La guerre des chrétientés dans l`antiquité

HISTOIRE DES VIOLENCES RELIGIEUSES
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
LA GUERRE DES CHRÉTIENTÉS
DANS L’ANTIQUITÉ
La naissance de l’hérétisme
CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
Les Écritures triomphant sur l'Hérésie, dans l'église Gustaf Vasakyrkan de Stockholm.
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Conférence N°1502 810-10
LA GUERRE DES CHRÉTIENTÉS DANS L’ANTIQUITÉ
La naissance de l’hérétisme
conférence d’Éric Lowen donnée le 13/12/2012
à l’UTL à Toulouse
La christianisation de l’empire romain ne donna pas seulement naissance à des conflits entre
chrétiens et païens mais aussi à des conflits très violents entre religions chrétiennes. Le
sentiment actuel d’unité de la chrétienté n’est dû qu’à la méconnaissance des violentes
guerres qui ont opposé les églises chrétiennes au fur et à mesure que les dogmes se
formalisaient, chacune tendant d’imposer le monopole de leur christianisme et cela d'autant
plus qu'elles étaient proches des pouvoirs. Ainsi naquirent les notions d’hérésie et de dogme.
On reviendra sur cet épisode emblématique des tensions religieuses suscitées par la montée
du christianisme et son opposition aux religions et philosophies antiques, faisant d’Hypatie
d’Alexandrie une martyre de l’intolérance chrétienne.
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LA GUERRE DES CHRÉTIENTÉS DANS L’ANTIQUITÉ
La naissance de l’hérétisme
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
I
PRÉSENTATION
1 - Dans cette série, une nouvelle catégorie de violence religieuse : l’hérésie
2 - Un cas particulier, celui des persécutions des chrétiens dans l’antiquité romaine
3 - Des faits très largement oubliés et minimisés
4 - Quelle fut l’importance de ces affrontements et leurs modalités ?
5 - Quelle fut la nature de ces affrontements ? Sont-ils assimilables à une guerre de religion ?
II
LE CADRE HISTORIQUE
1 - Des affrontements intervenant dans le cadre du Bas empire romain et de l’antiquité tardive
2 - Un nouveau paysage religieux, celui des christianismes
3 - Des christianismes s’affrontant en vertu de la vérité qu’ils détiennent et de l’erreur des autres
4 - Jusqu’au 3ème siècle les débats restaient théologiques, désormais ils seront relayés par la force
5 - La conséquence de la naissance du christianisme politique et des autorités ecclésiales
6 - Le temps des patriarcats : Constantinople, Antioche, Alexandrie, Jérusalem, Rome
7 - Elles recourront aux pouvoirs temporels pour combattre et éliminer ces églises schismatiques
et hérétiques
8 - Un épisode de la formation de l’église dominante, dite nicéenne (catholiques et orthodoxes)
9 - Le temps des conciles fondateurs, dits conciles “œcuméniques”
10 - La notion d’orthodoxie et d’hérésie, des concepts intrareligieux
III
LES ÉLÉMENTS HISTORIQUES
1 - Des affrontements qui se développent à la fin du 3ème siècle
2 - En 251, la crise du novatianisme éclate suite aux persécutions de Dèce (schisme et hérésie)
3 - En 305, la persécution de Dioclétien provoque le schisme donatiste (jusqu’au 7ème siècle)
4 - Constantin fait du christianisme la religion d’état et l’empereur devient l'évêque du dehors
5 - En 325, le concile de Nicée convoqué par Constantin Ier condamne l’arianisme
6 - Les conclusions de ce concile changent la nature du christianisme antique, le credo supplante
le baptême
7 - L’arianisme sera la principale hérésie du 4ème et 5ème siècles
8 - Vandales et Alains se convertissent à l’arianisme au milieu du 4ème siècle et persécutent
les nicéens
9 - À partir de 353, l’empereur arien Constance persécute les donatiens et les nicéens
10 - En 381, le premier concile de Constantinople convoqué par Théodose Ier adopte la trinité
11 - À partir de 407, les vandales ariens attaquent l’empire catholique et constituent un royaume
vandale en afrique du nord (432–533)
12 - En 431, le concile d’Éphèse convoqué par Théodose II condamne le nestorianisme
13 - En 451, le concile de Chalcédoine, convoqué par Marcien, condamne le monophysisme
14 - En 553, le 2ème concile de Constantinople, convoqué par Justinien réaffirme la
condamnation du nestorianisme
15 - En 680, le concile de Constantinople III, convoqué par Constantin IV condamne le
monothélisme
16 - En 787, le deuxième concile de Nicée, convoqué par l’impératrice Irène, condamne
les iconoclastes
17 - Un processus constant de répression qui amènera le triomphe du christianisme orthodoxe
IV
NATURE ET VALEUR HISTORIQUE DE CES ÉVÉNEMENTS
1 - Des violences organisées, liées aux autorités ecclésiastiques et temporelles du christianisme
2 - La nature théologique du refus de tout autre dogme chrétien
3 - Des divergences considérées comme erreurs, oppositions et menaces pour la vraie foi
4 - Un traitement cœrcitif rendu possible par des modélisations théologiques fondatrices
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5 - Les fondements bibliques de l’exclusion et de la sanction
6 - De l’excommunication de la communauté ecclésiale à celle de la société des hommes
7 - Un épisode fondateur de la religion chrétienne dans sa version catholico-orthodoxe
8 - Des violences religieuses intrachrétiennes parallèles à celles des violences extrachrétiennes
V
CONCLUSION
1 - L’ancienneté du traitement répressif des hérésies dans le christianisme
2 - Un traitement commun à tous les christianismes antiques
3 - Dont l’évolution pratique au 13ème siècle donnera naissance à l’inquisition
4 - De telles pratiques ne sont pas des accidents du christianisme, elles en sont constitutives
ORA ET LABORA
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Document 1 : Voici quelques passages du nouveau testament, en plus de ceux de l’ancien testament, qui
prescrivent la pratique de l’exclusion (reprenant et amplifiant celle déjà présente dans le judaïsme (voir Luc
6,22).
