplus, offre une matière susceptible des réformes les plus univer- selles.
C'est là que le courage éclatera dans chaque individu, pourvu que les chefs n'en
manquent pas eux-mêmes. Voyez dans les duels et les combats entre un petit nombre
d'adversaires combien les Italiens sont supérieurs en force, en adresse, en intelligence.
Mais faut-il qu'ils combattent réunis en armée, toute leur valeur s'évanouit. Il faut en
accuser la faiblesse des chefs ; car, d'une part, ceux qui savent ne sont point obéissants,
et chacun croit savoir; de l'autre, il ne s'est trouvé aucun chef assez élevé, soit par son
mérite personnel, soit par la fortune, au-dessus des autres, pour que tous reconnussent
sa supériorité et lui fussent soumis. Il est résulté de là que, pendant si longtemps, et
durant tant de guerres qui ont eu lieu depuis vingt années, toute armée uniquement
composée d'Italiens n'a éprouve que des revers, témoins d'abord le Taro, puis Alexandrie,
Capoue, Gênes, Vailà, Cologne et Mestri.
Si votre illustre maison veut imiter les grands hommes qui, en divers temps, délivrèrent
leur pays, ce qu'elle doit faire avant toutes choses, et ce qui doit être la base de son entre
prise, c'est de se pourvoir de forces nationales, car ce sont les plus, solides, les plus
fidèles, les meilleures qu'on puisse posséder : chacun des soldats qui les composent
étant bon personnellement, deviendra encore meilleur lorsque tous réunis se verront
commandés, honorés, entretenus par leur prince. C'est avec de telles armes que la
valeur italienne pourra repousser les étrangers.
L'infanterie suisse et l'infanterie espagnole passent pour être terribles ; mais il y a dans
l'une et, dans l'autre un défaut tel, qu'il est possible d'en former une troisième, capable
non seulement de leur résister, mais encore de les vaincre. En effet, l'infanterie
espagnole ne peut se soutenir contre la cavalerie, et l'infanterie suisse doit craindre toute
autre troupe de même nature qui combattra avec la même obstination qu'elle. On a vu
aussi, et l'on verra encore, la cavalerie française défaire l'infanterie espagnole, et celle-ci
détruire l'infanterie suisse ; de quoi il a été fait, sinon une expérience complète, au moins
un essai dans la bataille de Ravenne, où l'infanterie espagnole se trouva aux prises avec
les bataillons allemands, qui observent la même discipline que les Suisses : on vit les
Espagnols, favorisés par leur agilité et couverts de leurs petits boucliers, pénétrer pardessous les lances dans les rangs de leurs adversaires, les frapper sans risque et sans
que les Allemands puissent les en empêcher ; et ils les auraient détruits jusqu'au dernier,
si la cavalerie n'était venue les charger eux-mêmes à leur tour.
Maintenant que l'on connaît le défaut de l'une et de l'autre de ces deux infanteries, on
peut en organiser une nouvelle qui sache résister à la cavalerie et ne point craindre
d'autres fantassins. Il n'est pas nécessaire pour cela de créer un nouveau genre de
troupe ; il suffit de trouver une nouvelle organisation, une nouvelle manière de
combattre ; et c'est par de telles inventions qu'un prince nouveau acquiert de la réputation et parvient à s'agrandir.
Ne laissons donc point échapper l'occasion présente. Que l'Italie, après une si longue
attente, voie enfin paraître son libérateur! Je ne puis trouver de termes pour exprimer
avec quel amour, avec quelle soif de vengeance, avec quelle fidélité inébranlable, avec
quelle vénération et quelles larmes de joie il serait reçu dans toutes les provinces qui ont
tant souffert de ces inondations d'étrangers ! Quelles portes pourraient rester fermées
devant lui ? Quels peuples refuseraient de lui obéir? Quelle jalousie s'opposerait à ses
succès ? Quel Italien ne l'entourerait de ses respects ? Y a-t- il quelqu'un dont la
domination des barbares ne fasse bondir le cœur ?
Que votre illustre maison prenne donc sur elle ce noble fardeau avec ce courage et cet
espoir du succès qu'inspire une entreprise juste et légitime ; que, sous sa bannière, la
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commune patrie ressaisisse son ancienne splendeur, et que, sous ses auspices, ces vers
de Pétrarque puissent enfin se vérifier !
