1 COMBINER DES STRATÉGIES ET DES OUTILS COMPLÉMENTAIRES Initiateur et coordinateur de projets, l’Inra occupe une place centrale au sein de différents dispositifs d’observation des indicateurs du changement climatique et des gaz à effet de serre. Ces outils visent à étudier les interactions entre agriculture et environnement dans les écosystèmes exploités (agricoles, aquacoles, forestiers) et leurs impacts sur l’environnement (sol, eau, biodiversité, gaz à effet de serre). Ces dispositifs d’observation sont déployés à trois niveaux : • au cœur même des écosystèmes (sol et végétation) • dans l’atmosphère (mesures par avion et grandes tours) • depuis l’espace (satellite) Atmosphère Ecosystèmes Deux enjeux particuliers qui mobilisent la communauté de recherche sont présentés ici : • la mesure et l’analyse des gaz à effet de serre (ICOS) et l’observation de la phénologie (EUROPHEN) • l’observation par satellite du cycle de l’eau dans le sol et la végétation. Source : rapport du GIEC. « Climate Change 2013. The physical basis ». Cambridge University Press. www.ipcc.ch/report CHANGEMENT CLIMATIQUE : STRATÉGIES D’OBSERVATION ©Inra - février 2015 - Mission Communication INRA Bordeaux-Aquitaine - contacts scientifiques : Denis Loustau, Jean-Pierre Lagouarde (Umr ISPA) - ©crédit photo : INRA - infographie adaptée depuis ipcc.ch/report OBSERVER ET MESURER LE CHANGEMENT CLIMATIQUE POUR ADAPTER LES SYSTÈMES DE CULTURE ET SYLVICULTURE Les agroécosystèmes cultivés, agricoles ou forestiers, sont exposés directement au changement climatique. Ils doivent donc être adaptés à l’évolution du climat et de l’environnement en général. Dans les stratégies d’adaptation, les impacts de la gestion des agroécosystèmes sur l’environnement doivent aussi être pris en compte : gaz à effet de serre (CO2, méthane, oxyde nitreux), biodiversité, ressources en eau, sols et qualité de l’air. Avec l’observation, la mesure et la modélisation du changement climatique et de ses impacts sur les agrosystèmes, les enjeux pour l’Inra sont de mettre au point des pratiques de gestion et d’aménagement qui satisferont les besoins futurs tout en optimisant les services environnementaux rendus par les agroécosystèmes. 2 L’augmentation des gaz à effet de serre depuis le début de l’ère industrielle a un impact direct et avéré sur le climat. La part de l’agriculture dans les émissions globales de gaz à effets de serre est significative. En 2010, elle a ainsi représenté 20% des émissions françaises. L’agriculture, au sens large, est donc appelée à contribuer à l’effort de réduction de ces émissions [CO ] pour atteindre l’objectif d’une division par 4 à l’horizon 2050, fixé aux [CH ] niveaux nationaux et internationaux. Les forêts, au [N O] contraire, piègent près de 27% des émissions de CO2 Concentrations en GES de l’année 0 à 2020 (MacFarling-Meure et al., 2006) d’origine fossile. 2 4 LE RÉSEAU D’OBSERVATION ICOS Développé depuis 2008, ICOS (Integrated Carbon Observation System) est une infrastructure d’observation développée par le CEA, l’Inra et le CNRS. Initiative européenne lancée par la France, ICOS constitue un très grand instrument scientifique de classe mondiale pour la communauté de recherche sur l’environnement. ICOS est organisé en un réseau européen de mesures portant sur les écosystèmes, l’atmosphère et les océans. En suivant en temps réel les émissions de gaz à effet de serre agricoles et forestières, ICOS permet aux scientifiques de suivre et de comparer différents types de cultures (céréalières, énergétiques, prairies, plantations forestières et forêts, zones humides). Ce suivi opéré jusqu’en 2035 permettra également de détecter et de comprendre les effets des changements environnementaux sur les agroécosystèmes. DES RÉPONSES SCIENTIFIQUES AUX ENJEUX GLOBAUX Comment vérifier l’impact des mesures prises ? Comment réduire les incertitudes sur les bilans de GES aux échelles spatiales pertinentes Comment maîtriser le présent et le futur ? Par l’agriculteur, l’éleveur, le forestier, l’acteur territorial, l’industriel, le gouvernement Exploitation Commune Région Pays Continent Elargir notre