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Conférences d’enseignement 2007
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RÉSUMÉ
La physiopathologie exacte responsable de la coxarthrose de la
hanche non dysplasique est restée inconnue durant de nombreu-
ses années. Il y a par contre de plus en plus d’évidence clinique
impliquant le conflit fémoro-acétabulaire en tant que facteur
étiologique responsable d’une coxarthrose précoce. Le conflit
fémoro-acétabulaire est dû à la collision entre le fémur proximal
et le rebord acétabulaire. Ce conflit provient d’anomalies morpho-
logiques touchant l’acétabulum ou le fémur proximal, mais le plus
souvent les deux. Ce conflit mécanique répétitif survenant durant
les mouvements, principalement en flexion et rotation interne,
peut provoquer des lésions du labrum acétabulaire et malheu-
reusement aussi du cartilage articulaire acétabulaire juxta-labral.
Le traitement chirurgical du conflit fémoro-acétabulaire vise à
améliorer le débattement articulaire de la hanche en éliminant la
collision du fémur proximal contre le rebord acétabulaire.
Mots clés : Conflit fémoro-acétabulaire. – Lésions dégénératives
de la hanche. – Acétabuloplastie. – Ostéoplastie du col fémoral.
– Arthroscopie de la hanche. – Réparation labrale. – Distraction
de la hanche.
SUMMARY
The exact pathogenic macanism responsible for osteoarthritis
(OA) of the non-dysplastic hip has remained unknown for many
years. There is, however, emerging clinical evidence implicating
femoroacetabular impingement as an aetiological factor for
early development of OA. Femoroacetabular impingement is due
to the collision occurring between the proximal femur and the
acetabular rim, arising from morphologic abnormalities affec-
ting the acetabulum or the proximal femur, or both. The repeti-
tive mechanical collision occurring during motion, particularly in
flexion and internal rotation, may lead to serious lesions of the
acetabular labrum as well as the adjacent acetabular cartilage.
Surgical treatment of femoroacetabular impingement focuses
on improving the clearance for hip motion and preventing the
femoral abutment against the acetabular rim.
Key words: Femoroacetabular impingement. – Degenerative hip
disease. – Acetabuloplasty. – Osteoplasty of the head and neck
junction. – Hip arthroscopy. – Labral repair. – Hip distraction.
Introduction
Il existe une multitude de facteurs étiologiques menant
à la coxarthrose. Une expérience clinique de plus
d’une décennie avec l’inspection directe peropéra-
toire de l’articulation de la hanche douloureuse résis-
tante au traitement conservateur a permis de définir
le conflit fémoro-acétabulaire (CFA). L’inspection de
ces hanches a en effet permis d’observer directement et
dynamiquement le conflit [1,12,17,20,21] ainsi que de
vérifier son absence après les corrections.
La compréhension des effets délétères des CFA nous
a encouragée à développer des techniques chirurgi-
cales [11,12,18,19,29] qui ont pour but de tenter
de ralentir les processus dégénératifs favorisés par le
CFA. Les nouvelles techniques mini-invasives telles
que la levée du CFA par voie arthroscopique [18] se
comparent favorablement à la chirurgie ouverte et
seront certainement les techniques de choix du futur.
En effet, à résultat égal, la récupération postopératoire
est plus précoce et les douleurs moindres après une
intervention arthroscopiques. Nous devons par contre
recourir à des artifices techniques tels que l’utilisation
d’un distracteur invasif de la hanche, afin d’éviter les
complications connues liées à l’arthroscopie de hanche
[29,10].