Virtù contra furore Prenderà l'arme, e fia'l combatter corto; Che l'antico valore Negl'italici
cor non è ancor morto.
Petrarca, Canz. XVI, V. 93-96
Document 7 : Hommage de la ville de Florence à un de ses plus illustres enfants, la statue de Machiavel
réalisée par Lorenzo Bartolini (1777-1850) au Piazzale des Offices.
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
Quelques livres de Machiavel en librairie
- Œuvres complètes, Edmond Barincou, Gallimard, Coll. La Pléiade, 1952
- Œuvres, Robert Laffont, Coll. Bouquins, 1999
- Le Prince et autres textes, Gallimard, coll. Folio, 1986
- Le Prince, traduction française de J. Gohory, 1571. Fac-similé de l'édition originale italienne, Blado, 1532.
Traduction française de A.-N. Amelot de la Houssaye, 1683, Éditions Ivrea, 2001
- Il Principe / Le Prince, suivi de De Regnandi peritia / l'Art de régner d'Agostino Nifo. Nouvelle édition
critique du texte par Mario Martelli, introduction et traduction de Paul Larivaille, notes et commentaires de
Jean-Jacques Marchand. L'Art de régner : Texte latin établi par Simona Mercuri, introduction, traduction et
notes de Paul Larivaille, Les Belles Lettres, 2008
- L'art de la guerre, Flammarion, GF, 1991
- Mandragola / La Mandragore. Texte critique établi par Pasquale Stoppelli, introduction, traductions et notes
de Paul Larivaille. Suivi d'un essai de Nuccio Ordine. Les Belles Lettres, 2008
- Histoire du diable qui prit femme, trad. et postface par Joël Gayraud, Paris, Mille et une nuits, 1995
- Toutes les lettres de Machiavel. Présentation et notes par Edmond Barincou, Préface de Jean Giono. Deux
tomes, Gallimard, 1955
Livres sur la pensée de Machiavel
- Comprendre Machiavel, Denis Collin, Armand Colin, 2008
- Machiavel, entre politique et histoire, Eugenio Garin, Édition Allia, 2006
- Machiavel, un penseur masqué ?, Michel Bergès, Éditions Complexe, 2000
- Violence de la loi à la Renaissance, l'originalité du politique chez Machiavel et Montaigne, Thomas Berns,
Kimé, 2000
- Relire le Prince de Machiavel, Christine Kerdellant, Economica, 2000
- Machiavel, Quentin Skinner, Le Seuil, 1989
- Machiavel, J.-F. Duvernoy, Bordas, 1986
- Machiavel, Christian Bec, Éditions Balland, 1985
- Pensées sur Machiavel, Léo Strauss, traduction M.-P. Edmond et T. Stern, Payot, 1982
- Machiavel ou l'usage intelligent du vice, Michel-Pierre Edmond, Magazine littéraire, N°183, avril 1982
Livres sur l’influence de Machiavel sur l’histoire de la philosophie politique
- Le pouvoir et son ombre, études de philosophie politique de Machiavel à Foucault, Yves-Charles Zarka,
PUF, 2001
- L'essor de la philosophie politique au XVIe siècle, P. Mesnard, Vrin, 1969
- Machiavel et les tyrannies modernes, Raymond Aron, Le Livre de Poche, 1995
Livres sur Machiavel
- Machiavel, Hubert Prolongeau, Folio Biographies, Éditions Gallimard, 2010
- Machiavel, Marina Marietti, Payot et Rivages, 2005
- Le conseiller du prince, de Machiavel à nos jours, R. Damien, PUF, 2003
- Pensées sur Machiavel, Leo Strauss, Payot, 1979
- Machiavel, G. Mounin, Seuil, 1966
- Machiavel par lui-même, E. Barincou, coll. Écrivains de toujours, Seuil, 1957
Livres sur le contexte historique de l’époque de Machiavel
- Les Médicis, Pierre Antonetti, PUF, 1997
- Diplomates et voyageurs, de Machiavel à Claudel, Collectif, Editions Pedone, 1987
- Les partis et la vie politique dans l'Occident médiéval, Jacques Heers, PUF, 1981
- Florence à l'époque des Médicis. De la Cité à l'État, A. Tenenti, Flammarion, 1968
- La vie quotidienne à Florence au temps des Médicis, Jean Lucas-Dubreton, Hachette, 1958
Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie de la Renaissance” - Code 4310 - 10/01/2011 - page 119
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