compréhension, améliorer notre capacité de prédiction Suivi environnemental, continu, précis, cohérent et distribué Densifier et homogénéiser les réseaux de mesure, les inter-connecter, les mettre en cohérence avec les observations globales Améliorer les modèles utilisés, leur utilisation combinée aux données observées OBSERVER ET MESURER LES GAZ À EFFET DE SERRE Changement climatique : stratégies d’observation ©Inra - février 2015 - Mission Communication INRA Bordeaux-Aquitaine - contacts scientifiques : Denis Loustau, (Umr ISPA) - ©crédit photo : INRA (Guy Pracros) 2 2 OBSERVER À L’ÉCHELLE GLOBALE Le réseau d’observation coordonné par ICOS concerne l’atmosphère, les écosystèmes continentaux et l’océan. • Le réseau atmosphérique comprend une trentaine de tours de 100 à 300m de hauteur. Outre le suivi des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ces mesures permettent de calculer les flux émis par les surfaces continentales à une large échelle (50-100km). • Le réseau «Ecosystèmes» est constitué de 70 stations réparties dans 16 pays. Il représente les grands types d’usages des terres : cultures, prairies, forêts, zones humides. Ces observations permettent d’établir le bilan de différents usages des terres, de suivre son évolution et d’en comprendre les principaux déterminants. • Le réseau ICOS Océan est constitué d’une quinzaine de vaisseaux et d’autant de stations fixes qui mesurent en continu les concentrations en gaz à effet de serre de l’atmosphère et de la couche supérieure de la colonne d’eau. Ces données permettent d’établir une estimation précise des échanges entre atmosphère et océan. Source ICOS : www.icos-infrastructure.eu Les stations du réseau Ecosystème d’ICOS France représentent environ une centaine de chercheurs , ingénieurs et techniciens scientifiques. Avec 16 sites participants, le réseau permet de suivre le fonctionnement et l’évolution des grandes cultures (Grignon, Toulouse, Avignon, Mons), prairies (Lusignan, Clermont-Ferrand, Dijon, Kourou) et forêts (Nancy, Fontainebleau, Marseille, Montpellier, Bordeaux, Guyane). OBSERVER ET MESURER LES GAZ À EFFET DE SERRE Changement climatique : stratégies d’observation Profil vertical de mesures de vent, concentration en dioxyde d carbone (CO2), humidité et température de l’air qui permettent de calculer les transferts convectifs de chaleur entre végétation et atmosphère. Mesures par thermopile du rayonnement atmosphérique. L’atmosphère émet vers la terre un rayonnement de grande longueur d’onde distinct du rayonnement solaire et qui est une composante essentielle du bilan d’énergie de l’écosystème. Montage en forêt d’un système de mesure des flux de gaz à effet de serre (CO2, H2O, CH4) basé sur le principe de covariations temporelles de la vitesse d’air et des concentrations en gaz. Cette mesure permet notamment d’établir avec précision le bilan de carbone des cultures, forêts et prairies. Caméra automatique dont les images réassemblées forment un «film» de l’évolution de la végétation à long terme. Monitoring de la vitesse et de la direction du vent. Mesure du rayonnement utile reçu par le couvert et de ses fractions directe et diffuse. Essentielle pour comprendre comment fonctionne la photosynthèse du couvert, cette mesure permet aussi de suivre l’impact de la pollution de l’atmosphère par les aérosols sur le rayonnement utile reçu par la végétation. Instruments utilisés pour la détermination des flux convectifs de chaleur et CO2 déployés ici sur une coupe rase forestière. Monitoring de la température végétale par radiomètre thermique et de réflectance spectrale directionnelle qui permet de suivre l’évolution des couleurs du couvert végétal et de ses variations saisonnières et interannuelles (phénologie). INSTRUMENTS DE MESURES TERRESTRES Changement climatique : stratégies d’observation ©Inra - février 2015 - Mission Communication INRA Bordeaux-Aquitaine - contacts scientifiques : Denis Loustau (Umr ISPA) - ©crédit photo : INRA - infographie adaptée depuis ipcc.ch/report 3 Débourrement printanier (1) Senescence (2) Longueur de la saison de croissance (3) Modifications