Unité d’orthopédie et de traumatologie du sport, clinique d’orthopédie, Hôpitaux Universitaires de Genève,
24, rue Micheli-du-Crest, 1211 Genève 14, Suisse
Le conflit fémoroacétabulaire
Femoroacetabular impingement
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Physiopathologie
La collision répétitive entre la jonction tête-col et le
rebord acétabulaire résulte de la diminution de l’ex-
cursion ou débattement de la hanche. Cette mobilité
de l’articulation est influencée par le rapport tête-col
[27,37]. Ceci est tout à fait comparable à ce qui est
décrit dans la mécanique de l’arthroplastie de la han-
che. L’élargissement du col fémoral, ou la réduction de
l’offset à la jonction tête-col (figures 1 et 2) et la sur-
couverture localisée ou généralisée de la tête fémorale
par l’acétabulum (figure 3) peuvent donc tous dimi-
nuer la mobilité coxo-fémorale et provoquer un CFA
[1,2,5,18,20,24].
La diminution du débattement de l’articulation est un
facteur bien connu dans l’arthroplastie totale de han-
che. Elle résulte du contact répétitif entre le col fémoral
prothétique et le bord de la composante acétabulaire
de la prothèse totale de hanche. Contrairement à une
prothèse, l’articulation native est mécaniquement plus
contrainte. Tout contact ou force de cisaillement pro-
voqué par le conflit a donc des effets néfastes entraî-
Figure 1. Conflit de type came. Hanche gauche de face. A. Tête
dite « phallique » image préopératoire. B. Image postopératoire
après correction par voie arthroscopique.
Figure 2. Conflit de type came. Hanche droite vue axiale.
A. Diminution de l’offset à la jonction tête-col avec voussure
antérosupérieure (flèches) diminuant ainsi la concavité de la
jonction tête-col antérieure par rapport à la concavité posté-
rieure. B. Diminution de l’offset de la jonction tête-col à 3 mm.
nant des lésions labrales et/ou chondrales car la hanche
n’a pas la capacité d’échapper ou de dévier ces forces.
Clinique
Présentation clinique des CFA
La très grande majorité des conflits fémoro-acétabu-
laires sont des conflits antérieurs. Dans l’expérience de
Ganz et de la nôtre, le conflit postérieur est rare et
surtout présent lors d’un conflit de type tenaille-pince.
Parfois on peut le voir dans le cadre de séquelles de
traumatisme [5], par exemple après des fractures du
col du fémur.
Formes cliniques de CFA
Globalement, deux types principaux de CFA ont été
caractérisés par Ganz [12]. Ces types sont basés sur
les différentes lésions chondrales et labrales observées
durant l’exploration chirurgicale.
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traumatiques tel que le cal vicieux suite à une ostéosyn-
thèse non optimale d’une fracture sous capitale du fémur
proximal [5]. Dans ce cas précis, ce conflit d’origine cer-
vico-céphalique peut être soit antérieur soit postérieur.
Mécaniquement ce type de CFA est provoqué par l’en-
clavement avec force d’une tête fémorale asphérique dans
un acétabulum sphérique, surtout en flexion [5,17,25].
Les forces de cisaillement provoquent une abrasion car-
tilagineuse et/ou l’avulsion du labrum (figure 4) et de
l’os sous-chondral. Cette lésion se situe le plus souvent
sur le rebord antéro-supérieur de l’acétabulum. Les avul-
sions chondrales mènent ensuite à la déchirure voire au
détachement du cartilage initialement non impliqué.
CFA de type tenaille ou pince
Le second type de CFA est dit de type tenaille ou pince
(pincer en anglais).
Dans sa forme pure, ce type de conflit implique une
tête fémorale morphologiquement normale ou proche
de l’optimal et la collision fémoro-acétabulaire se pro-
duit en raison d’une anomalie acétabulaire. Il s’agit
le plus souvent d’une sur-couverture générale (voir
figure 3), par exemple dans la coxa profunda (hanche
profonde) ou localisée comme dans la rétroversion
acétabulaire [32].