- Matthieu 18,15-17 : Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S'il
t'écoute, tu as gagné ton frère. Mais, s'il ne t'écoute pas, prends avec toi une ou deux
personnes, afin que toute l'affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois
témoins. S'il refuse de les écouter, dis-le à l'Église; et s'il refuse aussi d'écouter l'Église,
qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain.
- Matthieu 18,18 : Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié
dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel.
- Corinthiens 5,1-5 : On entend dire généralement qu'il y a parmi vous de l'impudicité, et
une impudicité telle qu'elle ne se rencontre pas même chez les païens; c'est au point
que l'un de vous a la femme de son père. Et vous êtes enflés d'orgueil! Et vous n'avez
pas été plutôt dans l'affliction, afin que celui qui a commis cet acte fût ôté du milieu de
vous! Pour moi, absent de corps, mais présent d'esprit, j'ai déjà jugé, comme si j'étais
présent, celui qui a commis un tel acte. Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit
étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus, qu'un tel homme soit
livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l'esprit soit sauvé au jour du
Seigneur Jésus.
- Timothée 1,18-20 : Le commandement que je t'adresse, Timothée, mon enfant, selon
les prophéties faites précédemment à ton sujet, c'est que, d'après elles, tu combattes le
bon combat, en gardant la foi et une bonne conscience. Cette conscience, quelquesuns l'ont perdue, et ils ont fait naufrage par rapport à la foi. De ce nombre son
Hyménée et Alexandre, que j'ai livrés à Satan, afin qu'ils apprennent à ne pas
blasphémer.
Extraits de la traduction de Louis Segond, 1910
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Document 2 : Liste des grands conciles œcuméniques jusqu’au 8ème siècle.
Nom du concile
date
empereur
le convoquant
hérésie
condamnée
- Nicée
325
Constantin
arianisme
- Constantinople
381
Théodose Ier
Macédonianisme
pneumatomaques
- Éphèse
431
Théodose II
nestorianisme
- Chalcédoine
451
Marcien
monophysisme
- Constantinople II
553
Justinien
nestorianisme
- Constantinople III
680
Constantin IV
monothélisme
- Nicée II
787
Irène
iconoclastes
Document 3 : Ce tableau montre l'empereur Constantin, entouré des évêques conciliaires, présentant le
texte du symbole de Nicée, adopté lors du premier concile œcuménique en 325. De manière claire,
l’empereur, considéré comme un “évêque du dehors” devient un acteur central des affaires de l’Église, dans
la sphère législative et théologique. C’est le césaro-papisme.
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Document 4 : L’évolution du credo du concile de Nicée.
Extrait de la confession de foi adoptée au concile de Nicée en 325, fondation du credo
chrétien actuel :
Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, Créateur de toutes choses visibles et
invisibles ; et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, engendré du Père,
c'est-à-dire, de la substance du Père. Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai
Dieu ; engendré et non fait, consubstantiel au Père ; par qui toutes choses ont été faites
au ciel et en la terre. Qui, pour nous autres hommes et pour notre salut, est descendu
des cieux, s'est incarné et s'est fait homme ; a souffert et est mort crucifié sur une croix,
est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux, et viendra juger les vivants et les
morts. Nous croyons aussi au Saint-Esprit.
Pour ceux qui disent : “Il fut un temps où il n'était pas” et “Avant de naître, il n'était pas”,
et “Il a été créé à partir du néant”, ou qui déclarent que le Fils de Dieu est d'une autre
substance (hypostasis) ou d'une autre essence (ousia), ou qu'il est créé ou soumis au
changement ou à l'altération, l'Église catholique et apostolique les anathématise.
