Chapitre 3 Les polynômes - Institut de Mathématiques de Toulouse

Chapitre 3
Les polynˆomes
Dans tout ce chapitre Kesigne les corps1Q,Rou C.
3.1 D´efinition
Je soup¸conne que tout lecteur de ce cours a d´ej`a une id´ee de ce qu’est un polyome. Il
a notamment fr´equent´e l’((ind´etermin´ee)) Xsans que cela ne lui pose de probl`eme. Mais s’est-il
demand´e si on lui a un jour efini proprement cette ind´etermin´ee ? Je vais m’attacher ici `a fournir
une d´efinition ((propre)) de l’ind´etermin´ee X. Cela va me conduire `a tomber dans un des travers
du matheux de base : je vais ˆetre, dans un premier temps, un peu formel. I am so sorry !
3.1.1 D´efinition de l’anneau des polynˆomes
efinition 3.1 Un polynˆome `a coefficients dans Kest une suite d’´el´ements de Knulles `a partir
d’un certain rang.
On munit maintenant l’ensemble des polynˆomes de trois lois :
La somme :
(a0, a1, a2,...) + (b0, b1, b2,...)d´ef.
= (a0+b0, a1+b1, a2+b2,...).
Le produit :
(a0, a1, a2,...)×(b0, b1, b2,...)ef.
= (c0, c1, c2,...),
avec :
n>0, cn
d´ef.
=
n
X
k=0
akbnk.
Le produit par un scalaire : pour tout λK:
λ×(a0, a1, a2,...)ef.
= (λa0, λa1, λa2,...).
1Je n’ai pas d´efini ce qu’est un corps et je ne le ferai pas. Vous pouvez cependant retenir que c’est un ensemble
dans lequel on sait ajouter, multiplier et tel que tout ´el´ement non nul est inversible.
41
42 CHAPITRE 3. LES POLYN ˆ
OMES
Il est facile de v´erifier que le r´esultat de toutes ces op´erations sont bien des polynˆomes (i.e.
des suites qui stationnent en z´ero `a partir d’un certain rang) ainsi que les formules :
P+ (0,0,0,...) = P, P +Q=Q+P, P + (Q+R) = (P+Q) + R,
(c0, c1, c2,...) + (c0,c1,c2,...) = (0,0,0,...),
P×(1,0,0,0,...) = P, P ×Q=Q×P, (P×Q)×R=P×(Q×R),
P×(Q+R) = P×Q+P×R.
ceci quels que soient les polynˆomes P, Q, R.
Remarque Ces propri´et´es font de l’ensemble des polynˆomes muni des deux premi`eres lois un
anneau commutatif unitaire.
3.1.2 Vite, vite, la repr´esentation usuelle des polynˆomes
On a coutume — et bien raison — d’identifier le polynˆome (c0,0,0,0,...) (c0K) `a
l’´el´ement c0de K; on le note donc simplement c0. Par exemple le polynˆome (1,0,0,...) est iden-
tifi´e `a 1. Quant au polynˆome (0,1,0,0,...), on le note souvent Xet on l’appelle l’ind´etermin´ee X.
Cette ind´etermin´ee joue un rˆole tr`es important. Les formules de multiplication appliqu´ees aux
puissances de cette ind´etermin´ee permettent de montrer que :
(0,0,1,0,0,...) = (0,1,0,0,...)2,(0,0,0,1,0,0,...) = (0,1,0,0,...)3,...
si bien que :
le polynˆome (0,0,1,0,0,...) se note X2,
le polynˆome (0,0,0,1,0,0,...) se note X3,
– etc...
Pour finir, on remarque encore que tout polynˆome s’´ecrit :
(c0, c1, c2,...,cd,0,0,...) = c0×(1,0,0,0,...) + c1×(0,1,0,0,0,...)+
c2×(0,0,1,0,0,0,...) + ···+cd×(0,...,0,1,0,0,0,...)
le 1 `a la (d+ 1)-`eme place
si bien que :
le polynˆome (c0, c1, c2, . . . , cd,0,0,...) se note c0+c1X+c2X2+···+cdXd.
Nous revoil`a en terrain connu, n’est-ce pas ? Histoire d’encore plus revenir aux traditions, on
notera, `a partir de maintenant, l’ensemble des polynˆomes par K[X].