futures des périodes de débourrement printanier (1), de coloration des feuilles à l’automne (2) et longueur de la saison de croissance (3) dans les forêts de feuillus pour la période 2071-2100 (Lebourgeois et al., 2010) SAISONS DE CROISSANCE ALLONGÉES = STOCKAGE ACCRU DU CO2? Bien que le nombre de jours où les plantes ont des feuilles s’accroit chaque année, il est encore incertain d’affirmer que cela entrainera une plus forte absorption du dioxyde de carbone (CO2), dont l’augmentation des concentrations dans l’atmosphère est responsable au premier chef du réchauffement climatique. Avec l’arrivée plus précoce du printemps, les écosystèmes absorberont plus de CO2 durant la photosynthèse, mais la hausse des températures peut aussi conduire à une augmentation des pertes de CO2 par respiration des micro-organismes du sol LA PHÉNOLOGIE : INDICATEUR DU CHANGEMENT CLIMATIQUE Changement climatique : stratégies d’observation ©Inra - février 2015 - Mission Communication INRA Bordeaux-Aquitaine - contacts scientifiques : Lisa Wingate (Umr ISPA) - ©crédit photo : INRA 4 LES RYTHMES SAISONNIERS DU MONDE VIVANT MODIFIÉS PAR LE CLIMAT La phénologie - ou le calendrier des évènements saisonniers des animaux et des plantes - constitue un indicateur simple de l’impact du changement climatique sur l’écologie des espèces animales et végétales. Observer la phénologie des plantes, c’est documenter les dates d’éclosion des bourgeons, d’apparition des feuilles, de floraison, de fructification, de décoloration puis de chute des feuilles. Les dates d’apparition des feuilles, des fleurs et des fruits sont notées depuis de nombreuses années par des observateurs partout dans le monde. Quand de tels enregistrements sont maintenus de façon cohérente pendant plusieurs années, ils peuvent nous révéler comment les plantes répondent au changement climatique. Les données montrent que, par rapport à il y a 30 ans, l’apparition des jeunes feuilles est plus précoce et leur chute est aussi parfois retardée de sorte que la durée de la «saison de végétation» devient aussi plus longue, de 2,3 à 5,2 jours par décennie (IPCC, 2007). Actuellement, on ne sait pas si cette tendance va se poursuivre dans les décennies à venir, ni à quel rythme. 4 et des plantes. Il est essentiel de surveiller de manière simultanée les évènements phénologiques et l’absorption de CO2 par les écosystèmes de l’échelle locale à l’échelle continentale. GARDER UN ŒIL SUR LE BILAN CARBONE Les scientifiques de toute l’Europe ont établi des dispositifs de mesures de précision des événements phénologiques s’appuyant sur des caméras numériques en réseau («phenocams») installées sur divers écosystèmes comme ceux étudiés par l’Inra au travers du réseau d’observation ICOS. Ce réseau de «phenocams», baptisé Europhen (http://european-webcam-network.net), est coordonné par l’Inra. Chaque jour, les images numériques collectées par les caméras fournissent un enregistrement visuel de l’apparition et de la disparition des feuilles dans la canopée. Ces images peuvent être utilisées pour dater les évènements phénologiques quand elles sont collectées régulièrement et dans la durée. La composition en Rouge, Vert et Bleu (RGB) de portions d’images contenant de la végétation, peut aussi être analysée et fournit davantage d’informations sur la structure et la physiologie de la canopée. L’étude conjointe de la phénologie des écosystèmes et Traitement des images numériques issues de caméras fixées au-dessus de la canopée de leur capacité à séquestrer le CO2 atmosphérique permettra de mieux comprendre comment l’absorption de carbone par les écosystèmes répond à un allongement de la saison de croissance. Elle permettra également d’anticiper comment nos écosystèmes sont susceptibles de répondre au changement climatique futur. LA PHÉNOLOGIE : INDICATEUR DU CHANGEMENT CLIMATIQUE Changement climatique : stratégies d’observation 5 LE CYCLE DE L’EAU Production agricole et sécurité alimentaire mondiale, gestion d’une ressource en eau aujourd’hui sous tension, maîtrise de la diffusion des contaminants et maintien de la qualité de l’eau et des sols, tels