Le concile de Constantinople en 381 le modifiera pour arriver au texte suivant (dit
Symbole de Nicée-Constantinople) :
Nous croyons en un seul Dieu Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes
les choses visibles et invisibles.
Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les
siècles, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ; engendré et non fait,
consubstantiel au Père, par qui tout a été fait ; qui pour nous hommes et pour notre salut
est descendu des cieux, s’est incarné par le Saint-Esprit, de la Vierge Marie et s’est fait
homme ; qui en outre a été crucifié pour nous sous Ponce-Pilate, a souffert, a été
enseveli et est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures ; qui est monté aux cieux,
est assis à la droite de Dieu le Père, d’où il viendra avec gloire juger les vivants et les
morts ; dont le règne n’aura pas de fin. Nous croyons au Saint-Esprit.
Seigneur et vivifiant, qui procède du Père, doit être adoré et glorifié avec le Père et le
Fils, qui a parlé par les saints prophètes. Et l’Église, une, sainte, catholique et
apostolique. Nous confessons un seul baptême pour la rémission des péchés. Nous
attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Ainsi-soit-il.
Le Symbole de Nicée-Constatinople sera à son tour modifié par les latins lors du concile
de Tolède (589), dans lequel le Saint-Esprit est dit procéder du Père « et du Fils », ce qui
est la source de la querelle dite du filioque et constitue l'une des causes majeures du
schisme entre l'Église orthodoxe et l'Église catholique, la première refusant cette
innovation, qu'elle juge contraire à la Foi des Pères, tandis qu’après de nombreuses
disputes et des conciles, cette adjonction est définitivement adoptée en 1014 par les
Églises latines. La traduction latine officielle utilisée dans la liturgie catholique est la
suivante :
Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de l'univers
visible et invisible.
Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous
les siècles ; il est Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu.
Engendré, non pas créé, de même nature que le Père, et par lui tout a été fait. Pour nous
les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel ; par l'Esprit-Saint, il a pris chair de la
Vierge Marie, et s'est fait homme. Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, il souffrit sa
passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour, conformément aux
Écritures, et il monta au ciel ; il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la gloire,
pour juger les vivants et les morts; et son règne n'aura pas de fin.
Je crois en l'Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père et du
Fils. Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire ; il a parlé par les
prophètes. Je crois en l'Église, une, sainte, catholique et apostolique. Je reconnais un
seul baptême pour le pardon des péchés. J'attends la résurrection des morts, et la vie du
monde à venir. Amen.
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Livres sur le contexte historique
- Quand notre monde est devenu chrétien (312-394), Paul Veyne, Bibliothèque Albin Michel Idées, 2007
- Le Bas-Empire, André Chastagnol, Armand Colin, 2000
- L'Empire chrétien, André Piganiol, PUF, 1972
- Histoire du Bas-Empire, De l'État romain à l'État byzantin (284-476), Ernest Stein, de Brouwer, 1959
Livres sur le christianisme
- Comment Jésus est devenu Dieu, Frédéric Lenoir, Fayard, 2010
- Histoire générale du christianisme, Jean-Pierre Armogathe, PUF, 2009
- Le jour où Jésus devint Dieu, Richard E. Rubenstein, Bayard, 2000
- L'église de l'antiquité tardive 303-604, Henri-Irénée Marrou, Seuil, 1985
Livres sur ces affrontements
- Persécutions dans l'antiquité, victimes, héros et martyrs, Marie-Françoise Baslez, Fayard, 2007
- Histoire de la persécution vandale en Afrique, Serge Lancel, Les Belles Lettres, 2002
- Le christianisme en Afrique du Nord ancienne, François Decret, Seuil, 1996
- Les Sanctions dans l'église, Alphonse Borras, Desclée, 1990
Livres sur la notion d’hérésie et son histoire
- Histoire des hérésies, Pierre De Meuse, Éds Trajectoire, 2010
- Orthodoxie et hérésie aux débuts du christianisme ancien, Walter Bauer, Cerf, 2009
- Petits lexique des hérésies et autre dissidences du catholicisme, Michel Théron, Albin Michel, 2005
- Les hérésies, Raoul Vaneigem, PUF, 1994
Livres sur les conciles
- Histoire des conciles, Yves Chiron, Perrin, 2011
- Concile de Nice et Constantinople, O. de Urbina, Fayard, 2006
- Conciles d'Éphèse et Chalcédoine, Pierre-Thomas Camelot, Fayard, 2006
- Nicée II, 787-1987. Douze siècles d’images religieuses. Actes du Colloque international Nicée II tenu au
Collège de France, Paris les 2, 3, 4 octobre 1986, Éditions du Cerf, 1987
- Nicée II (787), Gervais Dumeige, Éditions de l’Orante, 1978
- Constantinople II et III, François-Xavier Murphy, P. Sherwood, Éditions de l’Orante, 1974
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