3.1.3 Terminologie et premi`eres propri´et´es
Le fait qu’un polynˆome soit une suite d’´el´ements de Knulle `a partir d’un certain rang permet
de d´efinir :
efinition 3.2 Soit P=c0+c1X+c2X2+···+cd1Xd1+cdXd)un polynˆome non nul o`u cd
est le dernier terme non nul de la suite. L’entier dNs’appelle le degr´e de Pet se note deg(P).
Quant au polynˆome nul (i.e. la suite nulle (0,0,0,...)), on lui affecte le degr´e −∞ avec les
conventions −∞ +d=−∞ et −∞ < d quel que soit dN.
3.1. D ´
EFINITION 43
Les polynˆomes de degr´e z´ero sont dits constants, ceux de la forme cdXd(avec cdK)
s’appellent des monˆomes. On identifie les polynˆomes constants aux ´el´ements de Keux mˆemes.
Enfin, encore un petit peu de vocabulaire :
efinition 3.3 Soit P=c0+c1X+c2X2+···+cdXdun polynˆome de degr´e d.
Les ´el´ements ciKs’appellent les coefficients du polynˆome P.
Le coefficient c0(respectivement cd) s’appelle le coefficient constant (respectivement dom-
inant) de P.
Si le coefficient dominant vaut 1(i.e. si cd= 1) le polynˆome Pest dit unitaire.
Les degr´es de la somme et du produit de deux polynˆomes s’expriment en fonction des degr´es
des polynˆomes de d´epart.
Propri´et´e 3.4 Soit P, Q K[X]deux polynˆomes. On a :
deg(P+Q)6max{deg(P),deg(Q)},et deg(P×Q) = deg(P) + deg(Q),
avec ´egalit´e dans la premi`ere in´egalit´e si deg(P)6= deg(Q).
Preuve Introduisons les coefficients de Pet Q:
P=a0+a1X+a2X2+···+amXm, Q =b0+b1X+b2X2+···+bnXn,
et supposons par exemple m6n.
Alors la somme s’´ecrit :
P+Q= [(a0+b0) + (a1+b1)X+···+ (am+bm)Xm] + bm+1Xm+1 +···+bnXn.
Le deuxi`eme terme de cette somme est nul (ne contient aucun ´el´ement) si m=n. En tout
´etat de cause, on voit bien que deg(P+Q)6n= max{deg(P),deg(Q)}. Notons que le degr´e
peut ˆetre strictement inf´erieur `a ce maximum dans le cas o`u m=net o`u am=bm(par
exemple P=X2+X+ 1 et Q=X2+X+ 2).
Quant au produit, il v´erifie :
P×Q=ambnXm+n+ [des termes de degr´e < m +n],
si bien que son degr´e est bien m+n.
Un polynˆome PK[X] est dit inversible s’il existe QK[X] tel que P Q = 1 (dans Z
seuls ±1 sont inversibles).
Corollaire 3.5 Les polynˆomes inversibles sont les polynˆomes constants non nuls (i.e. de degr´e
ero) que l’on a identifi´es aux ´el´ements non nuls de Keux-mˆemes.
Preuve Soit PK[X] inversible, alors il existe QK[X] tel que P Q = 1. Remarquons que
ni Pni Qne peuvent ˆetre nuls. En prenant les degr´es, on obtient deg(P Q) = deg(P) + deg(Q) =
deg(1) = 0. Comme deg(P) et deg(Q) sont des entiers naturels et que leur somme vaut z´ero,
n´ecessairement deg(P) = deg(Q) = 0.
44 CHAPITRE 3. LES POLYN ˆ
OMES
3.2 Arithm´etique des polynˆomes
Dans cette section, on va voir que tous les r´esultats vus au chapitre 2 sur l’arithm´etique des
entiers peuvent s’adapter au cadre des polynˆomes. Nous ne donnerons pas les preuves de tous les
r´esultats ´enonc´es ´etant donn´e qu’il suffit d’adapter celles vues dans le cadre des entiers. Cependant
un excellent exercice consiste `a reprendre seul ces preuves dans le cadre des polynˆomes.
3.2.1 Division et division euclidienne
efinition 3.6 Soit Aet Bdeux polynˆomes de K[X]. On dit que Adivise B, ou que Aest un
diviseur de B, ou que Best un multiple de A, s’il existe QK[X]tel que B=A×Q.