sont les enjeux auxquels l’Inra doit faire face. Dans ce but l’Institut a investi, avec ses partenaires, le champ de l’observation spatiale en complément des mesures réalisées au sol sur les écosystèmes. La température et l’humidité de surface sont régies par le cycle de l’eau dans le système sol-plante atmosphère. Les mesures par satellite dans les domaines de l’infrarouge thermique et des microondes permettent d’accéder à ces deux variables-clé du fonctionnement hydrique de la végétation et du sol. infrarouge thermique évapotranspiration (transpiration plantes + évaporation sol) pluie micro-ondes température de surface ruissellement humidité de surface stockage dans le sol Extraction de l’eau par les racines et évaporation de l’eau du sol recharge nappe LE SUIVI ET LA MESURE DE L’HUMIDITÉ DES SOLS Les apports d’eau par la pluie et l’irrigation, et l’évapotranspiration des plantes régissent les changements de l’humidité du sol. La mesure de l’humidité superficielle apporte des informations sur le cycle de l’eau et le fonctionnement hydrique de la végétation à l’échelle du globe. La mission SMOS (Soil Moisture and Ocean Salinity) est un programme commun d’observation de la Terre de l’ESA (Agence Spatiale Européenne) proposé par le CESBIO. Elle fournit des cartes d’humidité des sols et de salinité des océans, deux variables-clé du suivi du climat. L’Inra est étroitement associé à cette mission : des travaux expérimentaux et de modélisation ont permis de développer l’algorithme de traitement des données pour élaborer les cartes d’humidité à partir du signal mesuré par le satellite. Utilisation de SMOS pour le suivi des sécheresses sur l’Europe de l’Ouest : la comparaison des cartes d’humidité (en cm3 d’eau / cm3 de sol) entre avril 2010 et avril 2011 met en évidence les surfaces touchées par la sécheresse en 2011 (source CESBIO). OBSERVATION PAR SATELLITE DU CYCLE DE L’EAU DANS LE SOL ET LA VÉGÉTATION Changement climatique : stratégies d’observation ©Inra - février 2015 - Mission Communication INRA Bordeaux-Aquitaine - contacts scientifiques :Jean-Pierre Laguarde (Umr ISPA) - ©crédit photo : CNES nappe 5 LA TEMPÉRATURE DE SURFACE, UN TÉMOIN DE L’ÉTAT HYDRIQUE DES CULTURES La température de surface obtenue par mesure du rayonnement émis dans les longueurs d’onde de l’infrarouge thermique (entre 8 et 14 µm) permet d’estimer l’évapotranspiration des cultures. Ainsi une surface bien alimentée en eau et à forte évapotranspiration présente une température plus basse qu’une surface sèche. Exemple de cartographie de l’évapotranspiration sur le Sud-Est de la France (à proximité de Saint Rémy de Provence) déduite d’une thermographie obtenue par une caméra IRT aéroportée (10/04/1997) - Source Inra Avignon DES PROJETS DE MISSION SPATIALE DANS L’INFRAROUGE THERMIQUE Les chercheurs de Inra construisent avec le CNES des projets de mission spatiale. Ils analysent les besoins des scientifiques et des décideurs publics, puis définissent les caractéristiques de mission nécessaires (résolution, fréquence d’observation, bandes spectrales, etc.). En lien étroit avec l’Inra, le CNES élabore ensuite des systèmes (instrument, satellite) conciliant les objectifs scientifiques et les contraintes techniques du spatial. Le but est aujourd’hui de bâtir une mission associant des capacités de revisite (fréquence d’observations de 1 à 3 jours) et une résolution spatiale (60 - 80 m) élevées. Aucun satellite aujourd’hui en fonctionnement ne combine dans l’infrarouge thermique ces performances indispensables pour le suivi opérationnel des conditions hydriques des cultures depuis l’espace. Les projets en cours d’élaboration visent un lancement à l’horizon 2020. Projet de mission MISTIGRI (MIcro Satellite for Thermal Infrared GRound surface Imaging). Vues du satellite, panneaux solaires repliés (a) avant, (b) arrière. (c) Couverture pour une orbite héliosynchrone à 561 km d’altitude (assurant 1 jour de revisite), avec des angles de visée de 30° (jaune) et 45°(vert). OBSERVATION PAR SATELLITE DU CYCLE DE L’EAU DANS LE SOL ET LA VÉGÉTATION Changement climatique : stratégies d’observation