Dans sa forme localisée due à la rétroversion [28], il
ne s’agit pas d’une rétroversion globale de l’acétabu-
lum mais de sa partie proximale (figure 5A). Dans ce
type de conflit, la première structure lésée est le labrum
acétabulaire. En effet, l’impact répétitif provoque une
dégénérescence du labrum avec parfois une lésion
intralabrale de type kystique. On note souvent une
ossification labrale (figure 6B) rendant l’acétabulum
encore plus profond et aggravant la sur-couverture. La
collision persistante, qui est souvent antérieure, impli-
que un bras de levier à appui antéro-postérieur provo-
quant des lésions de contrecoup postéro-inférieures de
Figure 3. Conflit de type tenaille ou pince. A. Hanche gauche de
face. Coxaprofunda avec sur-couverture globale de la hanche.
B. Arthro-IRM même patient (A). Couche cartilagineuse encore
préservée.
CFA de type Came
Le premier est le CFA de type came. Ce type de conflit
est provoqué par une anomalie à la jonction entre la
tête et le col du fémur. Normalement, on note un offset
de 10 mm (voir figure 2B) entre la jonction tête-col
fémoral pour avoir un débattement sans conflit. Il ne
s’agit pas là de l’offset dit classique, prothétique, qui
est la distance horizontale entre le centre de rotation
de la tête prothétique et l’axe permanent de la tige.
Dans le CFA, l’offset représente une évaluation de la
concavité de la jonction entre la tête et le col fémoral.
Si cet offset est diminué, impliquant que la tête et le col
sont sur la même ligne, le col du fémur entrera en conflit
avec le labrum et le rebord de l’acétabulum. Ce conflit
se produit typiquement en flexion-adduction-rotation
interne. Certains sports tels que le karaté et ses coups de
pieds ou le football et le shoot du ballon sont à risque
pour ce type de CFA. Le défaut de concavité à la jonction
tête-col peut être mineur comme dans l’épiphysiolyse
frustre ou majeur comme dans l’épiphysiolyse franche.
Ce conflit peut parfois s’observer dans des séquelles post-
Figure 4. Conflit de type came. Forces obliques se traduisant
par des forces de cisaillement provoquant un décollement de
cartilage de l’os sous-chondral et forces de compression provo-
quant une lésion longitudinale de la face profonde du labrum.
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Figure 5. Conflit de type tenaille ou pince. Hanche gauche de face. A. Rétroversion de la portion supérieure de l’acétabulum.
B. Rétroversion de la portion supérieure de l’acétabulum de l’acétabulum avec signe de croisement en figure de « 8 ».
Figure 6. Arthro-IRM hanche avec coupes radiaires. A. Coupes
radiaires. B. Ossification labrale (petites flèches) et conflit de
type came avec diminution de l’offset à la jonction tête-col
(grandes flèches). C. Kystes (grande flèche) à la jonction tête-
col antérieure dite de « Pitt ». Altération du signal du labrum,
témoignant d’une lésion labrale (petites flèches).
l’acétabulum assez caractéristiques de ce conflit. Plus
rarement, un conflit postéro-supérieur peut exister due
à cette sur-couverture céphalique souvent aggravée par
une ossification labrale. Les lésions chondrales dans le
type pince sont, contrairement au type came, souvent
limitées à une petite région du rebord acétabulaire et
sont donc plus bénignes. Le type came est en effet asso-
cié à des lésions chondrales profondes et à des lésions
labrales entendues. La forme pince se retrouve le plus
souvent chez des femmes de plus de 30 ans qui partici-
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pent à des activités sportives impliquant la mobilité de
la hanche (p. ex. la danse). La forme came est plus fré-
quente chez des hommes jeunes et athlétiques âgés de
20 à 30 ans [1,12,18,20]. Néanmoins les formes pures
caractéristiques ne sont pas les plus fréquentes. En effet,
dans deux tiers des cas il s’agit de formes mixtes.