Remarque Quand on parle de divisibilit´e, il convient de pr´eciser le contexte. Par exemple,
l’entier 2 ne divise pas l’entier 3 dans Z. En revanche, le polynˆome constant 2 divise bel et bien le
polynˆome constant 3 dans R[X] car 3 = 2 ×3
2et on a bien 3
2R[X].
L’analogue de la propri´et´e 2.2 reste valide ; son ´enonc´e et sa preuve sont laiss´es au lecteur.
Quant `a la proposition 2.3, elle s’´enonce ainsi dans le cadre des polynˆomes :
Proposition 3.7 (i) Les diviseurs d’un polynˆome Bnon nul sont tous de degr´e plus petit
que celui de B; autrement dit :
A, B K[X], A |B=deg(A)6deg(B).
(ii) ero est le seul polynˆome divisible par des polynˆomes de degr´e plus grand que le sien, c’est-
`a-dire :
A, B K[X],[A|Bet deg(A)>deg(B)] =B= 0.
Enfin, et c’est la ressemblance la plus importante entre entiers et polynˆomes, on dispose d’une
division euclidienne entre polynˆomes :
Th´eor`eme 3.8 (Division euclidienne polynomiale) Soit Aet Bdeux polynˆomes de K[X],
le polynˆome A´etant suppos´e non nul. Il existe (Q, R)unique tel que :
B=AQ +Ret deg(R)<deg(A).
Preuve On commence par noter :
A=a0+a1X+···+amXmet B=b0+b1X+···+bnXn
avec m= deg(A) et n= deg(B).
On se d´ebarrasse du cas B= 0 en remarquant que B= 0×A+0 avec −∞ = deg(0) <deg(A)
car A´etant non nul, on deg(A)N. Du coup R=Q= 0 conviennent.
Cela ´etant, on fait une r´ecurrence sur deg(B).
3.2. ARITHM ´
ETIQUE DES POLYN ˆ
OMES 45
Cas initial. Si deg(B) = 0 c’est-`a-dire B=b0alors on distingue deux cas. Ou bien deg(A)>1
auquel cas l’´ecriture B=A×0 + b0permet de conclure. Ou bien on a aussi deg(A) = 0, c’est-`a-
dire A=a0n´ecessairement non nul, Al’´etant. Alors l’´ecriture B=b0=A×b0
a0+ 0 permet de
conclure (rappel deg(0) = −∞ <0 = deg(A)).
Hypoth`ese de ecurrence. On suppose que pour tout polynˆome Btel que deg(B)< n
(nNfix´e) et pour tout polynˆome Anon nul, il existe Q, R K[X] tels que B=AQ +R
avec deg(R)<deg(A).
Soit Bun polynˆome de degr´e n.Si deg(A)> n = deg(B) alors l’´ecriture B=A×0 + B
permet de conclure. Sinon (i.e. n>m) on est en mesure de d´efinir un polynˆome Cvia :
C=Bbn
am
XnmA.
Par construction il satisfait deg(C)<deg(B). On peut donc lui appliquer l’hypoth`ese de ecur-
rence. Il existe donc Qet Rtels que C=AQ+Ravec deg(R)<deg(A). Revenant au polynˆome B,
cela donne :
B=Abn
am
Xnm+Q+R,
ce qui permet de conclure.
Voici un petit exemple de division euclidienne o`u l’on divise le polynˆome X4+ 2X2+X1
par le polynˆome X23X+ 1 :
X4+2X2+X1X23X+1
X43X3+X2X2+3X+10
3X3+X2+X1
3X39X2+3X
10X22X1
10X230X+10
28X11
On trouve donc pour quotient X2+ 3X+ 10 et pour reste 28X11.
On relie encore la division euclidienne `a la divisibilit´e via :
Propri´et´e 3.9 Pour qu’un polynˆome AK[X]non nul divise un autre polynˆome BK[X], il
faut et il suffit que le reste de la division euclidienne de Bpar Asoit nul.
Preuve Effectuons la division euclidienne de Bpar Aen ´ecrivant B=AQ+Ravec deg(R)<
deg(A).
Si R= 0, on a B=AQ, c’est-`a-dire A|B.
R´eciproquement, si A|Balors il existe PK[X] tel que B=AP . En r´e-injectant dans
l’´egalit´e de d´epart, on obtient AP =AQ +Rou encore A(PQ) = Rou encore A|R.
Comme deg(R)<deg(A), cette relation de divisibilit´e entraˆıne R= 0.
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