Lésions labrales et cartilagineuses
dans un contexte de traumatisme
sans CFA préalable
Chez le patient jeune, on note parfois des lésions
labrales ou chondrales plus ou moins sévères liées à un
traumatisme suite à la pratique d’un sport mais aussi
lors de traumatismes de la vie quotidienne comme une
glissade. Ce dernier groupe de patients typiquement ne
ressent pas de symptôme avant le traumatisme. Il s’agit
de reconnaître l’aspect accidentel de l’événement qui a
des répercussions assécurologiques majeures chez ces
patients jeunes sans antécédents. Ces lésions labrales
peuvent être assimilées aux lésions du ménisque trau-
matique chez le jeune sportif. En effet, nous sommes
convaincus qu’il s’agit de traumatismes aigus car, dans
ce contexte, des épanchements sanguins frais ont été
retrouvés dans la majorité des cas où l’arthroscopie a
été pratiquée en urgence, par exemple dans les jours
suivants l’apparition de la symptomatologie aiguë. En
effet, parfois ces patients se présentent en urgence suite
à ces traumatismes avec une impotence fonctionnelle
majeure du membre inférieur et des douleurs impor-
tantes. Le plus souvent on retrouve une lésion labrale
et parfois des lésions chondrales juxta-labrale acé-
tabulaire. Parfois une lésion du ligament rond y est
associée surtout dans un contexte de traumatisme en
rotation externe du membre inférieur. Dans ces cas,
nous tenons compte des éléments biodynamiques de la
hanche et corrigeons dans le même temps opératoire,
si possible, les éléments de CFA tant acétabulaire que
céphalique. Il s’agit de préserver autant que possible le
cartilage articulaire en particulier acétabulaire, pour
le futur de ces hanches déjà fortement lésées après un
traumatisme.
Lésions labrales sans CFA
et sans traumatisme
Lorsqu’une lésion labrale non traumatique est pré-
sente chez des patients jeunes, il s’agit de rechercher
activement, une étiologie favorisante, tel que le CFA
ou la dysplasie. Si cette recherche, par des examens
radiologiques et notamment l’arthro-IRM est néga-
tive, alors on peut traiter la lésion labrale soit par une
suture, soit par une résection selon l’état de cette der-
nière. L’arthroscopie de la hanche est la méthode de
choix dans ce contexte.
Les douleurs dans le CFA
Ce syndrome est souvent rencontré chez le jeune adulte.
Il s’agit là de manifestations douloureuses dans le cadre
de troubles dégénératifs débutants. La coxarthrose
débutante, primaire ou secondaire (par exemple dans
le cas de séquelles de la maladie de Perthès, épiphy-
siolyse ou post-traumatique), se présente typiquement
avec ce syndrome. Des douleurs inguinales intermit-
tentes évoquent a priori un CFA antéro-supérieur. Ces
douleurs sont typiquement juste médiales ou légère-
ment latérales à l’épine iliaque antéro-supérieure.
La position assise prolongée, par exemple durant les
trajets en voiture, la montée des escaliers ou le fait de
croiser le membre inférieur atteint sur le membre infé-
rieur controlatéral peuvent être douloureux. Le conflit
supérieur est aussi fréquent et les patients se plaignent
de douleurs sur la face latérale de la hanche. Le conflit
postérieur est moins fréquent. Il se manifeste par des
douleurs dans la fesse autant diurnes que nocturnes
avec parfois des réveils nocturnes. Chez ces patients,
l’extension et la rotation externe en décubitus dorsal
engendrent le phénomène douloureux. Les patients
adoptent parfois une position de confort en dormant
avec des coussins sous les genoux. L’examen clinique
et l’imagerie peuvent être utiles en cas de suspicion de
CFA.
Examen clinique
L’examen clinique devrait inclure une analyse de la mar-
che, les mobilités, la palpation des points douloureux
ainsi que quelques tests spécifiques. Une mobilité dimi-
nuée indique un problème intra-articulaire le plus fré-
quemment la coxarthrose ou un conflit coxo-fémoral.
Tests spécifiques
Certains tests cliniques simples sont utiles pour exami-
ner la hanche.
Le test de conflit appelé dans la littérature anglo-
saxonne impingment test est utile pour démontrer
le CFA antéro-supérieur. Dans ce test, la hanche est
fléchie à 90° et on imprime une adduction ainsi qu’une
rotation interne. Cette combinaison de mouvements
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